Le père Maciel explique la vocation à une famille

Dimanche 29 novembre 2009 — Dernier ajout jeudi 14 novembre 2019

Voici une lettre que le père Marcial Maciel a adressé un jour à un père de famille qui s’opposait à la vocation consacrée de sa fille. Cette lettre était fréquemment utilisée par les « recruteurs vocationnels » dans leur apostolat. Même si cette lettre a sans doute été rédigé par les sbires de Maciel, elle reflète bien la pensée perverse du fondateur et la spiritualité venimeuse de la Légion. En rouge, mes commentaires.

Cher ami dans le Christ,

Je réponds avec beaucoup de plaisir à la lettre que vous me faites l’honneur de m’envoyer, m’exposant le problème qui a été causé chez vous à partir du désir d’une de vos filles de se consacrer à Dieu.

Avant tout, je voudrais vous dire ma reconnaissance pour la confiance que vous me montrez en m’exposant la situation, et la franchise avec laquelle vous m’exposez vos points de vue .

Croyez bien que votre lettre m’a touché au plus profond du cœur. Je ne peux pas rester indifférent devant un père qui souffre à cause de l’amour qu’il a pour ses enfants. J’ai pensé à votre souffrance et ai réfléchi à la situation, pour comprendre votre profond état d’âme, votre désarroi, votre vision du problème.

D’autre part, vous n’êtes pas le premier cas que je rencontre dans cette attitude. Vous pouvez imaginer qu’au cours de plus de 50 années que je suis à la tête de cette œuvre que Dieu m’a demandé de fonder, j’ai pu connaître beaucoup de pères de famille à qui il a coûté de donner leurs enfants au Seigneur. (Argument d’autorité : c’est moi l’expert !) Certains ont su le supporter avec patience. D’autres se sont fermés en tournant le dos, se sont renfermés sur leur refus et sont parvenus à couper leurs enfants de l’appel de Dieu ; ou bien ils les laissèrent partirent mais si amères que cela empoisonna en quelque sorte très longtemps la vie de leurs fils. (Prémisse imparable : s’opposer à la vocation de son enfant ne peut être que le signe d’un manque de générosité. On est dans le registre de la culpabilité.)

J’ai voulu pour cela prendre du temps pour réfléchir à nouveau dans le calme sur cette réalité. Peut-être mes observations peuvent-elles éclairer votre cœur et vous aider à résoudre sereinement vos problèmes. Peut-être pourront-elles servir aussi un jour à d ’autres pères de familles qui se trouveront comme vous vous trouvez aujourd’hui. Permettez-moi que je vous parle aussi en toute franchise et simplicité, et avec la conviction qui naît d’avoir médité souvent tout ceci devant Dieu.

Avant tout, je reste perplexe devant le contraste entre ces cas auxquels je fais référence et les attitudes de nombreux autres pères de familles qui trouvent dans la vocation de leurs enfants une immense joie. Très souvent je reçois des lettres de parents ou de mères de différents pays qui m’écrivent pour me dire qu’ils sont profondément heureux que leur fils ou leur fille leur ait fait part de leur désir de se consacrer au Christ. Ils me parlent de leur famille, de la façon dont ils ont demandé à Dieu d’avoir un fils prêtre, ou bien de la façon dont ils n’auraient jamais espéré un tel cadeau ; ils me racontent parfois leurs doutes du départ, ils me demandent que je prie pour eux pour qu’ils soient toujours généreux envers Dieu. (Maciel retourne le couteau dans la plaie, en comparant ce père de famille ingrat à d’autres parents, sans doute imaginaires. « Vraiment, mon cher ami, vous êtes un beau salaud ! »)

Ce contraste radical me laisse perplexe, oui. Pourquoi certains pères exultent de joie devant la vocation d’un enfant et d’autres s’enfoncent dans la tristesse ? Pourquoi certains rendent grâce à Dieu pour ce don, et d’autres en sont indignés comme s’il s’agissait d’un vol ? Pourquoi les uns pleurent-ils de joie, peut-être avec une note de nostalgie, et d’autres pleurent d’une rage amère ? Qu’on ne vienne pas me dire que les uns aiment leurs enfants et pas les autres.

