Emprise spirituelle, abus de conscience

Lundi 7 décembre 2020

Isabelle Siben, médecin, victimologue et psychothérapeute, accompagne depuis plus de 20 ans des victimes d’emprise et d’abus dans son association « C’est à dire ». Elle nous explique le phénomène de l’emprise et les issues possibles pour les victimes.

13 - Emprise spirituelle, abus de conscience from Diocèse de Lyon on Vimeo.

Vos réactions

  • Sous le masque de l’amitié 7 février 2022 14:11, par Florence Nawratil

    Il y a 7 ans j’ai été contactée par un membre d’une communauté charismatique. Je le connaissais depuis quelques années, il s’était rapproché de ma famille et nous partagions plein de convictions, d’idées. C’est le parrain d’un de mes enfants. Il s’est montré très à l’écoute, très serviable…de sorte de je n’ai pas pu « voir » le danger qu’il y avait à entrer dans les confidences et à lui faire part de pas mal de problèmes privés ou carrément intimes. A partir de là il a été très assidu, immense sollicitude puis alternancce avec des comportements distants, déloyaux, que je ne lui connaissais pas ( lapins, excuses bidons) . Il m’a emmenée aux veillées de louange charismatique où il a rencontré puis très rapidement épousé une personne qui est dans ce mouvement une sorte de « leader » et qui m’a prise en grippe avant même de me connaitre parce que je ne partageais pas trop les idées de ce groupe. ( elle le savait « grâce » à l’indiscrétion de mon « ami ») Notre ami une fois marié a tourné sa veste et changé à 180 degré. Finie la belle entente ! Nous avons été rétrogradés du rang d’amis proches à celui de 51e adhérent de leur fan club. Il ne s’intéressait plus qu’à mes ennuis ( j’étais réduite à ça) et les mettait tous sur le compte de ma responsabilité, se glissant dans un rôle de « thérapeute » amateur qui interprète chaque chose anodine ( exemple : j’aime bien que les choses soient bien rangées dans mon appart) comme le signe de graves blessures de l’enfance…tandis que son épouse me donnait des adresses de « parcours »dans ce mouvement ( elle connaissait tous ces parcours, évidemment et les responsables). En même temps on me tenait à distance : je n’étais, avec mes nombreux problèmes , plus « digne » d’être dans le cercle amical de gens aussi « guéris », « épanouis », « résilients » ( grâce à l’Esprit Saint) etc.qu’eux ! Tous les ans on recevait par mail en guise de nouvelles le récit de tous leurs projets réussis, de tous leurs engagements dans les paroisses, adressés à leur fan club. Lui, le parrain de ma fille, ne nous a pas même invités au baptême de son fils. Puis ils ont été plus amicaux, nous invitant etc, parce que mon mari leur a donné une aide qualifiée GRATUITE pour la réussite d’un de leurs projets. Début 2020 il m’a recontactée pour m’amener à me confier, ce que j’ai fait car il y avait à nouveau dans ma vie de gros soucis et là, paf, il m’a asséné que la séparation d’avec mon mari était selon lui « la seule solution » et qu’il le pensait depuis 7 ans ( = son entrée dans le charismatisme), qu’il savait pourquoi je ne le faisais pas ( parce que…suivaient des insultes et interprétations « psys » abusives et humiliantes) . Je n’ai jamais pensé à me séparer de mon mari que j’aime et cela me semble disproportionné face à mes soucis ! Mais le pire a été quand j’ai objecté « te rappelles-tu que la séparation, le divorce, offensent Notre Seigneur ? »( mon mariage devant Dieu est parfaitement valide) et qu’il a répondu « Oui Cela L’offense mais das ton cas c’est nécessaire ». A la fin du premier confinement je suis allée voir un prêtre non-charismatique dans une autre paroisse ( celle où je vais maintenant) et il m’a franchement conseillé de changer de confident et de me méfier de cette communauté. Ce soi-disant ami, comme ami, on fait mieux…Il se présentait comme « évangélisateur », annonçant « l’amour du Christ » ! Je suis passée par les phases décrites par Mme Siben. J’y pense souvent encore car ces alternances de chaud et froid, ces revirements, ces changements inopinés ( et niés par lui) ont été destabilisants. Si j’avais su qu’il pensait cela de moi, je ne me serais jamais confiée et me sens coupable d’avoir mordu naivement à l’hameçon car….comment soupçonner ces manips dans un milieux catholique ?

