L’Arche fait la lumière sur la face cachée du P. Thomas Philippe : Poster un message

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Foi et recherche de la justice

Le vendredi 12 février 2016

Bonjour Christian

C’est très étrange que vous évoquiez le manque de prêtres pour qu’une jeune fille mineure se confie sur un double inceste. Je trouve cette réflexion surréaliste parce que je ne vois pas le rapport et comment une jeune fille mineure pourrait se confier sur ce genre d’horreur à un prêtre.

La religion est tellement dans le déni vis à vis de la sexualité, tellement dans l’imprécation, dans la condamnation aussi et d’autant plus vis à vis des femmes, qu’il est totalement impossible, à moins d’être profondément masochiste, pour une jeune fille mineure incestée de se confier à un prêtre sur cette question.

Et les femmes, les jeunes filles victimes d’inceste catholiques ont suffisamment été enfermées en couvent-prison ou internées psychiatriquement par le passé, simplement pour avoir dévoilé ces situations d’inceste à un tiers (qu’il soit prêtre, voisin, parenté proche, médecin) pour ne pouvoir faire confiance ni à l’Eglise ni souvent au corps médical pour accueillir leur parole sur la question.

Et puis l’Eglise cléricale montre encore à quel point elle a, elle aussi, abusé sexuellement d’enfants, d’ados. Le nombre d’affaires qui sortent chaque année, est juste terrifiant. Et montre un clergé qui a toujours utilisé la violence sexuelle dans une logique de domination absolue. Dans ce contexte, nous autres femmes savons donc pertinemment à quoi nous en tenir. Ce qui rend quasi impossible un dévoilement d’abus, de viols à des religieux, prêtres.

Le milieu médical est sorti un petit peu, mais pas tant que ça de cette logique de domination depuis l’ordonnance de 45, l’avènement de la psychiatrie institutionnelle, mais aussi des lois sur le viol, les abus sexuels et récemment sur l’inceste. Ce qui a permis aux filles et femmes incestées de pouvoir dévoiler des abus, des violences intrafamiliales, des viols. Mais je dois vous dire que le personnel médical est encore à former sur ces questions.

Je m’en suis rendue compte quand il m’a fallu accoucher et préparer l’accouchement avec l’équipe médicale. Du fait des violences sexuelles subies durant autant d’années, l’accouchement par voie basse me paraissait inenvisageable et profondément traumatique. Mais pour que l’équipe accepte que je fasse une césarienne sous anesthésie générale, il a fallu que je les forme sur ce qu’est la tokophobie primaire, liée à des violences sexuelles. Heureusement, depuis quelques années, est sorti un très bon bouquin sur la question, édité par l’AIVI, l’association internationale des victimes d’inceste. Mais relativement peu d’hôpitaux, de maternités, de gynécos, ont reçu cette formation et cette documentation. Il faut donc souvent que les femmes victimes fassent la démarche d’informer et d’éduquer le personnel médical sur ces questions. Et c’est ce que j’ai fait auprès de l’équipe qui m’a accouchée. Ce qui est dingue puisque logiquement, ce n’était pas à moi de le faire mais aux médecins à se former.

Je n’ai pu faire cette démarche pédagogique que parce que j’avais suffisamment traité et dépassé ma problématique et que je n’étais plus dans le déni vis à vis de ma souffrance. Parce que je me respectais suffisamment pour demander assistance et respect vis à vis de mes traumas. Mais énormément de femmes qui ont le même vécu, sont incapables de pouvoir verbaliser tout ça. Même 20 ans après les viols, les abus. Ce qui fait que confrontées à la situation d’accoucher, comme la visite chez le gynéco, elles rajoutent par leur silence, un traumatisme au trauma originel via les touchers vaginaux, l’accouchement par voie basse, les frottis.

Et comme il n’y a pas encore vraiment de volonté politique médicale de formation sur ces situations, forcément, des femmes qui ont vécu des incestes, des viols, se sentent encore agressées par le milieu médical.

Et c’est grave ! Ca montre un vrai déni vis à vis des victimes, vis à vis de ces souffrances, de ces traumas. Et c’est là qu’on voit bien encore la difficulté de faire prendre en compte ces violences.

Les psys ont moins de prévention vis à vis de ces questions. Et ont mis en place depuis quelques années des prises en charge avec des thérapies analytiques et curatives ainsi qu’un accompagnement en milieu ouvert CMP ou à la demande en milieu hospitalier et en milieu judiciaire (victimologie attachée à certains tribunaux). Mais ça reste quelque chose de très récent.

Mais ce qui a permis un dévoilement des violences sexuelles au moins à des psys, des assistants sociaux, parfois à des éducateurs, des policiers, se sont davantage l’avènement des droits de l’enfant, les lois sur le viol, puis sur l’inceste, l’avènement des associations de victimes, des numéros verts anonymes pour dénoncer ces situations criminelles, qu’une métamorphose réelle du monde médical et religieux. L’approche des femmes, des ados autour de la sexualité, reste donc très compliquée.

Et lorsqu’il s’agit de violences conjugales, intrafamiliales, si aujourd’hui il y a obligation de dénoncer ces situations à la police, aux instances sociales, quand il s’agit d’une situation criminelle se produisant dans un milieu bourgeois, le silence, le compromis est encore de mise. Et la culpabilisation de la victime bien présente.

