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Pédophilie, une épine au flanc du Pape François ?

Le samedi 21 mai 2016

Bonjour Eglantine,

Pour répondre à votre question, je pourrais dire que oui dans un certain sens et non dans un autre.

  • Ca n’a pas changé mes objectifs professionnels ni d’études. J’ai toujours su ce que je voulais faire dans la vie et je me suis toujours prise en main pour atteindre mes objectifs. Même si ce fut dur puisque pas aidée du tout par les parents, une santé à l’époque pas géniale (mon EMI fut liée à une aggravation de ma maladie chronique, à l’époque invalidante). J’ai cumulé petits boulots et études et vécu pas mal de galères santé, financières, matérielles, amoureuses aussi. Mais ce fut moins dur que les horreurs vécues dans ma famille, rétrospectivement. J’avais un but dont je ne me suis pas détournée, malgré les difficultés. Même si je vis modestement de mon travail, je suis heureuse de faire ce que je fais. Je me sens à ma place. Je suis aussi parvenue à une relation amoureuse et conjugale stable. Une gageure étant donné les traumas. Et j’ai traité, surmonté aussi mes traumas pour pouvoir fonder une famille. C’était mon rêve mais compte-tenu de ma précarité pro, de mes petits revenus, des revenus modestes de mon conjoint, de mes traumas, c’était pas évident que j’arrive à accomplir ça. J’y suis parvenue et je vis ça de façon très heureuse, alors que j’avais peur de ne pas en être capable.
  • Cette expérience de EMI aurait pu me faire tomber dans les griffes des Béatitudes quelques années après (quand j’étais encore dans l’euphorie de l’expérience), mais n’ayant plus sou vaillant de par ma rupture familiale, j’étais pas le bon pigeon et j’ai vite réalisé que les communautaires étaient plus désemparés que moi dans leur propre vie, ne réalisaient même pas certains abus, donc j’ai pris rapidement mes distances et bien m’en a pris vus les scandales et crimes.
  • Cette EMI ne m’a pas empêché de vivre des choses dures à très dures après. Mais par contre, j’ai eu l’impression d’être plus protégée, comme si Dieu m’avait enfilé une combinaison pare-feu. Et c’est toujours ce que je ressens d’ailleurs à chaque épreuve, même si j’en bave.
  • Là où ça a changé, c’est dans ma pratique de prière et de relation à Dieu qui se sont énormément développées. Alors que se réduisait la part pratique communautaire (tellement j’étais de plus en plus déçue par les prêtres et messes auxquelles j’assistais). J’ai puisé et je puise toujours énormément dans la prière et l’oraison intérieure. C’est mon carburant quotidien ainsi que la relation affective conjugale, familiale, amicale. J’ai développé une confiance en Dieu qui était avant plus factice et dogmatique que réelle. Mais j’ai aussi plus de culot dans mes demandes et mes questions à Dieu qu’avant. Je suis aussi moins dans le contrôle. Je ne récite plus. Je préfère ou le silence, ou discussion directe. J’ai plus de lâcher-prise vis à vis de Dieu. J’accepte qu’Il me désarçonne, me surprenne, m’étonne. Alors qu’avant, j’aurais pas du tout aimé ça. Je laisse cette relation imprégner aussi mon travail artistique. Si j’avais déjà compris que Dieu passait par un canal spécial par le biais de l’art, j’ai pris conscience de la nécessité de le laisser faire. Ca c’est un plus, lié à l’EMI.
  • J’ai aussi développé un lien continu avec mes proches décédés dans le cadre de la prière. Cette EMI m’a montré qu’ils continuent à vivre, d’une autre manière que dans la vie terrestre. Et qu’ils peuvent m’aider à leur façon du fait de l’étreinte continue de Dieu. Ils ont même une force de frappe plus importante que de leur vivant, si je puis dire. Donc je les sollicite régulièrement. Et je n’ai plus aucune peur de la mort. Je sais maintenant ce qui se passe. Et ça me tranquillise pour la suite.

A noter aussi que, je me suis rapprochée beaucoup de gens non croyants, parce que je trouvais plus Dieu chez eux que chez bien des croyants. Ce que je n’aurais pas forcément fait avant cette expérience. Le dogmatisme familial m’aurait empêchée de faire ces rencontres. C’est là que j’ai réalisé le formatage idéologique que ma soeur et moi avions subi. Et dont il nous a fallu nous extraire pour vraiment vivre une foi authentique.

  • Sans cette expérience, je pense que je n’aurais peut-être pas aussi bien surmonté les épreuves et les traumas de la vie. C’est une certitude. Mais j’ai eu aussi la chance, sur ma route, de croiser des gens formidables, croyants comme non-croyants, autant de petits phares dans ma nuit. Sans doute mis là par Dieu pour m’aider et me soutenir, me bousculer quand il le fallait. Et ça je n’oublierai jamais. Je me sens redevable tant à Dieu qu’à ces personnes.

Depuis une quinzaine d’années, j’essaie de rendre à travers mon métier, à travers des échanges associatifs, un peu de ce que j’ai reçu. Je me sens bien dans mes chaussures, dans ma vie, dans ma peau, dans ma relation à Dieu et avec les autres en général. J’ai surmonté pas mal de choses, appris beaucoup de mes épreuves comme de mes joies, découvertes, rencontres. Je me sens riche de mon vécu, même s’il fut en grande partie douloureux. Je suis en capacité de le prendre depuis quelques années comme un atout, et non plus comme un handicap.

