ARCHIVE : La lettre du père Ferreira Correa sur le père Maciel (1956)

Mardi 25 décembre 2012 — Dernier ajout mardi 30 avril 2013

Le père Ferreira Correa, jeune prêtre diocésain, avait été confié par son évêque au père Maciel pour seconder ce dernier dans son projet de fondation. En 1956, après avoir tout essayé pour aider le père Maciel à sortir de ses addictions, il finit par alerter lui-même les autorités ecclésiales sur les turpitudes du fondateur.

A.R.T.
Ecole Apostolique du Sacré Cœur
Quinta Pacelli, Calle
Tlalpam 2

A son excellence Mgr. Francisco Orozco Lomeli Vicaire Général de l’archidiocèse de Mexico

Le 23 août 1956

Votre excellence,

Conformément à la convocation que Votre Excellence a daigné m’envoyer et obéissant à l’ordre de Votre Excellence d’exprimer dans un rapport détaillé tous les faits relatifs à certains faits qui touchent à la façon de procéder et d’être du révérend père Marcial Maciel, Fondateur et Supérieur Général de cet Institut Religieux, moi, Luis Ferreira Correa, religieux profès perpétuel, âgé de 41 ans, actuellement Recteur de l’Ecole Apostolique du Sacré Cœur de Tlalpan, D.F., et Vicaire Général de cet Institut des Missionnaires du Sacré Cœur et de la Vierge des Douleurs, faisant le serment de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, devant Votre Excellence, je me vois obligé d’exprimer les faits suivants :

Dès les premières années de ma collaboration à l’œuvre du père Maciel, un Frère Apostolique est venu me voir pour me présenter ses problèmes de conscience, à propos de la façon dont le père Maciel l’avait traité lorsque celui-ci était malade. Concrètement, le garçon se référait à des actes impudiques. Ce garçon est aujourd’hui religieux profès perpétuel dans la Congrégation et, lui ayant demandé si, en cas de nécessité, je pouvais faire usage de cette information, celui-ci m’a donné son accord de confiance. Ce frère s’appelle xxxxxxxxxxxxxxx. Ce dernier m’a affirmé qu’une chose similaire était arrivée à son frère de sang, qui s’appelle xxxxxxxxxxxxxxx, fait qui a conduit cet élève de l’Ecole Apostolique à se séparer du groupe. Ces faits étaient sur le point de provoquer des bouleversements sérieux pour l’Œuvre du père Maciel, car ils sont arrivés à la connaissance de son Excellence Mgr. Gonzalez Arias, qui était alors l’évêque de Cuernavaca et qui parrainait l’Œuvre, et qui a même hésité à arrêter l’Œuvre naissante.

Au cours de ces dernières années, une chose similaire a eu lieu avec le troisième frère de sang des deux derniers, xxxxxxxxxxxxxxxx, aujourd’hui également religieux profès perpétuel. Dans ce cas, je n’ai pas l’autorisation de l’intéressé d’en parler, mais comme je n’ai été informé de ces faits ni en direction spirituelle ni sous le secret de la confession, il me semble que je n’enfreins aucun principe moral à le faire.

J’ai également constaté, bien que sans l’évidence patente des cas précédents, que cela s’est également produit de façon répétée avec le frère xxxxxxxxxxxxxxxxx, car en différentes occasions ce frère m’a affirmé que le père Maciel l’avait trompé, en incitant ce dernier à lui faire des attouchements, parce que le père Maciel lui disait que ces contacts avec un corps humain provoquaient l’éjaculation dont il avait besoin pour pouvoir reposer, car ainsi ses souffrances s’atténuaient.

Je suis à peu près sûr que ces mêmes faits se sont produits également avec d’autres frères – parmi ceux qui ont été très proches de lui – et qu’il a essayé de retenir par tous les moyens à l’intérieur de la Congrégation, pour la plupart d’entre eux, et malgré leur opposition personnelle à continuer dans la vocation sacerdotale, craignant que ces derniers aillent ensuite le dénoncer. Et pour cette raison il a essayé de les flatter, au moment où ces derniers ont quitté la congrégation, en leur offrant des cadeaux et en leur promettant de continuer à les aider.

Un autre détail qui a motivé ma première insistance à vouloir sortir de la Congrégation, est arrivé quand l’un des élèves de l’Ecole Apostolique, dont j’étais le Recteur à cette époque, est venu me dire, en 1950, ce que le père Maciel l’avait obligé de faire – pour provoquer l’éjaculation – et alors, j’ai parlé au père Maciel sévèrement, lui disant que je m’en allais parce que je n’étais pas prêt à continuer à collaborer de cette manière. Le père Maciel a dû annuler un voyage urgent qu’il projetait de faire, prétendant que ma décision l’avait fait beaucoup souffrir et il m’a supplié de ne pas m’en aller : il disait qu’il ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait quand il était malade, car ses douleurs étaient très violentes, et que ce qu’il avait fait avec cet enfant avait eu lieu sans doute alors qu’il se trouvait dans un état d’inconscience. A la vue de l’apparente sincérité avec laquelle il a dit cela, j’ai pris la décision de continuer de collaborer. L’enfant auquel je fais référence s’appelle xxxxxxxxxxx.

