Le véritable charisme de la Légion du Christ

Dimanche 6 janvier 2013 — Dernier ajout dimanche 27 janvier 2013

Glenn Favreau est un ancien légionnaire du Christ américain, qui a travaillé plusieurs années à la Direction Générale, à Rome. Après avoir quitté la Légion, il est devenu avocat. Le texte qui suit est un document magistral qui montre comment une structure coercitive comme la Légion du Christ ne doit sa survie qu’à une malhonnêteté structurelle et indécrottable.

Par Glenn Favreau

Il n’est pas besoin d’écrire une thèse pour comprendre que le mensonge est un péché. Cette notion est inscrite en nous, comme une sorte d’expression de la loi naturelle. C’est un péché de mentir, mais c’est aussi déshumanisant : manière de dire que le mensonge rend une personne inférieure à son statut d’être humain.

Mentir par l’exemple

Le Légionnaire du Christ est entraîné à mentir dès son entrée dans la congrégation. Certes, il n’y a pas de cours de mensonges, lesquels seraient enseignés à la suite des cours de chant grégorien le vendredi soir. Non : l’approche est plus subtile et se fait à travers des exemples et des consignes. A l’intérieur de la Légion, une grande variété de subterfuges permet de justifier les mensonges, et étonnamment, certains anciens légionnaires continuent pendant des années à utiliser ce genre de pratiques. Pire : plusieurs anciens membres de la Légion croient faire avancer le « Règne du Christ », en envoyant à ReGAIN des lettres dans lesquelles ils défendent la Légion, en remplissant leurs lettres d’injures et d’obscénités. Apparemment, leurs capacités à discerner le bien du mal semblent s’être un peu estompées, alors qu’ils achèvent leurs lettres en utilisant des formules comme « Dans le Christ » ou « Je vais prier pour vous ».

Surestime de soi et règle de discrétion

Les légionnaires protègent souvent des secrets, sous couvert de « discrétion », et justifient ce comportement sous le prétexte de vouloir protéger la Légion des manigances de leurs ennemis. On nous disait sans arrêt que si certaines informations venaient à s’échapper, les ennemis de la Légion (à savoir les Jésuites, les Francs-Maçons, les communistes ou les Sionistes) en profiteraient pour saboter l’œuvre de Dieu. Quel genre d’organisation, a priori assez petites et d’influence réduite, agirait de la sorte ? Ces groupes connaissent-ils seulement la Légion du Christ ? Est-ce que le fait que la Légion reprenne la direction d’un établissement catholique en difficulté les empêche vraiment de dormir ?

La Légion agirait « à la mexicaine » !?

Une autre excuse bidon pour justifier les manquements à la vérité repose sur l’assertion douteuse suivante : « La Légion est mexicaine dans ses origines, et elle agit donc à la mexicaine ». Je connais un certain nombre de mexicains qui se sentiraient offensés par ce genre de raisonnements. Et même si l’argument devait avoir un fond de vérité, alors l’Eglise aurait le devoir évident de sensibiliser cette société sur l’importance de dire la vérité. Utiliser ce vice, soit disant pour évangéliser la société, serait inadmissible et injustifiable. De bonnes fins ne justifient jamais l’utilisation de mauvais moyens.

Les Légionnaires sont entraînés à mentir, en de multiples circonstances. Les exemples cités ci-dessous, avec les justifications correspondantes, ont été compilés et attestés par de nombreux anciens membres. Ces cas sont loin d’êtres isolés. En fait, il s’agit même de pratiques courantes et qui font même parfois l’objet de règles édictés dans la congrégation.

A propos de ceux qui quittent la congrégation

Les supérieurs mentent souvent aux religieux concernant les frères et les prêtres qui quittent la Légion. « Il avait une maladie mentale » ou bien « Le Supérieur Général vient de l’envoyer pour accomplir une mission secrète pour le Pape » : voilà quelques exemples d’arguments débiles utilisés sans cesse par des supérieurs angoissés pour garder le contrôle sur leurs ouailles. Ce qui est étonnant, c’est qu’il y a de bien meilleurs façons de protéger les vocations restantes que de mentir sur le processus de discernement de ceux qui décident de partir.

Les légionnaires mentent régulièrement aux parents sur l’état de leurs enfants, et parfois les enfants eux-mêmes, sous emprise, mentent également à leurs propres parents. Il y a même des normes pour ça. Les religieux ne doivent jamais révéler leurs véritables états d’âmes à leurs parents. Et non seulement les parents sont exclus du discernement vocationnel de leurs enfants, mais en plus on leur ment sur l’évolution de celui-ci. Les parents sont souvent les dernières personnes prévenues quand leur fils quitte la Légion. Et d’ailleurs, quand on les appelle, c’est généralement pour leur demander de payer le billet d’avion de retour de leur enfant.