Ceci dit, je crois aussi avoir un caractère fort, obstiné, tenace, un tempérament indépendant et volontaire, qui m’ont permis d’affronter, de traiter et de dépasser ce que j’ai vécu de dur. Pour ensuite le capitaliser et l’utiliser positivement. Ce caractère et ce tempérament indépendant, volontaire pèsent aussi fortement dans la balance. Ma volonté de fer de m’en sortir quoi qu’il me tombe sur la tête et quelque difficulté que ça me pose, est quelque chose qui me surprend encore. Sans doute un immense cadeau de Dieu à ma naissance, mais aussi de bons gênes ancestraux. Que j’espère avoir transmis 😉

Pour conclure, plus spécifiquement sur ce dont je me rends compte sur l’Eglise, les errances institutionnelles, les déviances et crimes de diverses communautés…Ca vient aussi un peu de cette EMI, mais beaucoup aussi des enquêtes que j’ai menées suite à l’assassinat de mon père par l’OD.

Et je me dis souvent, heureusement que j’ai eu l’EMI bien avant la mort paternelle. Parce que j’aurais pu vraiment perdre la foi à ce moment-là, vu tout ce que j’ai découvert.

Comprendre que mon père qui était déjà criminel, est assassiné par un groupe catho intégriste criminel et que simplement pour rentrer dans mes droits et ceux de la famille, je suis contrainte de le défendre face à l’OD, c’était vraiment le comble de l’horreur. Sans l’EMI et la relation que j’ai nouée avec Dieu, je pense pas que j’aurais tenu le coup les cinq ans que ça a duré. Et j’aurais peut-être jamais pu demander à Dieu de pardonner à mon paternel.

Car j’ai oublié de dire que deux ans après l’EMI, j’avais tenté de pardonner directement à mon paternel. Mais c’était plus à l’époque, sous l’euphorie de l’expérience, mais aussi chez moi, une ultime soumission au système pervers et criminel paternel qu’un vrai pardon. Je l’ai compris plus tard en ayant mûri mais aussi en en discutant avec d’autres personnes victimes de violences, en en discutant avec mes thérapeutes. Je voulais aussi protéger ma mère des violences que mon père lui faisait subir. J’ai donc acté un pardon qui n’a cependant rien changé à son comportement. Et qui ne m’a pas libérée. Qui ne l’a pas empêché de tenter d’étrangler ma mère et de nous faire à ma soeur et moi les pires ennuis.

Ce qui m’a libérée, c’est de lui dire que je m’étais trompée, que je ne pouvais pas lui pardonner ce qu’il nous avait fait subir depuis l’enfance. Que je coupais les ponts définitivement pour pouvoir garder les quelques souvenirs positifs et ne pas cristalliser de haine ou de rancœur contre lui. Ca c’était un acte fort, important, qui était un premier pas pour sortir de l’emprise, pour me respecter moi-même. Donc pour pouvoir respecter les autres aussi. J’acceptais mes limites et je les posais clairement face à mon agresseur.

Par contre bien plus tard, après sa mort, j’ai demandé à Dieu de lui pardonner parce que je ne pouvais pas le faire. Et là, je me suis sentie complètement libérée. Est-ce que je l’aurais fait sans l’EMI ? Je n’en sais rien. Mais peut-être pas…Je ne sais pas si j’aurais osé. Ou alors je serais restée dans le faux pardon que j’avais donné jeune fille. Et donc dans un certain malaise, une certaine peur, culpabilité… Depuis que j’ai transféré le pardon par le biais de Dieu, tout s’est apaisé progressivement. Je suis au clair avec mon père, sa tante qui m’a aussi abusée sexuellement lorsque j’étais toute gamine, sa mère qui m’avait blessée et violentée adolescente, ma mère qui ne m’a pas protégée mais s’est servie de moi comme bouclier physique et psychique…J’ai mis les compteurs à zéro en laissant Dieu leur pardonner. Et en leur demandant post mortem de m’aider à avancer, histoire de réparer ces violences. Et j’ai constaté à quel point chacun a participé à la mesure de ses torts, à m’aider à ma reconstruction. Donc je considère qu’ils ont réparé leurs crimes désormais. Ce qui m’a donné une certaine sérénité. Et qui m’a montré aussi que rien n’est jamais perdu, même une fois la mort survenue, pour que des criminels puissent réparer leurs fautes. Dieu laisse toujours une chance à tous. Je pense que c’est l’étreinte qu’Il donne qui permet au meilleur de l’âme de se réveiller et de réparer ce qu’elle n’a pas pu faire du vivant de la personne. C’est comme ça que je le ressens en tout cas.

Voilà…je crois que j’ai fait un peu le tour des changements et des continuités suite à cette EMI.

C’est beaucoup et pas beaucoup. Ca n’a pas radicalement changé ma vie en tout cas structurellement. Mais spirituellement et dans ma façon d’aborder la vie, les gens, le monde, moi-même, certainement énormément. Je pense que je ne mesure pas encore toute l’amplitude que ça a pris dans mon existence. Le voyage n’est pas fini. Donc je vais encore découvrir plein d’autres choses.

Bon week-end !

Cordialement Françoise

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