La famille Oriol demande le remboursement d’un immense héritage aux Légionnaires du Christ

Mercredi 10 décembre 2014

La famille qui a aidé le père Maciel à s’introduire en Espagne se bat actuellement contre la congrégation religieuse pour récupérer une propriété familiale.

La famille Oriol, stratège de l’introduction en Espagne du fondateur des Légionnaires du Christ, le prêtre mexicain Marcial Maciel, se bat actuellement devant les tribunaux pour récupérer un immense héritage. Après avoir quitté la congrégation à cause des scandales d’abus sexuels sur mineurs perpétrés par le père Maciel, les quatre prêtres de la famille Oriol Muñoz – Juan Pedro, Santiago, Ignacio et Alfonso – maintiennent leur plainte, déposée en novembre 2012, afin d’annuler la donation d’une maison de campagne (Cerro del Coto). La résidence offerte autrefois par la puissante famille à la milice religieuse se trouve dans l’une des zones les plus chères de Madrid : Majadahonda. Malén Oriol, ancienne responsable internationale des consacrées (des religieuses qui ne portent pas d’habit), a aussi signé la plainte déposée devant les tribunaux, en compagnie de ses frères, d’après ce que le mouvement a reconnu au journal El Pais.

La propriété en cause s’étend sur un terrain de 9,7 hectares. Elle comprend une grande maison et des terrains de sport. Elle accueille le seul centre de formation en Europe du mouvement Regnum Christi, le bras laïque de l’ordre religieux, qui dirige 14 universités, 128 collèges et rassemble 30 000 laïcs dans une vingtaine de pays.

La famille Oriol a offert cette propriété à Maciel en deux phases (1979 et 1999). La congrégation admet avoir utilisé la maison pour garantir un prêt de six millions d’euros contracté en 2010 : l’année même où les membres de la famille sont sortis de la congrégation. Les légionnaires font valoir que ce prêt a été immédiatement investi dans des travaux qui ont permis de rénover et d’agrandir la maison. Une source proche de l’opération immobilière considère que cette hypothèque aurait été prise pour empêcher la restitution de ce bien estimé à sept millions d’euros. La famille Oriol n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Les cinq enfants (quatre frères et une soeur) issus du mariage d’Íñigo María de Oriol y Urquijo et de Magdalena Muñoz y Muguiro, (descendante du marquis de Salinas), sont entrés dans la congrégation au cours des années 80. Jusqu’à leur départ, ils occupaient des postes clés dans la hiérarchie de l’ordre mis en place par Maciel. Santiago dirigeait l’école Everest, à Madrid, la première école de la congrégation en Espagne. Malen dirigeait les femmes consacrées, réparties dans une vingtaine de pays. Après leur sortie, les membres de la famille ont mis en marche le processus pour récupérer leurs biens.

Leur requête de restitution de patrimoine a bousculé la Légion. L’ordre religieux reconnaît qu’il compte bien se battre devant les tribunaux pour conserver la propriété. Il soutient que le but religieux qui avait justifié la donation aux yeux de la famille Oriol reste inchangé. La maison accueille aujourd’hui une trentaine de femmes du Regnum Christi. « La congrégation a toujours respecté les intentions de ses bienfaiteurs », répond le mouvement aux questions que nous lui avons posé. La milice religieuse reproche à la famille d’avoir déposé sa plainte « sans chercher une négociation » avec le directeur territorial de l’époque, le père Jesús María Delgado. « Il n’y a eu qu’une simple approche » ajoutent-ils. Autre point problématique : la difficulté juridique d’annuler une donation. « Il est impossible de récupérer un héritage qui a été donné si une clause spéciale n’a pas été incluse », explique le doyen de la Chambre des notaires de Valence, César Belda.

Instigateurs de la compagnie de gaz Iberdrola et du train Talgo, la famille Oriol incarne l’exemple des grands propriétaires terriens espagnols. La fortune des cinq frères Oriol Muñoz dépasserait les 30 millions d’euros, selon le journaliste d’El Pais Jesus Rodriguez, auteur de La Confesión (Débat, 2011). De cet argent, la famille en aurait déjà donné 16 millions au mouvement de Maciel, sur trois décennies. A son patrimoine s’ajoute Los Peñones en Hornachuelos : un terrain, situé à Cordoue, de 957 hectares, d’une valeur de 14 millions d’euros, géré par la Fondation San Miguel. Il y a également les investissements immobiliers gérés par Javier Oriol, un autre frère de la famille Oriol qui n’est pas entré dans la Légion du Christ. Selon le livre de Rodriguez, en 2004, l’ordre religieux aurait orchestré une campagne de « forcing et rentre-dedans » pour contraindre la famille Oriol à donner tout le reste de sa fortune, estimé à 25 millions d’euros, au père Maciel. Cette donation aurait été empêchée quand on a découvert que le père Maciel (1920-2008) était un prédateur sexuel, qui abusait de ses séminaristes.

Dès son arrivée sur le sol espagnol en 1946, accompagné de 32 novices mexicains, le père Maciel s’était fixé l’objectif de recruter des membres néoconservateurs de l’oligarchie franquiste pour son mouvement. La famille Oriol est devenu un sauf-conduit qui a permis au fondateur d’accéder aux grandes fortunes espagnoles, selon toutes les sources que nous avons interrogées. Un témoignage recueilli dans La Confesión raconte comment Maciel se ventait de cette « victoire » : « La famille Oriol est ma meilleur prise. L’une des plus plus riches et plus puissantes d’Espagne… ».

Un empire ébranlé par la crise

« La congrégation aurait pu mourir. Mais nous avons survécu… ». Un porte-parole des Légionnaires du Christ en Espagne décrit ainsi la tourmente qui a frappé la congrégation après les révélations de scandales sexuels commis par le père Marcial Maciel Degollado. La communauté fondée par le prêtre pédophile et morphinomane, malgré l’optimisme de son porte-parole, a vu ses statistiques s’écrouler : depuis 2008, le nombre de religieux en formation est passé de 1081 à 693. L’année dernière, 29 des 954 prêtres ont quitté la congrégation, selon ses propres statistiques… des statistiques qui évoquent aussi l’existence d’une armée silencieuse de 30 000 laïques. En Espagne, la Légion du Christ dirige sept écoles (6674 élèves) ainsi que l’université Francisco de Vitoria (4774 étudiants). Son réseau éducatif est complété par 128 écoles réparties dans plusieurs pays : le Mexique (86), les États-Unis (9), le Chili (5) et l’Argentine (3). La congrégation possède également 14 universités et instituts d’enseignement supérieur : au Chili (1), au Mexique (9), en Italie (2) et aux Etats-Unis (1).

Source : El Pais

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