Rendez à César…

Afin d’éviter des conséquences indésirables pour la Légion et de faire avancer le Règne du Christ, les Légionnaires mentent allègrement aux autorités judiciaires. Le Légionnaire semble penser qu’il n’est pas sur le même plan que le reste de l’humanité en raison de sa « mission divine ».

Sous le prétexte que « tout le monde le fait » (généralement en Italie ou au Mexique), les Légionnaires mentent régulièrement aux autorités civiles, afin d’obtenir un permis de construire, une immatriculation de véhicule, une exonération fiscale, etc. Encore une fois, le Règne du Christ est ici plus important que la vérité, la fin contraignant plus que les moyens illicites qui servent à l’atteindre.

Les Légionnaires mentent même aux agents de l’immigration, comme si la Légion était au dessus des normes qui permettent de réguler le bien public. Des jeunes ressortissants d’Amérique latine sont ainsi envoyés dans différents pays, y compris les Etats-Unis, et se voient offrir des visas d’étudiant alors qu’en réalité ces jeunes gens sont utilisés comme main-d’œuvre dans les centres de la Légion. Alors qu’ils n’ont aucun suivi éducatif, pas même un cours pour apprendre la langue du pays dans lequel ils sont envoyés, la Légion atteste sur l’honneur que ces jeunes sont des « étudiants ».

On ment fréquemment aux jeunes collaborateurs étrangers sur ce qu’ils devront faire, en leur promettant que la Légion leur donnera une qualification. Mais ce ne sont là encore que des mensonges. Les futurs « apôtres » - parfois même des familles entières – qu’on envoie à l’étranger en tant que « missionnaires », sont mystifiés sur les œuvres merveilleuses qu’ils pourront accomplir pour le Règne du Christ. Et parfois, une fois là bas, ils s’entendent dire de façon soudaine que leur participation n’est plus souhaitée et qu’ils doivent rentrer chez eux. A leurs frais, bien sûr.

Manipulation académique

La Légion est experte dans la falsification des documents académiques. Des séminaristes qui s’écroulent en route ou échouent dans leurs études obtiennent des ajustements de la part de leurs supérieurs, si bien qu’ils peuvent obtenir les diplômes dont ils ont besoin. La Légion n’a aucun scrupule à mentir à l’Etat au sujet des formations antérieures nécessaires pour obtenir des diplômes universitaires. Certains supérieurs majeurs aux Etats-Unis ont bénéficié de ce passe-droit. Or, le fait que des supérieurs majeurs de la Légion ne réunissent pas les conditions nécessaires à l’obtention de diplômes universitaires… en dit long sur la formation intellectuelle dans la Légion du Christ.

La Légion n’hésite pas à envoyer au Vicariat de Rome des documents académiques falsifiés pour faciliter l’ordination sacerdotale de certains séminaristes. (Dans le monde normal, même des écrivains à succès seraient sérieusement remis en question si d’aventure on découvrait des anomalies dans leurs curriculum vitae). Et si, malgré cela, ces prêtres continuent de prétendre que leurs Curriculum Vitae restent valides… on peut alors s’interroger sur la valeur de l’exemple qu’ils donnent au monde.

Le Fric Tout-Puissant

La Légion du Christ est connue pour ne pas payer ses créanciers à temps et pour s’exonérer de payer ses factures. Celui qui est chargé de répondre aux créanciers est généralement un expert dans l’art de mentir à ceux qui ont légitimement contracté des dettes pour le compte de la Légion. Tous ceux qui ont demandé de l’argent à la Légion du Christ, pour quelques raisons que ce soit, se sont vu répéter le même mensonge pendant des décennies : « Etant donné la crise économique que la Légion du Christ subit actuellement à cause de la dévaluation du pesos mexicain… ». Certains lecteurs souriront peut-être en lisant cela, pour avoir été plusieurs fois témoins de telles simagrées.

En ce qui me concerne, quand je travaillais à la Direction Générale dans les années 90, il y avait même même un macro installé sur mon traitement de texte pour envoyer ce genre de réponses de façon automatique !

Les bienfaiteurs de la Légion sont constamment mystifiés sur l’usage de leurs dons. Que leurs dons soient destinés aux missions, aux besoins des candidats, à la construction d’un séminaire ou au financement de l’autel de la nouvelle chapelle, ces fonds sont en fait absorbés dans l’économie centralisée de la Légion. En outre, le même autel sera acheté encore et encore par de nombreux bienfaiteurs à qui on a fait croire que leurs dons, qui est parfois le fruit d’un dur labeur, servira à cette touche finale couronnant l’édification de la chapelle. Bigre !

