X. Léger : Mauvais fondateur, bonne congrégation ?

Lundi 24 décembre 2012 — Dernier ajout mercredi 26 mars 2014

La théologie naturelle repose sur un axiome de base : il y a toujours quelques similitudes entre la cause et son effet. On ne peut en effet dire que « Dieu est bon » que parce que nous faisons l’expérience, au cours de notre vie, de ce qui est bon. Or la Légion défend aujourd’hui un raisonnement inverse : la vie dépravée du fondateur de la Congrégation n’aurait eu pratiquement aucune conséquence sur la Légion elle-même.

Malgré ses faiblesses - « comme nous en avons tous ! » Dieu aurait bien utilisé mystérieusement le père Maciel pour fonder la Légion du Christ !

Je ne crois pas à cette interprétation… et j’aimerais aujourd’hui expliquer pourquoi. L’article que je propose, encore une fois, n’est que le fruit de mes réflexions personnelles, et je comprends qu’il puisse choquer certaines personnes. J’espère qu’on saura me pardonner si je me trompe.

Après avoir désobéit à Dieu, et mangé du fruit défendu, Adam et Eve « découvrent qu’ils sont nus » (Gn 3,7). Ils se fabriquent donc quelques vêtements de fortune avec des feuilles de vignes, pour cacher leur nudité. Puis, entendant les pas de Dieu qui se promène dans le jardin, ils prennent peur et vont se cacher. (Gn 3, 8-10)

Le texte sacré nous présente ici les deux conséquences immédiates du péché d’Adam et Eve :

  • Conséquence horizontale : la relation de confiance mutuelle entre Adam et Eve est brisée.
  • Conséquence verticale : la relation de confiance en Dieu est également brisée.

Le texte hautement symbolique de la Genèse, nous indique que le péché, d’une façon générale, désorganise nos relations humaines (Peur de l’autre, volonté de possession…) et notre vision de la miséricorde de Dieu (Peur d’un Dieu fouettard et vengeur).

Pourquoi cela ? Parce qu’on juge les autres comme on est.

Quand nos intentions sont mauvaises, nous avons tendance à penser que les intentions de notre prochain le sont aussi. La honte de la nudité symbolise le besoin de se protéger de l’autre. Entre Adam et Eve apparaît une relation conflictuelle et possessive.

Pour la même raison, la relation d’avec Dieu est brisée : Adam et Eve, conscient d’avoir désobéit à Dieu, imaginent que Dieu va les punir, comme ils auraient fait sans doute eux-mêmes s’ils étaient à sa place : en d’autres termes, ils mesurent la miséricorde de Dieu à leur propre capacité de pardonner. Et c’est sans doute cela leur véritable péché.

Or voilà : je crois que la Légion du Christ véhicule des valeurs antiévangéliques héritées de son fondateur, à travers sa spiritualité, sa façon de vivre les préceptes de la vie religieuse et sa méthodologie apostolique. Ces valeurs, conséquences d’un homme dont les péchés sont incalculables, se sont incrustées dans tous les recoins de la vie des Légionnaires, mais sont malheureusement souvent imperceptibles, à cause du brillant et de l’éclat que donne, de l’extérieur, l’apparence de la Légion…

Les légionnaires ont trois missions principales : trouver des vocations, trouver de l’argent et impressionner les autorités ecclésiales. Pour ces trois finalités, une seule méthode : la séduction.

Quand ils rendent visite à une famille, ils ont deux ou trois heures pour gagner l’estime de tous ses membres. Il faut faire de l’humour, s’intéresser à la collection de madame, au travail de monsieur, donner l’impression d’être un jeune religieux « hyper sympathique » et « super bien dans sa peau », jouer avec les enfants, raconter quelques histoires drôles et faire un tour de magie…

Lorsque les Légionnaires du Christ reçoivent la visite d’un évêque ou d’un important bienfaiteur, c’est le branle-bas de combat : tout doit être nickel, les séminaristes, avec leur belle soutane toute propre et leur sourire dents-blanches, jouent quelques morceaux de musique pour l’invité. Il est également de mise qu’un séminariste fasse un petit discours d’accueil. Chose étonnante : durant toutes les années que j’ai passé au sein de la congrégation, cette tâche a toujours incombé aux religieux « les plus beaux ».

Le cas le plus choquant, c’est celui des religieux qui sont envoyés pour chercher de l’argent. Il s’agit très souvent de religieux jeunes, beaux et séduisants… généralement d’ailleurs, j’ose le dire, de race blanche. J’ai eu l’occasion d’accompagner un jour un prêtre légionnaire (qui, depuis, a quitté le sacerdoce) pour rendre visite à une multimilliardaire américaine très âgée, vivant en France. J’ai encore la nausée quand je pense aux numéros de séduction auxquels j’ai dû assister, médusé. La femme, veuve, était tellement heureuse de voir ce prêtre si dévoué, venant lui rendre visite plusieurs fois par semaine… qu’elle a fini par signer le chèque !

Ce que je veux dire, c’est que l’ambiance générale dans laquelle évoluent les Légionnaires du Christ n’est profondément pas « chaste ». Car la chasteté ne consiste pas seulement dans la maîtrise de ses pulsions sexuelles, mais également dans le fait d’entretenir des relations saines avec son entourage. En ce sens, tout rapport « possessif » de l’autre, n’est pas « chaste ».

Les religieux doivent être beaux, élégants, bien coiffés (avec du gel) et bien rasés… si ce n’est pas le cas, ils se font très vite rappeler à l’ordre par leur supérieur ! Curieuse vidéo que celle-ci, réalisée par quelques séminaristes de la Congrégation pour promouvoir la vocation sacerdotale : on y voit un jeune, qui ressemble à un acteur de cinéma, cheminant vers le séminaire, alors qu’un petit groupe de musique, composé de jeunes légionnaires du Christ, joue, au dessus de la place St Pierre, un chant mièvre et sentimental à souhait… Qui aurait cru qu’il s’agissait d’une vidéo faite pour promouvoir la vocation sacerdotale ???

Si la séduction est un point tellement important dans l’apostolat des Légionnaires du Christ, il est cependant bien curieux de voir combien l’univers de vie des Légionnaires est complètement aseptisé. Curieuse contradiction : d’un côté, un travail impressionnant de séduction, qui conduit les religieux à avoir des relations ambigües avec le monde, et d’un autre, un univers où l’on prône, par amour pour le Christ, le renoncement extrême à tous ses sentiments personnels. Un exemple parmi tant d’autres : à la Légion, toutes les informations sont contrôlées et filtrées… Comme il est étonnant de voir des journaux (Le Figaro, Famille Chrétienne, la Croix) où l’on a pris soin de découper certaines photos, jugées trop sensuelles !

Autour de la sexualité se développe très vite un véritable halo de culpabilité, grâce notamment aux nombreux examens de conscience trop culpabilisants et à de nombreux autres aspects de la spiritualité.

Après avoir écouté un très grand nombre de témoignages d’anciens légionnaires, il m’est apparu que cette contradiction était très mal vécue par beaucoup… et finalement, devenait une source de frustration permanente.

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