ARCHIVE : Quand le Vatican est devenu complice du père Maciel (1962)

Vendredi 25 avril 2014 — Dernier ajout lundi 14 avril 2014

Jusqu’à présent, le Vatican s’est révélé incapable de prendre des décisions responsables pour mettre le fondateur criminel hors d’état de nuire. Mais ce n’est pas encore fini : en 1962, les autorités de l’Église vont lui permettre d’échapper aux instances judiciaires espagnoles. C’est ce que révèle ce rapport accablant [1] du secrétaire du Nonce Apostolique d’Espagne à la Congrégation pour les Religieux.

27 avril 1962

Le 18 avril, Son Excellence l’Evêque de San Sebastian m’a informé, de façon confidentielle, que le père Marcial Maciel avait fait un grave scandale à l’Hôtel Continental, dans lequel il avait séjourné avec plusieurs religieux de sa congrégation.

L’évêque a en effet reçu un appel téléphonique du standardiste de la nonciature apostolique de Madrid, l’informant que le père Maciel se trouvait en grande difficulté avec la police de San Sebastian et le suppliant de lui apporter tout son soutien, sans réserve, s’agissant d’un excellent religieux, afin que celui-ci puisse quitter l’Espagne sans trop de difficultés.

Le père Maciel s’est présenté à l’évêque et l’a supplié de ne rien dire à l’archevêque de Mexico ; Le père Arumi, maître des novices du noviciat de Salamanque, s’est également présenté, et lui a tenu le même discours.

Son Excellence a été particulièrement impressionnée par le montant exorbitant de l’offre (70’000 duros [2]) que le père Maciel avait proposée aux policiers espagnols afin d’acheter leur silence.

Bien que le nom du religieux n’ait pas filtré, l’histoire a fait le tour du clergé de San Sebastian, ainsi que de la corporation des médecins et des pharmaciens. Cela a même provoqué des commentaires désagréables dans certains milieux.

Le président des pharmaciens et le chef de la police de la ville sont venus me voir dans ma résidence de San Sebastian. Le chef de la police m’a informé qu’en septembre 1957, il avait déjà fait une dénonciation auprès du Vicaire Général, Mgr Sodupe, (en l’absence de l’évêque qui était parti en vacances) pour de graves faits du même genre. Le Vicaire Général a promis d’en informer le prélat, mais, pour des raisons que nous ignorons, l’évêque n’a pris connaissance de ces faits qu’à l’occasion du scandale de mars dernier, le dernier en date.

Le président des pharmaciens m’a donné en main propre un rapport détaillé sur les évènements qui se sont déroulés au cours du mois de mars, ainsi qu’une lettre écrite pour Son Eminence le Cardinal de Mexico. J’ai transmis ces deux documents, après avoir prêté serment, au Révérend Père Secrétaire de la Sacrée Congrégation pour les Religieux. Je m’étais permis de conseiller au président des pharmaciens cette procédure, la plus appropriée dans ce genre d’affaire.

Le président des pharmaciens et le chef de la police se sont vus promettre une énorme somme d’argent contre leur silence. Mais les deux ont réagi comme des fonctionnaires et des catholiques : c’est-à-dire en maintenant leur devoir d’informer leurs supérieurs hiérarchiques, ainsi que l’évêque de leur diocèse.

L’un des religieux qui accompagnaient le père Maciel a demandé à parler en tête-à-tête avec le chef de la police. Le religieux lui a avoué qu’il se trouvait lui-même dans un état d’angoisse épouvantable, puisque d’un côté, il voyait le terrible vice d’addiction dans lequel était tombé le fondateur, et de l’autre, il était tenu par un vœu d’obéissance qui l’obligeait à taire tous ces faits extrêmement graves. Le fonctionnaire l’a assuré que le fait d’informer le Saint Siège n’avait aucune incidence sur son vœu religieux.

J’ai demandé au chef de la police si, au moment de leur irruption soudaine dans les chambres des religieux, ils avaient noté d’autres faits, de nature morale. Le fonctionnaire m’a répondu que l’ambiance générale lui a donné une impression de grande tristesse, mais qu’il n’avait pas d’éléments concrets pour un tel jugement.

L’attitude du Prélat a consisté à observer un silence absolu, tant qu’il n’était pas interrogé par son supérieur hiérarchique. Cette attitude lui avait été suggérée au téléphone par le standardiste de la nonciature apostolique de Madrid.

En ce qui me concerne, j’ai informé le prélat que je connaissais la congrégation des légionnaires du Christ et son fondateur depuis l’époque de mes études à l’Université Pontificale de Comillas. Et que, en raison de mon poste de secrétaire de Son Eminence le Cardinal Gaetano Cicognani, j’étais parfaitement au courant de tout ce qui s’est passé à la Congrégation pour les Religieux autour de ces graves faits qui se sont déroulés à San Sebastian. Ces preuves-là permettaient de mettre de la lumière sur toutes les autres accusations qui, peut-être justement parce qu’on manquait de preuves aussi évidentes, avaient été traitées avec trop de bienveillance.

Nous avons rédigé ce rapport à la demande du Révérend Père Secrétaire de la Sacrée Congrégation pour les Religieux.

[1lavoluntaddenosaber.com, doc. n°172

[2Soit 350’000 pesetas, l’équivalent aujourd’hui de 2’100 euros

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