Je ne peux admettre une telle injustice contre ceux qui offrent à Dieu un enfant de leurs entrailles. Que l’on ne vienne pas me raconter que ceux qui ont beaucoup d’enfants ne sentent pas le départ de l’un d’entre eux comme le sentent les autres. Les faits le démentent ; et parler ainsi est également injuste par rapport aux autres : comme s’il s’agissait de tête de gibier, plus ou moins nombreuses ; comme si chacun n’était pas aimé pour lui-même d’un amour unique.

Qu’arrive-t-il en réalité ? Depuis toujours il faut tenir compte des multiples différences qui se présentent dans chaque cas. Différences de tempérament et de sensibilité, tant du côté des pères que du côté des enfants dans le genre de relations et de climat qui s’est établi dans la famille, différences dans l’histoire de chacun et de la famille comme telle, etc. Cependant cela ne suffit pas. Et je suis convaincu que ce ne sont pas ces différences qui marquent la ligne de division entre certaines attitudes et d’autres. Analysant cette multitude de cas, j’en suis arrivé à la conclusion que la différence radicale réside dans la conception et l’attitude vitale que chaque père de famille a devant les réalités qui entrent en jeu dans les vocations de l’enfant : attitude devant Dieu, devant leurs enfants, devant la vie consacrée et à l’égard de l’Organisation dans laquelle ils désirent se consacrer.

En premier lieu, Dieu. A une occasion la mère d’un légionnaire me fit cette réflexion profonde : "La vocation d’un fils, disait-elle, est aussi une véritable vocation pour les parents. Quand Dieu appelle un enfant à se consacrer, il appelle en même temps ses parents à s’offrir.

Tous deux nous devons être généreux et répondre à son appel. On comprend aussi que, de même qu’il coûte aux jeunes, quelques fois énormément, de se détacher de ses affaires, amitiés, famille et surtout de lui-même, pour suivre la voix de Dieu, il coûte aussi aux parents.

Une des pages les plus tristes de l’Evangile est celle qui nous parle du jeune homme riche, après avoir cherché sa vocation auprès de Jésus et sentit son regard d’amour, « partit tout triste, parce qu’il avait de grands biens ». Nous avons l’habitude de l’appliquer aux jeunes qui tournent le dos au Christ qui les appelle. Mais aussi ils s’en vont tout tristes ces parents qui travaillent à ce que leurs enfants tournent le dos à Dieu et ne supportent pas que le Christ les regarde avec amour et leur disent : « Suis-moi ».

Le problème du jeune homme riche n’était pas tant qu’il possédait de grands biens mais qu’il était attaché à eux. Encore plus, au fond, son problème était que bien qu’il veuille être bon et « accomplir les commandements, » il ne reconnaissait pas en vérité Dieu comme son Seigneur, à cause de cela il préférait ses biens à la volonté de Dieu. Le père de famille qui s’oppose à la vocation de son fils préfère aussi ses biens à la volonté de Dieu.

(L’argument est extrêmement pervers. Qui est-il pour se permettre de poser un tel jugement : « il ne reconnaissait pas en vérité Dieu comme son Seigneur » ? Ce que l’Evangile dénonce, c’est l’attachement aux richesses, comme le montre d’ailleurs la suite du texte (il est plus facile à un riche d’entrer aux Royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le chat d’une aiguille…), et non pas le fait de ne pas répondre à la vocation, ce qui n’est d’ailleurs jamais une obligation, mais une invitation !)

Fréquemment il s’agit de bons parents et de bons chrétiens qui « accomplissent les commandements ». Pas seulement. Si leurs enfants ont pu entendre la voix de Dieu et trouver dans leur cœur la force pour la suivre, cela se doit souvent en grande partie au climat et à l’éducation spirituelle qu’ils ont reçue de leurs parents. Mais au fond ils sont « des parents riches qui veulent donner quelque chose à Dieu mais pas ce qu’Il veut ; ils se sont approchés et ont approché leurs enfants avec enthousiasme de Jésus, mais sans espérer qu’Il leur en demande tant et maintenant »ils s’en vont tout tristes"

