par Renata Patti
Bruxelles, le 11 février 2013
L’Œuvre de Marie ou Mouvement des Focolari
[1]
À mon avis, nous sommes en présence d’une chose très simple tant pour le Mouvement des Focolari auquel j’ai appartenu que pour les autres mouvements dont je connais certaines choses grâce à des tiers.
Tandis que les congrégations religieuses et les ordres religieux ont été élagués, purifiés, corrigés, etc. par leurs propres expériences et par l’Église au cours des siècles et, en dernier, grâce aux indications du Concile Vatican II, les nouveaux Mouvements se sont concentrés à penser qu’ils descendaient “de Dieu” ; pas uniquement en ce qui concerne leur spiritualité, mais également pour ce qui est des détails des structures qu’ils ont développées et adoptées au fur et à mesure de leur croissance.
Pour ce qui est du Mouvement des Focolari, je pense que la période des illuminations mystiques, que Chiara Lubich a appelée “le Paradis 1949” [2], est la cause de plusieurs problèmes.
L’Église, qui a approuvé les statuts généraux de l’Œuvre de Marie, n’a jamais étudié ni lu de manière critique et dans leur intégralité les textes originaux du “Paradis ‘49”, ni les lettres et les méditations que Chiara écrivait à cette époque (par lesquels tous les Focolarini sont formés dans le creuset de l’unité).
Certains experts “Focolarini” qui ont une approche “ad intra” l’ont fait et ont également publié un ouvrage en septembre 2012. [3] ; MAIS, ni des théologiens, ni des philosophes, ni d’autres experts “extérieurs” et non complaisants envers le Mouvement n’ont jamais réalisé d’études critiques et n’ont jamais été chargés de le faire.
Les contenus de ces écrits constituent, selon moi, le dénominateur commun des articles des statuts généraux de l’Œuvre de Marie ou Mouvement des Focolari ainsi que des règlements des sections et des différentes branches, si bien rédigés, mais qui dans leur APPLICATION QUOTIDIENNE n’aident pas le Focolarino/la Focolarine en particulier à grandir, ni humainement, ni spirituellement, comme on veut le faire croire.
Mon étude portera sur ce sujet.
Je ne crois pas être loin de la vérité objective en affirmant que, meême si les intentions étaient les plus nobles qui soient, on a caché à l’Église les écrits et dès lors les contenus du “Paradis ‘49” et on lui a par contre présenté les statuts généraux de l’Œuvre de Marie que l’Église a approuvés.
Une interprétation échappe cependant à l’Église : l’interprétation que les Focolarini donnent à nombre d’articles en prenant comme point de repère les écrits de Chiara Lubich que je joins au présent document. L’Église n’a pas encore pu les approfondir ni les étudier en réalité, c’est-à-dire sous ce point de vue, et surtout dans leur application quotidienne dans la vie au sein du Focolare (petite communautés de vierges et mariées).
À Loppiano, pendant les cours au Centre de formation “Mystici Corporis”, Fiore Ungaro, la Focolarine qui nous apprenait l’Histoire du Mouvement, nous faisait revivre, dans les moindres détails, le moment où en 1950 l’Église avait demandé à Chiara de brûler ces écrits du “Paradis” en lui disant que, s’ils avaient été trouvés, son Œuvre n’aurait jamais été approuvée.
Mais certains n’avaient ni brûlé ni détruit les pages du Paradis ’49 et lorsque nous étions jeunes filles (13/15 ans) et qu’on nous les lisait au sein du Focolare, nous disions fascinées : “heureusement que tout n’a pas été détruit”. Au cours de la période pendant laquelle l’Église étudiait le Mouvement, Chiara avait affirmé comme une prophétie “un jour, l’Église se réveillera Focolarine”.
Et elle nous le rappela plus tard lorsque sortit la lettre “Novo millennio ineunte”.
Jean-Paul II, d’après ce que disait et écrivait Chiara Lubich au sein du Mouvement, avait transmis sa spiritualité, celle de Chiara, la spiritualité de l’unité, la spiritualité collective, en la qualifiant “de communion” à l’ensemble de l’Église.
Fin 2011, j’ai rencontré un théologien italien d’origine napolitaine qui vit et enseigne depuis 30 ans à Münster (Allemagne), le Professeur Antonio Autiero, venu à Bruxelles pour la présentation d’un livre de Marco Politi dans les locaux de la Région Trentino Alto Adige. Jusqu’en juin 2011, le Professeur Autiero était le directeur du Centre des sciences religieuses de Trente (la ville natale de Chiara Lubich) ; j’ai beaucoup apprécié son intervention en tant que théologien. J’ai eu la possibilité de parler avec lui du Mouvement des Focolari qu’il m’a dit connaître. Je lui ai posé une question directe : “Professeur, d’après vous le Mouvement des Focolari est-il caractérisé par une dérive sectaire ?”. Il m’a répondu : “Certainement, faites une recherche sur deux concepts IDENTITÉ et IDENTIFICATION [4] , et vous comprendrez pourquoi.”
Je l’ai fait et je continue mes travaux et c’est exact.
Après lecture de la lettre en italien « Roma 23 11 1950 » de Chiara Lubich (en annexe 2), le Père J.M.Hennaux s.j. (professeur de théologie morale fondamentale et expert en mariologie) s’est exprimé ainsi :
Ce que je vais dire est une accusation assez grave, pour une personne que je ne connais pas par ailleurs, Chiara Lubich, mais dans cette page - pour moi - elle se prend pour le Christ.
C’est-à-dire l’âme qui fait l’unité ce n’est pas le Christ, mais c’est elle et donc tout doit passer par elle – évidemment - tout doit revenir à elle et elle doit décider de tout et de tout le mouvement.
Là c’est une déviation profonde.
C’est la chose qui m’a frappé le plus. Cette conception de l’unité qui n’est pas communion mais identification finalement à Chiara Lubich. Là ce n’est pas juste du point de vue théologique.
J’ai lu aussi le texte sur le Paradis ’49 de Mons. Piero Coda, il y a des belles choses là-dedans, mais on retrouve aussi - en final - la même erreur. »
(Le texte est en annexe (annexe 2a) traduit de l’italien pour la communauté de la Belgique par la capo-zone de l’époque).