A travers tout ce que j’ai pu observer au cours de ces dernières six années, il me semble que le père Maciel s’est toujours fait des injections de drogues : Dolantine, Sedol et Demerol. Moi, à ce moment là, j’étais effectivement très inquiet, mais je n’ai pas voulu pousser mon investigation plus loin, me disant que de toutes façons, il ne pouvait obtenir ces drogues qu’avec des ordonnances très difficiles à obtenir, jusqu’à ce que finalement, il y a environ deux ans, je demande au Docteur Ramon Suarez, de Morelia, Michoacan, quelles étaient les conséquences de ces drogues. Et le docteur m’a répondu que ces drogues nuisaient gravement à l’organisme du père Maciel et que, s’il n’était pas déjà trop tard, cela allait former en lui une habitude honteuse dont il aurait ensuite beaucoup de mal à se débarrasser. Le même Docteur Suarez a parlé énergiquement au père Maciel sur ce point et, depuis qu’il l’a fait, il y a environ deux ans, le père Maciel n’a plus voulu le consulter pour ses maladies, chose qu’il faisait avant très fréquemment. Le père Maciel, essayant de me tromper, m’a affirmé que le Docteur Suarez, comme d’autres médecins d’Italie et de New York, lui avait au contraire recommandé ces drogues, parce que celles-ci étaient le seul moyen d’atténuer ses souffrances. Depuis ces deux dernières années, j’ai fait tout mon possible pour l’empêcher de se procurer et de s’administrer ces drogues. Mais il trouvait toujours le moyen d’envoyer des religieux, sous le prétexte de devoir se rendre à tel ou tel endroit, et leur donnant la consigne explicite de ne pas m’informer de l’endroit où ils étaient sorti et pour quelle raison. L’utilisation de ces drogues est arrivée à un tel point que le 3 janvier de cette présente année 1956, j’ai reçu un appel téléphonique du père Rafael Arumi, Maître des Novices de notre Maison de Rome, me suppliant de venir à Rome dans les plus bref délais : il m’a dit qu’il s’agissait d’un problème majeur et qu’il ne pouvait me communiquer aucune information jusqu’à ce que je le rejoigne. J’ai fait tout mon possible pour obéir aussi vite que j’ai pu : je suis parti en avion le 4 janvier et je suis arrivé à Rome dans la nuit du 6. Là, le père Arumi m’attendait pour m’apprendre que son appel concernait en fait l’état de déchéance dans lequel était tombé le père Maciel au cours des derniers jours ; état qui avait conduit le père Arumi à obliger le père Maciel à rédiger un document dans lequel il renonçait à sa fonction de Supérieur Général et proposait au Saint Siège de choisir entre le père Arumi et moi-même pour lui succéder. Il me dit également que le père Maciel avait quitté la maison de Rome 8 jours avant , emportant avec lui le document dans une enveloppe fermée, et sans dire à personne où il se rendait, prenant avec lui pour l’accompagner l’un des jeunes religieux de sa plus grande confiance, le frère Félix Alarcon Hoyos, qui lui avait toujours été complètement soumis pour obtenir ses drogues. Il avait en effet réussi à faire croire à ce jeune, ainsi qu’aux autres religieux qui le soignaient, que sa maladie était une chose extraordinaire et que, à cause de cela, il avait besoin de remèdes extraordinaires pour calmer ses souffrances.

Le jour où je suis arrivé, selon ce que m’a rapporté le père Arumi, le père Maciel était rentré à la maison vers sept heures du soir, dans un état plus ou moins normal, et avait participé à la remise des cadeaux, comme il est de tradition dans nos centres le 6 janvier (NDT : Une fois par an, le jour de la fête de l’Epiphanie, une soirée festive a lieu dans tous les centres légionnaires. Au cours de cette soirée, le supérieur du centre distribue des petits cadeaux à chaque religieux. Il s’agit en général de choses liées à la responsabilité du religieux dans le centre – par exemple, un religieux s’occupant des jardins pourra recevoir des gants de jardinage – mais cela peut-être aussi des vêtements, des livres, des affaires de papeterie, etc.). Puisque le père Maciel se trouvait là, le père Arumi l’a informé qu’il avait reçu un télégramme annonçant mon arrivée vers minuit. Cela eu pour effet de contrarier profondément le père Maciel qui réprimanda sévèrement le père Arumi d’avoir pris une mesure qu’il jugeait imprudente. Le père Arumi lui présenta ses excuses et lui répondit qu’après avoir reçu le document par lequel le père Maciel renonçait à sa charge, il lui avait paru logique de prévenir le Vicaire Général, pour voir avec lui quelles mesures il fallait prendre. Le père Maciel s’est retiré dans son appartement, avant que je n’arrive, et a demandé à ce qu’on m’informe qu’à cause de son état de santé, il ne lui était pas possible de me recevoir jusqu’au lendemain.

Le jour suivant, le 7 janvier, il s’est levé vers 10 ou 11 heures du matin, complètement sous l’emprise de la drogue et a commencé une propagande parmi les pères et les frères, racontant que le Saint Siège m’avait appelé – ce qui est absolument faux – pour que je prenne les rênes de la Congrégation. Chez l’un des pères – le père Antonio Lagoa – cela a provoqué un état d’angoisse assez grave, étant donné qu’un grand nombre de religieux, dont ce dernier fait parti, est complètement fasciné par la personnalité apparente du père Maciel. Cela a conduit ce prêtre à prendre ses distances d’avec moi, et même à me témoigner une certaine hostilité. Voyant que le père Maciel continuait à répandre les mêmes mensonges, je suis allé lui parler avec énergie, l’invitant à être plus prudent et mesurer ses paroles, afin qu’il se rende compte du mal qu’il était en train de faire aux religieux à cause de ses informations non-fondées. Je lui ai dit que ma venue n’avait d’autre but que de l’obliger à prendre un traitement et des mesures radicales pour se soigner. Il n’a pas voulu continuer à m’écouter, et ensuite il a fait appeler les novices pour leur donner une conférence depuis son lit. Conférence qui devait être comprise comme « surnaturelle », alors qu’en fait toute sa lucidité et sa ferveur était dues aux effets de la drogue.