(Voilà maintenant l’argument traditionnel dans la Légion : celui qui refuse la vocation de son fils ou de sa fille, manque nécessairement de foi. Ben oui, forcément…)

Je crois que souvent ce qu’il manque est la foi ; une foi profonde et enracinée. Dans certains cas c’est évident : un père ou une mère qui ne croient pas en Dieu et qui ont une foi faible et théorique, ne peuvent comprendre la vocation de leur fils. Je comprends très bien que certains parents se préoccupent quand leur enfant ou leur fille commence à sortir avec un inconnu, et qui est peut-être peu sûr. Mais quand ils se préoccupent parce qu’il parle de se donner à Dieu, ne serait-il pas pour eux un inconnu ?

Là est une des différences de fond entre eux et ces autres parents qui se réjouissent, ou au moins s’ouvrent avec amour à la vocation de leur enfant. Quels beaux témoignages de foi ! Souvent ils m’ont écrit me disant combien il leur coûtait se détacher de leur enfant et renoncer à leurs plans sur lui, mais qu’ils comprenaient que Dieu est le Seigneur de leur vie, leur Créateur et rédempteur, qu’ils savent que Lui ne peut vouloir le mal pour leur enfant ; que jamais ils n’oseraient s’opposer à sa sainte volonté. Ils sont d’authentiques chrétiens, convaincus que tout ce que nous sommes et avons, on le doit au Créateur, conscients que c’est Lui qui a crée chaque être humain, avec un dessein d’amour, et que leur vie ne se réalise pas en vérité quand on se sépare de ce plan éternel du Seigneur. Sont chrétiens ceux pour qui Dieu est Dieu en vérité.

(Arrive maintenant le second argument : les parents qui refusent la vocation de leur enfant ont une attitude possessive à leur égard. Le père Maciel projette sans doute ici ses propres fragilités…)

La seconde réalité qui entre en ligne de compte sont les enfants eux-mêmes. Normalement les parents s’opposent à la vocation de leurs enfants, non par manque d’amour, mais précisément mus par cet amour ; et j’ai l’impression que souvent il s’agit d’un amour immature, d’une affection plus possessive qu’oblative. Ce sont des parents qui aiment leurs enfants mais qui les aiment pour eux. Sans s’en rendre compte, ils considèrent leurs enfants comme un bien propre, et ne sont pas disposés à faire de sacrifice.

Il me vient à l’esprit ce fameux « slogan » des mouvements en faveur de l’avortement : « mon corps m’appartient et je fais ce que je veux avec ». Une bévue, parce que nous savons bien que l’enfant qui croît dans le sein de sa mère n’est pas une partie de son corps. Quelques parents donnent l’impression de suivre un raisonnement imparable : « mon fils est à moi et lui fait ce que je veux ». Ceci est aussi une erreur. Très sûrs d’eux, ils pensent qu’ils cherchent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants, ou quand ils cherchent réellement le bien de leurs enfants, mais il faut que ce soit le bien qu’eux veulent. Ce sont ces parents qui ont déjà décidé ce que leurs enfants ont à faire, médecin ou architecte, comme le grand-père ou comme eux-mêmes ; que leur fille doit se marier avec un jeune de telle famille, ou simplement qu’elle doit se marier car « c’est ce qui convient ».

Quelle attitude différente est celle des parents qui aiment leurs enfants d’un véritable amour d’offrande ! Ils sont disposés à tout renoncement de sorte que leurs enfants se réalisent eux -mêmes et soient heureux dans leur propre chemin. On dirait qu’il s’agit simplement de parents qui ont une vision de leurs enfants qui est celle du sens de leur propre paternité ou maternité. Ils savent que leur amour consiste à se donner à eux, non en les possédant, ils sont convaincus que le principal bien de leurs enfants est qu’ils soient eux-mêmes, qu’ils se réalisent comme des personnes libres, par le chemin qu’ils croient en conscience devoir suivre.

Il n’empêche qu’ils peuvent et doivent les aider, précisément mus par leur amour pour discerner correctement avant de prendre des décisions importantes dans leur vie. Leur expérience et leur amour les rend spécialement aptes à être éclairés et conseillés. Mais toujours avec le désir qu’ils soient eux-mêmes.