Récolté par Renata Patti le 25 octobre 2012 à l’I.E.T. Institut d’Études Théologiques des Jésuites de Bruxelles.
Le Père J. M. Hennaux s.j. m’a également dit que maintenant qu’un livre est sorti sur le Paradis ’49, il sera possible de réaliser une étude théologique critique et que le théologien qui le fera devra aussi connaître les mystiques.
D’autres personnes m’ont ensuite dit que cette étude devra être pluridisciplinaire, mais il convient peut-être de commencer par la théologie engendrée par le Paradis ’49 et qui est à la base des statuts généraux, c’est-à-dire non seulement de la spiritualité, mais aussi de la structure de l’Œuvre de Marie.
Lors d’un entretien, le 4 mai 2012, le cardinal Godfried Danneels m’a éclairé sur le sens de la soi-disant Unité [5] vécue au sein du Mouvement des Focolari et notamment au sein du Focolare en tant que petite communauté de vierges et mariées.
Il m’a dit : “Mais cela n’est pas l’Unité, c’est de l’ABSORPTION”.
J’ai approfondi ce concept en confrontant mon expérience passée avec ce que je comprends maintenant de l’extérieur. Je peux confirmer et je veux témoigner que c’est exact et qu’il s’agit d’un abus moral et c’est la raison pour laquelle je suis déjà allée voir Mons. André- Joseph Léonard – Primat de Belgique, le 24 avril 2012 même si je ne connaissais pas encore le terme exact “absorption”. Je joins en annexe deux lettres de l’actuelle présidente du Mouvement qui montrent bien ce que cela veut dire. [6]
En septembre 2012, Maria Voce a accordé une interview à Marco Politi et Lucetta Scarrafia, journalistes italiens lors du LoppianoLAB, qui a rassemblé à Loppiano environ 3000 personnes. Cette interview peut être écoutée sur youtube et il est plus incisif de l’écouter que de la lire parce que l’on ressent son empathie et la présence de personnes du Mouvement qui la soutiennent.
Voici ma réaction à chaud : il m’est apparu de manière très claire, ayant vécu à l’intérieur du Mouvement et voyant et entendant ce qui se dit et que l’on voit de l’extérieur du Mouvement, que nous sommes ici non pas face à UN mouvement, mais à DEUX mouvements : le premier, c’est celui que tout le monde connait, y compris les autorités civiles et religieuses, dont les idéaux, inspirés de l’Évangile, sont très beaux, né en ’43, en tirant des leçons de la guerre ; et l’autre, c’est le mouvement que seuls ceux qui le vivent de l’intérieur connaissent, c’est-à-dire le mouvement organisé « sous une autorité très exigeante et quasi despotique » [7] engendré – d’après moi – par le fameux “Paradis ’49”, que les membres internes vivent 24 heures sur 24 et que les meilleurs vivent “sine glossa” et de manière ininterrompue, caractérisée par une “mort continue” des pensées, des désirs, des aspirations personnelles qu’ils doivent perdre dans l’unité en faisant le vide devant les supérieurs.
Demandons-nous : « Où est l’Unité dans la Diversité qui est pourtant tant prêchée ? »
En analysant les périodes de ma vie que j’ai vécues au sein du Focolare, j’ai rarement trouvé le respect pour l’”altérité” bien spécifiée par Przywara dans son anthropologie où il explique que l’Unité dans la Diversité, c’est bien, sans oublier que Dieu est toujours plus grand [“Analogia Entis” (L’Analogie de l’Être) d’Erich Przywara].
Et j’ai très rarement trouvé le “Sujet” d’Hans Urs von Balthasar, auteur pourtant souvent cité dans les écrits de Chiara Lubich.
Il est vrai que H. U. von Balthasar était favorable aux nouveaux mouvements et qu’il les encourageait, mais de là à établir un parallèle direct entre sa théologie et celle de Chiara Lubich, je serais très prudente.
Je peux comprendre que les théologiens qui ont entouré Chiara Lubich d’un amour et d’une vénération intenses ont parfois voué une admiration sans bornes pour sa personne et sa théologie ou philosophie… allant ainsi jusqu’à la soutenir dans tous les domaines, mais jamais personne n’a réalisé un travail critique, non pour détruire, mais pour aider et bien canaliser les idées et, si nécessaire, les corriger et en corriger l’application pratique.
“Tout ce qui brille n’est pas or !” Et cela n’est pas de la théologie, mais simplement de la sagesse populaire, même si je pense toujours au “veau d’or” que le peuple hébreu s’est construit comme idole et la comparaison est appropriée, sans juger personne, je l’ai fait moi aussi et je ne comprends pas encore bien comment j’ai pu en arriver là. Il convient de demander pardon à Dieu et je le fais sincèrement ! [8]
J’ai retranscrit ci-dessous quelques-unes de mes réflexions après mes deux rencontres avec le cardinal Carlo Maria Martini (Gallarate (Province de Varèse – Italie) 7 janvier et 11 mars 2012) avec qui j’ai pu parler des mouvements. Il aurait voulu écrire au Pape avec d’autres évêques, après avoir réfléchi ensemble sur les mouvements, mais il n’a pas eu le temps matériel de le faire, malheureusement. Le cardinal Martini avait compris et me dit : “Je ne savais pas que le Mouvement des Focolari est si rigide et fermé, un peu comme l’Opus Dei [9]”. Nous avions parlé des structures internes des communautés féminines et masculines des Focolari.
Après avoir parlé avec lui, j’ai tiré les conclusions suivantes :
- Le moment est arrivé pour moi de dénoncer “dans l’Église et pour l’Église”. Il est vraiment nécessaire d’”élaguer” tous ces mouvements. Comment faire pour qu’ils “changent de cap” ? Qu’ils ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Jésus, pour annoncer l’Évangile, pour l’Église de Jésus sans aucun profit ? Je crois profondément que nous serions tous très surpris si une étude critique et sérieuse dévoilait la véritable nature du Mouvement des Focolari, par exemple. J’ai déjà demandé un audit externe du Mouvement des Focolari dans une lettre du 4 avril 2012 [10] adressée à S.E. le Card. G. Danneels ; dont copie a été envoyée au Card. Martini – encore en vie – et à .S.E. Mons. A. J. Léonard – Archevêque de Malines Bruxelles.
