Mais je pourrais aussi témoigner de beaucoup d’autres aspects déjà illustrés par les autres témoignages :
- Non respect du droit ecclésial et des constitutions pourtant dûment déposées à Rome
- Utilisation du pendule
- Confusion for interne / for externe
- Violation du secret de la confession par des prêtres amis de la communauté
- Sœurs privilégiées et sœurs « bonnes à tout faire »
- Mensonges purs énoncés sans honte par les responsables des monastères
- Etc.
Bethléem est une entreprise de domination fondée sur une arnaque spirituelle.
Tous nos témoignages concordent.
Hélas !
15 ans à Bethléem : apologie de la souffrance, infantilisation et culpabilisation
Au début, tout est beau
Dans ces communautés, quand un jeune, ou un moins jeune, se présente, il sera toujours accueilli à bras ouverts. On lui fera comprendre, d’une manière ou d’une autre, qu’il est comme un cadeau de Dieu pour cette communauté. On le lui dira même formellement, ce qui est tout de même très gratifiant ! « C’est formidable que le Seigneur t’ait envoyé ! »
C’est une constante, on nous manifeste qu’on a de l’intérêt pour nous. Évidemment, cela donne envie de créer des liens avec le groupe. Les débuts se passent toujours très bien. On est bien accueilli, on a confiance et donc on se livre tout entier à la personne qui est chargée de nous accompagner.
Le rôle de maître ou maîtresse des novices n’existe pas. À Bethléem ce rôle est tenu par la prieure locale.
Donc je commence : j’ai confiance.
Et puis, il y a toute la nouveauté de la vie communautaire, qui est fraternelle, chaleureuse. Même si le style de vie est ascétique : silence, solitude, levers de nuit, alimentation, etc. Mais cela fait partie de cet absolu qu’on recherche, on vit des choses « fortes » parce que par ordinaires, et cela aussi est gratifiant, surtout pour un jeune.
Un jour on découvre sa prieure sous un tout autre jour. Elle vous envoie promener en vous faisant comprendre qu’on lui casse les pieds, ou vous la découvrez dans une colère noire. Bref, on la découvre dans un comportement qui n’a rien d’évangélique et ne correspond pas à ce qu’elle prêche par ailleurs, dans ses homélies de Chapitre par exemple.
On est un peu saisie, on se demande ce qui se passe. C’est difficile à décrire, et surtout à expliquer : il y a quelque chose qui nous empêche de réagir sainement en disant : « Je ne suis pas d’accord ! »
« II faut souffrir pour être purifié »
Je crois que c’est lié au fait que non seulement on a été bien accueilli, mais en plus on nous a dit/fait comprendre que notre présence était importante, que notre vocation, celle de la communauté, était tellement importante pour l’Église. Il s’opère une sorte de démesure dans la perception du réel : tout ce qui est « beau, grand, absolu » ou qui est présenté tel dans la communauté est tellement valorisé que lorsque se présente un fait, lui, très dévalorisant, on ne peut que le minimiser. Peut-être parce qu’en fait, on ne peut tenir les deux en même temps. C’est notre propre décision de rester dans ce groupe qui est en jeu. On est pris dans ce qu’on appelle en psychologie une « double contrainte », ce qui anesthésie en nous la capacité à analyser et à réfléchir.
Ensuite, si l’on continue à éprouver des difficultés et des souffrances dans la communauté, il y a un enseignement de fond qui est : « Il est écrit dans l’Évangile, la porte pour entrer dans le Royaume de Dieu est étroite », « il faut souffrir pour être purifié », « le Christ lui-même est passé par la passion et la croix », il est donc normal de connaître des difficultés, voire une extrême souffrance.
À ce sujet, une homélie de sœur Marie est très révélatrice, elle fait une sorte d’apologie de la souffrance, en assimilant la « Gloire » (la gloire de Dieu, la béatitude) à la souffrance. La conclusion de ce texte est : plus vous souffrez, mieux c’est, cela vous montre que Dieu vous aime tout particulièrement !