Vous parliez de parents qui ont une vision mûre de leurs enfants. Mais c’est aussi une vision chrétienne sur eux qui fait la différence. J’en rencontre qui pour beaucoup sont profondément convaincus que leurs enfants sont à eux, et non pas à Dieu. Il n’y a pas longtemps, une lettre d’un industriel espagnol me racontait qu’ils venaient de perdre tragiquement 5 de leurs très chères nièces. Il me parlait de sa douleur. Mais à la fin, il disait :« En réalité, c’est un cadeau de Dieu que nous n’avons jamais mérité. C’est pour cela que nous les avons offertes sans rancune. Je me rappelle la figure de la Mère des Maccabées, dans la sainte écriture, qui encourageait ses enfants à ne pas renier Dieu devant le martyr, avec ces mots : »Je ne sais comment vous êtes nés dans mes entrailles, je n’ai pas été celle qui vous donna l’esprit et la vie, et encore moins celle qui organisa les éléments de chacun de vous" et elle leur demandait qu’ils soient fidèles à leur créateur.

Quand les parents comprennent que leurs enfants ne sont pas un bien pour leur propre possession, mais qu’au fond ils sont un cadeau de Dieu, ils s’ouvrent avec une sincère disponibilité à sa sainte Volonté. Sachez que récemment le père d’un de nos prêtres a écrit cette dédicace sur un livre qu’il connaît à sa femme peu de temps avant son mariage : « Chaque fois que tu tiendras ce livre entre tes mains, rappelle-toi que tu seras mère d’enfants que nous devrons éduquer et aider à mûrir et un jour les offrir selon sa volonté ». Naturellement, quand des années après l’un de ses enfants lui parla de son désir d’être prêtre, ils ne se sont pas arrêtés à savoir si l’éloignement leur coûtait ou non. Ils se soumirent à la volonté de Dieu.

(Troisième argument, relatif à la vie consacrée.)

De nouveau, seul celui qui veut vivre sa foi jusqu’au bout peut comprendre cela. Cette foi est aussi nécessaire pour avoir une adéquate vision de la troisième réalité qui entre en jeu dans la vocation d’un enfant : la vie de consécration.

Certaines personnes donnent l’impression de concevoir la vocation sacerdotale ou de consécration à Dieu comme une perte authentique, un mal quasi-absolu pour leurs enfants. Peut-être qu’ils ne le disent pas mais ils s’opposent à ce qu’ils la suivent parce qu’ils veulent qu’ils soient heureux et qu’ils se réalisent pleinement.

Rien d’étrange, si nous tenons compte de l’ambiance culturelle qui nous entoure. A d’autres époques, une famille chrétienne prenait comme un honneur d’avoir un fils prêtre ou une fille consacrée. Ce n’était pas une option de plus parmi d’autres, sinon la meilleure.

Notre société sécularisée ne comprend pas, ne veut pas comprendre ce chemin. Elle le déprécie, l’ignore, ou le regarde comme on observe un objet curieux. Un sociologue italien parlait récemment du phénomène de l’hostilité envers les prêtres, et aussi de façon répétée de la subtile dépréciation de ce genre de personnes

Cependant, ceux qui ont un véritable sens chrétien de la vie, comprennent bien le sens sublime d’une vie de don total à Dieu et aux autres. Et ils comprennent aussi que celui qui la suit se réalise pleinement, non seulement en tant que chrétien, mais en plus en tant qu’homme ou femme qui développe en * le plus noble qu’il a en sa possession l’être humain : sa capacité d’aimer sans chercher d’égoïstes récompenses, et dans cet oubli de soi, en ceci qu’ils se donnent aux autres pour qu’ils soient heureux, ils trouvent leur propre bonheur.

Parmi les parents qui accueillent avec amour la vocation de leur enfant, certains perçoivent ceci de « l’intérieur », quand ils connaissent un prêtre ou une religieuse qui par sa vie joyeuse et généreuse les aide à comprendre le sens pleinement humain de cette vocation. D’autres ne la connaissent pas de près, peut-être ils n’arrivent pas à la comprendre pleinement, mais ils perçoivent qu’il y a en elle quelque chose de la noblesse humaine qui les pousse à respecter la décision de leur enfant, comme on respecte un mystère.

