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Pourquoi l’Eglise a-t-elle tant de mal à communiquer ? Le cas de l’affaire Points-Coeur

Le mercredi 24 février 2021

Bonjour Catherine et Anne.

Lisez le livre de Marie-Christine Lafon et les passages qui concernent l’enfance. Marie-Dominique évoque cela à demi-mots et pudiquement, mais l’usage de certains mots fait vite comprendre de quoi retournait la situation.

Oui, c’était clairement un inceste entre l’oncle Dehau et les frères Philippe. Mais qui n’a jamais été dévoilé ni mis en cause. Parce que l’oncle était le dominant de la famille, parce qu’il était religieux (et dans ce type de famille très aisée, issue de la contre-révolution catholique, on ne conteste pas l’autorité religieuse, comme on ne conteste pas l’autorité militaire ni politique ni familiale) et parce que sans doute l’oncle abusait depuis longtemps de sa propre soeur, la mère des deux frères.

Quand le prédateur sexuel est aussi dominant et abusif depuis aussi longtemps, que le système familial est aussi autoritaire et dysfonctionnel, il n’y a pas ou très peu de chance que l’inceste y soit dénoncé ni mis en cause. C’est ce qui fabrique les familles incestueuses, où l’inceste se reproduit de génération en génération. J’en sais quelque chose puisque je viens de ce genre de famille. Et que j’ai été celle qui a dénoncé l’inceste, contesté et mis en cause fortement le système familial, après certainement plusieurs générations soumises et silencieuses.

Est-ce que les frères Philippe auraient pu dénoncer l’oncle ? Malheureusement, je ne pense pas.

L’époque de leur jeunesse ne s’y prêtait pas. On ne contestait pas l’autorité familiale et encore moins quand il s’agissait d’une autorité dans une famille aisée qui se vit comme l’élite sociale, morale, politique et religieuse. Contester l’organisation familiale, les violences intrafamiliales dans les années 1920, c’est vraiment très très rare et encore plus dans ce type de famille.

Leur milieu social et idéologique non plus ne s’y prête pas. On est dans un milieu ultra conservateur et bourgeois. Deux facteurs sociaux et idéologiques qui font que l’inceste est d’autant plus tu et subi et accepté. Et comme il provient d’un religieux, il est encore moins contesté ni dénoncé. Dit-on non à un prêtre à cette époque-là ? Non. Ce serait dire non à Dieu. Et sans doute c’est le type d’argument utilisé.

L’insécurité familiale (en terme d’organisation et de fonctionnement dysfonctionnel sans adulte rassurant dans l’entourage proche pour se confier ni sur lequel s’appuyer) ne permettait pas cette prise de parole ni cette conscientisation qu’il fallait briser le silence. Il y a aussi le sens de l’honneur et le risque que cela représente pour l’image de la famille. Dénoncer l’inceste reste pour les victimes très culpabilisant car c’est une forme de haute-trahison. On a peur de l’abandon, du rejet. Ca réactive des peurs primordiales d’enfance. Et si la personnalité n’est pas suffisamment affirmée ni construite, ça devient complètement impossible de pouvoir contester ni dénoncer le ou les prédateurs sexuels adultes.

Rajoutez à ça l’aura dont dispose toujours l’oncle Dehau façon personnage légendaire avec certainement un culte toujours entretenu de sa personne qui se surajoute au culte des deux frères devenus célèbres et très en cours au Vatican, la parole libre n’est toujours pas possible. Sinon, c’est toute la construction fantasmatique de la famille qui s’effondre et ça semble même à l’heure où nous parlons extrêmement problématique.

Il faut une fenêtre d’ouverture et un petit socle de sécurité intérieure pour dénoncer l’inceste et empêcher sa répétition dans le temps. Si cette fenêtre n’est pas possible ni ce socle, si l’époque est trop autoritaire, l’inceste se reproduit et n’est jamais contesté.

Aujourd’hui, c’est un peu plus facile de le faire. Mais ça reste compliqué dans les milieux bourgeois. Parce que se rajoutent des questions d’honneur, d’image publique, d’intérêts financiers, d’intérêts politiques et religieux.

Regardez un peu ce qui s’est passé pour Laurent de Villiers qui a dénoncé l’inceste qu’il a subi de la part de son frère. Et comment toute la famille s’est liguée pour le faire taire et l’exclure. Tout ça au nom des idéologies et de la carrière politique de Philippe de Villiers mais aussi de la religion.

Vous pouvez lire son livre : « tais-toi est pardonne ». Il est exemplaire sur ce type de système familial complètement vérolé de l’intérieur.

Cet exemple est très éclairant dans nos milieux cathos bourgeois de la réalité de l’inceste et des difficultés à le dénoncer compte tenu du contexte et des valeurs.

Surmonter l’interdit majeur de contester l’autorité, c’est, ça reste compliqué. Beaucoup plus que dans des familles plus modestes. Et plus il y a de poids religieux dans une famille incestueuse, plus c’est compliqué. Et quand il n’y a pas le poids religieux, si par exemple, il y a la célébrité du prédateur sexuel, qu’elle soit départementale, régionale, nationale ou internationale, là aussi, c’est un frein considérable à la prise de parole et à la dénonciation. On le voit dans l’affaire Duhamel, mais aussi dans l’affaire Berry. On l’avait vu avant dans l’affaire Ionesco.

Dans le cas des frères Philippe, il y avait les deux paramètres : religion et célébrité. Et une époque très corsetée dans une famille très corsetée aussi. Que des freins pour que l’inceste se perpétue. Et il s’est perpétué dans le cadre religieux et sectaire par les deux frères victimes. Qui ont intégré les abus et le système de domination de l’oncle pour le reproduire à grande échelle et idéologiquement. Et si vous allez observer quand ce système religieux dérivant sectaire et abusif démarre, c’est pile après la mort de l’oncle Dehau. Comme un prolongement post mortem.

En psy ça s’appelle une fidélité familiale.

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