- Les mouvements représentent pour l’Église en même temps une impulsion et une “pierre d’achoppement” (voir analyse de Giovanni Colombo sur Micromega – annexe 38 en version italienne et traduction française).
- Le premier pas que les Mouvements font est souvent juste et bon, il est dirigé vers Jésus, mais concrètement lorsqu’ils dépassent les 500 membres internes, cela ne va plus. Le second pas est presque toujours erroné parce qu’il est dirigé vers eux-mêmes (honoris causa, récompenses, augmenter le nombre de membres et se montrer, etc…) ; ils perdent de vue l’HUMILITÉ et la PAUVRETÉ évangéliques.
- Pourquoi ne pas accepter une “révision” par un œil extérieur ? Même si on éprouve du respect pour toute l’énergie dépensée jusqu’à présent par les fondateurs et les membres, il faudrait avoir le courage de la Vérité, le courage d’“annoncer… dénoncer… renoncer”, bien expliqué par Mons. Bregantini dans son livre “Non possiamo tacere” (“Nous ne pouvons pas nous taire” [11]).
Je suis consciente que, depuis que le monde est monde, la zizanie croît parmi le bon grain (Mt. 13,24-30) et c’est la raison pour laquelle je voudrais mettre en lumière certaines choses que j’ai observées en 40 ans d’appartenance au Mouvement des Focolari, dont 28 en tant que Focolarine interne. Je n’ai pu comprendre ces choses qu’après avoir quitté le Mouvement des Focolari pour des raisons très graves. Je ne pouvais plus adhérer à quelque chose qui n’était certainement plus chrétien. Et je le voyais appliqué au sein du Mouvement, dans son Centre, et envers une Zone que je connaissais très bien, la Zone Belgique/Luxembourg. Je souhaite vous indiquer qu’en 2007 (je me réfère à ces faits), plus de 25 membres internes ont quitté le Mouvement des Focolari en Belgique et au Luxembourg et qu’il ne s’agissait pas de membres de la structure périphérique, mais bien du Centre-Zone féminine qui a perdu du jour au lendemain quatre personnes de grande valeur humaine et spirituelle [12].
D’autres dirigeants, chargés de différentes fonctions, faisant partie du Conseil de coordination (organe directeur du Mouvement dans les Zones) tant en Belgique qu’au Luxembourg ont quitté le Mouvement chacun pour choix réfléchi et personnel.
Voici, point par point et résumés, certains des problèmes les plus évidents :
1. Les abus d’autorité. Des abus moraux sont perpétrés au nom de la spiritualité.
– Pour aimer Jésus Abandonné, une obéissance aveugle est exigée [13].
– Pour vivre en Unité, il FAUT perdre toute sa personnalité.
- “Vie d’Unité et Vie trinitaire …Il n’y a pas d’Unité si ce n’est là où il n’existe plus de personnalité…” [14] ;
- “À la base de notre Œuvre – écrit Chiara Lubich – réside le projet : c’est le Paradis ’49 dont ce qui compte c’est le pacte fait et toujours renouvelé, respecté, d’être une seule âme, d’être, dans l’âme du Christ parmi nous, l’âme” [15]. D’une certaine manière, le Paradis ’49 peut être ramené à cette demande, même si cela peut sembler réducteur, d’être l’âme, “âme collective”, dont Chiara est l’expression et où l’individualité de chaque Focolarino/Focolarine est absorbée [16]. Ceci n’est pas l’unité que Jésus a demandée au Père, c’est de l’« ABSORPTION ».
- Certains vont jusqu’à témoigner qu’on perd aussi sa propre âme [17]. Comment est-ce possible ? Même si les visions intellectuelles de Chiara Lubich dans son “Paradis ‘49” étaient l’expression d’une “mystique” d’un niveau très élevé – c’est la raison pour laquelle il convient de les étudier de manière critique – il convient quoi qu’il en soit de se demander s’il est sage et opportun de les appliquer “telles quelles” aux règles d’une institution soit-elle religieuse. Demandons-nous : Ne faudrait-il pas vraiment “descendre” du Paradis pour fonder une Œuvre qui, malgré tout, est et restera humaine ? [18]
- Ce n’est pas seulement une utopie, c’est encore plus, je dirais, une illusion dangereuse que de donner des exemples de “Vie trinitaire” comme je le lis dans le dernier livre [19] de Maria Voce, la nouvelle présidente du Mouvement, dans lequel, au fond, la conclusion de sa pensée est que sans adhérer à la spiritualité de l’unité il n’est pas possible de vivre les relations trinitaires. Sans poser aucun jugement, je me permets de me poser la question suivante : la Sainte Trinité est peut-être l’apanage du seul Mouvement des Focolari ?
2. La conscience individuelle est anéantie par les concepts de “grâce d’état” et d’“unité” ; on devient de véritables automates spirituels et souvent aussi physiques [20].
Le supérieur auquel Chiara confie la mission d’“être une autre elle-même” agit en tant que capo-zone ou capo-focolare :
– en tant que directeur spirituel (lors des colloques personnels),
– en tant qu’animateur des retraites spirituelles mensuelles et des rencontres hebdomadaires au sein du Focolare (y compris avec les Focolarini mariés),
– il conseille et décide du choix des études ou du travail du Focolarino/de la Focolarine,
– il organise le programme de la journée au sein du Focolare pour les différents membres,
– ainsi que le programme hebdomadaire, mensuel et annuel.
– le temps libre personnel est presque totalement inexistant.
– Tout est géré selon les priorités fixées par le Centre du Mouvement et de ses rencontres à Castel Gandolfo ou lors d’autres événements. Chaque groupe doit être accompagné au Centre, ce que les Focolarini et Focolarines font à tour de rôle, provenant de toutes les zones européennes et parfois également des autres continents.
– Ils ont un programme très intense et la priorité est l’apostolat au sein de la zone pour accroître le réseau des membres, adhérents et sympathisants… pour “que tous soient un”.