Le père Maciel a continué ensuite à me pousser à renoncer à mon intention de l’envoyer se faire soigner aux Etats-Unis ou à Cuba, et pour cela, il m’a proposé de faire un grand voyage en Terre Sainte et dans d’autres pays, ou bien de rester quelques temps à Rome, pour visiter les monuments. J’ai insisté sur ce qui avait été la raison de mon voyage, mais voyant son insistance, j’ai accepté de partir en Espagne en voiture, profitant du voyage pour visiter quelques endroits. Mais sans pour autant arriver à ce qu’il me promette formellement de me retrouver à Cuba, afin qu’il y suive un traitement.

Durant les jours de ma présence à Rome, de nombreux religieux sont venus parler avec moi, parmi lesquels je citerais les plus importants, étant donné que certains appartiennent au Conseil Général : le frère Alfredo Torres, le frère Carlos Mora, le frère Jorge Bernal, le père Rafael Arumi, Supérieur du Noviciat, le frère José Luis Barriga, le frère Saul Barrales, me suppliant fortement de ne pas partir d’Europe sans emmener avec moi le père Maciel, parce que sa présence dans le Centre de Rome était un véritable scandale, étant donné que les choses étaient arrivées à un tel point qu’ils avaient dû retirer les jantes des voitures et même cacher les clés, parce que le père Maciel envoyait certains religieux, au nom de la sainte obéissance, pour qu’ils aillent lui procurer ses injections, et que lorsque ces derniers refusaient, il y allait lui-même. Il lui est même arrivé une fois qu’il sorte pratiquement en pyjama pour se procurer la drogue. J’ai également découvert que le père Maciel avait même envoyé une fois le frère Félix Alarcon en Espagne par avion, afin que ce dernier lui ramène quelques caisses d’injections. Lui-même d’ailleurs avait fait ce même voyage en d’autres occasions, prétextant des affaires économiques urgentes, mais en réalité pour se procurer la drogue si nécessaire. Le frère Saul Barrales, qui s’occupait du père Maciel à cette époque, m’a dit qu’il y avait eu des jours où on lui avait administré jusqu’à quarante injections en une seule journée.

Je suis parti en Espagne et, de son côté, le père Maciel s’est également rendu là-bas en avion, bien que je lui avais proposé de partir directement pour la Havane, afin qu’on lui fasse ce qu’il appelle des « blocages », une intervention permettant de soigner les inflammations du « veru montanum », afin qu’il puisse continuer à avoir un sécrétion normale de sperme, quand il avait ses souffrances. (NDT. Le veru montanum est un petit muscle situé dans l’urètre, qui en se contractant lors de l’éjaculation, empêche le sperme de remonter dans la vessie.) Les frères de Rome étaient très contents, parce qu’ils avaient essayé deux fois de le conduire à l’aéroport, mais qu’une fois arrivé là-bas, le père Maciel les avait contraint à revenir à la maison, prétextant de grandes douleurs.

Le 15 janvier, le père Maciel s’est rendu à l’Ecole Apostolique d’Ontaneda, à Santander, mais lorsque je suis arrivé, on m’a informé que le père Maciel était très malade et qu’il se trouvait dans un hôtel de Madrid. Les deux frères qui l’avaient accompagné sont également arrivés – le frère xxxxxxxxxxxxx et le frère Neftali Sanchez. Ils m’ont dit que le père Maciel était souffrant et que le père xxxxxxxxxxxxxx, qui n’avait aucune connaissance sur ces drogues, lui en avait procuré et me faisait dire avec insistance qu’il était indispensable d’emmener le père à Cuba ou en Amérique du Nord, pour le soumettre à un traitement énergique et radical.

Le 16 janvier, nous avons quitté Ontaneda pour Madrid, découvrant le père Maciel dans un état qu’on ne pourrait même pas imaginer, étant donné qu’il avait réussi à s’injecter les trois ou quatre caisses de d’injections qu’on lui avait apporté de Salamanque. Il se trouvait en effet dans un état de stupeur dans une chambre de l’hôtel Plaza, l’un des hôtels les plus luxueux de Madrid. Sa propre soeur, Blanca Maria Maciel, qui se trouvait à Madrid et qui s’était rendu compte de l’état lamentable dans lequel se trouvait son frère, m’a supplié fortement de faire tout mon possible pour soigner le Père, parce que ce vice là était une honte et la pire disgrâce, non seulement pour la Congrégation, mais également pour sa propre famille. Nous avons décidé de l’interner dans une clinique, mais comme ils ont refusé de lui procurer les injections qu’il exigeait, il s’est échappé et s’est rendu dans une autre clinique qui lui convenait.

