« Si ton frère a commis une faute, va le trouver seul à seul et reprends-le. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, afin que l’affaire soit réglée par deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté… ». Matthieu 18 (15-17) sur la correction fraternelle.
Lorsque j’ai reçu l’appel à tout quitter pour suivre Jésus, j’étais très attirée par beaucoup d’aspects de la famille monastique de Bethléem : la liturgie, la présence de la Vierge Marie, la bonté des sœurs, les lieux retirés où sont implantés les monastères, l’artisanat, leur habit, leurs repas… Mais je n’étais pas attirée par la solitude, j’avais peur de Saint Bruno, le patron des Chartreux dont la communauté se réclame.
Lors d’une brève rencontre avec sœur Marie, la fondatrice, j’ai exposé mes attirances et ma peur. Voici la réponse qu’elle m’a faite : « Si tu n’aimes pas St Bruno, c’est ennuyeux… Puis elle réfléchit quelques secondes et me dit : Si tu aimes la Vierge Marie, la Vierge Marie aime la solitude et aime Saint Bruno, donc elle te fera aimer la solitude de Saint Bruno. Je ne suis pas inquiète. Tu peux rentrer. J’ai confiance »
J’avais beaucoup de mal avec ma prieure aux Monts Voirons, sœur X. A la fois trop sévère et trop affective, elle me mettait très mal à l’aise dans ses attitudes. Elle me rendait dépendante de son regard, de son appréciation. Elle obnubilait mes pensées si bien que, chaque jour, je me demandais comment plaire à ma prieure au lieu de chercher à aimer le Seigneur. Cela me perturbait beaucoup car j’étais rentrée pour être l’épouse de Jésus, dans le vœu de chasteté, et non pour être dépendante affectivement de ma prieure que je redoutais par ailleurs, car elle pouvait être très blessante.
Nous avions des bénédictions avec sœur X chaque jour avant les Vêpres, une mini rencontre avec elle, et pendant la liturgie qui suivait, il y avait systématiquement une ou deux sœurs qui pleuraient, à tour de rôle. Cela entraînait des comportements de « lèche-bottes » pour recevoir le regard bienveillant de la prieure, faire partie de ses chouchoutes et accéder à une certaine paix. Nous étions infantilisées.
Mon sommeil était fragilisé du fait d’un accident de voiture que j’avais eu deux ans avant d’entrer à Bethléem, mais il s’est nettement amélioré à partir du moment où j’avais reçu ma vocation. Les six mois qui ont précédé mon entrée au monastère, je dormais bien, mais les insomnies sont vite revenues au bout d’un mois d’école de vie aux Monts Voirons. Pour moi, c’était peut-être le signe que je n’étais pas à ma place, et j’ai demandé si je pouvais faire une retraite en dehors du monastère, pour y voir clair, avant de m’engager à prendre l’habit. Cela m’a été refusé. En revanche, sœur X m’a parlé d’une grand-mère qui vivait à Nazareth et avait chaque jour des apparitions de la Vierge Marie. Sœur Marie devait interroger cette dame pour savoir si elle avait des explications de la Vierge Marie sur mes insomnies. J’attendais une réponse de cette voyante. Sœur X, à qui je le demandais depuis plusieurs mois, a fini par me dire qu’il n’y avait pas de réponse et que cela ne devait donc pas être important.
En conséquence, la vie a continué et j’ai pris l’habit. J’avais toujours du mal avec la solitude, la vie en ermitage, et ma santé se dégradait. Je passais une nuit blanche sur deux, et parfois plusieurs nuits blanches de suite. Cela ne m’a pas empêchée de faire ma première profession en 1999, d’étudier la théologie et le grec, de travailler, jusqu’au jour où, en 2001, j’ai perdu totalement le sommeil pendant un mois. Je venais de vivre un an en solitude, en ermitage, et ma nouvelle prieure me demandait de passer une deuxième année en solitude pour approfondir la première année qui s’était bien passée.
Je n’arrivais pas à assumer une deuxième année de solitude, d’immobilité en cellule, mon corps était très tendu, et au bout d’un mois de nuits blanches, j’ai commencé à perdre la mémoire et ma capacité de concentration. Je ne pouvais plus du tout étudier. J’ai exprimé à la sœur qui m’accompagnait mon désir de quitter le monastère pour tenter de retrouver un équilibre et une meilleure santé, mais elle m’a répondu que la prieure allait m’affecter à l’accueil pour que je souffre moins de solitude. J’étais clairement en dépression nerveuse pour la première fois de ma vie, mais je n’ai reçu aucun médicament antidépresseur. Les sœurs étaient sûres que j’allais m’en sortir sans médicament. Ma mémoire et ma capacité de concentration ne sont jamais vraiment revenues depuis.
