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Bethléem : retour aux fondamentaux

Le vendredi 9 janvier 2015

Dans la réaction que j’ai proposée aux lecteurs en décembre, j’ai renvoyé à des références mariales excessives et clairement manipulatrices, qui ressortaient des témoignages ou dossiers que j’ai pu lire, à commencer bien sûr par celui de Fabio : il est clair que cette théologie mariale que j’estime dévoyée n’est pas l’apanage de la congrégation de Bethléem, comme le fait remarquer Georges. Elle y est seulement sans doute plus marquée qu’ailleurs comme le rappelle l’Anonyme.

J’évoquais ce thème marial à titre d’exemple, mais j’aurais pu en proposer d’autres que plusieurs témoignages, pas tous publiés sur l’envers du décor, évoquent de manière convergente et qui, là encore, ne sont pas propres à la congrégation de Bethléem. Je vais en présenter trois, toujours dans l’idée de revenir aux fondamentaux.

1. Il m’a été confié tout récemment que, dans certaines communautés, les sœurs étaient tenues de se confesser tous les samedis, et surtout qu’il était d’usage de venir le leur rappeler en frappant à leur porte… Cet exemple, que je n’ai aucune raison a priori de mettre en doute, et quelques autres, je pense au « cahier de transparence », me semblent typiques de la confusion, hélas classique et fort répandue, entre « for interne » et « for externe », entendez ce qui relève de la conscience personnelle et ce qui relève de la vie externe et objective. Dans ma tradition dominicaine, les supérieurs n’ont pas accès au for interne, qui n’est confié qu’au seul confesseur, dans une démarche sacramentelle : et c’est heureux, cela évite bien des manipulations. Dans les communautés que l’on continue de dire « nouvelles », la confusion a été ou est encore soigneusement entretenue. Même si je connais peu la place du père Abbé dans la tradition cartusienne, j’ai du mal à imaginer que celle-ci puisse vivre les choses autrement, sans au moins avoir institué des garde-fous.

Qu’on me comprenne bien : en tant que prêtre quelque peu aguerri, je suis très favorable au sacrement de réconciliation auquel je ne trouve que des bénéfices, mais je ne comprends pas que l’on puisse l’imposer à qui que ce soit par quelque pression que ce soit. Et encore moins que, loin de tout sacrement, sans être aucunement tenus au secret, des supérieurs se permettent de plonger dans les profondeurs de l’âme de leurs ouailles.

2. Un autre point qui me « chiffonne » à la lecture des témoignages est la place laissée, ou refusée plutôt, à la nature. Un vieil axiome de la théologie classique affirme que « la grâce ne supprime pas la nature, mais la suppose et la perfectionne ». Or, de multiples témoignages attestent que cette nature n’est pas seulement brimée, dans le jeûne, la veille et autres pratiques, ce qui pourrait encore se comprendre dans la mesure du moins où l’excès n’y a pas de place, mais en fait niée : or, si je vais au bout de l’axiome que je viens de rappeler, il faut dire que sans cette nature, la grâce n’a plus de place où se poser… Qu’il faille transformer cette nature, c’est évident, mais à vouloir le faire trop vite et sans mesure, et pire encore « à la force du poignet » comme il semble que ce soit aussi le cas d’après certains témoignages (je pense ici en particulier à tout ce qui s’est écrit au sujet des soins ou de la nourriture), alors on court à l’échec et et à l’anéantissement des personnes qui n’auront plus que la sublimation pour survivre. Jusqu’au jour où elles rencontreront cet autre axiome, qui pour n’être pas théologique n’en est pas moins pertinent : « chassez le naturel, il revient au galop ».

Cette mauvaise compréhension de la nature humaine, si elle est avérée comme il le semble, est à mes yeux d’autant plus surprenante que la tradition de Bethléem prétend trouver une partie de ses sources dans le monde oriental où la Transfiguration tient une place éminente : ce mystère nous dit ce qu’est le Christ et ce à quoi il nous appelle, mais dans une perspective eschatologique. En redescendant de la montagne, « les disciples ne virent plus rien, que Jésus seul » (Mt 17,8) : c’est au bas de la montagne que nous vivons, et pour l’heure, nous devons patiemment, en tenant le plus grand compte de ce qu’est chacun, de ses avancées comme de ses retours en arrière, en bref de sa nature, transfigurer nos vies.

3. Ce qui me conduit pour terminer à évoquer un troisième point, peut-être moins secondaire qu’il ne paraît, en tout cas une fois de plus commun à plusieurs communautés : le recours à des usages dont on ne prend que l’enveloppe extérieure, sans tenir compte de leur enracinement. Il existe deux manières de faire cela.

La première consiste à emprunter à des traditions « extérieures », par exemple au monde byzantin, au monde juif, au monde copte, en particulier mais pas seulement au plan liturgique, sans se rendre compte, ou sans vouloir se rendre compte, que ces traditions particulières reposent sur des usages centenaires, et parfois millénaires, sur une histoire propre, un environnement que l’on délaisse. Pour le dire en une phrase, on prend le fruit mais on n’en garde que l’enveloppe, et le vrai suc échappe. A une époque où je les fréquentais assidûment, mes amis orthodoxes n’ont cessé de s’en affliger, pour nous catholiques plus que pour eux.

La deuxième manière, qui revient finalement au même, consiste à pêcher dans sa propre tradition religieuse, celle des Pères (du Désert, de l’Église, de l’époque médiévale etc.) par exemple, et à reprendre leurs usages tels quels sans tenir aucun compte de l’histoire, de l’environnement, du passage du temps etc. On « fait de l’ancien » au lieu de travailler à son appropriation et à son actualisation…

Voilà. Que l’on me pardonne, j’ai été encore une fois beaucoup trop long. Mais les fondamentaux ne sont pas seulement ceux qui ont trait à la Vierge Marie, et il me semblait important de le rappeler.

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