L’un de ces jours, alors qu’il n’avait pas réussi à se procurer ses injections, il a demandé qu’on lui apporte un annuaire téléphonique et s’est mis à appeler plusieurs médecins, leur disant que le père « Luis Ferreira » était souffrant et qu’il avait besoin de ces injections. L’un de ces docteurs a accepté de lui procurer ces injections, alors le père Maciel lui a dit qu’il allait lui envoyer un jeune garçon pour récupérer l’ordonnance. Heureusement, j’ai pu découvrir le stratagème à temps et j’ai obligé le garçon à me remettre l’ordonnance, laquelle est toujours en ma possession. Découvrant cette façon de procéder, je me suis présenté devant lui et je lui ai dit qu’après avoir réalisé de façon aussi évidente que tous mes efforts pour le soigner étaient inutiles, j’avais pris la décision de quitter la Congrégation et que je retournais dans mon diocèse de Morelia. Le père Maciel s’est mis à pleurer et à me faire tout un simulacre afin de voir s’il était possible de me retenir, mais je n’ai pas cédé et je suis parti dans la soirée en avion pour le Mexique.

En arrivant au Mexique, afin d’éviter un scandale parmi les religieux, j’ai expliqué que j’étais très fatigué et que je devais me rendre au plus vite dans l’état du Michoacan, mais mon objectif était en fait de faire croire au père Maciel que j’allais effectivement rencontrer mon archevêque et lui exposer le problème pour réintégrer mon diocèse de façon définitive. Le 23 janvier, alors que je m’étais rendu dans le Michoacan, le père Faustino Pardo, Recteur de l’Institut Cumbres, a effectivement reçu un appel du père Maciel, pour savoir ce que je faisais. Le père Pardo lui a dit que j’étais déjà parti à Morelia et que je ne l’avais pas informé de la raison de mon voyage. Le père Maciel lui a donné l’ordre de m’appeler le plus vite possible pour me dire que, conformément à mes indications, il se rendait ce jour même à la Havane, et c’est effectivement ce qu’il a fait. Une fois à la Havane, il m’a parlé au téléphone, me suppliant que sous aucun prétexte je ne commette la « bêtise » d’aller parler avec l’archevêque ; Il m’a juré et m’a promis de commencer un traitement qui durerait le temps nécessaire. J’ai donc décidé de rentrer à Tlalpan, mais pas sans avoir exigé du père Maciel qu’un religieux choisi par mes soins l’accompagne.

Malheureusement, à mon arrivée à Mexico, j’ai découvert que le frère xxxxxxxxxxxxxxx était déjà parti pour la Havane. Il se trouve que ce frère se laisse très facilement manipuler et fait tout ce que le père Maciel lui demande. Les choses sont arrivées à un tel degré, afin de se procurer les drogues, qu’ils ont dû quitter Cuba, pratiquement poursuivis par la police.

Les deux sont arrivés incognito au Mexique et sont restés deux jours sans annoncer leur arrivée. Mais, passée cette période, le père Maciel a disparu, et donc le frère xxxxxxxxxxxxx est revenu vers moi pour me demander ce qu’il devait faire. J’ai pris rendez-vous avec lui et il m’a raconté tout ce qui s’était passé à Cuba. Je lui ai demandé de se rendre à l’Institut Cumbres parce que le père Maciel l’appellerait là-bas lorsqu’il lui conviendrait de réapparaître. Et c’est exactement ce qui s’est passé : le père Maciel l’a appelé vers huit heures du soir, lui disant qu’il se trouvait très mal, dans un hôtel, et qu’il fallait qu’il vienne s’occuper de lui, mais sans prévenir personne. Le frère xxxxxxxxxxx m’a cependant prévenu de l’endroit où se trouvait le père Maciel, et là, j’ai découvert le père Maciel encore une fois complètement sous l’emprise de la drogue. Je lui ai dit de nouveau qu’en tant que Vicaire Général, je lui donnais l’ordre d’aller aux Etats-Unis pour y être interné. Il est inutile d’expliquer pourquoi, pendant tout ce temps, j’ai été obligé (après avoir étudié le cas selon le Droit Canonique) de considérer le père Maciel comme un malade inconscient de ses actes, et non comme mon Supérieur.

A cette date, le frère xxxxxxxxxxxxxxxxx est arrivé à Mexico, et nous nous sommes mis d’accord pour qu’il accompagne le père Maciel aux Etats-Unis, étant donné que c’est l’un des religieux que le père Maciel craint le plus. Ce dernier avait en effet exposé clairement ses problèmes au père Maciel en différentes occasions et en était même venu à lui annoncer son intention de quitter la congrégation, l’ayant également menacé de prévenir les autorités ecclésiastiques. J’ai également décidé que le père Rafael Cuena l’accompagnerait, un autre religieux qui à ce moment était très préoccupé pour qu’on arrive à soigner le père Maciel. Celui-ci avait été en effet son complice et lui avait procuré les injections à plusieurs reprises.

Une fois achetés les billets d’avion pour New York, nous sommes retournés à l’hôtel, mais le père Maciel était déjà parti. Accompagné par le frère Federico Dominguez, il s’était rendu dans pas moins de six pharmacies différentes, certainement dans le but de se procurer les drogues (Il avait prétendu à ce frère qu’il avait seulement besoin de quelques pastilles et avait ensuite donné l’ordre à ce dernier de ne rien dire au père Ferreira). Il avait également acheté des billets d’avion pour aller à Cotija, où vivait sa famille. Quand, finalement, nous avons réussi à le trouver au milieu de l’après-midi, nous n’avons pas réussi à la convaincre de partir pour les Etats-Unis, et la seule chose que j’ai réussi à obtenir a été de lui imposer que le frère xxxxxxxxxxxxxxxxx l’accompagne à Guadalajara. J’ai alors donné des instructions très strictes à ce frère pour qu’il le ramène ensuite de Guadalajara à Mexico et pour qu’il fasse tout son possible pour l’empêcher de se faire des injections.

