L’Empire Financier des Légionnaires du Christ

Samedi 26 décembre 2015

Un livre d’investigation vient de paraître au Mexique sur le fonctionnement économique de la Légion du Christ. Après deux ans d’enquête, le journaliste Raúl Olmos reconnait que les réformes du Vatican n’étaient qu’un simple ravalement de façade : le système financier mis en place par le père Maciel (opaque, pervers et contraire à tous les enseignements de l’Eglise) reste inchangé.

Si loin de Dieu, si proche de Maciel

Le spectre du fondateur des Légionnaires du Christ continue de hanter congrégation, sur son prestige et sa façon de faire commerce.

Les Légionnaires du Christ s’éloignent toujours plus de Dieu et se rapprochent inexorablement du père Marcial Maciel.

Le fondateur de la Légion du Christ avait une morale pour ses fidèles, et une autre sous la soutane. Il a mené une double vie : il a eu au moins trois femmes et plusieurs enfants ; c’était aussi un drogué et un pédophile. Voici ce qu’explique Raúl Olmos, un journaliste spécialisé dans la corruption, dans son livre « L’Empire Financier des Légionnaires du Christ » (Grijalbo, 2015).

L’auteur explique comment la congrégation est parvenue à bâtir un empire estimé à plusieurs milliards de dollars, dans différents pays du monde.

Au cours de son enquête, qui a duré deux ans, Olmos a découvert 500 sociétés ou investissements basés dans des paradis fiscaux ou dans des lieux propices au blanchiment d’argent… des pratiques qui posent question, surtout de la part d’un groupe de religieux consacrés à Dieu et dédiés au service des pauvres.

A Rome, les Légionnaires possèdent un Centre pour l’Ethique des Entreprises : là, on y apprend notamment à restreindre les investissements opposés à la foi catholique, comme le commerce des armes, des contraceptifs, de la pornographie… et pourtant, l’auteur explique que plusieurs fonds administrés par les légionnaires sont précisément investis dans ce qu’ils condamnent : les armes, les contraceptifs, des sociétés liées au jeu, à l’alcool et à la pornographie.

« L’utilisation de sociétés-écrans est une pratique courante. J’ai dénombré au moins 500 sociétés affiliées à la congrégation, et la plupart de celles-ci ne sont que des façades, parce qu’elles ne possèdent aucune installation. Je me suis rendu aux adresses indiquées, et je n’ai rien trouvé, pas le moindre employé », affirme Olmos.

Il explique dans son livre que dans une humble maison située dans le District Fédéral où se trouve une boutique de vêtements, la Légion du Christ a basé plus de 50 sociétés.

« Il m’a fallu presque deux ans pour achever cette enquête, et cela a été une opération bien compliquée, mais très enrichissante : j’ai en effet découvert que dans de nombreux pays, les informations sont facilement accessibles… une chose que les mexicains ont beaucoup de mal à imaginer dans leur pays. Ainsi, aux Etats-Unis, les registres officiels peuvent être consultés, car ils sont publiques. Certes, cela demande du temps et de la détermination, mais c’est une chance inouïe pour les journalistes d’investigation », considère l’auteur.

Toute cette structure de corruption cachée dans des paradis fiscaux façonne la capacité financière de la Légion du Christ. De l’extérieur, on ne voit que la façade, à savoir les écoles que la Légion possède dans le monde entier et les dons qu’elle reçoit de ses riches bienfaiteurs, lesquels sont très souvent poussés à faire des dons, voire à léguer en héritage toute leur fortune à la congrégation.

« L’auteur de tout cela n’est autre que Marcial Maciel. Le fondateur de la Légion du Christ était un grand séducteur ; il semblait avoir comme une auréole de sainteté, et avec ses grands discours truffés de références bibliques et religieuses, beaucoup voyaient en lui un saint vivant. C’est ainsi qu’il conquérait le cœur des veuves, des femmes isolées, des personnes très catholiques. Sa stratégie depuis le début a consisté à s’approcher des groupes de pouvoir économique : c’est là, disait-il ouvertement, que le conduisait son travail évangélique. Il prétendait qu’il fallait que quelqu’un s’occupe d’évangéliser les riches, et que cette tâche, c’était à la Légion du Christ de l’assumer. Et pour correspondre avec ce style de vie, les légionnaires ont bâti un empire économique tellement grand qu’il pourrait rivaliser avec les plus grandes entreprises du Mexique », déclare le journaliste Raul Olmos.

