Les étranges remous de l’affaire Labaky

Lundi 12 mai 2014

Malgré la condamnation en appel de ce prêtre libanais pour « crimes sexuels contre mineures de moins de 15 ans », l’avocat de Mgr Mansour Labaky continue de créer la confusion dans les médias.

L’affaire Labaky, du nom de cette figure de l’Église libanaise condamnée le 19 juin 2013 pour « crimes sexuels sur mineures de moins de 15 ans » par la Congrégation pour la doctrine de la foi, a connu, ces dernières semaines, d’étranges rebondissements. Une mise en demeure a été envoyée fin mars par l’avocat de Mgr Mansour Labaky, Me Antoine Akl, à Mgr Luis Ladaria, le numéro deux de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à Mgr Augustin Roméro, official de Paris, au P. Emmanuel Petit, vice-official, et à Mgr Tony Anatrella, expert au tribunal ecclésiastique de Paris, les accusant d’avoir manipulé les victimes pour accuser le prêtre libanais. Cette mise en demeure s’appuyait sur 2 000 courriels échangés entre ces autorités ecclésiastiques et les victimes – obtenus par piratage via l’Afrique…

Tous, ainsi que 11 autres personnes en France, dont des victimes (dont les noms ont été rendus publics, contrairement à toute déontologie), étaient convoqués, selon ce courrier, devant un juge d’instruction du Mont-Liban, le 29 mai prochain. « Ayant découvert votre connivence en perpétrant vos crimes, concluait l’avocat, il (Mgr Labaky) vous avertit et vous met en demeure de ne point intervenir dans son procès ; et il vous informe, partant, qu’il est libre dans ses agissements. »

Toutefois, d’après les informations de La Croix, le juge a abandonné la plainte, se déclarant, il y a quinze jours, incompétent puisque cette affaire concerne l’Église catholique. Pourtant, l’avocat de Mgr Labaky continue de faire courir la rumeur contraire dans la presse libanaise, affirmant même, malgré l’irrecevabilité de la plainte par le juge, qu’il s’attend à ce que « le jugement rendu les envoie (l’officialité de Paris et Mgr Ladaria, NDLR) en prison pour une durée de trois ans ». Dans une interview publiée sur le site tayyar.org le 3 mai, il dénonce avec une grande virulence « une mascarade » et « un des plus grands scandales qu’ait connus l’Église », accusant de complot non seulement les responsables déjà cités, mais aussi le nonce à Paris, Mgr Luigi Ventura. Il affirme que Mgr Labaky s’est vu refuser un avocat alors que c’est lui-même, selon le décret de condamnation, qui a souhaité assurer seul sa défense. « Nous n’avons besoin de personne, ni du Vatican, ni de quiconque pour innocenter Mgr Labaky ! », conclut-il.

Cette affaire est d’autant plus complexe que les victimes subissent de lourdes pressions au Liban : appels anonymes, menaces de mort et, pour deux d’entre elles, la perte de leur emploi. Cette affaire comprend aussi une forte dimension politique : Mgr Labaky ayant joué un rôle majeur lors de la guerre du Liban, il bénéficie de soutiens importants dans la hiérarchie maronite, la classe politique et le milieu des affaires.

Son dossier, transmis par le patriarche maronite Bechara Raï, se trouve actuellement sur le bureau du pape François. Toutefois, « tous les recours ont été épuisés, assure un canoniste ecclésiastique. Il est impossible juridiquement de revenir sur cette condamnation et de casser la décision d’un tribunal romain. Le pape lui-même ne peut pas aller contre la loi de l’Église. »

Son dossier est aussi examiné par la section disciplinaire de la CDF. Ce prêtre de 73 ans, connu pour son action en faveur de l’enfance en détresse, avait été condamné par décret du 23 avril 2012 confirmé le 19 juin dernier, à une vie de prière et de pénitence, loin de tout mineur. Le décret précisait que s’il ne respectait pas les décisions du tribunal, il risquait le renvoi de l’état clérical et l’excommunication.

HOYEAU Céline

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