A Guadalajara, selon ce que m’a affirmé le frère xxxxxxxxxxxxxxx, il a commencé à faire ses grimaces habituelles de douleurs insupportables, pour que le frère lui administre la drogue, mais le frère, suivant les instructions qu’il avait reçu, a su se montrer ferme.

(NDT. Sur le fac-similé de ce document, une bande blanche recouvre le début des quatre paragraphes suivants, ce qui gêne la lecture du texte. La traduction qui suit est une recomposition personnelle.)

Alors, le père Maciel a appelé l’une de ses soeurs qui vit à Sahuayo, dans le Michoacan, pour qu’elle aille à Guadalajara pour lui procurer les injections. Le père Maciel s’est alors mis à traiter le frère xxxxxxxxxxxxxx d’une façon extrêmement humiliante, mais ce dernier a su se conduire de façon vraiment héroïque et a réussi à le ramener à Mexico.

Une fois arrivé à Mexico, il s’est hébergé à l’Hôtel Rioja – au lieu de se rendre dans l’une de nos maisons religieuses – et là, pendant deux jours, il a recommencé à prendre ses injections, jusqu’à ce qu’on parvienne finalement à le conduire à l’aéroport pour l’emmener à New York. Dans ce même aéroport, nous n’avons pas réussi à l’empêcher d’aller aux toilettes, prétextant de terribles douleurs et des spasmes dans le ventre, pour prendre ses injections. D’après mes calculs, pendant que nous étions dans la salle d’attente de l’aéroport, il s’est fait six injections.

Au final, accompagné par le père Cuena et le frère xxxxxxxxxxxxxxxxx, nous avons réussi à le faire partir pour New York. D’après les rapports de ces frères, il leur a manifesté pendant le voyage ses brillantes capacités d’élocution et de loquacité, alors qu’il se trouvait sous l’effet de la drogue.

A New York, le docteur Ramon Suarez, qui l’attendait dans son cabinet, avait trouvé une clinique pour soigner le père Maciel. Mais dans cette clinique, ils n’ont finalement pas accepté d’enregistrer son arrivée, parce qu’ils ne recevaient pas de malades de son genre. Alors, on a essayé de lui trouver une autre clinique, mais le père Maciel s’est échappé pendant toute une journée. Finalement, grâce au docteur Suarez, ils l’ont retrouvé dans les bas quartiers de New York, où il était à la recherche de drogues. Ils ont finalement réussi à l’interner dans une centre de désintoxication, ce qui a mis le Père en colère, accusant ceux qui l’accompagnaient de le traiter comme « une personne perdue ». Dans le centre, les médecins ont dit qu’il avait besoin d’un traitement énergique qui ne pouvait pas durer moins de trois à six mois. Mais, avec une bonne alimentation et les médicaments adéquats, le père Maciel s’est rétabli en apparence en huit jours et, malgré les avis négatifs des docteurs, il a réussi à convaincre le père Cuena et le frère Carlos qu’on l’enlève de ce « lieu infâme », et qu’on le conduise à Cuba pour qu’on lui fasse de nouveau des « blocages ».

A New York, le frère xxxxxxxxxxxxxxxxx a pu consulter un grand docteur urologue (juif, bien sûr), lequel a examiné le père Maciel et a dit ensuite au frère (le père Maciel ne parle pas anglais) que la plus grande partie des douleurs du Père étaient simulée et que ses pointes de douleurs n’étaient motivées que par son besoin de s’administrer la drogue. C’est ce que le frère Carlos m’a dit à son arrivée.

Après son séjour à New York, il a fait une rechute. Il a suffit de huit jours pour qu’il rompe ses résolutions, s’il ne les avait pas rompu avant. A la vue de tout cela, le père Cuena a suggéré qu’on appelle le frère aîné du père Maciel, Francisco Maciel, dans le seul but de parvenir à le faire interner, ou au moins pour l’obliger à obéir. Monsieur Francisco Maciel est allé voir son frère, à Cuernavaca, où il se trouvait alors, et lui a parlé très durement. Au point que celui-ci lui a dit que tout ce qui était en train d’arriver était un châtiment de Dieu qui était dû à son orgueil, étant donné que tout ce qu’il faisait ne consistait qu’à apparaître et à grandir aux yeux des hommes, mais qu’il avait bien peu de vie intérieure. Cela a été une grande humiliation pour le père Maciel qui, depuis ce moment, n’a plus voulu que certains frères comme le père Cuena ou le frère xxxxxxxxxxxxxxx se présentent à lui, parce qu’il les accusait d’avoir monté son frère contre lui.

