Père Longenecker : Les sectes et le bon sens

Lundi 22 avril 2013 — Dernier ajout mercredi 26 mars 2014

Le père Longenecker est un prêtre américain au parcours atypique : provenant d’une famille de chrétiens évangéliques, il est d’abord devenu pasteur dans l’église anglicane, avant de rejoindre l’Église catholique et d’y être ordonné prêtre. Un cheminement qui lui a permis de côtoyer de nombreuses réalités chrétiennes. Et c’est riche de cette extraordinaire expérience qu’il explique dans cet article comment repérer et prévenir les dérives sectaires dans l’Église. Un article à lire de toute urgence !

Par le père Dwight Longenecker (original en anglais ici)

L’une des choses les plus effrayantes avec les religions, c’est leur tendance à générer des dérives sectaires. A partir de quel moment peut-on dire d’un groupe religieux qu’il se comporte comme une secte ? C’est difficile, parce que les membres d’un groupe peuvent agir comme dans une secte, sans qu’on ne réussisse jamais à identifier le groupe comme un secte à part entière.

A quel groupe suis-je en train de penser ? En fait, il peut s’agir aussi bien d’un petit groupe local que d’une grande communauté internationale. Cela peut être aussi une paroisse, une école, un groupe d’étude ou une communauté ecclésiale. La difficulté, c’est que, vues de l’extérieur, les communautés déviantes ont la même apparence que de bonnes communautés chrétiennes. Une secte ressemble à s’y méprendre à certaines communautés vivantes et dynamiques. Les sectes vont même parfois surpasser certaines communautés chrétiennes, sous certains aspects. C’est ainsi qu’un groupe déviant semblera au premier abord plus authentique, plus dynamique, plus spirituel, voire plus « rempli d’Esprit Saint. »

Comment pouvez-vous savoir si une paroisse, une école, une communauté ou un groupe religieux est en train de devenir une secte ? Encore une fois, c’est très difficile parce que la plupart des déviances sectaires sont imperceptibles.

Alors quels sont les signaux d’alerte ? Premièrement, si une communauté religieuse et son chef semblent « trop bons pour être vrai »… Et bien, vous savez quoi ? Ils sont probablement trop bons pour être vrais ! En effet, les groupes sectaires font tout leur possible pour cacher tout ce qui pourrait ternir l’image impeccable de leur « merveilleuse communauté » à laquelle tous les membres croient mordicus. C’est là le premier signe d’une secte : tout y est merveilleux, et tous les membres sont prêts à vous raconter n’importe quoi, pourvu de vous en convaincre. Les sectes sont des championnes en communication et en relation publique. Elles se présentent toujours sous leurs meilleurs visages, étincelants, avec des membres qui s’impliquent à 100% dans leur mission. C’est d’ailleurs pour cela que si votre prêtre a des défauts assez apparents, réjouissez-vous : car cela signifie que c’est un homme vrai, qui ne cherche pas à vous escroquer !

La deuxième chose sur laquelle vous devez être très attentif, ce sont les dirigeants du groupe. Dans une secte, ceux-ci sont toujours sélectifs et exclusifs. Mais attention : les dirigeants ont deux visages. En effet, pour les relations publiques, ils utilisent un représentant aimable et brillant. Dans les sectes basées sur le culte de la personnalité, il est possible qu’il n’y ait pas d’autres dirigeants que le gourou. Mais dès qu’un groupe possède un bureau et un conseil d’administration, ces derniers restent toujours dans l’ombre. Vous ne savez jamais à qui vous avez affaire, car ils ne s’expriment jamais en public. Ils font même parfois la promesse de garder le secret sur leurs réunions, et donnent à cette promesse un joli nom, qui sonne bien, comme « accord de confidentialité » ou « voeu de charité ». Cela signifie en fait qu’ils n’ont pas le droit de discuter librement. Il arrive aussi qu’il n’y ait pas, à proprement parlé, de groupe de dirigeants. A la place, le gourou réunit autour de lui quelques amis et confidents, dont personne ne connait jamais les noms. Les décisions sont toutes prises en privé. Un adepte ne monte dans la hiérarchie que par invitation. Ensuite, ses moindres faits et gestes sont étroitement contrôlés. Si vous rencontrez des dirigeants qui possèdent ce type de fonctionnement, ne soyez pas surpris et prenez garde !

La troisième caractéristique, c’est que dans une secte, on attend toujours une fidélité absolue de la part des adeptes. Toute forme de dissidence ou de critique est ainsi bannie. Ceux qui osent émettre la moindre contestation sont immédiatement isolés, exclus de toute responsabilité et diabolisés. Lorsque les dirigeants n’arrivent pas à se débarrasser des dissidents, ils les mettent en quarantaine et les affublent de quelques sobriquets péjoratifs, comme les « trublions » ou les « grognons »… Les dissidents internes sont toujours considérés comme les plus dangereux, et c’est pourquoi, dans les groupes sectaires, il y a des dissensions entre les disciples loyaux et ceux qu’on soupçonne d’être « déloyaux », voire « rebelles ». Ces derniers seront accusés d’être « non spirituels » et « confus ». Dans certains cas, les dissidents deviendront des boucs émissaires sur qui la communauté pourra déverser toute sa haine.