Dans le registre de ces choses qui dépassent toutes les bornes de la correction, des légionnaires qui travaillent sur les bureaux de finances de la Légion… ont parfois reçu la consigne de jeter à la poubelle les intentions de messe, sous le prétexte : « qu’ils sont trop nombreux, et qu’on dira une messe pour tous ». L’argent, bien sûr, n’est jamais rendu au donateur. Les intentions de messe sont des choses sacrosaintes, et mentir aux fidèles sur ce sujet est particulièrement mesquin, surtout quand on pense que la Légion s’est engagée de façon explicite à dire ces messes !

C’est le père qui m’a dit…

Une autre source de mensonges dans la Légion, ce sont les supérieurs eux-mêmes. Il arrive en effet assez souvent que des légionnaires reçoivent l’instruction de mentir, que ce soit à des personnes extérieures qu’à leurs propre pairs. Un exemple habituel, c’est le transfert d’un religieux vers une nouvelle mission non-officielle : on lui demandera la plupart du temps de raconter des bobards à ses compagnons. Nous voyons encore ici l’obsession de la Légion pour la culture du secret et l’importance démesurée que la Légion s’accorde à elle-même.

Il arrive que certaines communautés (et même la congrégation toute entière !) reçoivent la consigne de mentir, de la part des supérieurs majeurs. D’habitude, cette consigne prend la forme d’une lettre indiquant ce qu’il convient de répondre aux personnes de l’extérieur sur tel ou tel sujet. Il faut raconter des demi-vérités sur les apostolats afin de protéger certains projets décisifs qui « renvoyeront le diable en enfer pour une bonne fois pour toutes » ! Malheureusement, la vérité, c’est qu’il ne s’agit que d’un problème d’orgueil mal placé ou d’une réaction de peur à ce que des motivations secondaires ne soient dévoilées au grand jour.

Les légionnaires mentent de façon habituelle au sujet de la véritable nature de leurs multiples apostolats, surtout ceux destinés au recrutement de nouveaux membres. Trop souvent, les gens découvrent trop tard la vérité sur le recrutement et l’incorporation au Regnum Christi, alors qu’ils se sont fait happés par diverses techniques de manipulation ou de « love bombing ».

Les histoires de légionnaires qui mentent aux personnes rencontrées lors des tournées vocationnelles ou des tournées de recherche de fonds abondent. Des mensonges racontés pour obtenir de l’argent, de bons repas ou un meilleur logement. Ainsi, les hôtes offrent sans se méfier toutes ces choses, pensant que ces pauvres prêtres ou religieux n’ont aucun endroit pour aller dormir, alors qu’en fait ils auraient la possibilité de se loger dans des endroits, certes un peu moins rutilants.

Pendant des années, les supérieurs de la Légion ont manipulé les rapports sur le nombre de prêtres et de religieux dans la congrégation. Il est notoire que les déclarations pour l’Annuaire Catholique aux Etats-Unis ou pour l’Annuaire Pontifical étaient fausses. Cette manipulation était savamment orchestrée, de façon à donner aux autorités ecclésiales l’impression d’une croissance ou d’une présence à tel ou tel endroit. Etonnamment, ces statistiques pouvaient être falsifiées dans les deux sens : d’un côté pour impressionner et faire croire que la Légion était plus grande qu’elle ne l’était en réalité ; de l’autre pour minimiser sa présence réelle dans telle ou telle ville, quand la Légion n’y était pas désirée. Tout cela dépendait des besoins et des caprices des supérieurs majeurs.

Si seulement l’évêque savait…

Les évêques et les personnes qui ont des responsabilités dans les diocèses sont les cibles de nombreux mensonges de la part de la Légion du Christ. Sans faire mention de nombreux exemples spécifiques qui ont été documentés dans les diocèses et même dans la presse, il y a une attitude de fond qui mérite d’être soulignée : les évêques ne sont avertis (quand ils sont seulement avertis !) que partiellement sur les activités que la Légion et le Regnum Christi font dans leurs diocèses.

Une approche typique consiste à « oublier de mentionner » un projet de fondation ou bien la reprise d’une école catholique (sous le prétexte que l’école étant privée, la Légion s’occupera plus tard d’obtenir l’approbation diocésaine). Le recrutement vocationnel pour la Légion est un secret qui ne doit surtout pas être divulgué à l’évêque, parce que ce dernier « ne pourrait pas comprendre », alors que ce dernier n’a pratiquement plus de vocation dans son propre diocèse.