Au moins, ils ont réussi à obtenir de lui qu’il se rende à Cotija pour se reposer quelques jours – il nous a dit qu’il allait y rester les mois nécessaires à sa convalescence, mais comme en de multiples occasions antérieures, il n’était pas sincère. Il est resté là bas exactement quatre jours et pendant ce séjour, il a refusé de s’alimenter et, d’après les témoignages de certains membres de sa famille, il s’est enfermé dans sa chambre, en pleurant, et s’est mis à écrire des lettres. Dans l’une de ces lettres, adressé à moi, il me demandait de le remplacer immédiatement à la tête de la Congrégation. Mais deux jours plus tard, il m’a envoyé une autre lettre pour me dire qu’il pensait qu’il était finalement plus convenable d’attendre qu’il se rende personnellement à Rome, afin de préparer le terrain et d’éviter de provoquer de la confusion parmi les religieux. Il a également envoyé l’un de ses proches avec des lettres adressées aux religieux qui travaillaient à l’Institut Cumbres, ainsi qu’une autre, très longue, destinée au Supérieur de Rome, le père Antonio Lagoa, lui demandant de lire la lettre à chaque membre de la communauté. Dans cette lettre, il relatait tous ses agissements au cours des quinze dernières années, essayant de montrer que tout ce qu’il avait fait et ce qu’il était en train de faire n’avait d’autre finalité que la Gloire de Dieu et le bien de la congrégation, exposant les choses d’une telle façon que cela donnait l’impression qu’il allait se retirer de l’Œuvre. Cependant, il finissait la lettre avec une phrase ambigüe, qui disait plus ou moins : « Je vous prie de me pardonner si j’ai pu vous donner quelques mauvais exemples ». Cette lettre, j’ai donné l’ordre au père Pardo, Recteur de l’Institut Cumbres, de ne pas la transmettre, parce qu’elle risquait de troubler et de désorienter les plus jeunes religieux. Cependant, il me semble que le père Maciel a envoyé cette même lettre, tapée à la machine, par d’autres voies.

Afin de l’empêcher d’accomplir sa résolution de se rendre à Rome, j’ai donné l’ordre qu’on lui prenne son passeport. Mais cela ne lui a posé aucun problème : il est parti pour Mexico, où il est arrivé incognito et où il a réussi à obtenir très rapidement un nouveau passeport et un visa pour l’Italie. Lorsque j’ai réalisé qu’il se trouvait à Mexico, je lui ai fait savoir qu’il était urgent qu’il vienne à l’Ecole Apostolique, parce que j’étais sur le point de tout quitter pour réintégrer mon diocèse. J’ai même commencé à empaqueter mes livres pour lui montrer que j’étais vraiment décidé à partir. Cela l’a obligé à venir dans la soirée : j’ai profité de l’occasion pour lui montrer une fois de plus qu’il était en train de défaire avec la main gauche ce qu’il avait fait avec la main droite, et qu’il suivait un cheminement complètement tordu, qui allait conduire l’Œuvre à la ruine. Il m’a répondu qu’il comprenait très bien mes avertissements et qu’il se rendait à Rome dans l’intention de convoquer le Conseil Général, et qu’il se soumettrait aux décisions de ce dernier.

Nouveaux mensonges, parce qu’une fois arrivé à Rome, les choses ont continué de la même façon, selon les informations que le père Rafael Arumi m’a transmises. Il n’a pris aucune mesure pour réunir le Conseil, ni n’a pris en compte un tant soit peu toutes ses promesses.

Parce que finalement on ne trouvait aucune solution au problème fondamental, je lui ai écrit à Rome, pour lui demander qu’on procède à l’ordination de celui qui allait reprendre la direction de l’Ecole Apostolique, parce que je m’apprêtais à quitter définitivement la Congrégation. Cependant, son Excellence l’archevêque de Morelia, auprès de qui j’avais pris conseil à cette époque, m’a recommandé de ne partir sous aucun motif, étant donné que cela engendrerait la déviation totale de l’Œuvre, parce qu’il n’y aurait plus personne pour la sauver. Son Excellence Mgr Fernando Ruiz Solorzano, archevêque du Yucatan, auprès de qui j’avais également pris conseil, partageait cet avis. Ce dernier, qui avait toujours manifesté un grand intérêt pour l’Œuvre, m’a même dit qu’il allait personnellement essayer de convaincre le père Maciel de se soigner, mais le père Maciel a toujours fait en sorte de fuir toute occasion de se mettre en contact avec ce dernier, bien qu’en certaines occasions ils se trouvaient tous les deux dans la ville de Mexico.

Le père Maciel, alerté des informations me concernant, se rendit finalement de nouveau à Mexico. Tous les pères représentatifs des maisons religieuses d’ici étaient d’accord sur le fait qu’il était nécessaire que le père Maciel soit interné dans une clinique jusqu’à sa guérison complète et même qu’il renonce à sa charge de Supérieur Général, si c’était nécessaire. Cependant, le père Maciel, à son arrivée, n’a pas voulu qu’on aborde le sujet et s’est empressé de partir pour Cuernavaca, pour prendre quelques jours de repos. Mais avant qu’il s’en aille, je lui ai dit rapidement que je n’avais attendu sa venue que pour lui faire mes adieux, étant donné que je ne pouvais pas continuer à collaborer à la déformation de tant de religieux et les tromper avec des critères aussi tordus, en plus du fait que j’étais écœuré de devoir obéir à un Supérieur se trouvant dans un tel état. Il reçu cela avec une apparente humilité, me suppliant de ne pas l’abandonner, à l’un des moments les plus difficiles de sa vie. Cependant, je n’ai pas cédé et je lui ai seulement demandé l’argent nécessaire pour aller consulter son Excellence l’archevêque du Yucatan, chose qu’il me concéda volontiers. Mgr Ruiz Solorzano me dit qu’il continuait de penser qu’il était nécessaire que je continue dans la congrégation, non seulement pour éviter autant que possible la déformation des religieux, mais également pour éviter le scandale que représenterait aux yeux des bienfaiteurs ma sortie de la Congrégation. En plus, le père Maciel était très connu dans certains cercles sociaux du Mexique, et il convenait de bien penser à ce qu’il fallait faire avant de prendre une quelconque décision.