La quatrième caractéristique d’un groupe qui est en train de virer à la secte, c’est le délire de persécution. Le gourou identifie quelques groupes « ennemis » dans le monde extérieur. Et alors qu’il met en place une petite forteresse pour protéger ses vrais « fidèles », il diabolise tous ceux qui vivent à l’extérieur. Il ne fera jamais le moindre effort pour construire un pont vers le monde ou pour apprendre à connaître ceux qui vivent à l’extérieur. Il ne fera jamais le moindre effort pour considérer les étrangers comme de vraies personnes. Au contraire, tous ces ennemis doivent être maintenus à distance et il invite ses fidèles à projeter leurs peurs et leurs angoisses sur eux. Et c’est ainsi que l’ennemi se retrouve affublé de tous les péchés, de toutes les peurs et de tous les aspects négatifs possibles et imaginables.

Le problème, c’est que quand un groupe devient une secte, cela se fait souvent de façon très innocente. Personne ne décide du jour au lendemain de fonder une secte. En fait, il suffit que quelques personnes se mettent plus ou moins consciemment à se comporter ainsi, pour que les autres se sentent obligées de faire pareil. Le dirigeant du groupe commence généralement par créer une sorte d’atmosphère religieuse euphorique. Tous ceux qui aiment cela vont ensuite encourager le mouvement, et attiser le feu. Les fidèles placent alors le responsable sur un piédestal, disent de lui que c’est un type formidable. Ce dernier (qui a besoin de se sentir adulé) encourage le culte de sa personnalité. Tous ceux qui s’opposent à lui, ou qui émettent quelques doutes à sont égard, sont alors marginalisés par ceux qui, au contraire, désirent perpétuer le monde merveilleux que le gourou est en train de leur vendre.

Tout cela pue jusqu’au ciel, et je sais de quoi je parle pour avoir côtoyé pendant plus de cinquante ans toutes sortes de groupes religieux. J’ai vu ces comportements se développer au sein de paroisses, de groupes de prière, d’écoles, d’universités et dans des églises indépendantes.

Quel est l’antidote ? L’un des remèdes, c’est tout simplement le mode de fonctionnement des paroisses catholiques. Si nous allions tous à la paroisse de notre secteur, là où il y a ce prêtre que nous avons du mal à apprécier et tous ces autres fidèles qui viennent là parce que, comme nous, ils habitent ici, nous apprendrions à être plus réalistes et nous tomberions moins souvent dans des problèmes de culte de la personnalité.

Un autre antidote, c’est le bon sens. Si quelqu’un semble trop bon pour être vrai… alors c’est qu’il l’est. Le bon sens fait éclater les ballons remplis de grandiloquence, et nous aide à retomber sur terre.

Un troisième antidote, c’est l’ouverture à la critique. Un responsable religieux et une communauté qui savent se mettre véritablement au service des autres, apprécient tous les fidèles à leurs justes valeurs, et seront assez forts pour accepter les critiques. Mieux : Ils analyseront ces critiques afin de se remettre en cause, et sauront ainsi s’ouvrir non seulement avec les dissidents, mais également avec les personnes de l’extérieur.

Un quatrième antidote, c’est la confession. Les membres de secte, et leurs gourous, ne reconnaissent jamais leur fautes et ne sont jamais capables de présenter de vraies excuses. Si le chef de votre communauté est incapable de dire « pardon », alors c’est qu’il y a un gros problème.

La vraie religion, ce n’est que ça. Elle est vraie. Elle est humble. Rappelez-vous que le mot « humilité » vient du mot « humus », qui veut dire « terre ». La vraie religion nous ramène sur terre. Elle est humble. Et puis, « humus » a également donné le mot « humeur ». Une vraie religion ne perd jamais une occasion de rire. Si les fidèles d’un groupe sont incapables de rire d’eux-mêmes, soyez vigilant. Si, avec leur spiritualité et leur mouvement, ils commencent à se prendre trop au sérieux : alors, prenez garde !

Vos réactions

  • Les sectes et le bon sens 6 février 2014 09:16

    Enfin un témoignage logique … J’aimerais que certaines personnes de mon entourage le lisent et plus particulièrement une qui , à l’heure d’aujourd’hui , m’inquiète. MERCI

  • Les sectes et le bon sens 23 avril 2013 16:00, par Sylviane Battoux

    Ce nouveau site me remonte le moral. Enfin un peu de lumière ! Enfin des critiques pertinentes sur les dérives sectaires dans l’Eglise ! Cet article du père Longenecker devrait être envoyé à tous les évêques et cardinaux de l’Eglise.

  • Les sectes et le bon sens 23 avril 2013 13:33, par Guillaume L.

    Merci au père Longenecker pour la puissance de son discernement. En l’écoutant, je ne peux m’empêcher de reconnaitre plusieurs groupes que j’ai jadis connu de près dans l’Eglise, notamment l’Opus Dei, les frères de Saint Jean, la communauté de Bethléem… Tout cela bien triste, mais heureusement qu’il y a encore des prophètes, pour nous réveiller !

  • Les sectes et le bon sens 23 avril 2013 08:20, par Claude

    Cet article est formidable. Des types comme ça devraient être nommés à Rome, comme préfet de la Congrégation pour les religieux : parce qu’il y a du ménage à faire !

    • Les sectes et le bon sens 23 avril 2013 09:37, par Marie

      Oui, absolument d’accord. Cet article est lumineux, et cela fait du bien de voir un prêtre avoir les pieds sur terre (Le père Longenecker est l’un des rares prêtres mariés de l’Eglise Catholique Romaine : privilège donné aux pasteurs protestants qui rejoignent l’Eglise Catholique). Je ne sais pas s’il y a un lien de cause à effet.

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