Il s’ensuit, après que la décision de se donner à Dieu ne reste pas une abstraction, mais qu’elle se concrétise par l’entrée au séminaire, ou dans un ordre religieux, ou dans un mouvement d’apostolat, etc. Ceci est le quatrième composant de la vocation : l’institution à laquelle l’enfant veut s’intégrer.

Parfois cela représente une difficulté pour quelques pères de famille. Il est naturel qu’ils soient intéressés de savoir où « vont leurs enfants ». On lui demande son amour et son sens des responsabilités. Et il est naturel qu’ils se préoccupent s’ils doutent de la convenance pour lui de ce groupe ou de cette institution.

(Quatrième partie de l’argumentation : la consécration dans le mouvement Regnum Christi.)

Votre fille a décidé de se consacrer au Christ dans notre Mouvement d’apostolat « Regnum Christi », parce qu’elle est convaincue de c’est la volonté de Dieu. Vous comprendrez que je n’aime pas parler de notre mouvement ou de notre congrégation des Légionnaires du Christ sur un ton démonstratif ou de propagande (Sans blague ?). Je suis intimement et radicalement persuadé que ce sont des œuvres aimées de Dieu et suscitées par Lui-même, qu’il s’est servi de ma pauvre personne pour réaliser son plan.

Je sais qu’il y en a qui ne nous comprennent pas et qui nous critiquent. Je comprends parfaitement qu’il existe différents points de vue et divers charismes et styles dans l’unique Eglise du Christ. Je respecte profondément les autres et j’aimerais que tous en fassent autant. Mais tous ne sont pas disposés à le faire. C’est plus facile de critiquer, juger tout de l’extérieur, sans faire l’effort de connaître réellement ce dont on parle, le voir seulement comme une organisation humaine, nécessairement imparfaite.

C’est pour cela que j’apprécie profondément l’attitude de ces parents qui s’approchent confiants pour connaître mieux la Légion ou le Mouvement au sein duquel leur enfant désire se donner à Dieu. Certains sentent immédiatement que leur fils « est entre de bonnes mains » ; il coûte à d’autres d’entendre parler de quelques aspects de notre charisme, mais ils savent regarder plus loin que voient leurs yeux, découvrant dans cette œuvre le dessein de Dieu, bien qu’ils n’arrivent pas à tout comprendre. Fréquemment, quelques parents qui nous regardaient avec méfiance, frilosité et même hostilité, changèrent radicalement d’attitude en en connaissant de plus près, et maintenant ils se sentent faire partie de notre « famille » Parce qu’en réalité le Regnum Christi et la Légion du Christ sont une grande famille. Et toute la famille a ses racines propres, jamais totalement compréhensibles de l’extérieur. Il faut entrer dans ce foyer pour saisir « l’air de famille » et trouver le sens du style, ses normes et son esprit.

La seule chose que je peux dire à un père qui doute devant l’option de sa fille, est que tous les jeunes qui nous rejoignent et se donnent généreusement au beau labeur pour le bien de leurs frères les hommes sont profondément heureux et aident beaucoup d’autres à découvrir le chemin du bonheur. Je le palpe quotidiennement sur leurs visages. Parlant avec eux, les voyant prier, étudier, jouer ou travailler pétris d’enthousiasme ou de fraîcheur ; lisant leurs lettres fréquentes et confiantes, partageant avec eux la mission que Dieu nous a confiée à tous ensemble. Je suis très conscient que ce n’est pas moi qui les ai appelés à se consacrer à Dieu ; ni aucun des mes collaborateurs. S’ils frappent à notre porte c’est parce que Dieu les a choisis dans son amour infini. Et je me réjouis que le Seigneur récompense abondamment leur réponse généreuse.

(On ne sait pas combien il y a d’anciens légionnaires, sans doute plusieurs milliers. Le « bonheur » dont parle le père Maciel, c’est la façade que la légion nous obligeait à donner au monde, mais la réalité était bien différente.)

Voilà les différentes attitudes que j’ai trouvées comme cause des différentes positions des parents devant la vocation de leurs enfants. Positions diverses et très contrastées, qui ont aussi de très diverses conséquences.