Avec le recul du temps, je peux souligner qu’il y a eu non-assistance à personne en danger pendant plusieurs années. C’est donc pour des sœurs qui vont mal ou ont des problèmes de santé que j’apporte mon témoignage. Bethléem garde les canards boiteux en leur disant que le Seigneur envoie souvent de grandes épreuves à ceux qui lui sont consacrés.
Personnellement, j’étais encouragée à offrir mon corps en hostie vivante sans que l’on m’aide à réfléchir sur les raisons de ces mystérieux problèmes de santé. « Le psychisme, c’est comme une forêt vierge, si tu y rentres, tu ne pourras jamais en sortir. Le démon entre par la porte de l’imaginaire, de la mémoire et de l’affectivité. Il ne faut prêter aucune attention à cette zone intermédiaire. Seule la vie spirituelle et le corps peuvent encercler le psychisme pour le faire taire. »
Ma prieure m’avait déjà proposé d’écrire tous les souvenirs que j’avais depuis mon enfance, puis elle les avait lus et nous les avions brûlés, pour que je reçoive le mental vierge de la Vierge Marie, et que je reparte de zéro, avec seulement l’Évangile dans la tête.
Toujours est-il que je continuais à exprimer que je souhaitais partir, et mon « ange » m’a demandé d’écrire plusieurs fois par an à sœur Isabelle, la prieure générale, pour qu’elle me connaisse et puisse donner son discernement à mon égard. Je l’ai donc fait, très régulièrement. Au printemps de l’année 2003, mon nouvel « ange » m’a demandé de faire une retraite d’un mois en solitude, en gardant la cellule, et en marchant le moins possible : vingt minutes par jour, pas plus.
Au bout d’une semaine, à force d’immobilité en cellule, j’étais très tendue et ne dormais plus du tout. Elle m’a dit : « cela n’a pas d’importance si tu vas avoir un mois de nuits blanches, il faut que tu te prépares à ta profession perpétuelle, que tu t’entraînes à obéir jusqu’à la mort, jusqu’à l’extrême. Et après ce mois de retraite, tu reprendras ton travail à l’accueil et retrouveras un certain équilibre. »
J’ai donc eu à nouveau un mois de nuits blanches et ma santé s’est à nouveau aggravée. Je n’avais toujours pas d’antidépresseur. Comme je n’en avais jamais pris, je continuais à faire confiance aux sœurs, qui me disaient : « les antidépresseurs ne sont jamais une solution. »
En juillet 2003, j’ai pu avoir un entretien avec le bras droit de sœur Isabelle et lui ai clairement exposé mon désir de partir. Elle m’a répondu : « Cette pensée vient du démon. Tu es dans la famille monastique de l’Assomption de la Vierge, lorsqu’on vit dans le mystère de l’Assomption de la Vierge, on est toujours dans la joie. Si tu es triste, c’est parce que tu ne vis pas assez dans le charisme de l’Assomption. Tu n’auras pas d’antidépresseur. Ton médicament, c’est le Nom de Jésus, c’est le Rosaire, à chaque fois que tu es angoissée, tu respires le Nom de Jésus et cela seul va te guérir et te faire dormir. »
Puis elle ajoute : « Tu dois être plus rayonnante avec le nom que tu portes ! Tu es un mauvais exemple pour les sœurs de la communauté, notamment les plus jeunes, et ton problème sera résolu si tu t’oublies dans le cœur de la Vierge Marie, qui est au Ciel, dans l’intimité des trois Personnes Divines. Là seulement se trouve la joie profonde, qui n’a rien à voir avec la joie sensible. »
Pour m’aider à m’épanouir, on m’a alors confié plus de responsabilités : le chant de la communauté, les animations pour les enfants des laïcs de Bethléem, et l’accueil. J’accompagnais parfois des jeunes filles qui venaient faire une brève retraite au monastère. Une ou deux fois, j’ai dit à une retraitante récemment convertie qui ne me semblait pas du tout apte au charisme si particulier et austère de Bethléem, d’aller quand même voir ailleurs dans l’Église ce qui existait, avant de se précipiter au désert dans une vie de silence et de solitude radicale.