Alors quand on voit des choses anormales dans la communauté, que l’on se retrouve très angoissée, ou bien que l’on nous demande des choses difficiles, comme par exemple : « Tu diras à tes parents que désormais, ils ne doivent plus venir te voir qu’une seule fois par an », on l’accepte, même si c’est dur. Ne suis-je pas là pour donner ma vie au Christ ? Lui donner tout ? Voilà pourquoi on est prêt à tout.
Dans les relations qui s’instaurent, qui sont instaurées volontairement, entre le jeune et les responsables auxquels il a affaire, il y a d’abord un aspect affectif très fort, voire infantiliste. Qui peut aller jusqu’à des câlins, les « billets doux » glissés sous la porte (« Ma chère petite sœur, tu sais comme je t’aime » ; « je te connais comme si je t’avais faite », etc.).
A Bethléem, j’ai la conviction que c’est une démarche consciente de la part des responsables, elles appellent ça la « parturience », l’amour très tendre de la sainte Vierge pour ses enfants.
Or, la petite sœur en question n’est pas entrée en communauté pour cela, sauf cas pathologique. Non, elle est entrée pour le Christ.
Au style de relations affectivo-affectives, s’ajoute l’utilisation de la générosité de la jeune sœur, profonde, réelle, pour l’enfermer dans une auto-culpabilisation. Il y a la souffrance comme je l’ai dit plus haut, et puis son désir de tout donner à Dieu. Comme l’enseignement constant de la communauté est d’identifier la communauté avec Dieu lui-même en insistant sur le fait que « heureusement » Dieu a inventé Bethléem, pour nous permettre de vivre une véritable vie monastique !!! On finit par confondre effectivement les deux réalité : Dieu et la communauté.
Si donc, on commence à prendre un peu de recul et à se dire : « Quand même, ce n’est pas possible, ce n’est pas cela que le Seigneur me demande, cela me paraît tellement éloigné du message joyeux, libérateur, que j’ai entendu en rencontrant le Christ ! » Ou bien : « Peut-être que je ne suis pas à ma place ici ? » On s’entend dire : « Mais c’est Dieu qui t’a fait entrer dans cette communauté formidable, et toi tu veux partir !? »
On veut quitter la communauté : on quitte Dieu. C’est évidemment une issue perçue comme trop dramatique pour être sereinement envisagée. Mais où est l’authentique vie spirituelle dans tout cela ?
Au moment où je commençais à me dire que je ne pouvais pas rester à Bethléem, j’avais vraiment l’impression que j’allais laisser Dieu à Bethléem, que j’allais casser ma relation avec le Christ et me retrouver athée dans le monde. Mais j’en étais arrivée à un tel point, j’étais tellement à bout que je me suis dis : je prends le risque. J’ai pris le risque et je me suis aperçue qu’il n’en était rien. Mais il avait fallu que j’accepte cette éventualité.
Je suis certaine qu’aujourd’hui, il y a des sœurs de Bethléem dans la même situation. Elles ont l’idée de partir, mais elles ont peur, elles sont ligotées par leur auto-culpabilité, elles n’ont aucun argument à opposer aux responsables qui leur rappellent combien on les aime et qu’on a besoin d’elles à Bethléem. Et en plus elles sentent qu’elles n’ont aucun bagage pour affronter la réalité de la vie dans le monde. Le style de vie de Bethléem nous confine beaucoup trop en dehors des réalités humaines.
La manipulation de la générosité de personnes qui veulent sincèrement donner leur vie au Christ et au service de l’Église : les conséquences psychiques, spirituelles, voire physiques, de cette manipulation ; voila ce qui me scandalise le plus, pour moi-même, pour ce que j’ai vécu, et pour toutes celles que j’ai vues autour de moi.
On est pris au piège. On est dans un cercle vicieux. On soufre, on pleure, on est angoissé. Et tout ce que nous dit la communauté, c’est que le chemin est étroit pour aller au Royaume ! Il arrive un moment où tout ce que je peux penser, dire ou faire par moi-même, me met en porte-à-faux avec la communauté, avec la prieure, avec Dieu même. Donc là, je suis coincée.
« Vœu d’unité »
Un autre point important contribue à retirer à la personne une saine utilisation de sa liberté : c’est l’unité.