3. Les Focolari parlent beaucoup de “Nouvelle évangélisation” :
Connaissant maintenant un peu mieux la structure du Mouvement des Focolari, il convient de se poser une question en toute sincérité : “Est-ce pour le Christ et son message contenu dans l’Évangile que les Focolari œuvrent ou est-ce au profit du Mouvement lui-même ?
Les fichiers [21], désormais informatisés, rassemblent les données personnelles de milliers de personnes à inviter régulièrement aux rencontres du Mouvement. Pourquoi uniquement aux rencontres du Mouvement et presque jamais, pour ne pas dire jamais, à celles du diocèse ou de la paroisse ?
J’en ai discuté avec quelques personnes qui s’étaient beaucoup engagées et à titres divers pour les JMJ de Madrid. Nous nous sommes demandé pourquoi les très nombreux jeunes qui y sont accourus, une fois rentrés dans leur diocèse, ne répondent pas positivement aux invitations de leur évêque, déjà occupés qu’ils sont par les programmes très denses des Mouvements qui n’informent même pas de ce que l’évêque propose.
Il me semble qu’on crée ainsi une Église parallèle. “…les Mouvements échappent au contact spécial de l’évêque…” [22].
Par exemple, les cadeaux que le Mouvement des Focolari lui apporte à Noël et à Pâques avec beaucoup d’amabilité expriment certainement quelque chose, mais concrètement… je ne sais pas si ici en Belgique le Mouvement des Focolari participe activement en se mettant au service de l’Église locale.
Chiara Lubich a également fondé le Mouvement diocésain, mais j’ai plusieurs fois entendu la personne responsable de ce Mouvement au Centre de l’Œuvre dire qu’il ne lui créait que des problèmes.
Tous les soirs dans le formulaire des schemetti [23] sur lequel tous les Focolarini et les Focolarines vierges et mariés doivent écrivent entre autres les noms des personnes rencontrées en vue de l’ut omnes :
– Le mieux c’est qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes politiques, d’économistes, de professeurs d’université ou de personnes sensibles à apporter de la Providence (argent, terrains, maisons, etc…) au Mouvement.
– C’est une grande fierté de présenter au Vatican les statistiques des membres internes, adhérents, sympathisants, etc….
– Que d’heures passées dans toutes les zones du monde pour refaire le compte des membres – qui devait toujours être en augmentation – chaque fois que les capo-zones se rendaient chez Chiara.
Et les cartes mondiales [24] ou de la zone lorsque le Saint-Père visitait une Nation… une grande fierté pour la zone et pour Chiara et le Centre qui suivaient tout de près, lorsque le Pape ou un cardinal ou un évêque bénissait et confirmait par des mots l’importance du Mouvement et de son œuvre et sa présence nombreuse à cet endroit [25].
4. Les structures des Mouvements sont caractérisées par un gouvernement tellement centralisé, ces structures sont tellement rigides et fermées qu’elles ne permettent pas un regard extérieur [26] :
– Pendant la confession, on ne peut pas demander conseil au prêtre, sauf s’il est un Focolarino-prêtre.
– Les Focolarini/les Focolarines n’ont pas de père spirituel : cette fonction qui pourrait les aider ne rentre pas dans les statuts, ni dans le modus vivendi des consacrés. Ceci est considéré par les supérieurs comme étant de l’ordre du soutien humain.
– Pour toute chose spirituelle ou pratique, l’Unité avec le/la capo-focolare qui fait aussi souvent fonction de psychologue, même s’il/elle n’a pas la formation pour ce faire, est suffisante.
– L’un des instruments de la spiritualité de l’Unité est le “colloque” avec le/la capo-focolare. C’est lors de ces colloques que se forme le for interne [27] (ce concept n’est pas formulé de cette manière, on ne le connait pas, on dit « Gesù dentro », c’est- à-dire « Jésus en toi ») du Focolarino qui plus “appartient à l’unité” plus “donne tout, tout, tout à Jésus au milieu”. Il n’y a pas de limites ni de règles bien définies, à l’exception du fait concret selon lequel plus on se donne sincèrement, plus on est facilement manipulé.
5. Le Focolarino/la Focolarine ne doit avoir que des “relations surnaturelles” [28], non seulement avec les supérieurs et les autres Focolarini, mais aussi avec tout prochain : il n’y a pas d’amis ni d’amies au sein du Focolare !
– Cela provoque une “désincarnation” [29] de la personne qui s’unit profondément et avec une vénération sincère à la fondatrice qui a écrit entre autres une de ses devises, un livre intitulé : “travailler comme des Dockers et prier comme des anges”. Pourtant pour les jeunes comme nous qui, à cette époque, vivaient à travers la lecture des “Detti Gen” (récemment republiés par la maison d’édition Città Nuova) ou les lettres de Chiara des premiers temps [30], c’était comme se nourrir “de lait et de miel”. Les textes de 1949 [31], en particulier, nous étaient lus au sein du Focolare, entourés par cette atmosphère de “secret” qui nous procurait le sens de l’importance du moment.
– Cet angélisme réel est constaté et exalté au sein du Focolare en tant qu’“innocence”, il maintient en réalité la personne dans l’état d’“enfant”, dans le sens négatif du terme, il ne l’aide pas à grandir harmonieusement dans tous les aspects de la vie humaine, en particulier dans le domaine de la sexualité.
– Qui est de bonne foi croit sincèrement s’être “engagé sur un chemin de sainteté” [32], mais à quel prix ? Le prix de la perte de soi-même. Lorsque quelqu’un rejoint la communauté du Focolare, il lui est demandé de “faire le vide” pour faire Unité [33], de “signer un chèque en blanc” [34] – au niveau spirituel, mais aussi moral et financier.
6. Les personnes qui rencontrent le Mouvement à un jeune âge risquent de croire qu’entrer au Focolare “est la seule voie de sainteté à choisir au moment actuel de l’Histoire, pour le bien de l’Église du XXIe siècle et pour toute l’Humanité”, alors qu’il n’en est pas vraiment ainsi [35].