A mon retour du Yucatan, le père Maciel était déjà parti avec deux religieux à Cuernavaca, laissant la consigne à un autre religieux de l’Ecole Apostolique de me conduire pour parler avec lui le jour suivant, à la première heure. Je n’ai pas accepté de me présenter à lui, lui faisant savoir que notre affaire avait déjà été suffisamment débattue et résolue. De cette manière, j’essayais, comme me l’avaient conseillé les prélats, d’arriver à le convaincre, devant l’imminence de ma séparation, qu’il se décide enfin à se faire interner dans une clinique. Mais au contraire, le père Maciel a commencé à appeler à Cuernavaca les religieux les plus remarquables pour leur expliquer que je faisais une crise intempestive d’hystérie et que j’agissais contre les règles de prudence les plus élémentaires. D’un autre côté, il a essayé de faire croire aux religieux qu’une sorte de miracle avait eu lieu en lui et que, à l’avenir, il n’aurait plus besoin de se faire des injections. Encouragé par les bons résultats qu’il avait obtenu ainsi et par ses autres moyens habituels de flatterie et d’adulation, il a décidé de rester deux jours de plus à Cuernavaca, et de partir ensuite pour le Vénézuela. Cependant, le père Faustino Pardo, qui connaissait grâce à moi le véritable état du problème, a réussi à le convaincre de venir me parler s’il ne voulait pas qu’un scandale éclate avec ma sortie. Ainsi il s’est vu obligé de venir me trouver, le 17 juin, pour me supplier encore une fois, les larmes aux yeux, que je ne l’abandonne pas dans un moment aussi difficile. En réalité, jusqu’au dernier moment, je lui ai manifesté mon intention de le sauver, mais il voulait continuer dans sa voie et toutes ses promesses et ses serments n’étaient que de nouveaux mensonges pour me garder à ses côtés, mais peut-être surtout pour qu’en aucun moment déterminé je n’aille commencer à parler…

Après la séance houleuse de la soirée du 17 juin, je suis sorti le lendemain avec la ferme intention de demander ma dispense de voeux. Cependant, Mgr Gregorio Araiza, Protonotaire Apostolique, et grand ami du père Maciel à qui je me suis adressé pour qu’il me rédige la demande de dispense de voeux, n’a pas accepté de me la faire, me disant que ma sortie conduirait au naufrage de l’Œuvre du père Maciel. Mais au moins, il m’a suggéré une solution alternative : étant donné que le père Maciel avait promis de suivre un traitement, de remédier à tous les autres aspects du problème et de s’engager à améliorer sa vie intérieure, il m’a proposé de me retirer pendant trois mois dans le Michoacan, sans demander la dispense de mes voeux, de telle façon que si le père Maciel accomplissait finalement ses promesses, je pourrais réintégrer la Congrégation sans trop de formalités. Au début, j’ai accepté ce plan, mais après l’avoir considéré plus attentivement, je me suis rendu compte que lors de mon retour à l’Ecole Apostolique, après trois mois d’absence, le père Maciel – dont j’avais désormais la triste évidence de la propension au mensonge et à la manipulation – aurait certainement réussi à s’emparer des consciences des nouveaux supérieurs, rendant alors le mal encore plus difficile à soigner. J’ai donc décidé de passer ces trois mois à l’Ecole Apostolique, pour observer l’évolution des évènements. Le père Maciel se montra très heureux de ma décision, bien que je lui avais bien fait comprendre que mon avenir dans l’Œuvre ne dépendait que de l’accomplissement ou non de sa promesse de se soigner et de remédier à tous les mauvais exemples qu’il était en train de donner aux religieux. Et c’est ainsi qu’il m’en a fait de nouveau la promesse solennelle. Cependant, le même jour, j’ai compris qu’il était inutile de me faire des illusions. A peine notre conversation achevée, il a appelé le père Pardo, ainsi qu’une bienfaitrice qui s’appelle Trinidad Gomez, pour leur dire que le père Ferreira avait enfin fait un acte d’humilité et avait reconnu son erreur. Le jour suivant, il a confié au frère Federico Dominguez qu’il n’avait pas l’intention de modifier un tant soit peu sa façon d’agir, et que si jamais certains s’étaient fait des illusions dans ce sens, le mieux pour eux était de quitter l’Œuvre. Du reste, j’ai découvert qu’il avait interdit aux religieux des différents centres du Mexique de parler avec moi à propos de sa maladie. Il y a même un cas – celui du frère Francisco Orozco Yepez – où il lui a carrément interdit, au nom de la Saint Obéissance, de me parler. Tout cela quelques jours seulement après avoir promis et juré remédier à tous ses problèmes. J’en déduis que tout cela n’était qu’une farce et que, dans le fond, le père Maciel n’a jamais été disposé à renoncer à ses façons retorses d’agir.