Tout d’abord, les relations avec les enfants eux-mêmes. L’opposition des parents à la vocation elle-même engendre en général chez les jeunes des situations de confusion et de douleur. Cela les fait souffrir.

Et fragilise l’incertitude de l’avenir de la vie. Mais la position d’incompréhension, de fermeture et jusqu’à l’égoïsme qu’ils découvrent dans leurs parents les fait souffrir profondément.Probablement ils ont toujours eu de l’admiration pour un modèle de droiture et de don : et maintenant quand ils ont décidé de renoncer à leurs affaires, parfois avec un arrachement d’un véritable héroïsme, ils se rendent compte que leurs parents ne sont pas disposés à être généreux nit « rendre à Dieu ce qui est à Dieu ». Fréquemment ils rencontrent un sérieux dilemme de conscience : ils ne veulent pas déplaire à leur famille, mais perçoivent qu’ils doivent suivre la voix de leur créateur.

Parfois cette opposition aux parents sépare définitivement le jeune du chemin qu’il avait décidé d’emprunter. Si vraiment Dieu avait pensé à lui pour cette vocation, ils empêcheraient leur enfant de réaliser le vrai sens de leur vie ; cette vie qu’ils avaient donnée, collaborant avec le Créateur à le mettre au monde. Quelle terrible contradiction ! Il n’est pas rare de voir ensuite que ces jeunes se résignent et font leur propre chemin dans la vie ; mais avec la sensation, enfouie dans un coin de l’âme, de ne pas être ce qu’ils devaient être.

D’autres fois le jeune va de l’avant. Si les parents maintiennent leur position de refus et d’opposition, ils peuvent apporter des tensions inutiles et regrettables, lacérant avec une herse en permanente ouverte leur cœur de fils.

(Culpabilisation, culpabilisation, culpabilisation…)

Que c’est beau, au contraire quand les parents savent appuyer la générosité de leur enfant avec la leur. Lui se sent comme éclairé et poussé par son ouverture à mûrir au désir de Dieu. Et les années passent, bien qu’il soit peut-être loin, ils les sentent proches, amis confiants dans ses efforts, compagnons de son aventure sacrée.

Ce ne sont pas des théories. Tout cela je l’ai vérifié à travers des centaines de cas de jeunes qui nous ont rejoints pour se consacrer à Dieu, durant les 52 ans de vie de notre congrégation. De plus si vous me permettez la confidence, moi-même j’ai expérimenté vivement tout ceci. Quand j’ai dit pour la première fois à mon très cher père que je voulais être prêtre, il s’est montré contre et a écarté le sujet.

Je sais aussi ce qu’expérimente un garçon quand il envisage de se donner à Dieu, si son père, ou l’un de ses frères, n’est pas d’accord, lui met des obstacles, essaie de lui sortir de la tête cette idée, une idée qu’il voit lui clairement comme la volonté du Seigneur. Et je sais aussi ce qu’il expérimente quand il se sent appuyé par une mère bonne ou quand ceux qui au début s’opposaient à sa vocation commencent à la comprendre et jusqu’à l’appuyer.

Egalement pour la famille elle-même l’attitude que prennent les parents devant la vocation de leur enfant n’est pas indifférente. Et je parle à nouveau m’appuyant sur l’expérience de beaucoup de cas. Des cas par exemple de personnes qui obtiennent de détourner leur fils du chemin de sa consécration, restent marqués par une sombre mais profonde conscience d’avoir dit non à Dieu. Ce sont ces « parents riches qui partent tout tristes » de leur rencontre avec le Christ qui appelait leur fils par amour. Parfois se fermer au désir de Dieu les porte à s’éloigner progressivement de Lui, et jusqu’à les obséder et penser en-eux-mêmes que Dieu les châtie quand quelque chose va mal dans la vie de leur fils ou dans la famille.

S’ils continuent à s’opposer à la vocation après que leur enfant l’ait suivie et il se crée facilement à la maison une situation de tension, de dégoût, qui se répercute négativement de l’intérieur chez les autres enfants. Ils vivent en permanence avec la tristesse de sentir qu’ils ont perdu un fils.++ C’est très différent de la nostalgie naturelle de ceux qui vivent loin physiquement mais très près en leur cœur et très présent dans leurs prières et le souvenir vivant du cœur.

