ARCHIVE : Maciel vs Ferreira, le pacte pervers (1957)

Lundi 14 avril 2014

Lorsque le père Maciel est destitué (fin 1956), le père Ferreira Correa se retrouve propulsé à la tête de la congrégation. Mais Maciel réussi à monter tous les légionnaires contre Ferreira, leur faisant croire que ce dernier a organisé un putsch afin de s’emparer du pouvoir.

Les légionnaires, galvanisés par les supérieurs du centre de Rome, n’adressent plus la parole au père Ferreira, qualifié de traitre. Le frère Juan José Vaca [1], suivant les consignes de Maciel, verse même tous les matins un puissant laxatif dans le café du père Ferreira, afin de l’indisposer !

En plus de cela, ce dernier se retrouve avec des factures exorbitantes à payer, car la congrégation a d’énormes chantiers en cours. Maciel, qui a les cordons de la bourse et entretient les relations avec tous les bienfaiteurs de la congrégation, joue avec ses nerfs. Epuisé moralement et physiquement, Ferreira retourne au Mexique assez rapidement.

Le père Maciel écrit au père Ferreira : « Je ne suis pas le monstre que vous décrivez ! »}

Ontaneda, le 24 avril 1957

Révérend père Luis Ferreira, L.C. Mexico

Très cher en Jésus-Christ :

Il est possible que pendant un certain temps il ne me soit plus possible de vous écrire. Pour cette raison, je vous envoie ces lettres. Celles-ci ne possèdent pas de caractère officiel. Elles sont d’un prêtre pour un autre prêtre. De l’authentique vérité de leur contenu, il n’y a que Dieu, vous et moi-même qui pouvons en être sûrs.

a) Le Père Maciel n’a jamais été et n’est pas un morphinomane. Toutes les choses ce que vous avez répandues sur moi ne sont que des calomnies.

b) Le Père Maciel n’est pas le monstre que vous avez décrit. Toutes les dernières accusations que vous avez faites, sur des questions aussi délicates, ne sont également que des calomnies.

c) Il ne m’appartient pas de juger des véritables intentions qui vous ont conduit dans cette voie. C’est à Dieu, qui sait toutes choses, qu’appartient ce droit. Vous, comme moi-même, nous sommes entre ses mains.

d) Les conséquences de vos agissements ne pourront être plus douloureuses pour l’Eglise, pour le Sacerdoce Catholique et pour les âmes. Vous ne voyez peut-être même pas jusqu’où cela peut conduire. Mais il ne passera pas beaucoup de temps avant que vous ne commenciez à le percevoir.

Marcial Maciel, L.C.

Ferreira répond à Maciel : « Vous avez transmis à vos disciples un esprit effronté ! »}

Le 1er septembre 1957

Rév. Père Marcial Maciel Madrid, Espagne

Très cher père Maciel,

informé de votre détermination, je me permets de vous répondre que vous pouvez faire ce que votre conscience vous dictera car, en ce qui me concerne, tout est en ordre. Je me permets juste de vous dire que vous devriez prendre en compte votre histoire personnelle qui est longue et qui, hélas, ne correspond pas à celle d’un Saint Fondateur, puisqu’au lieu de donner le bon exemple à vos disciples, de docilité et de soumission aux ordres des Supérieurs, vous ne leur avez transmis qu’un esprit effronté, bien loin de l’esprit religieux.

Vous auriez pu très simplement réfuter ce qui vous semblait faux et reconnaître les choses qui sont, aujourd’hui, des faits établis et connus de tous. Cela aurait été l’argument le plus fort en votre faveur. Mais, hélas, vous avez préféré jouer au martyr plutôt que de confesser la vérité et, ce qui est encore pire, vous avez eu recours au moyen le plus fourbe pour vous défendre : l’espionnage, allant jusqu’à utiliser certains religieux pour obtenir le document auquel vous vous référez dans votre lettre.

Étant donné que vous utilisez ce genre de moyens, je crois que je suis celui qui y perdra le moins, parce que j’ai en ma possession des faits concrets à donner au Saint Office. Et si cela est une faute aussi impardonnable, il me semble que pour un Fondateur, il n’y a même pas de qualificatif et que, dans le pire des cas, nous devrions être affligés des mêmes peines.

A propos de ma dispense, je n’ai évidemment pas attendu vos conseils, aussi avisés soient-ils. Je l’ai demandé il y a déjà un certain temps, et plusieurs fois. Avec la grâce de Dieu, j’espère ne pas avoir à attendre trop longtemps pour la recevoir car je me suis adressé aux autorités compétentes. Je pense en effet qu’un Supérieur n’a pas à informer ses sujets sur ce qu’il fait, et qu’il ne doit pas se servir de cela pour des affaires aussi délicates.

Il ne fait aucun doute que tout cela vous aura beaucoup blessé, parce que nous nous sommes mis dans la pire des situations. Je crois malheureusement que cela va nous conduire à la pire des solutions, c’est-à-dire à la ruine de notre sacerdoce et à l’échec de nombreuses vocations.

Pour tout ce qui est en train d’arriver et ce qui arrivera, je me repens un millier de fois d’avoir collaboré et d’avoir caché si longtemps tant de choses. Vous vous souvenez que précisément à cause de cela, j’ai voulu m’en aller de nombreuses fois, et qu’à chaque fois vous me promettiez de remédier bientôt à vos problèmes. Or, vous n’avez jamais rien fait, jusqu’à ce que les choses arrivent à leur comble. Vous vous souvenez que ces religieux, qui aujourd’hui se lavent les mains, sont les mêmes qui m’ont appelé à Rome afin que l’on trouve une solution aux scandales répétitifs que vous avez fait à Madrid, à Mexico et aux Etats-Unis.