Cette vocation est présentée aux jeunes comme étant “héroïque” [36] et “totalitaire” [37] et elle l’est malheureusement, tout comme elle est mortifère ! Mais cela on ne le dit pas ! Parce que les défis plaisent aux jeunes.
7. Il n’est pas permis de “penser” [38]. Il ne faut avoir qu’une seule pensée [39], la pensée exprimée par la fondatrice ou par qui agit pour elle.
– Au sein du Focolare, il s’agit de la pensée exprimée par le/la capo-focolare.
– Je pense que les études à Loppiano – vues par Guardini – pourraient aussi être considérées comme UNIVOQUES ou UNIPOLAIRES. À mon époque (1978/80),
le pôle unique c’était Chiara Lubich. [40] Aujourd’hui encore, le corps enseignant est international et cela a son charme, mais il est “ad intra”. Certains professeurs Focolarini viennent de zones lointaines pour enseigner.
– À l’occasion du Synode sur la Nouvelle Évangélisation (octobre 2012), la maison d’édition Città Nuova a réédité au moins 70 titres [41] uniquement et exclusivement de et sur Chiara Lubich ainsi qu’une nouveauté, “l’audio-livre”, qui inclut aussi des CD avec sa voix. Cette nouveauté est appelée “LA Collana”. Nombre de ces titres sont préfacés par Mons. Piero Coda.
Par le passé, on attribuait la création de l’École Abbà à Mons. Klaus Hemmerle – évêque de Hachen, aujourd’hui décédé – à qui Chiara Lubich avait confié sa parole de vie “Que tous soient un” Jn. 17, 20. En effet, ces mots sont inscrits sur sa tombe dans la cathédrale d’Aix-la- Chapelle. Il était aussi considéré comme l’un des co-fondateurs du Mouvement des Focolari, aux côtés d’Igino Giordani et de Don Pasquale Foresi, mais aujourd’hui on ne parle presque plus de lui. On ne le cite même pas en tant que créateur de l’École. Le philosophe Giuseppe Zanghì – Focolarino interne ayant de hautes responsabilités au sein de l’École Abbà et du Mouvement à l’époque de Chiara – n’est pas non plus cité dans le dernier livre publié par l’École Abbà. Pourquoi ? Aujourd’hui, on cite toujours Piero Coda Focolarino-prêtre, ayant entre-temps obtenu le titre de Monseigneur, qui a de hautes responsabilités tant au sein du Mouvement que de l’Église en général.
J’ai beaucoup d’estime pour Mons. Coda que j’admirais moi aussi pour son adhésion au Charisme de Chiara appliqué à la théologie, à la philosophie, etc. … Ses propos étaient, et sont probablement encore aujourd’hui, un “véritable enchantement”.
Je suis convaincue que c’est grâce à cette personne, en raison tant de sa position ecclésiale que de celle acquise au fil du temps au sein de l’Œuvre de Marie, que l’on pourra probablement garder intacts, dans le dossier qui est en cours de préparation pour la béatification de Chiara, “tous les documents délicats du Paradis ‘49”. Cela pourra ainsi se faire facilement sans devoir passer par une étude de l’Église longue, consciencieuse et critique, ce qui serait le cas si le dossier était confié au Diocèse de Trente, par exemple, où C. Lubich est née.
Cette étude est toutefois toujours nécessaire, mais elle ne serait pas objective si elle était réalisée par des fidèles disciples de Chiara Lubich, dans le cas particulier.  Pourquoi vouloir sauter les étapes dans le but d’obtenir « les meilleurs notes » de la part de la Congrégation pour la cause des Saints ? Pourquoi choisir pour cela des « professeurs complaisants » qui ne penseront jamais qu’un regard extérieur pourrait être vraiment salutaire tant pour l’Œuvre de Marie que pour l’Eglise entière ?
Sans aucunement mettre en question la sainteté de Chiara Lubich, ni l’honnêteté des personnes du Mouvement, que par ailleurs seul Dieu connait, je voudrais attirer l’attention de l’Église sur un fait qui me préoccupe.
Cela va de soi que béatifier une personne signifie aussi “béatifier l’ensemble de son œuvre” et dans ce cas il convient d’y réfléchir en profondeur.
C’est une des raisons pour lesquelles j’écris ce document et je me suis déjà entretenue oralement avec plusieurs autorités ecclésiastiques. Après avoir demandé conseil et recueilli de nombreux témoignages, je vous incite à la Prudence chrétienne car ici aussi le bon sens me fait dire : “mieux vaut prévenir que guérir”.
8. Au sein du Focolare, il n’est pas permis de “juger” dans le sens d’avoir un esprit critique.
On retrouve ici l’obéissance aveugle qui est demandée au Focolarino/à la Focolarine. (Voir Règlement des Focolarines – Partie Cinq – Chapitre II – LES VOEUX, article 99).
– ce qui est exprimé par le capo-zone ou le capo-focolare [42], étant donné qu’il est lui-même en étroite unité avec la Fondatrice, est l’expression de l’Unité et dès lors de la volonté de Dieu, c’est la Volonté de Dieu [43].
– Expressions typiques si quelqu’un essaie de dire son point de vue :
- “Tu dois te couper la tête” ,
- “Tu as toujours un problème avec l’autorité” ,
- “Tu ne dois pas réfléchir, tu dois suivre, exécuter à la lettre” , etc…
– La spontanéité est souvent réprimée et la créativité n’est pas prise en considération :
- “Arrête avec tes fantaisies, obéis et c’est tout” ;
- Et si quelqu’un ne réussit pas, la situation est tout de suite résolue en disant :
- “C’est Jésus abandonné”
- “aime Jésus abandonné”
sans ajouter aucune explication [44].
– Les supérieurs enseignent que la question qu’on doit toujours se poser face à toute situation est : “Que ferait Chiara si elle était à ma place ?” Ce n’est qu’ainsi que nous aurions fait la volonté de Dieu.