À Bethléem on insiste beaucoup sur l’unité, l’unité des cœurs, l’unité dans la manière de vivre. Cette unité est qualifiée de cadeau fait en direct par la sainte Vierge à Bethléem.
À Bethléem, il y a une promesse de tendre à l’unité, promesse que l’on fait à la profession. Une sœur qui fait promesse de tendre à l’unité, à partir du moment où elle se permet de penser, ou qu’elle se rend compte qu’elle voudrait penser différemment, elle a le sentiment d’aller contre sa promesse. C’est la voie tracée pour la pensée unique. On s’autocensure pour ne pas penser différemment.
L’unité se retrouve aussi dans les détails de la vie courante. D’un monastère à l’autre, on a, à quelques minutes près, le même horaire, la même alimentation, les mêmes livres dans les bibliothèques, etc. Cette unité est en fait une uniformisation. Et à hautes doses, je suis persuadée que c’est destructeur pour les personnalités.
« Infantilisation »
L’infantilisation, je l’ai dit, fait partie de ces relations affectives délétères. Ici c’est la conception de l’obéissance qui est en cause. Pour cela aussi, on fait appel au Christ qui a dit : « Je ne fais rien de moi-même. »
Alors qu’en sera-t-il de la petite sœur à qui l’on dit qu’elle sera novice toute sa vie ? En réalité cela signifie que la petite sœur ne peut rien faire sans demander une permission. On nous rappelle d’ailleurs, bien à propos, que d’après les apophtegmes, le grand saint Antoine lui-même disait à son staretz le nombre de verres d’eau qu’il buvait.
On est ainsi amené à se référer à quelqu’un d’autre pour la moindre décision ! Cela paraîtra énorme aux personnes qui n’ont pas connu cette communauté de l’intérieur, mais lorsque j’étais à Bethléem, en hiver, j’aurais voulu mettre un collant parce que j’avais froid. Cela devenait un truc insoluble : « est-ce que je peux prendre la décision de mettre un collant sans en demander la permission ? » On en arrive à des choses aberrantes. Au lieu d’être libre pour l’oraison, la parole de Dieu, on se prend la tête avec des bêtises comme cela tout au long de la vie.
J’ai vu les conséquences psychiques de l’infantilisation. J’ai vu des filles régresser complètement psychiquement. Une sœur en particulier. Elle avait travaillé dans un ministère à Bruxelles, donc une fille pas bête. Au bout de deux ans à Bethléem, elle était comme un enfant de 4 ans. Elle ne mangeait plus que de la bouillie. Elle avait peur dès qu’elle se faisait un petit bobo. C’était atroce !
Un jour, j’ai dis à sœur Hallel que vu son état, il fallait peut-être l’aider à sortir de Bethléem, même momentanément, pour qu’elle soit soignée correctement. Il était évident pour moi que dans sa situation, il lui fallait l’aide de professionnels. Qu’est-ce que m’a répondu sœur Hallel : « Oh, mais tu sais, elle fait beaucoup de progrès, elle fait du chemin… » J’en ai été horrifiée : elle refusait de voir l’état mental de cette personne adulte, qui était en parfaite santé avant d’entrer.
Pour quelles raisons, Bethléem refuse qu’interviennent des médecins ou psychothérapeutes extérieurs ? De crainte que « l’extérieur » ne découvre l’ampleur des dégâts ?
À l’infantilisation et à la pensée unique, s’ajoute l’absence de fonctionnement démocratique. Si la communauté se réunit en Chapitre pour décider de quelque chose, il n’y a pas de place pour des avis différents. Il n’y a pas de débat possible. Ce que dit la prieure, surtout ce que dit la prieure générale, c’est cela qui est bon pour la communauté. Sans compter qu’on invoque sans scrupules le rôle de la Vierge Marie qui parle par ses instruments (= les responsables).
« Endoctrinement »
Je continue avec ce qu’on peut appeler l’endoctrinement. Cet endoctrinement est directement lié à la personne du père Marie-Dominique Philippe, que vous connaissez tous, au moins de réputation.
Il n’y a qu’un seul type d’enseignement dans ces communautés (Bethléem, sœurs mariales, Saint-Jean). Un enseignement intra-réseau ou intra-communautaire.