Ma responsable m’a fait alors cette observation : « La Vierge Marie nous envoie des filles, et toi, tu les envoies ailleurs ! As-tu conscience que c’est La Vierge Marie elle-même qui nous les envoie au désert ? Si tu leur dis encore une autre fois d’aller faire une retraite de discernement ailleurs, tu seras retirée de ta charge d’accueil. »
Elle appliquait une parole de Sœur Marie qui nous avait dit au début d’un mois évangélique : « lors de l’année mariale, la Vierge a été formidable ! 50 filles sont venues faire le mois évangélique et les 50 sont rentrées ! »
En 2003, lors d’un de mes passages à Paris, ma mère a demandé si elle pouvait venir me visiter place Victor Hugo, et cela a été accepté. Cependant, j’avais reçu cette consigne, lors d’une bénédiction comme toujours, juste avant d’aller retrouver ma famille : « Ne parle pas de toi-même, ni de ta santé. Tu vas bien, car cela ne sert à rien d’inquiéter ta famille, et la communauté se charge de ta santé. Ne sois pas centrée sur toi, mais sur ta maman. »
Dans la réalité, la communauté ne se chargeait pas de ma santé. Étant depuis deux ans en dépression, désirant quitter cette communauté sans être entendue dans ma demande, j’ai décidé, malgré les consignes fermes de sœur Y, la Prieure de Paris, de désobéir, cette fois-ci.
Maman me demande : « Comment vas-tu ? »
Je réponds : « Je vais mal ».
Maman est interloquée car jamais je n’ai dit que j’allais mal. Elle me demande depuis quand je vais mal.
Je réponds : « Depuis deux ans. »
Maman était affolée d’apprendre que mon état de santé s’était fortement dégradé depuis deux ans et que les sœurs ne m’avaient pas soignée comme il convenait. Elle m’a promis qu’elle m’aiderait.
A la bénédiction avant les Vêpres, la prieure de Paris me demanda si j’avais réussi à garder le silence sur moi-même. Je lui ai dit que non. Elle était très contrariée. Elle a parlé à ma mère pour la rassurer et lui dire que les sœurs s’occupaient de ma santé, et allaient s’en occuper encore plus.
Ma mère a décidé de revenir me voir cette fois-ci aux Monts Voirons, début septembre 2003, à l’occasion des vœux d’une de mes amies, qui était rentrée peu de temps après moi, pour vérifier que les sœurs m’avaient bien emmenée chez un psychiatre.
J’ai pu lui faire savoir que rien n’avait été pris en charge, et comme elle était furieuse de me voir encore dégradée, l’assistante de Sœur Isabelle qui était là lui a dit : « Nous avons été très prises depuis 6 semaines par l’organisation et le déroulement du mois évangélique, nous n’avons pas pu l’emmener chez le médecin, mais maintenant nous allons pouvoir nous occuper de votre fille. »
Maman me demandait où elle devait me préparer une place pour revenir « dans le monde », et je lui disais de contacter l’Arche de Jean Vanier, car c’était le seul endroit, en tant qu’handicapée mentale, qui pourrait peut-être me recevoir et me soigner. J’espérais en rentrant à l’Arche échapper à l’hôpital psychiatrique. Ma mère n’avait pas confiance dans les sœurs et s’inquiétait de plus en plus.
Connaissant très bien l’évêque qui avait reçu mes vœux, Mgr Brincard, elle l’a contacté, en lui demandant de venir me voir de toute urgence aux Monts Voirons. Il a donc programmé une visite au monastère une semaine plus tard, a rencontré la communauté et a insisté pour me voir seule, personnellement.
Après m’avoir posé quelques questions, il s’est vite aperçu que je n’étais pas à ma place dans cette vocation de silence et de solitude et que j’étais en dépression profonde. Il m’a dit que je pouvais partir dès que j’irai mieux, même si je n’étais pas à la fin de mes vœux simples. Il m’a bénie et demandé de lui donner des nouvelles ; il a sommé les sœurs de me soigner et de « prendre la mesure du problème ».
Peu de temps après, je reçois une nouvelle affectation : je vais rejoindre le monastère de Currière en Chartreuse, où se trouvent beaucoup de sœur malades, et l’on va pouvoir me soigner.
