Mère Mariam et les soeurs mariales

Samedi 30 mars 2013 — Dernier ajout mardi 30 avril 2013

Dossier sur la dissolution des sœurs mariales d’Israël, publié dans le journal Le Progrès, le mercredi 6 avril 2005.

Sœurs mariales : quitter l’habit avant les monastères

Exclues par décret du 15 mars 2005 de la communauté catholique, les soeurs mariales d’Israël et de Saint-Jean doivent penser à l’avenir. Certaines sont reçues à l’Archevêché pour connaître leurs volontés, d’autres se réfugient dans la prière, même si officiellement elles n’ont plus le droit de porter l’habit ni d’avoir de comportement religieux. À Mars ou Saint-Jodard, la vie monastique des sœurs d’Israël et de Saint-Jean a changé depuis le 15 mars. Le décret, pris par le cardinal Barbarin, excluant les religieuses de la communauté catholique a perturbé les esprits. Qualifiée de « rare et grave » par le porte-parole du diocèse du Lyon, cette mesure leur retire toute possibilité de vivre en congrégation religieuse, de porter l’habit et de conserver un comportement identique à leur mode de vie passé. Les soupçons de dérives sectaires et de violences ont eu des conséquences définitives. « Elles n’ont plus la reconnaissance de l’Église, mais elles conservent leur droit d’association » avait nuancé dans nos colonnes Mgr Hervé Giraud, évêque auxiliaire chargé des nouvelles communautés.

« Ce choix a été difficile à faire. Il reste dur et exceptionnel. C’est pour cela que nous accordons aux sœurs le temps de la réflexion » explique le père Vincent Feroldi, chargé de la communication à l’Archevêché de Lyon. « Quand le cardinal a informé le groupe de sa décision, il a donné aux religieuses la possibilité de se retirer à leur guise dans un monastère féminin de la région, pour réfléchir et prier, tout en ayant la possibilité de faire le point de leur situation avec Mgr Brac de La Perrière, évêque auxiliaire chargé par le cardinal Barbarin de recevoir les volontaires ».

« L’avenir leur appartient »

Mgr Brac de La Perrière reçoit les religieuses de Mars et Saint-Jodard et discute avec elles de l’après-congrégation des sœurs mariales. « Elles cherchent à comprendre, à connaître les raisons qui ont poussé le cardinal Barbarin à prendre cette décision ». Mgr Thierry Brac de La Perrière, évêque auxiliaire en charge des questions pastorales, à la charge d’informer les sœurs mariales qui en font la demande des possibilités qui s’offriront à elles, si les religieuses décident de quitter les monastères de Mars et Saint-Jodard. « L’avenir leur appartient et nous ne sommes là que pour les renseigner » poursuit l’homme d’Église. Selon les propos de l’évêque, les sœurs mariales souffriraient également du battage médiatique autour de leur communauté. « Elles estiment que l’on en a trop dit sur elles, que c’est injuste de s’acharner de la sorte ». Prônant un retour au calme dans cette affaire, Mgr Brac de La Perrière veut laisser aux sœurs mariales « le temps de digérer cette décision ». La volonté de gérer le dossier avec un gant de velours est évidente. Il faudra toutefois songer à vérifier si la communauté applique les règles du décret. F. B.

La « famille Saint-Jean » montrée du doigt

L’association vie religieuse et famille (Avref) est une association indépendante régie par la loi de 1901, créée en 1998. Elle participe à l’information et au conseil des jeunes et de familles sur les communautés religieuses. Elle est un lieu d’écoute, de parole et de réflexion autour des personnes ayant vécu dans des groupes religieux se présentant comme catholiques, mais ayant des dysfonctionnements ou des dérives.

Elle conseille et aide actuellement une cinquantaine de familles dont leurs proches appartenaient ou appartiennent encore à de telles communautés. Elle entre régulièrement en contact avec les autorités de l’Église afin de lutter contre ces dérives et protéger les valeurs d’une authentique vie religieuse, monastique ou apostolique.