Pas très beau… mais hélas vrai

Des jeunes gens qui ont été les cibles des recruteurs vocationnels de la Légion du Christ ont été trompés par toute une série de mensonges concernant la vie dans la Légion, de façon à les accrocher et à les embobiner. L’un des mensonges les plus pernicieux concerne des fausses promesses d’éducation. Pendant des décennies, la Légion a promis à de jeunes garçons qu’ils pourraient étudier en vue d’obtenir une carrière civile dans la Légion. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé personnellement, il y a environ vingt ans. Mais la Légion n’a jamais accompli sa promesse. D’un autre côté, si un légionnaire quitte dans des circonstances difficiles, la congrégation n’hésitera pas à perdre occasionnellement son modus operandi, aidant même le religieux sortant à reprendre plusieurs années d’études. Les mensonges, dans ce cas, sont oubliés contre cette forme de rétribution.

Des vocations fragiles et un congrégation miracle

Le programme de formation de la Légion du Christ, qui est soit-disant solide et révolutionnaire – et qui promet à l’Eglise tant de jeunes hommes robustes et fidèles – est en fait un programme infantilisant, qui traite ses propres membres comme s’ils n’étaient pas capables d’affronter à la moindre tentation. On raconte sans arrêt des bobards aux religieux, à propos de certains détails qui, selon les supérieurs, pourraient provoquer ce qu’ils appellent avec terreur des épouvantables « crises vocationnelles ».

Cela semble si contradictoire que des légionnaires si bien formés n’aient pas le droit d’être informés sur certains évènements de l’actualité, sur des mouvements dissidents dans l’Eglise, sur certaines questions ou critiques relatives à la Légion, ou sur les difficultés que subissent les familles. Depuis les plus jeunes membres jusqu’aux plus âgés, depuis le noviciat jusqu’au sacerdoce, les légionnaires sont « protégés » de ces « vices », potentiellement dangereux pour leurs vocations. Les supérieurs suppriment simplement certains pans entiers de la réalité dans la connaissance du monde, ou bien mentent purement et simplement.

Si, par exemple, un frère n’est jamais prévenu que ses parents traversent des difficultés de couple, voire se séparent, alors ceux qui l’empêchent de lire ses courriers l’informant de la situation, lui mentent (sans parler qu’ils privent la famille du soutien si important des prières de leur fils). Quelle est la valeur de la vocation appelé à « sauver » le monde… s’il n’apporte même pas à sa propre famille la juste communication qu’elle mérite ?

Des professionnels de la tartufferie

Les Légionnaires sont formés à se montrer très humbles avec les étrangers (bien qu’une certaine arrogance finisse toujours par transparaitre) de façon à gagner leur confiance et leur sympathie. « Voici de beaux jeunes gens, si pauvres et si humbles, qui viennent pour me demander ma maison et mes économies pour le Règne du Christ… Comment leur dire non ? ». Les plus doués dans ce type d’escroquerie sont envoyés pour représenter ce qui est en réalité une holding richissime, dirigée par un prêtre qui appartient à l’une des familles les plus aisées du monde – la famille Garza Medina – et fondée par un homme qui a appris à ses fils spirituels à mentir pour ne pas révéler les abus sexuels dont ils avaient été victimes de sa part. De fait, cet homme prenait toujours l’avion en première classe et ne séjournait que dans des hôtels cinq étoiles.

Les campagnes de dénigrement

L’une des formes les plus insidieuses et pernicieuses de mensonges dans la Légion est utilisée pour traiter le cas des « dissidents » qui quittent le Regnum Christi. Ces manipulations combinent, de façon très habile, l’ostracisme avec des rumeurs nauséabondes concernant ces malheureux traîtres. De nombreux anciens membres du Regnum Christi se sont ainsi retrouvés subtilement, mais effectivement, dénigrés, perdant une quantité considérable de leurs amis et de leurs pairs. Si quelqu’un quitte le Regnum Christi, alors il doit être mis en quarantaine… et des mensonges sur lui, sur ses motivations, sur sa vie spirituelle et morale, permettent de faire en sorte qu’il soit ensuite traités comme un lépreux par les « élus » qui, eux, restent sous l’emprise de la Légion et du père Maciel.

Que Dieu vienne en aide aux malheureux prêtres et évêques qui ne rentrent pas dans le jeu des légionnaires, car ils se verront accusés à travers des campagnes d’insinuations de ne pas être fidèles au Pape. Les rumeurs et les insinuations sont des outils redoutables pour colporter des mensonges et briser des réputations personnelles.

Ah oui, j’allais oublier : tout cela, bien sûr, « pour le Règne du Christ et la plus grande gloire de Dieu » !

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