Tout cela n’est pas grand chose et je peux vous citer les cas de garçons qui ont quitté l’Institut, scandalisés dans tous les sens du terme. Mais ce qui me déconcerte le plus, c’est que les personnes qui, en conscience, exigeaient mon intervention (comme le père Cuena, le père Pardo, les pères de la Isla, etc.) sont aujourd’hui ceux qui, comme je vous le disais précédemment, se lavent les mains et se sont retournés contre moi, moi qui suis le moins fautif dans cette histoire, comme j’ai pu le dire à l’archevêque du Yucatan.

Je vous le dis très simplement : si les choses continuent ainsi, je vous promets que j’irai parler à tous les prêtres de la Légion, pour qu’ils comprennent ce que le Saint Siège cherche à défendre en réalité et qu’ils cessent de critiquer, trompés – comme cela arrive souvent avec des jeunes sans expérience – par de la fausse piété et du sensationnalisme.

Je termine en vous demandant une prière, afin que notre Seigneur apaisent ces passions qui nous font parler et dire les choses crument, parce que malheureusement, cela ne donnera pas la solution la plus satisfaisante. J’aurais bien d’autres choses à dire, mais je vous salue car je suis fatigué et j’espère que ce sera la dernière fois que j’aurais à parler de ce sujet, et sur un ton aussi désagréable.

Luis Ferreira, L.C.

Le pacte pervers

Le père Ferreira Correa souffrait également de graves fragilités psycho-affectives. Lorsque les élèves de l’Ecole Apostolique se confessaient à lui, il en profitait pour leur faire des attouchements.

Bien sûr, Maciel n’a pas hésité à se servir de cette information pour réduire son dénonciateur au silence : d’abord en invitant ses plus fidèles adeptes à le dénoncer sans états d’âme auprès des enquêteurs ; ensuite en faisant un chantage infâme à son Vicaire Général : pour le bien des âmes et le Règne du Christ, je vous offre mon silence… contre le vôtre !

Le père Ferreira s’est effectivement rétracté, avant de quitter la Légion. Il a fini sa vie comme prêtre de paroisse, dans son diocèse d’origine.

Quelques décennies plus tard, à la mort du père Ferreira, José Barba a eu la présence d’esprit d’appeler le neveu du prêtre pour l’avertir que des légionnaires allaient essayer de mettre la main sur ses effets personnels afin de détruire des pièces gênantes. Effectivement, quelques jours plus tard, Mgr Bernal, le premier évêque légionnaire, mais également l’un des plus fidèles sous-fifres du père Maciel, est passé voir le neveu du père Ferreira, prétendant vouloir récupérer des affaires appartenant à la Légion du Christ… Heureusement, grâce aux avertissements de José Barba, le neveu a refusé de lui donner ces précieux documents.

Ci-dessous, le fameux pacte de silence entre Maciel et Ferreira, et les rétractations de Ferreira, quelques jours plus tard.

Le pacte pervers
Que ton Règne Vienne !
Morelia, le 5 novembre 1957

Révérend Père Luis Ferreira, L.C. Prêtant serment devant Dieu Notre Seigneur, pour la bonne réputation du sacerdoce que vous représentez, pour le bien des âmes et de l’Eglise, je vous promets de ne jamais faire usage de la connaissance du problème que nous connaissons tous les deux.

Pour le Règne du Christ à la Gloire de Dieu
Marcial Maciel, L.C.

Ferreira se rétracte

13 novembre 1957

Moi, soussigné, Vicaire Général de l’Institut des Missionnaires du Sacré-Cœur et de la Bienheureuse Marie Vierge des Douleurs, devant Dieu et en conscience, atteste, en réponse aux questions suivantes :

1. M’est-il arrivé personnellement de voir le Révérend Père Marcial Maciel prendre fréquemment une drogue connue sous le nom de « morphine », ainsi que d’autres drogues ?

Je réponds négativement, parce que je n’ai jamais vu la composition des injections qu’il s’administrait. C’est pourquoi je dis, qu’en ce qui me concerne, je n’en suis pas certain. Quant aux membres de la congrégation, je ne suis pas sûr qu’ils sachent si le père Maciel consomme des drogues, car je ne crois pas qu’ils connaissent non plus la composition de ses injections.

2. Ai-je personnellement vu le père Maciel, dans un état d’inconscience dû aux médicaments, chercher à provoquer des attouchements illicites dans les parties intimes de son corps par quelques élèves ?

Je réponds : je ne sais pas, car je n’ai jamais été témoin de cela.

3. Ai-je constaté que le Révérend Père Maciel ait obligé moralement des élèves et des religieux à se confesser à lui ?

Je réponds : Je n’en ai pas été témoin, personnellement.

Luis Ferreira L.C. Vicaire Général

Les trois premiers documents proviennent des effets personnels du père Ferreira Correa, et sont disponibles, en espagnol, dans les annexes du livre de Fernando M. Gonzalez Marcial Maciel. Los Legionarios de Cristo : testimonios y documentos inéditos (Tiempo de Memoria, 2006 et Maxi, 2010). L’original en espagnol du quatrième document est téléchargeable sur le site www.lavoluntaddenosaber.com. (Archive n°113)

[1Juan José Vaca deviendra quarante ans plus tard l’un des principaux accusateurs du père Maciel.

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