En arrivant à Currière, le monastère et les paysages étaient tellement marqués par le charisme cartusien que j’ai eu envie de partir tout de suite. Ma nouvelle prieure, soeur Z, me reçoit régulièrement et je lui fais part de mon désir de partir. Elle me répond : « C’est le démon qui t’éprouve dans la fidélité à ta vocation. Tu es disciple de St Bruno. »
J’étais responsable de l’accueil et des chants de la communauté. Après avoir enfin reçu un traitement antidépresseur, mon sommeil s’était amélioré. Cependant, en voyant les sœurs malades qui vivaient très seules leurs épreuves, en voyant les sœurs âgées qui me semblaient très seules également, j’aurais aimé qu’elles soient plus entourées, car certaines semblaient vraiment souffrir. Je l’ai exprimé à ma prieure. Elle m’a répondu : « Elles ne sont pas seules, le Ciel tout entier est dans leur cellule, elles ont les saints et les anges pour compagnie. »
Cette fois-ci, ma décision est ferme et je demande un entretien avec la prieure générale. Je veux partir, je ne veux pas me préparer à mes vœux perpétuels.
J’ai dû attendre encore deux ans avant d’obtenir un rendez-vous avec la prieure générale qui passait pourtant plusieurs fois par an, tout près de là où je me trouvais. Voici ce qu’une responsable m’a alors dit : « Sœur Isabelle n’a pas le temps de te voir ; elle s’occupe des filles qui veulent rentrer, et il y en a beaucoup, elle n’a pas le temps pour les sœurs en crise qui veulent sortir ! »
En septembre 2004, mes premiers vœux expiraient. J’étais donc encore plus libre de partir mais mes responsables m’ont dit : « Tu ne peux pas partir car tu ne vas pas assez bien. Tu ne peux pas rester à Bethléem si tu ne prolonges pas tes vœux. Comme tu n’es pas encore prête pour faire tes vœux perpétuels, tu vas refaire des vœux pour un an. »
J’ai refait des vœux pour un an en pleurant, en étant déçue de ne pas avoir pu rencontrer sœur Isabelle. Au printemps suivant, un ami prêtre est venu me visiter, sur les conseils de ma mère. Il a insisté pour me voir et j’ai pu le rencontrer dix minutes. Il m’a interrogée : « Qu’est-ce qui te rend malheureuse, qu’est-ce qui te fait le plus souffrir ? » J’ai répondu : « Le silence et la solitude. » Il a conclu : « Ce qui te rend malheureuse, c’est le charisme de Bethléem ! Il n’y a peut-être pas d’autre lieu sur terre où il y ait plus de silence et de solitude à part en Chartreuse ! Si tu quittes le monastère, tu seras forcément plus heureuse ailleurs, où que tu ailles dans le monde. »
J’ai redemandé à partir, et on m’a répondu que j’avais une place à Bethléem, qu’on avait besoin de sœurs d’accueil. Comme je voulais absolument voir Sœur Isabelle, on m’a envoyée aux Monts Voirons où se déroulait le mois évangélique de mi-juillet à mi-Août 2005, afin qu’elle puisse me recevoir. Je la croisais quotidiennement mais je n’étais cependant jamais convoquée.
J’ai dû repartir à Currière en Chartreuse quelques jours après la fin de la retraite, sans l’avoir vue. J’étais en colère.
On m’a dit que je resterais à Currière tant que je n’aurais pas vu Sœur Isabelle, et qu’elle allait passer dans les prochaines semaines. Elle est passée et je ne l’ai pas rencontrée. J’ai donc demandé à aller la voir au monastère du Saint Désert, où elle se trouvait avant de repartir en Terre Sainte. Une sœur m’a emmenée en voiture et j’ai attendu plusieurs heures.
J’étais la dernière sur la liste à pouvoir être reçue. L’assistante de Sœur Isabelle commençait à s’énerver car, à cause de moi, elles allaient toutes les deux rater leur avion. Je n’avais donc que deux minutes pour parler à ma prieure générale. Elle avait l’air très tendue.
Elle m’a demandé : « Quel est ton problème ? »
Je lui ai répondu : « Le charisme de Bethléem : le silence et la solitude. »
Elle m’a dit : « Je ne le savais pas. »
Je lui ai dit : « Cela fait quatre ans que je vous écris des lettres. »
Elle me répond : « Je ne les ai pas reçues. »
Mes lettres étaient-elles filtrées et interceptées par son assistante ? Les avait-elle reçues et ne voulait-elle pas me le dire ?