A la lumière de ces évènements, j’ai continué dans l’idée d’abandonner la Congrégation, bien qu’il m’apparaissait bien difficile, pour moi, d’informer les autorités ecclésiastiques des graves raisons qui me conduisaient à prendre une telle décision. Mais, après avoir reçu la convocation de Votre Excellence, en rapport avec certaines accusations provenant de personnes extérieures à la Congrégation, et après avoir été contraint, en conscience, d’exposer à Votre Excellence tout le développement de cette triste histoire, avec une grande peine d’un côté, mais avec le sentiment d’accomplir un devoir reporté trop longtemps, j’ai essayé de donner une idée générale, bien que peut-être un peu décousue, mais toujours avérée, des faits principaux de ce problème. Des faits pour lesquels Votre Excellence pourra constater que, en ce qui me concerne, j’ai toujours fait en sorte de mettre tous les moyens nécessaires pour essayer de résoudre ces graves problèmes, dans le sein même de la Congrégation, afin d’éviter un scandale auprès des religieux et de tant de personnes qui connaissent et estiment l’Œuvre.

Bien que ce rapport s’avère excessivement long et pénible, je ne voudrais pas omettre d’y ajouter, même de façon sommaire, quelques aspects généraux à travers lesquels on peut voir malheureusement la déformation de conscience dont est victime le père Maciel, cité déjà de trop nombreuses fois.

Propension au mensonge : j’ai pu me rendre compte que le père Maciel, afin d’obtenir l’aide de ses bienfaiteurs, leur faisait croire que certaines choses n’existant encore que dans son imagination étaient déjà des réalités existantes. Selon ce qui lui convient, il exagère ou déforme les faits tout naturellement. En certaines occasions, j’ai pu me rendre compte de la façon avec laquelle il traitait un problème avec un évêque avec fausseté et mensonge. Je lui ai montré que cela n’était pas le chemin que Dieu voulait… et depuis il a toujours pris soin de la véracité des informations qu’il m’apportait.

A propos de sa vie intérieure, depuis le début de mon entrée dans la Congrégation, bien que fervente, je n’ai jamais vraiment rien vu d’extraordinaire, surtout prenant en compte ce que doit être la vie d’un Fondateur. Mais bien vite, j’ai pu me rendre compte des graves manquements qu’il n’a jamais essayé de corriger. Cela fait dix ans qu’il s’est exonéré de la prière du bréviaire, parce que, selon ce qu’il dit, Son Excellence Mgr Gonzalez Arias, Evêque de Cuernavaca, lui aurait dit que quand il était trop fatigué ou qu’il avait trop de travail, il pouvait remplacer la lecture du bréviaire par trois chapelets. Lui ayant répondu que, si cette permission était peut-être valide pour une période indéfinie, il est évident qu’elle s’arrêtait avec la mort de celui qui la lui avait donné. Il n’a pas changé pour autant d’opinion et a continué à ne pas prier, bien que Mgr Gonzalez Arias soit mort il y a neuf ans. Si jamais il se sent mal pendant la nuit, il ne célèbre pas la Sainte Messe, même si par la suite il passe sa journée à travailler intensément. Cependant, il fait toujours croire aux religieux qu’il la célèbre, prétendant célébrer très tôt ou dire la messe dans la maison de quelques bienfaiteurs. Il me semble qu’il n’a d’ailleurs jamais fait d’exercices spirituels, au moins sous la direction de quelque prêtre que se soit. Il m’a dit parfois qu’il devait s’absenter pour faire ses exercices spirituels, mais je découvrais par la suite qu’il avait fait d’autres activités, que je considère incompatibles avec une retraite. Une fois, j’ai attiré son attention sur le fait qu’on ne le voyait pas faire sa prière, il m’a répondu que ce qui était le plus important, c’était la charité, et que comme il essayait de faire toute chose imprégné par cet esprit, en réalité toute sa vie était une prière.

Quant à la pauvreté, il est notoire qu’il cherche toujours le plus confortable et le plus agréable. La nourriture la plus exquise. Il a même affirmé au frère Jésus Villanueva, religieux de cette Ecole Apostolique qu’il ne se rendait pas très souvent ici parce qu’on ne lui préparait pas les aliments qu’il devait prendre, malgré nos efforts pour satisfaire tous ses goûts. Dès le matin, il mobilisait un ou deux frères pour qu’on lui prépare de l’eau chaude, afin qu’il puisse prendre son bain et se raser. Son esprit de gaspillage est également notoire. Il fait allègrement des appels téléphoniques intercontinentaux pour traiter d’affaires non urgentes et il voyage toujours en première classe quand il prend l’avion, même quand le frère qui l’accompagne voyage en classe touriste. Il s’héberge toujours dans les meilleurs hôtels et mange dans les meilleurs restaurants.

Je crois avoir exposé à grands traits la silhouette spirituelle du père Maciel. Que Dieu Notre Seigneur lui ouvre un jour les yeux pour qu’il se rende compte de l’abîme dans lequel il est en train de précipiter, par son exemple, tant de si bons et exceptionnels garçons et jeunes gens qui sont entrés dans la Congrégation avec le désir de servir le Seigneur et de se battre pour le Règne de Jésus Christ sur la terre.

Réitérant mon serment d’avoir dit la vérité, toute la vérité et rien que la vérité dans tout ce qui précède, et réaffirmant que la plus grande partie des religieux n’ont pas encore été pervertis par l’esprit tordu qui anime le père Maciel, et suppliant les autorités ecclésiastiques dans les mains desquelles ce rapport arrivera qu’elles sauvent de la ruine et de la déformation cette Congrégation que j’ai tellement aimé et dans laquelle j’ai dépensé avec joie mes pauvres énergies de prêtre, je reste, Votre Excellence, votre serviteur dans le Christ et je me permets d’embrasser avec respect votre anneau de pasteur.

Luis Ferreira Correa, lc

Original en espagnol sur le site www.lavoluntaddenosaber.com. Télécharger le document n°122.

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