L’Avref avait adressé, le 29 novembre 2000, une lettre à tous les évêques de France. Elle y dénonçait les abus de pouvoir de certains « fondateurs de communautés ou de leurs collaborateurs, le manque de discernement et les fortes pressions morales exercées au stade du recrutement ». Au premier rang des communautés dénoncées par l’Avref, figurent les sœurs mariales d’Israël et de Saint-Jean et plus largement la « Famille Saint-Jean », comprenant également la branche masculine, la plus importante, surnommée « les petits gris ».

Plusieurs familles sont en contact régulier avec l’Avref dans le but de faire sortir leur enfant de la « Famille Saint-Jean ». Pour le président de cette association, Jacques Héliot : « Le recrutement de cette congrégation pose certains problèmes. Quelques jeunes enrôlés sont rapidement perturbés psychologiquement. On décide de tout pour eux, une partie d’entre eux perd leur libre arbitre. Le fondateur père Marie-Dominique Philippe détient seul le pouvoir. »

Pour l’Avref, toutes les branches de Saint-Jean ont en commun la destruction de la personnalité de beaucoup de religieux suite à la perte de leur intégrité psychique et de leur liberté individuelle de penser et d’agir.

DLPG

« Ne pas rester dans l’ambiguïté »

Certaines se sont déjà rendues à Lyon pour faire part de leurs attentes, d’autres n’ont pas quitté les deux monastères ligériens, dans lesquels elles ont décidé de se retirer dans le passé. L’agitation régnant autour des sœurs mariales, depuis la parution du décret, les incite peut-être à se recroqueviller un peu plus sur elles-mêmes.

Le 23 mars, les religieuses de Saint-Jodard se sont rendues à la congrégation des frères de Saint-Jean pour la messe du Vendredi Saint, se recueillant dans la prière, avant de repartir à pied, d’un pas pressé, vers leur monastère du lieu-dit « Le Cellard ». Le même jour, à la cathédrale Saint-Jean de Lyon, mère Myriam, fondatrice de la congrégation des sœurs mariales au début des années quatre-vingts, participait elle aussi aux offices, « comme elle l’a fait durant toute la semaine sainte » rapporte le père Feroldi.

Donnant du temps à la communauté des religieuses, l’Archevêché ne tient pas spécialement à s’immiscer pour le moment dans les agissements des sœurs mariales, « mais quelques vérifications pourront intervenir, pour ne pas rester dans l’ambiguïté » conclut Vincent Feroldi. F.B.

Le cache-cache de mère Myriam

Un jour à Lyon, le lendemain à Saint-Jodard. On la croit à Mars, elle est à Fley (71), dans un monastère appartenant également à la communauté. Tünde Szentes, née en 1949 à Budapest, auto-proclamée mère Myriam quand elle a créé la congrégation des sœurs mariales d’Israël et de Saint-Jean, n’en finit pas de brouiller les pistes et d’être là où on l’attend pas vraiment.

« Elle ne s’est pas présentée à la rencontre prévue avec les évêques auxiliaires, le jour où nous avons notifié à la communauté la teneur du décret » explique le père Feroldi, responsable de la communication à l’Archevêché. « Elle a en revanche été vue en public, à tous les grands offices programmés à Lyon durant la semaine sainte ».

La chef de file des sœurs mariales est insaisissable. Même quand on la croise en voiture, elle disparaît aussi vite qu’elle est apparue, dans une Citroën Xantia bleu, aux vitres camouflées. Des gendarmes de Saône-et-Loire en ont été pour leur frais, il y a une vingtaine de jours, quand ils surveillaient les allers et venues à la porte du monastère de Fley. Elle a échappé à leur vigilance, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. On a d’abord cru à un départ définitif ; un voyage dont certains imaginaient le point de chute en Hongrie, sur les terres de ses ancêtres. Mais rien de tout cela, elle était bien en France et toujours en mouvement.

Au téléphone, chacune de nos sollicitations a jusqu’ici été classée sans suite. Impossible de savoir où mère Myriam se trouve, pour l’interroger sur la teneur du décret pris par le cardinal Barbarin, les soupçons de dérives sectaires, violences et humiliations, et le combat mené contre sa congrégation par l’association de défense de la famille et de l’individu.