9. Lorsqu’on s’exprime en public, en particulier devant des autorités religieuses importantes, on ne doit le faire qu’après avoir tout vérifié et corrigé
…c’est-à-dire “vu en unité”, avec les responsables et avec le sourire le plus éclatant même s’il nous semble parfois – en raison des incohérences vécues au sein du Focolare – de ne pas dire la vérité. Il suffit de vivre une méditation de Chiara : la comédie divine. [45]
10.Les relations avec sa famille [46] d’origine sont souvent maintenues uniquement par prosélytisme. Cela dépend de la formation, bonne ou non, des “supérieurs”.
– Les parents ont souvent l’impression que leurs enfants Focolarini leur rendent visite pour se soigner ou pour d’autres raisons qui nécessitent une aide financière importante et, bien entendu, ils n’ont pas le courage de refuser.
– On en arrive à conseiller aux familles constituées de membres internes ou aux parents de Focolarini/Focolarines de construire des maisons ou d’investir par le biais de dons importants dans les structures du Mouvement, par exemple dans les « Citadelle » ou Mariapolis permanentes.
11. Dans la mentalité focolarine, une juste considération [47] n’est pas accordée à la santé, tant physique que mentale, des membres internes.
– Cela devient normal que, outre le travail quotidien de 7/8 heures, le Focolarino/la Focolarine et parfois d’autres membres davantage engagés consacrent les heures restantes de la soirée et de la nuit, ainsi que les weekends, au travail apostolique. Il y a en outre les tâches domestiques dont les Focolarini s’occupent logiquement (en particulier, ceux qui ne sont pas “supérieurs”) et la préparation des repas souvent frugaux. Dans certaines zones, cette situation s’est améliorée, mais tout dépend encore des engagements professionnels et surtout de ceux liés au travail apostolique au sein des Focolari.
– Un élément bien connu des membres internes, mais pas des autorités religieuses ni du grand public, est que des Focolarini deviennent malades mentalement, et physiquement (cf., par exemple, les Focolarini internes qui habitent à l’extérieur du Focolare pour des raisons de santé). Une clinique a été ouverte et est gérée par le Centre du Mouvement pour soigner les malades à l’intérieur du Mouvement. Il est très difficile d’en savoir plus. Une personne m’a témoigné que même la Fondatrice, Chiara Lubich, aurait était hospitalisée en Suisse en 1993 en hôpital psychiatrique. Cette hospitalisation ne lui a pas permis de participer aux funérailles de son frère, Gino Lubich, décédé à l’improviste.
– Le Focolarino/la Focolarine ne choisit pas personnellement son médecin. Dans les Zones, il y a toujours des médecins du Mouvement ou conseillés par la capo-zone ou la capo-focolare ou la conseillère du “vert”, aspect relatif à la santé [48].
Par exemple, dans les Centres de formation comme Loppiano et Montet, il faudrait vérifier si le médecin est encore un/une membre interne de l’Œuvre (par exemple, lui/elle-même Focolarino/Focolarine ou mieux capo-focolare directement liée à la responsable du Centre de formation). C’était ainsi dans les années 1978/80 à Loppiano lorsque j’ai fréquenté l’École de Formation.
– Il y a encore une dizaine d’années, tous les dossiers médicaux des Focolarines étaient “naturellement” gardés, comme si cela était logique, dans le bureau de la capo-zone qui pouvait tout lire et communiquer au Centre international des Focolarines et ils n’étaient même pas sous clé. N’importe qui pouvait donc y avoir accès.  Un pas positif a été accompli en transférant tous ces dossiers au cabinet médical Lucas et en les confiant au docteur Flavia Caretta du Centre Foco [49], étroite collaboratrice de Serenella Silvi Antonini, responsable actuelles des Focolarines au niveau international. (voir exemple en note de fin [50])
Demandons-nous : Est-il légal ce système de garde des dossiers médicaux par un médecin qui est elle-même Focolarine, soumise à faire Unité à sa capo-focolare qui est aussi la responsable des Focolarines au niveau mondial ?
12. Si les membres font allusion à un problème ou s’ils proposent d’étudier quelque chose qui ne fonctionne pas dans les méthodes adoptées par le Mouvement des Focolari, les supérieurs disent : “On voit que tu n’as pas la vocation”.
Ils préfèrent que les membres s’en aillent plutôt que de méditer sur ce qui pourrait être revu et changé. Ils sont tellement certains que tout “vient de Dieu” et qu’eux sont “les canaux transparents” de Sa Volonté [51].
L’exemple cité aux pages 48 et 49 du livre de Giuglia (Eli) Folonari “Lo spartito scritto in cielo” 50 anni con Chiara Lubich ; éd. Città Nuova (“La partition écrite au ciel” 50 ans avec Chiara Lubich) se conclut par une situation non conforme à la phrase de l’Évangile : “Laisse les morts ensevelir leurs morts” [52].
Comment ne pas savoir, pour l’avoir étudié, que Jésus, lorsqu’il a prononcé cette phrase, l’a dite à un disciple qui lui avait demandé d’aller “enterrer” un parent ?
Ici, par contre, on déclare “morts” ceux qui ont un point de vue différent et – s’il s’agit de la personne à qui je pense – elle tentait de s’expliquer sans être sincèrement écoutée et recevait uniquement des ordres astreignants.
Et même s’il ne s’agissait pas de la personne à qui je pense, plusieurs personnes avec qui j’ai parlé ont affirmé que, dans leurs cas, cette phrase inopportune avait été utilisée.
– L’avocat à qui j’ai fait lire ces deux pages m’a dit qu’elles étaient “révélatrices”. Je comprends que, pour quelqu’un qui a regard extérieur, elles révèlent l’intolérance non seulement de son auteure, mais aussi du système tout entier.
– Le cas de la zone Belgique/Luxembourg de 2007, déjà cité (la sortie du Focolare de Myriam Collin, Uli (Ulrike) Neugebauer, Gaby (Gabrielle) Mettendorff, etc…) devrait être approfondi de ce point de vue. Leurs lettres constituent des témoignages solides et très douloureux [53].
13. Toute personne qui quitte le mouvement et qui avait des engagements à temps plein en son sein (comme une capo-zone ou une capo-focolare à qui le Centre a demandé d’abandonner ses activités professionnelles sans respecter l’obligation légale – dans la majorité des cas – de verser les cotisations de retraite) se retrouve absolument dépourvue en ce qui concerne ses activités professionnelles.
