Le risque d’une Eglise narcissique

Vendredi 12 avril 2013 — Dernier ajout lundi 15 avril 2013

Les dérives sectaires, dans l’Église, ont ceci en commun qu’elles transforment la bonne spiritualité en une sorte d’auto-contemplation narcissique. Ce texte lumineux, prononcé lors du dernier Conclave par le futur pape François, nous semble particulièrement prophétique. Puissiez-vous aller jusqu’au bout de votre intuition, Très Saint Père, et nettoyer l’Église de ces forces obscures qui derrière de somptueuses apparences, enferment l’Église dans une tour qu’ils ont dessinée à leur image et leur ressemblance !

par Jorge Mario Bergoglio

On a parlé d’évangélisation. C’est la raison d’être de l’Église. « La douce et réconfortante joie d’évangéliser » (Paul VI). C’est Jésus-Christ lui-même qui, de l’intérieur de nous-mêmes, nous pousse.

1) Évangéliser implique un zèle apostolique. Évangéliser présuppose dans l’Église la « parrhésia » de sortir d’elle-même. L’Église est appelée à sortir d’elle-même et à aller vers les périphéries, pas seulement géographiques, mais également celles de l’existence : celles du mystère du péché, de la souffrance, de l’injustice, celles de l’ignorance et de l’absence de foi, celles de la pensée, celles de toutes les formes de misère.

2) Quand l’Église ne sort pas d’elle-même pour évangéliser, elle devient autoréférentielle et alors elle tombe malade (on peut penser à la femme toute courbée dont parle l’Évangile). Les maux qui, au fil du temps, frappent les institutions ecclésiastiques ont des racines dans l’autoréférentialité, dans une sorte de narcissisme théologique. Dans l’Apocalypse, Jésus dit qu’Il se tient sur le seuil et qu’il appelle. Évidemment, le texte se réfère au fait que Jésus est dehors, à la porte, et qu’il frappe pour entrer… Mais, parfois, je pense que Jésus frappe de l’intérieur, pour que nous le laissions sortir. L’Église autoréférentielle veut retenir Jésus-Christ à l’intérieur d’elle-même et elle ne le laisse pas sortir.

3) L’Église, quand elle est autoréférentielle, sans s’en rendre compte, croit posséder une lumière qui lui est propre ; elle cesse d’être le « mysterium lunæ » et provoque ce mal si grave qu’est la mondanité spirituelle (d’après Henri de Lubac, c’est le pire qui puisse arriver à l’Église) : cette façon de vivre pour se glorifier mutuellement. Pour simplifier, il y a deux images de l’Église : l’Église évangélisatrice qui sort d’elle-même, celle du « Dei Verbum religiose audiens et fidenter proclamans » [l’Église qui écoute religieusement et qui proclame fidèlement la Parole de Dieu - ndlr] ; ou bien l’Église mondaine, qui vit en elle-même, par elle-même, pour elle-même. Cela doit éclairer les possibles changements et réformes à réaliser pour le salut des âmes.

4) Pensant au prochain Pape : un homme qui, à travers la contemplation de Jésus-Christ et l’adoration de Jésus-Christ, aide l’Église à sortir d’elle-même et à aller vers les périphéries de l’existence, qui l’aide à être la mère féconde qui vit « de la douce et réconfortante joie d’évangéliser ».

Rome, le 9 mars 2013

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