Focus sur les Sœurs apostoliques de Saint Jean

Samedi 18 juillet 2020

Fondées en 1984 et reconnues comme congrégation diocésaine en 1993, les Sœurs apostoliques ont été partiellement (partiellement seulement) préservées des dérives et abus qui ont massivement frappé les Frères et les Sœurs contemplatives, en raison d’un lien plus distant avec la personne du fondateur.

Cette distance s’explique par les circonstances propres à la genèse de cette communauté :

  • L’intuition initiale qui prévalait à l’aube de la fondation était qu’il fallait des sœurs « comme les frères », c’est-à-dire avec un enracinement monastique mais aussi une fécondité nettement apostolique. Mais lorsque Alix Parmentier, ancienne carmélite, a été mise en avant par le père Philippe pour diriger les premières recrues, celle-ci a alors fermement imposé sa vision contemplative. La naissance de la branche apostolique a nécessité une scission deux ans plus tard, scission qui a été plus ou moins bien accueillie par le père Philippe.
  • Au tournant des années 2000, les sœurs apostoliques ont volontairement évincé une de leurs supérieures, Sœur Marie-Dominique. Celle-ci était à la fois prieure de la maison-mère à Semur-en-Brionnais, et responsable de la liturgie pour l’ensemble de la congrégation. A la fois très artiste, « mystique », et maitresse dans l’art de la manipulation affective, sœur Marie-Dominique entrainait les sœurs dans un jeu de relations exclusives, dans des liens de copinage ou de clans, tout en entretenant des relations troubles avec plusieurs pères de la communauté, dont ses deux homonymes (Marie-Dominique Philippe et Marie-Dominique Goutierre). C’est l’emprise exercée sur les religieuses, avec même des pressions homosexuelles dont un évêque avait été alerté, qui ont déterminé sœur Elisabeth, prieure générale à l’époque, à demander le départ de sœur Marie-Dominique… Le père Philippe leur a longtemps reproché cette révolution interne, jusqu’à cesser de mettre les pieds à Semur pendant une année entière.

Cette distance « affective » avec le fondateur a donc permis à la branche apostolique de se développer dans une plus grande liberté de pensée et une certaine autonomie de fonctionnement.

D’autres aspects ont également joué dans ce sens. Contrairement aux sœurs contemplatives, par exemple, qui ne s’implantaient qu’à proximité des frères et qui en dépendaient quasi-exclusivement, les sœurs apostoliques ont bénéficié de l’aide d’enseignants extérieurs de qualité, et ont toujours connu une plus grande autonomie dans les choix d’implantations, d’où aussi une indépendance sacramentelle et financière.

  • Il serait pourtant tout à fait faux de conclure que les Sœurs apostoliques n’aient pas subi d’abus, et ce pour plusieurs raisons :
  • Ce sont toutes les branches de la Famille Saint-Jean qui ont été contaminées par l’enseignement du père M-D Philippe, avec toutes ses déviances.
  • La branche féminine ayant été indistincte au départ, certaines des sœurs apostoliques ont fait partie du noyau initial autour de sœur Alix, à Fribourg puis à Rimont, et ont vraisemblablement subi les mêmes abus, psychologiques, spirituels et sexuels, de la part du fondateur et de plusieurs frères.
  • Comme rapporté plus haut, les sœurs ont connu une période de dérives particulières sous le gouvernement de sœur Marie-Dominique.
  • La communauté des Sœurs apostoliques, malgré sa relative indépendance, a gardé des liens forts avec la congrégation des frères, pour l’enseignement, les sacrements et l’accompagnement spirituel. Elle a de ce fait subi l’influence de plusieurs frères, notamment Marie-Dominique Goutierre, Samuel Rouvillois, Marie-Alain d’Avout, et François de Longevialle.
  • Au-delà des personnalités perverses, il y a un système pervers qui, s’il ne se cache pas nécessairement derrière un visage et un nom, n’en est pas moins destructeur. Il s’agit de mécanismes d’emprise, de leviers de contrôle et de dépersonnalisation. On enserre l’individu dans un étau par des discours contradictoires instillés en permanence dans son esprit :

Tu fais partie de la meilleure communauté au monde, mais toi tu n’es jamais à la hauteur.

Tu reçois la formation la plus excellente, mais toi, si tu poses des questions, tu es dans ton orgueil.

Je t’aime d’une amitié spirituelle profonde, mais toi tu n’as rien compris à mon amour…

  • Il s’agit d’une machine à culpabiliser, qui rend toujours plus dépendant de la « miséricorde » de ses sœurs et de son autorité. C’est aussi un mode de gouvernement marqué par l’immaturité. L’absence d’usages bien établis, validés par l’expérience, enracinés dans une certaine sagesse de vie, fait que l’on est vulnérable aux mains d’une autorité fantaisiste.
  • Plusieurs témoignages font état de ces abus internes chez les Sœurs apostoliques. Dans un livre à compte d’auteur intitulé : « Sœur Félicité, la vérité vous rendra libre » (Sentinelles, 2014), et sous couvert d’anonymat, une femme a raconté les violences dont elle a souffert au sein de cette congrégation. Adrienne de Barmon, membre de la communauté pendant 8 ans, a également témoigné de son expérience d’emprise. [1]

[1La Croix, 26 février 2020, Podcast : « Religieuse abusée, j’ai mené l’enquête sur ma communauté ».

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