– Les années de vie professionnelle perdues pendant toutes les années de vie consacrée au sein du Focolare ne peuvent être récupérées ;
– l’ancien Focolarino/l’ancienne Focolarine se retrouve dans une situation dans laquelle il/elle a perdu tout le bagage culturel acquis pendant l’adolescence ;
– presque aucun ancien Focolarino/ aucune ancienne Focolarine ne finit par exercer la profession pour laquelle il/elle a étudié ;
– on ne pense pas à quel point il est difficile de trouver du travail, en particulier à un âge avancé.
Tout cela fait en sorte que de nombreux membres restent au Focolare en vivant des situations psychologiques très stressantes et compromises tant du point de vue religieux que sous d’autres aspects.
Ceux qui restent “subissent” leur vocation, mais ne la vivent plus vraiment. Et ceux qui le quittent, en sortent presque toujours “nus” ! Sans un sous, ni retraite, ni protection sociale.
Tout cela “est non seulement non conforme au Code de droit canon, mais n’est simplement pas chrétien”. Telle est la réaction à chaud du Père Benoît Malvaux s.j. , canoniste – professeur à l’Institut d’Études Théologiques des Jésuites de Bruxelles – à qui j’ai soumis une ébauche de mon texte le 18.11.2012. 
14. Les adultes, les jeunes et les enfants sont invités à faire partie des grands mouvements de masse.
– Pourquoi avoir encore besoin d’une structure et pas simplement de l’Église ? Les mouvements de grande envergure (Humanité Nouvelle, Familles Nouvelles, Jeunes pour un Monde Uni, Juniors pour un Monde Uni, etc…) ne sont, à première vue, pas dotés d’une structure rigide, mais ils sont gérés par les membres internes du Mouvement des Focolari étroitement liés au Centre-Zone et au Centre de l’Œuvre situé à Rocca di Papa.
– Au début, les gens s’enthousiasment devant le merveilleux idéal de l’unité.
– Plus tard, cependant, les personnes les plus attentives et les plus cultivées se rendent compte, en particulier lorsqu’elles entrent en contact de manière plus directe avec le noyau central du Focolare, des unités “Gen”, des noyaux de volontaires, qu’il ne s’agit pas d’une structure démocratique, mais d’une structure pyramidale très rigide qui implique psychologiquement, un peu comme une “dictature spirituelle”, qui parfois peut aussi être physique et mentale.
- Il peut arriver qu’il n’y ait pas de liberté de choix en ce qui concerne la nourriture…
- ou la manière de s’habiller (Il n’est souvent pas difficile de définir un style particulier, surtout pour les “Focolarines”). Chiara Lubich était leur modèle.
Tels sont des exemples de motifs pour lesquels certains s’éloignent, mais il en existe bien d’autres. Il faut cependant avoir une personnalité forte et déjà bien formée pour arriver à le faire.
– Les jeunes de mon époque (toutes les personnes d’âge moyen qui vivent aujourd’hui au sein du Focolare) avaient une autre approche, moins critique. Nous chantions béatement pour Chiara Lubich, sous son balcon, (accompagnées par les « Focolarine grandi », les Focolarines des premiers temps, ses premières compagnes) des chants comme celui-ci écrits spécialement pour elle :
dans tes mains, la vie se transforme
comment pouvoir te redonner l’amour que tu nous donnes
ce souffle avec lequel tu nous façonnes à ton image
Et nous voudrions inventer pour toi
un “merci” que personne n’a jamais entendu
l’amour que tu nous donnes
personne au monde ne nous l’a jamais donné !”…
Nous en chantions aussi bien d’autres dédiés normalement à la Sainte Vierge mais que nous adressions à Chiara Lubich.
– Les jeunes d’aujourd’hui ne s’en vont pas tout de suite. Ils “tombent d’abord amoureux” des beaux sourires et de l’approche “se faire un” des membres internes, ce qui constitue une véritable manipulation très subtile [54]
J’ai réfléchi avec une autre personne sur le fait que le Mouvement dit attirer les foules. Cette personne a fait l’observation suivante : “…Mussolini, Hitler, Lénine, Staline attiraient aussi les foules. Mais les foules ne montrent pas toujours le bon exemple. Il convient de faire la distinction ! Le nombre de participants aux congrès ne doit pas être confondu avec la vie de tous les jours”. 
15. Lorsque les personnes les plus généreuses, ayant pris des engagements profonds à l’égard du Mouvement (vœux pour les vierges, promesses pour les personnes mariées, etc.) se rendent compte des déviations susmentionnées et que, dans le même temps, le Mouvement divulgue les appréciations favorables et les louanges de papes [55], cardinaux et évêques, etc., elles se retrouvent dans une situation impossible.
– Certaines prennent leur courage à deux mains et quittent le Mouvement ;
– D’autres préfèrent continuer à “ne pas penser” et ne le quittent pas, y compris parce que la situation financière dans laquelle elles se retrouveraient ne seraient pas favorables à un choix aussi hardi ;
– De nombreuses personnes à l’intérieur du Mouvement sont dépressives ;
– J’ai personnellement aussi entendu parler d’un cas de pédophilie au Portugal (la victime ne veut pas porter plainte). Malheureusement, je suis au courant par l’intermédiaire de personnes ne voulant pas agir plus que ça et je ne connais ni le pédophile, ni la victime. On m’a dit que le coupable a été “promu à un grade supérieur”, d’après ce que j’ai compris, toujours au Portugal. Mais tout cela doit être vérifié et comment puis-je le faire ?
En tout cas, je ne trouve pas, dans les propositions de la nouvelle présidente, la même radicalité que je trouve en revanche dans les directives du Saint-Père et ceci malgré sa réponse stupéfiante transcrite ci-dessous [56]. Aucun cas de pédophilie n’a été porté devant la justice par le Mouvement…. encore et toujours “on lave le linge sale en famille” au détriment des plus faibles.
– Et que dire du geste extrême de Marisa Baù (Focolarine interne de 48 ans) qui a été retrouvée pendue fin janvier 2012 ? (Cela semble être un suicide bien réfléchi : elle ne s’est pas jetée d’un pont ou sous un train) [57].