Elle conclut : « Tu peux partir, …. et si tu veux revenir, tu auras toujours ta place à Bethléem. On a besoin de toi à l’accueil. »
Je réponds : « Merci beaucoup, mais c’est sûr que je ne reviendrai jamais. C’est une question de vie ou de mort ! »
Il m’a donc fallu attendre quatre ans pour partir de Bethléem. Après douze ans de vie au monastère, j’ai demandé si je pouvais embrasser mes sœurs. Cela m’a été accordé à condition que je le fasse en silence. Cependant, les responsables ont dit à la communauté que sœur Isabelle me confiait une mission. Les sœurs ont donc pensé que j’étais envoyée dans un autre monastère. Quand je suis partie, on m’a demandé de ne pas du tout parler de Bethléem, car « personne dans le monde ne peut comprendre les trésors que tu as reçus. Garde-les pour toi ! »
Plus tard, j’ai voulu faire connaître Bethléem à mon mari, mais j’ai reçu l’information que j’étais « persona non grata » dans l’église ancienne de St Honoré d’Eylau : Je ne devais pas montrer le mauvais exemple aux sœurs ou aux laïcs qui me connaissaient, notamment aux enfants des laïcs de Bethléem. J’ai reçu aussi l’information de ne pas passer aux Monts Voirons, pour qu’aucune sœur ne risque de me croiser et de me reconnaître, car cela les perturberait. Et pourtant, je n’avais même pas fait de vœux perpétuels ! En quoi étais-je infidèle ?
J’ai gardé de bons liens avec quelques sœurs de Bethléem. Comme je l’ai déjà dit, une bonne amie y était rentrée peu de temps après moi. Sachant qu’en 2008 elle n’avait pas encore fait ses vœux perpétuels, et ayant entendu qu’elle avait des « combats intérieurs », je suis allée lui rendre visite avec mon mari en Terre sainte. Je n’ai pu lui parler qu’en présence de l’assistante de Sœur Isabelle, et n’ai donc pas pu avoir de dialogue vrai avec elle. Une de mes amies qui n’a jamais eu de vie religieuse, a fait la même démarche que moi, suivie du même résultat. Cela l’a beaucoup affectée de rencontrer cette sœur en présence de l’assistante de Sœur Isabelle.
A ma sortie du monastère, j’ai eu de grandes difficultés pour reprendre des études. J’avais un bac + 5 à mon entrée à Bethléem. Douze ans après, le manque de soins pendant deux ans, lorsque j’ai fait une dépression au monastère, m’a été fatal pour ma mémoire et ma capacité de concentration. Malgré tout, j’ai trouvé du travail dans les services à la personne, pour subvenir à mes besoins.
Lorsque mon amie sœur A est devenue prieure, après avoir fait ses vœux perpétuels, je lui ai rendu visite. Elle m’a expliqué qu’il y avait beaucoup de choses à changer dans son nouveau monastère, car « ce n’était pas la vie de la Vierge Marie. » Elle disait n’avoir trouvé personne pour constituer une triade avec elle (mode de gouvernement propre à Bethléem), car « ce n’était pas la vie de la Vierge dans ce monastère et que le fonctionnement y était trop humain ». Je lui ai alors demandé qui l’aidait à mettre en pratique le gouvernement de la Vierge Marie qu’elle avait expérimenté à Beit Gemal, et elle m’a répondu : « C’est l’assistante de sœur Isabelle ». Or j’avais entendu dire que des sœurs étaient actuellement en souffrance dans ce monastère.
Je voudrais conclure en citant des paroles de sœur Marie et de l’assistante de sœur Isabelle, parmi beaucoup d’autres, qui ne me semblent pas justes.
Sœur Marie : « Certains disent que nous sommes une secte. Oui, nous sommes la secte des Fols en Christ ! » Et aussi : « Il y a des secrets de famille ! Vous n’êtes pas des contemplatives, si vous ne savez pas garder des secrets. »
Et lorsque nous avons fêté l’anniversaire des 50 ans de l’assistante de sœur Isabelle, nous lui avons demandé : « Raconte-nous quelque chose de ta vie. » Elle a répondu : « Il n’y a rien à dire, rien à signaler ; ce qui est important, c’est la vie avec la Vierge Marie ! »
Aline (aujourd’hui mariée et mère de deux enfants… et enfin heureuse !)