Lisieux : la déesse des « mêlées célestes » abusait de ses adeptes

Lundi 26 novembre 2012 — Dernier ajout jeudi 2 mai 2013

Violences physiques et sexuelles, humiliations, spoliation… Une enseignante d’anglais est jugée devant le tribunal correctionel de Lisieux, soupçonnée d’avoir abusé des membres d’une communauté qu’elle dirigeait.

Elle se faisait appeler la Reine, disait incarner le Saint-Esprit, être la femme de Dieu. Autoproclamée « déesse de la beauté », Françoise Dercle, 56 ans, répond à partir d’aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Lisieux (Calvados) des violences physiques et mentales imposées aux adeptes de la secte qu’elle dirigeait. Elle comparaît libre.

Jusqu’à son arrestation fin juin 2007 dans une belle demeure du centre-ville de Lisieux, cette professeur d’anglais dans un établissement catholique se trouvait à la tête de la communauté du Parc d’accueil qui, sous couvert d’œcuménisme et de recherche spirituelle, cachait un mouvement sectaire aux pratiques criminelles : sujétion psychique, viols en réunion, attouchements sexuels sur personnes vulnérables, humiliation psychologique, violences physiques et spoliation. « Un véritable cas d’école, où tous les critères de la pratique sectaire sont réunis », dénonce Me Pascal Rouiller, avocat de l’une des victimes et de ses parents.

Les membres lui reversaient presque tous leurs revenus

L’emprise de cette femme-gourou, mère de deux enfants, était telle que, fait exceptionnel, ses six coaccusés figurent aussi au rang des victimes, une vingtaine en tout, les experts ayant jugé que leur discernement était altéré au moment des faits. Tous les adeptes de ce cercle présentaient d’ailleurs un profil similaire, souffrant de maladies, de handicaps, de surpoids et d’une détresse psychologique qui se traduisait souvent par une quête spirituelle inassouvie. Françoise Dercle recrutait d’ailleurs en marge de réunions religieuses, avec un don pour repérer les failles chez ses futurs disciples. Des couples pour la plupart, parfois même des familles.

Dans la maison de Lisieux, siège de l’association, ces personnes, une dizaine, étaient dévouée corps et âme à celle qu’elles pensaient être « leur sauveur, leur guide ». Un « monde totalitaire », selon l’un des ex-adeptes, où Françoise Dercle décidait de tout et se faisait servir, telle une princesse, par ses « esclaves ». Ils lui reversaient ainsi la quasi-intégralité de leurs revenus. Leur « réussite financière était un don de Jésus, arguait-elle. Il fallait lui rendre son argent », par son intermédiaire. Des centaines de milliers d’euros auraient ainsi transité sur ses comptes.

Toute-puissante, Françoise Dercle incitait à la délation, qui donnait matière à des séances d’humiliation publiques appelées « cœur à cœur », suivies de réels corps à corps. Ils démarraient par des « mêlées célestes », où tous les participants se pressaient pour être embrassés par leur « déesse ». Elle dirigeait ensuite des ébats sexuels, des « navigations » censées chasser le démon qui sommeillait en eux. En maîtresse de cérémonie, elle composait les couples, forçant des femmes à coucher entre elles, des fils avec leur mère sur fond d’incantations et d’exorcisme. En cas de refus, les coups pleuvaient. Les deux enfants d’un des couples auraient même assisté à certaines scènes et « dégrafé des soutiens-gorges ».

Toutes ces victimes, qui ont parfois mis plusieurs années à se défaire de son emprise, disent aujourd’hui avoir été « brisées » par Françoise Dercle, qui a « tué une partie » d’eux-mêmes. Certaines sont aujourd’hui sous curatelle. Un retentissement psychologique doublé parfois de graves problèmes de santé, comme cette femme atteinte d’un cancer que la Reine avait convaincue de ne plus prendre de médicaments…

Au cours de l’enquête, l’un des membres de la communauté a avoué que l’expérience aurait pu s’achever par un suicide collectif. Un autre, reconnaissant, a confié qu’il était sur le point de devenir fou et qu’en intervenant, les policiers avaient « ouvert sa tombe ».

Le Parisien - Publié le 26.11.2012

Voir en ligne : Le Parisien

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