16. Tout membre qui quitte le mouvement, en particulier après des années de vie généreuse consacrée (vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance pour les vierges ou promesses pour les personnes mariées), voit souvent sa décision confortée :
– par le confesseur (qui confirme qu’il est possible de renoncer à ses vœux facilement car il s’agit de vœux ou de promesses privés. Il s’agit du premier “coup” parce que chacun les a vécus comme une véritable profession religieuse, comme la “forme de vie consacrée” la plus actuelle dans l’Église pour le bien de l’Église et de l’Humanité [58] engendrée par une nouvelle spiritualité, celle de l’Unité.)
– par le psychologue (étant donné qu’il faut toujours, dans une telle situation, suivre une thérapie pour remettre de l’ordre dans sa vie) ;
– par un psychiatre qui doit doser les médicaments ;
- qui confirme qu’elle, et les autres anciens membres, sont de véritables victimes ;
- Elles sont victimes de différents abus : abus d’autorité, abus moraux et psychologiques ;
- Qu’il faut considérer la gravité des traumatismes exactement de la même manière que pour les abus sexuels ;
- Que les victimes silencieuses sont nombreuses et seules peu d’entre elles osent dénoncer ;
- Les personnes qui quittent le Mouvement souffrent souvent de troubles de stress post-traumatique, caractérisés par des cauchemars encore même dix ans, vingt ans plus tard, voire davantage. Ces troubles sont reconnus tant par des psychologues que par des confesseurs ou accompagnateurs spirituels.
17. Étant donné la notoriété dont jouit le Mouvement, personne n’ose ouvrir la bouche parce qu’on sait que la hiérarchie ecclésiastique ne nous croira JAMAIS.
– “Si je parle, si j’écris, personne ne me croira” ;
– “J’ai peur de m’exposer”, “Je ne veux plus avoir affaire avec le Mouvement”, “Je ne veux plus perdre ne serait-ce qu’une minute pour le Mouvement” ;
– on dit : “Je veux tourner la page”. Mais cela ne se fait pas en un jour. Souvent on pense s’être libéré entièrement de ces structures et on ne se rend pas compte que l’on fonctionne de la même manière… après tant d’années … et pourtant on ressent un énorme désir et besoin de vivre en liberté en recherchant sincèrement “un plus” de vérité.
18. Dans le Règlement des Focolarines (chapitre IV – sortie de la section et démission – articles 77 à 84), il est par exemple indiqué à l’article 84 que “Dans les cas mentionnés à l’article 80, les responsables de la section procèderont dans un esprit de charité, en apportant fraternellement l’aide qu’ils considèreront opportune, selon leur jugement ; et particulièrement en aidant la Focolarine à s’insérer dans sa nouvelle vie.”
– Cet article est vague et son application dépend de la discrétion du responsable.
– Il ne tient pas compte du fait qu’il peut y avoir une rupture grave dans les relations fraternelles ; on reste dans l’angélisme.
– Pense-t-il, par exemple, à l’aspect financier ? Seules les personnes ayant vécu cette situation savent que ce type de Communion des biens n’est pas mise en œuvre et, si elle l’est, elle ne l’est pas de manière adéquate. On touche ici à un sujet tellement délicat que personne ne voudra jamais en parler. Mais moi, je peux témoigner que souvent seuls les amis apportent une aide concrète au début de cette nouvelle situation dans la mesure où ils le peuvent et ils inventent de tout pour qu’on ne se sente pas redevables à leur égard, en espérant que les choses se stabiliseront.
19.Lors du premier congrès au Vatican après l’éclatement du scandale de la pédophilie au sein de l’Église, la première femme qui a témoigné avait dit : “Ma guérison commença au moment où j’ai vu mon violeur au tribunal assis sur le banc des accusés”. Je pense que, pour ce qui est des abus psychologiques, il se passe exactement la même chose dans la tête de la victime.
– Tant que l’Institution qui a provoqué de telles dommages n’est pas clairement “mise en cause”, on ne peut pas guérir totalement ;
– Tant que son propre témoignage n’a pas été entendu et justifié publiquement, il est très difficile pour la victime de commencer un véritable parcours de résilience.
20. Depuis le 21 novembre 2012, dans l’après-midi, je sais que l’Œuvre de Marie ou Mouvement des Focolari attend l’échéance du délai de 5 ans imposé par l’Église depuis le décès de Chiara Lubich (14 mars 2008 - 14 mars 2013), en vue d’introduire le dossier contenant la demande d’ouverture du procès de béatification.
L’Œuvre souhaite le faire “directement” (voir Mons. Piero Coda) pour ne pas risquer de devoir donner les “écrits de Chiara” à toute personne choisie par d’autres (par exemple le Diocèse de Trente où C. Lubich est pourtant née) et qui pourrait ne pas les comprendre ou, pire, ne pas les apprécier.
Une Focolarine m’a aussi dit qu’ils ont peur que les Focolarini luthériens, anglicans, etc… les bouddhistes, les hindous, etc… les non-croyants…, entités toutes présentes dans les Statuts généraux de 2007, se sentent tout à fait étrangers à ce désir de sanctifier Chiara Lubich au sein de l’Église catholique. « Et puis, il y a les textes du “Paradis ’49” qui n’ont pas encore été étudiés ».
Demandons-nous : Pourquoi ne pas vouloir que ces écrits soient étudiés par d’autres personnes, analysés par d’autres ? Et pourquoi toujours vouloir obtenir la meilleure évaluation et choisir dès lors des professeurs complaisants ?
Je ne sais pas si ce texte pourra contribuer à une meilleure transparence et à reconsidérer les choses, mais il s’agit en attendant de mon témoignage qui sera probablement rendu public lors du congrès de l’ICSA [59] de Trieste auquel je participerai du 3 au 6 juillet 2013.
J’y participerai parce que j’ai appris, avec joie, que quelques évêques seront présents et ce congrès sera l’occasion de dialoguer avec les autorités ecclésiastiques. Celle-là est mon Espérance !
Renata PATTI renata.patti chez skynet.be