Il me vient à l’esprit le lamentable chagrin d’une femme qui sentait l’éloignement physique et spirituel de sa fille. Elle avait obtenu, dans une lutte tenace, à la dissuader de son désir de se consacrer à Dieu. Peu de temps après la jeune fille se maria et partit avec son époux à l’étranger. Ils s’étaient efforcés de la retenir tout près ainsi sans comprendre que les enfants ne sont pas appelés à être retenus, ni près, ni loin, sinon pour qu’ils réalisent leur existence dans l’amour, selon le dessein de Dieu.

Que de bénédictions de Dieu, au contraire, dans ces foyers qui ont su lui offrir avec amour un de leurs enfants. Fréquemment le sacrifice que cela suppose les aide à s’unir plus étroitement, à dépasser leurs difficultés qui remontent peut-être à longtemps, à renouveler leur amour, comme « inspirés » par l’enfant qui a renoncé à son mariage, à sa terre mu par l’amour. Combien de parents peut-être réticents un jour, parlent ensuite à tous avec orgueil de leur fils prêtre ou de leur fille missionnaire. Je me remémore encore cette phrase du père d’un prêtre en sortant de l’enterrement de son épouse « jamais je n’aurais pensé recevoir tant de consolation en voyant mon fils célébrer l’Eucharistie et demander pour sa mère le repos éternel ».

Quand les parents savent accepter la vocation d’un fils ou d’une fille, ils arrivent à se sentir participants les premiers, de leur consécration et de leur mission transcendantale. Cette participation enrichit alors leur vie et leur relation elle-même à Dieu. Je connais de merveilleux cas, selon ce que disait dans son journal une mère d’un prêtre légionnaire, qui disait dans une de ses pages : Seigneur, quand mes enfants étaient petits, je leur parlais de toi, maintenant qu’ils ont grandi, ils sont loin, je viens parler avec toi d’eux. Je crois que toi-même tu penseras : Que peux me dire cette mère seulement de ses enfants ? Quand mon fils prêtre vient me voir, il y a de la joie en tous dans toute la maison ; et quand il part, il ne reste pas de tristesse, il nous laisse une paix, un beau souvenir surtout du grand moment où il célèbre la messe, quand avec ses mains consacrées il élève l’Hostie et quand il nous présente le Christ là, avec toute la majesté de sa grandeur, souvent lez larmes viennent à mes yeux et la supplication de mon cœur sort demandant : « Seigneur, Que mes enfants prêtres ne te trahissent pas, qu’ils soient fidèles envisageant leur sacerdoce jusqu’à la mort, que jusqu’au dernier souffle de leur cœur soit pour te servir dans leur apostolat comme au premier jour. Aujourd’hui où je suis en face de toi, Mon Dieu, je renouvelle ma prière. Que mes enfants portent toujours la consolation et le pardon quand il y a rencontre, et qu’ils donnent à travers elles le bonheur qu’ils m’ont laissé. »

Finalement les conséquences de l’attitude devant la vocation d’un enfant se font sentir dans l’Eglise même et dans tant d’âmes que Dieu veut aider à travers leur service apostolique. Dans son infinie bonté, Dieu a voulu se servir de quelques hommes et femmes pour aider les autres et à le rencontrer et obtenir leur salut éternel. Mais il ne veut pas sa collaboration forcée et déterminée mécaniquement par Lui. Il appelle sa liberté que Lui leur a donnée en les créant. Et il appelle aussi à la liberté ceux qui ont collaboré avec Lui pour les mettre au monde et les aider à mûrir et à croître.