À Bethléem. toute la formation intellectuelle est celle des frères de Saint-Jean. C’est-à-dire les cours du père Philippe. Métaphysique, philosophies, du vivant, du travail, l’amour, l’amitié, etc., tout le cursus proposé par le père Marie-Dominique. Il n’y a dans ces communautés aucun accès à d’autres formes de pensées.
Ce qui provoque des conséquences dans la vie intellectuelle des personnes, la vie de leur esprit. Parce que cet enseignement univoque génère une forme de vacuité. Vacuité qui finalement réduit la capacité de penser et de réfléchir par soi-même, de prendre le recul nécessaire pour des décisions pleinement libres.
L’enseignement du père Philippe a son langage, son vocabulaire propre. À la fois tous les « initiés » se comprennent, et en même temps, cela contribue à isoler par rapport à « l’extérieur ».
Il faudrait pouvoir analyser cela en profondeur, mais à mon avis, ça explique que des personnes en sortent cassées ou y restent cassées.
Cela ne peut faire du bien à une intelligence humaine de toujours s’exercer dans le même registre.
Si vous vous êtes penchés un peu sur les enseignements du père Marie-Dominique, c’est du « chinois » ! Quand on voit tous ces jeunes suspendus à ses lèvres… ça laisse rêveur.
La métaphysique j’en avais par-dessus la tête. Les dernières années, au Canada, on a voulu nous faire refaire un séminaire de métaphysique. Je suis allée voir ma prieure et lui aie dit : « C’est au moins la cinquième fois que je suis le cours d’initiation à la métaphysique, j’en ai marre ! » Et bien, il n’y a rien eu à faire.
Il est vrai qu’on nous demandait de nous replonger dans cette approche pour « équilibrer » la formation que nous recevions à l’institut (IFHIM à Montréal). Assez vite je crois que sœur Marie s’est rendue compte que l’institut était dangereux pour Bethléem : les sœurs qui y passaient, découvraient leur liberté et leur droit à la parole.
La philosophie du père Philippe est soi-disant une philosophie réaliste, à l’école d’Aristote. Finalement, c’est une formation intellectuelle très platonique, avec la contemplation du Vrai, du Beau… un idéalisme. À cause de cela, on quitte le réel. Ce serait à creuser, il y a vraiment un problème avec des conséquences psychiques. L’Église pourrait-elle se donner les moyens de vérifier de près l’enseignement de ce père dominicain ?
En plus, les personne qui vivent dans ces communautés, non pas du tout accès à l’information qui est triée. À Bethléem, le journal La Croix a été déclaré subversif. Seuls l’Osservatore romano et La Documentation catholique sont mis à disposition. Je me souviens que je me précipitais sur La Documentation catholique : à la fin, il y a des nouvelles diverses. C’était le seul moyen que j’avais d’avoir un peu de nouvelles du monde ! Tout cela n’aide pas les intelligences à s’ouvrir et à avoir un sain esprit critique.
« Exorcisme »
À Bethléem, j’ai connu une prière d’exorcisme qu’on disait en commun, quand la prieure ou la prieure générale, pour l’ensemble des communautés, estimait que les sœurs donnaient trop prises au démon. Il existe aussi une prière que les sœurs disent seules. Moi-même, on m’avait dit que j’avais des démons. Je devais tous les soirs répéter une prière du genre : « Démon de l’orgueil sors de moi, démon de la paresse sors de moi », etc. J’ai vu que cela m’angoissait de plus en plus et j’ai décidé d’arrêter. Mais pour une sœur qui a le courage de ne pas entrer dans cette peur institutionnelle du démon, combien sont persuadées que c’est réellement le démon qui est présent dans leur vie, plus que le Christ ?
Personne ne peut ignorer l’influence négative sur le moral d’une personne, que de la persuader qu’elle a ouvert sa porte intérieure au démon ! Est-ce sur ce genre de chemin pseudo-spirituel que l’Église veut voir avancer des jeunes à qui Dieu s’est adressé ? L’Église a-t-elle conscience que des messages et des comportements non-évangéliques sont véhiculés par des communautés qu’elle cautionne officiellement ? Comment peut-elle le supporter ?