Je l’ai constaté quand j’ai fait le kit de viol en milieu hospitalier après le viol paternel. A l’époque, les droits de l’enfant n’existaient pas. Et l’on commençait tout juste à prendre en compte la parole de l’enfant sur des affaires d’inceste, de violences. Il n’y avait que très peu de plaintes et quasi aucun procès. Généralement ce qui se passait, c’était après constat des violences :

  • soit l’enfant était retiré de sa famille pour être placé en famille d’accueil ou en établissement ouvert éducatif (familles pauvres, modestes).
  • soit un membre de la famille de l’enfant le prenait en charge jusqu’à sa majorité avec interdiction que l’enfant voie ses parents abuseurs (familles aisées à riches).

J’ai connu le second cas avec une émancipation préalable du fait de mon âge au moment de la dénonciation des crimes. Mais le discours qui m’a été tenu était un discours de culpabilisation eu égard à la carrière publique de mon père. Il semblait vital à l’époque et je pense que ça n’a pas fondamentalement changé aujourd’hui, que les violeurs, abuseurs les plus en vue socialement, ayant des responsabilités importantes professionnelles, ne soient pas inquiétés par la justice. Même si les faits criminels étaient avérés. Si je prends les pressions exercées sur Laurent de Villiers par sa famille, l’entourage, suite aux viols et abus commis sur lui par son frère Olivier, c’est du même tonneau. C’est : tais-toi, oublie et pardonne !

Et c’est aussi le discours majoritaire de l’Eglise qui a prévalu très très longtemps vis à vis des violences sexuelles sur mineurs. Sans compter la culpabilisation des victimes mineures par l’enfermement et la purification des victimes d’incestes dans les couvents-prisons, bagnes religieux où parfois, d’autres violences sexuelles s’exerçaient ainsi que diverses humiliations.

Et c’est le discours qui prévaut encore dans pas mal de communautés religieuses, avec dissimulation, pressions sur les victimes, négation totale des crimes. Ou mieux, dans le cadre des pseudos retraites de guérison psycho spirituelles du Renouveau Charismatique, instrumentalisation des traumas sexuels des victimes ou carrément, invention par faux souvenirs induits de traumas n’ayant jamais eu lieu.

Ce n’est donc pas un problème de manque de prêtres, mais un problème d’approche religieuse vis à vis de la sexualité et vis à vis des victimes d’abus, de viols par l’Eglise mais aussi par la société toute entière.

Oui, je parle vrai et je dis clairement les choses parce que justement, sur ces questions qui sont présentes au plan des abus, des violences dans les communautés déviantes catholiques tant sur les enfants que les adultes, il faut éduquer, informer.Trop de silence a prévalu jusqu’à présent sur ces question dans l’Eglise catholique et il est temps que ce silence soit brisé. Que les choses soient dites, les crimes punis au pénal et en correctionnelle.

Il est abominable que sous prétexte qu’il s’agit de prêtres, de moines, de religieuses, d’évêques, de cardinaux, de fondateurs de communautés, les crimes sexuels commis par ces hommes et femmes restent impunis. Et pire, que la direction vaticane protège et déplace ces criminels pour les soustraire à la justice, ce qu’elle a fait depuis toujours et qui est totalement inacceptable et criminel.

Tout comme il est écœurant de cacher aux catholiques que diverses congrégations religieuses ont abusé, violé, utilisé comme des bêtes de somme, vendu des enfants dans le cadre d’établissements religieux pénitentiaires entre le 19e siècle et la fin du 20e siècle.

Tant qu’à parler de ces questions, autant les aborder au plan historique. Et ne plus laisser le silence, le déni sur ce pan sombre de l’histoire de l’Eglise.

Il y aura bien sûr toujours des opposants à ce dévoilement, à ce travail d’information et d’éducation au sein du catholicisme.

Aletheia se situe clairement dans cette opposition. Parce qu’il sent bien évidemment que ces révélations font vaciller le pouvoir institutionnel clérical, montrent que ces crimes ne sont pas des faits isolés mais récurrents au sein d’un système où il s’agit plus de domination des individus (physique, psychologique, sexuelle), que d’élévation spirituelle. Ne pouvant envisager que l’institution soit ainsi mise en cause, que la communauté où il a passé du temps, soit jugée pour crimes sexuels via différents membres, il fait tout ce qu’il peut pour délégitimer la parole des intervenants qui dénoncent les crimes. Mais ce parti pris fort compréhensible au demeurant, est voué à l’échec.

D’une part, parce que toujours plus de crimes sexuels sont révélés à St Jean et au sein de l’institution cléricale catholique romaine.

Et d’autre part, parce que la société humaine mondiale aujourd’hui refuse massivement l’impunité vis à vis des crimes sexuels, quels que soient leurs auteurs.

Le Vatican et le clergé catholique dans son ensemble, ainsi que les communautés religieuses, si elles prétendent perdurer, devront donc dénoncer ces crimes et les punir. Au risque d’être poursuivis au plan pénal et international à très court terme. L’ONU a déjà fait entendre cela à plusieurs reprises tant à B16 qu’à F1. Plus les années passent, plus la pression internationale sur ces questions s’accentue.

Cordialement

Françoise

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