C’est le cas de la communauté du Pain de Vie, qui ne cotisait que pour ses fondateurs, Pascal et Marie-Annick Pingault. Le journal « La Croix » nous apprend qu’une ancienne consacrée de cette communauté a obtenu réparation auprès de la justice civile. Par un arrêt du 13 juin 2019, la cour d’appel de Caen a confirmé un premier jugement prononcé en 2011 et reconnu « qu’en ne procédant pas à l’affiliation de ses membres pour le risque vieillesse au régime des retraites des cultes, M et Mme Pingault et la Fédération des associations de la communauté du pain de vie ont commis une faute qui engage leur responsabilité ». En conséquence, le tribunal a condamné le couple Pingault et la Fédération à lui verser solidairement la somme de 72 079 € à titre de dommages et intérêts, basés sur la prise en compte de vingt ans au service de la communauté.
La Communauté du Pain de Vie a vu le jour en 1976 en Normandie. Elle a rapidement essaimé sur les 5 continents, comptant plusieurs dizaines de maisons, et environ 200 membres, familles, célibataires, engagés par vœux à suivre le Christ de façon radicale, en partageant leur vie avec des personnes en difficulté. Les membres devaient abandonner leur profession, remettre leurs biens et toutes leurs ressources éventuelles à la communauté en se dévouant entièrement à celle-ci.
Reconnue officiellement par L’Eglise catholique en 1990 comme association de fidèles de droit diocésain en la personne de Mgr Pican (célèbre pour avoir été le premier évêque français condamné à une peine de prison pour non dénonciation de crime de pédophilie), elle a connu à partir du début des années 2000 de graves tensions internes. De nombreux membres se sont mis à la quitter. Les maisons ont fermé les unes après les autres. Les évêques concernés ont été alertés, mais n’ont pris aucune mesure.
Pourtant, les dysfonctionnements du Pain de Vie avaient été pointés dès 1996 dans un livre édité au Seuil « Les naufragés de l’Esprit. Des sectes dans l’Eglise catholique ».
Si l’on se réfère à la liste des critères permettant de repérer des comportements de type sectaire élaborée par la Conférence des évêques de France, on constate sur la base des témoignages que nous avons eus en main que cette communauté cochait 20 cases sur 26 : culte du fondateur, hors du groupe pas de salut, au-dessus des lois, ruptures familiales, rupture avec les « dissidents », contrôle du choix des confesseurs, etc.
Finalement, constatant la décomposition de la communauté et ses « graves difficultés de gouvernement », l’évêque de Bayeux et Lisieux, Mgr Jean-Claude Boulanger a prononcé sa dissolution le 9 avril 2015.
Cependant, entretemps, le couple Pingault avait fait sécession et fondé en 2004 une autre association, intitulée Maison du Pain de Vie, sans aucune reconnaissance de l’Eglise. La Maison du Pain de Vie continue néanmoins à desservir une chapelle à Valenciennes, sans que l’archevêché de Cambrai, interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, songe à réagir. Par ailleurs, elle tente de s’installer en Allemagne.
Contactés, d’anciens membres du Pain de Vie considèrent que la condamnation du couple Pingault est une « une grande victoire pour tous ceux qui se sont battus pour la vérité, souvent contre vents et marée, eux-mêmes dans des situations de grande précarité, avec en plus la honte d’avoir été abusés, et parfois aussi le sentiment d’avoir été trahis par l’Eglise. »
Le Pain de Vie est loin d’être un cas isolé. Les personnes sorties de bien d’autres communautés semblables se retrouvent de même sans emploi, sans formation, avec la promesse d’une retraite de misère, mais hésitent le plus souvent à entamer des procédures judiciaires, trop longues et compliquées. Cet arrêt de la Cour d’appel de Caen devrait les encourager à ne pas renoncer.