Le manque de prêtres dans beaucoup d’endroits est palpable, et le besoin d’apôtres consacrés qui vivifient avec l’Evangile nos sociétés sécularisées et mortifères. La quête de Jésus Christ reste actuelle : « la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux ». Comme c’est triste de penser que quelques défections peuvent être dues à quelques pièges posés par certains parents pour leurs enfants qui sont appelés par Dieu à travailler à la moisson. A nous tous Christ demande : « Priez, alors, le maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers à sa moisson ». Et vous les parents, choisis par Lui, il implore : « Laissez les ouvriers aller à la moisson ! »

La vocation d’un enfant, je le disais au début, est aussi un appel de Dieu aux parents. Dans l’esprit de Dieu, ils sont associés à la mission transcendantale qui a été pensée pour lui. Association semblable quand il choisit Marie de Nazareth comme mère du Rédempteur. La très Sainte Vierge fut appelée à collaborer à l’œuvre de Salut, non pas à travers la prédication, ni en faisant des miracles, ni en réalisant des œuvres particulières d’apostolat. Sa mission fut d’être Mère et d’associer tout son amour de mère à la mission de son Fils.

Quel modèle merveilleux pour tous les parents chrétiens sur lesquels Dieu a posé son regard ! Elle, comme vous et comme beaucoup de pères et mères, n’ont pas entendu l’annonce de l’Ange qui se présenta soudain à Nazareth. Une annonce qui remettait en cause tous leurs plans et hypothéquait l’avenir. Et elle demanda confiante : "Comme cela est-il possible, puisque je ne connais pas d’homme ? » Elle ne se ferma pas, voulut connaître la pensée et le désir de Dieu. Et quand elle les connut, elle accepta sans condition. « Qu’il me soit fait selon ta parole ». C’est parce que pour elle Dieu était tout et qu’il méritait tout : « Voici la Servante du Seigneur » Pour elle, Dieu était Dieu.

Exemple lumineux aussi celui de son attitude postérieure, quand Jésus commença sa mission dans les villages de Palestine. Sans doute, son départ et son éloignement lui coûta.Elle aurait préféré le garder à la maison. Sans la présence de Joseph, le départ de son Fils la laissait seule.. Mais pas une plainte, pas un seul mouvement pour le retenir ; et ensuite, aucune prétention de s’immiscer dans ses affaires ; respect absolu, dans la plus profonde harmonie avec la mission du Fils aimé ; une participation discrète, silencieuse qui culminera au calvaire, au pied de la Croix : près de la Croix de son fils était la Mère des Douleurs, s’offrant aussi au Père sa croix féconde, acceptée comme amour depuis le jour ou elle accepta sans conditions sa très sainte volonté.

Je demande au Seigneur, que vous aussi, vous sachiez suivre l’exemple de la Sainte Mère. Que vous ne vous fermiez pas à la vocation de votre fille ; que si vous ne la comprenez pas, vous vous efforciez sincèrement de connaître de près le style de vie et l’institution dans laquelle elle se sent appelée ; que vous sachiez respecter la décision difficile et mûre dont elle croit en conscience devoir se consacrer à Dieu, qu’il le reconnaisse en conscience comme Créateur et Seigneur, et que vous disiez du plus profond de votre cœur " "Qu ’ il en soit ainsi fait ». Je sais que ce n’est pas facile. Mais je sais aussi que la croix est un instrument de rédemption, que seulement celui qui accepte avec cœur le désir éternel de Dieu, trouve la paix de l’âme et peut être profondément heureux.

Je vois que je me suis étendu un peu dans mes considérations. Mais comme je le disais au début, j’ai désiré vous exposer, en toute franchise, les réflexions qui depuis longtemps j’en suis venu à me faire et que et que j’ai voulu développer maintenant par lettre. J’ai tenté de trouver les causes qui amènent certains à s’opposer quelques fois violemment à la vocation de leur enfant. Probablement beaucoup de mes considérations ne correspondent pas à votre cas. Peut-être la seule chose qui en ressort pour vous est que vous vous trouvez troublé devant cette surprise inattendue que vous a faite votre fille et que vous ne réussissez pas à mettre en ordre vos sentiments contrastés. De toutes façons je vous offre ces pages si elle peut vous aider à résoudre de la façon la plus positive, au point de vue de la foi votre problème.

Que la très sainte Vierge Marie vous accompagne de son intercession et vous aide à vivre l’authentique sens de votre paternité, dans l’ouverture au dessein de Dieu sur votre fille et sur Vous-mêmes

Très affectueusement dans le Christ.

Père Marcial Maciel

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