  • Damien 10 décembre 2020 17:09

    Exposé très clair et panorama terrible de ce qui peut se faire dans l’Eglise en termes d’abus psychologiques. Voir aussi son témoignage auprès de la Ciase en janvier 2020 sur ses motivations tant personnelles que professionnelles :

    « Première motivation : étant donné les centaines de victimes que nous avons reçues, je considère que cela m’autorise à parler au nom des personnes que vous ne verrez jamais, que vous n’entendrez pas, mais qui pourtant sont bien présentes : les personnes qui après avoir été abusées se sont suicidées, sont en hôpital psychiatrique, sous tutelle ou curatelle, ou encore celles auxquelles on a retiré la garde de leurs enfants ou encore qui, faute de moyens, n’ont pas pu s’offrir les services d’un très bon avocat et ont été renvoyées au néant. Je parle également pour soutenir ceux de mes patients qui ont parlé depuis des années et n’ont pas été entendus, et en particulier dans certaines communautés. Ils étaient détruits quand ils essayaient de dire et de faire évoluer les choses en interne, puis diffamés lorsqu’ils quittaient ces communautés ; j’évoque là essentiellement les abus spirituels mais pas uniquement.

    Deuxième motivation : à un moment, j’ai cru que je mourrais sans avoir vu la société et l’Église, en particulier, s’ouvrir à la prise en compte de ces drames (drames humains, drames spirituels), qui concernent des victimes mais qui, à chaque fois, touchent des familles entières, et ce malgré toutes les actions d’alerte qui avaient été menées ; et je ne peux que me réjouir infiniment que cette chape de plomb totalement mortifère laisse enfin passer un peu la lumière de la vérité et de pouvoir y participer. »

    Elle raconte aussi la manière dont elle a été parfois reçue des évêques :

    M. le Président Jean-Marc Sauvé. De quelle manière êtes-vous accueillie dans les communautés religieuses ?

    Dr Isabelle Chartier-Siben. Avec des humiliations majeures de la part d’évêques, et ce pendant des années et alors même que l’on préparait très sérieusement les dossiers et que je pensais qu’ils souhaitaient entendre et savoir. Je dirais qu’ils ne m’ont pas écoutée, pour être polie. L’un d’eux m’a même poussée dans l’escalier, un autre m’a dit qu’il m’avait « écoutée », lorsque je lui ai demandé ce qu’il avait fait de ce que je lui avais dit. En revanche, depuis des années, certains évêques ont fait beaucoup pour éviter la répétition de ces abus, notamment pour faire respecter les jugements canoniques. Les religieux ont été plus ouverts et nous ont aidés.

    Chapeau à cette dame pour son travail et son courage !

    • Emprise spirituelle, abus de conscience 11 décembre 2020 19:01, par Ana Azanza

      Merci beaucoup à Xavier et à Damien pour ce complément d’info en Espagne même si les rescapés des communautés abusives sont abondants, « opus dei » est chez nous l’institution la plus connue et redoutable avec ses anciens membres, je ne connais personne qui fasse le travail d’Isabelle Siben. J’espère que nous prendrons vite l’exemple… Jamais entendu parler d’un psy spécialiste en « ex », les evêques sont bien loin de promouvoir une recherche quelleconque à ce sujet. Des années lumière séparent l’église catholique en Espagne et en France, pas seulement les Pyrennées… Amitiés Ana A

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