La religieuse avait pourtant su communiquer en son temps. En 1987 par exemple, quand elle s’était lancée dans une longue grève de la faim, aux portes de l’Archevêché à Lyon ; un mouvement de contestation qui lui avait permis d’obtenir l’appellation « association privée des fidèles du Christ » pour les sœurs mariales. Ce privilège lui a été retiré le 15 mars, sans que Tünde Szentes n’en prenne officiellement ombrage. Beaucoup craignaient pourtant une action définitive de mère Myriam, de type immolation par le feu sur le parvis de la cathédrale Saint-Jean, à Lyon, le Vendredi Saint. F.B.

Indésirables en Hongrie

L’association des sœurs mariales avait été chassée de Hongrie en 1998, suite à une bagarre qui avait fait scandale. Le père Marie-Dominique Philippe, fondateur de la congrégation de Saint-Jean, était présent ce jour là, pour accompagner mère Myriam.

En 1994, Mgr Decourtray, huit jours avant sa mort, accorde aux sœurs d’Israël et de Saint-Jean, le statut d’association privée de fidèles. Véritable don du ciel, cet agrément permet, entre autre, à mère Myriam d’entrer officiellement dans la puissante congrégation de Saint-Jean, reconnue de droit diocésain depuis 1986, un ordre conservateur fondé par le père Marie-Dominique Philippe, dont Myriam fut l’élève et la secrétaire particulière, quand il enseignait à Fribourg, au milieu des années soixante-dix, où il tenait une chaire en théologie à l’université d’État.

Les frères de Saint-Jean, surnommés les « petits gris », sont présents partout en Europe, Afrique du Nord, Afrique noire, Asie, Amériques. Ils suscitent des réactions contradictoires au sein de l’église catholique, partagée entre l’agacement et l’admiration. Jean-Paul II avait salué l’œuvre de Marie-Dominique Philippe, en soulignant : « Vos jeunes sont les religieux de la deuxième évangélisation de l’Europe. »

À Saint-Jodard, les messes des « petits gris » sont courues, même si des membres du clergé critiquent leur traditionalisme. Comme pour la communauté de mère Myriam, un certain flou entoure la gestion de cette congrégation, pourtant tout a fait reconnue.

Plus de vingt ans de coopération

Le père Marie-Dominique Philippe et mère Myriam ne se sont jamais quittés. Il se qualifie de conseiller de mère Myriam. Il lui apporte son soutien, joue le guide spirituel. Il l’accueille parmi ses petits gris, au noviciat de Saint-Jodard. En 1996, le père Marie-Dominique Philippe va jusqu’à offrir à la communauté de mère Myriam une ferme située à Saint-Jodard, bâtisse que les sœurs ont entièrement rénové depuis.

Pour les attirer, mère Myriam organisait des campagnes de recrutement, comme à Sur, petit village hongrois, où les sœurs mariales en charge d’un presbytère organisaient des rassemblements de jeunes. Mais, le 13 août 1998, l’un d’eux s’est transformé en une grande bagarre générale, qui a fait scandale dans toute la région.

L’action d’une famille

Marie-Dominique Philippe était présent ce jour là, il avait fait le voyage en compagnie de mère Myriam, afin de soutenir le recrutement. Selon des sources proches de l’église, la réunion avait très vite dégénéré, au moment où une famille a fait son apparition pour récupérer sa fille, considérant qu’elle avait été enrôlée de force dans la congrégation. Pour se défendre, les sœurs n’avaient pas hésité à retrousser leurs manches, ainsi que Marie-Dominique Philippe. Les villageois en colère avaient également pris part à la bagarre, agacés par les pratiques des sœurs.

« Elles se servaient allégrement dans des magasins et payaient en devises du Vatican, c’est-à-dire ne payaient pas et rétorquaient "Dieu vous le rendra" » souligne un prêtre français très au fait du dossier. Suite à cet épisode, les sœurs ont été chassées du diocèse, puis de la Hongrie toute entière.

DAMIEN LEPETITGALAND LE PROGRES - mercredi 6 avril 2005 LES INFOS DE LA LOIRE

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