Il est temps d’allumer la lumière

« Les Légionnaires du Christ amélioreraient leur réputation s’ils permettaient aux membres de la congrégation de consulter leurs comptes », considère l’auteur de "L’Empire financier des Légionnaires du Christ."

Je crois que l’heure est venue d’allumer la lumière car des partisans inconditionnels de Maciel continuent à se cacher dans l’obscurité. Allumer la lumière, cela veut dire s’ouvrir, être transparent, permettre aux plus bas échelons, notamment les écoles de la Légion, de savoir comment sont gérées les ressources financières de la congrégation et à quoi elles servent », affirme le journaliste.

« Il reste encore beaucoup de Maciel dans la Légion. Ce que je crains, c’est que ceux qui ont repris les rênes de la congrégation n’aient continué dans la voie du fondateur, même si ces derniers affirment s’être démarqués de lui, l’avoir même renié et effacé son nom : dans les faits, son exemple et ses enseignements sont encore en vigueur. Sur l’aspect économique et sur la façon de structurer leurs réseaux de sociétés, les disciples de Maciel continuent à manœuvrer comme autrefois : pratiquement rien n’a changé. » L’auteur considère que les changements opérés par le Vatican sont plus liés à la forme qu’au fond.

« Lorsque le Vatican est intervenu, il y a quelques années, certains analystes ont affirmé que tout allait changer. Même à l’intérieur de la congrégation beaucoup étaient convaincus qu’une refondation totale de la congrégation allait avoir lieu, ce qui aurait impliqué un changement de nom, une transformation de toute la structure, une changement de fond… mais en fait, la seule chose que le Vatican a fait a été d’interdire aux légionnaires de mentionner le nom du fondateur. Tous les enseignements du père Maciel dans le domaine des affaires et dans l’art de profiter de la religion sont encore pratiqués aujourd’hui », déclare le journaliste.

Olmos souligne qu’une grande partie des Légionnaires du Christ ne sont pas corrompus : ils ont reçu quelques informations sur ce qui s’est passé, mais ils n’ont pas grandi sous l’emprise du père Maciel. Ce n’est hélas pas le cas des membres de la hiérarchie, qui ont grandi avec les enseignements du fondateur.

« Ce livre n’est pas contre la religion, ni même contre les Légionnaires ou les membres du Regnum Christi qui effectuent un travail social de façon désintéressée et qui croient vraiment faire le bien. Le livre critique les dirigeants de la congrégation qui font mauvais usage des ressources produites, qui dissimulent, qui continuent à pratiquer les anciennes méthodes de Maciel de dissimulation, d’isolement, de rétention d’information pour, en fin de compte, se réserver les bénéfices pour eux-seuls », ajoute-t-il. Olmos critique aussi le Téléthon (au Mexique, le Téléthon est organisé par la congrégation) car même si cette œuvre permet d’apporter de l’aide aux enfants handicapés, les bénéfices réels sont bien supérieurs à ceux affichés le jour de l’évènement. Il ajoute que les légionnaires ont très bien manoeuvré cette année, en remplaçant le chiffre total des dons par des visites qui seront réalisés dans les centres de soin.

« Je pense que l’intention de la Légion du Christ, c’était de montrer un nouveau visage, comme pour dire au monde : « Regardez : ce n’est pas l’argent qui nous intéresse. Pour nous, le plus important, c’est de pouvoir aider »… C’était très rusé : la congrégation a pu ainsi envoyer envoyer un message de façon massive à travers les médias : à savoir qu’ils gérent correctement leurs ressources ».

« Hélas, ils ont oublié de préciser des choses que les gens devraient savoir : notamment que l’énorme quantité de dons reçus permet d’offrir des salaires mirobolants aux cadres du Téléthon. Certains de ces cadres ont des salaires supérieurs à ceux des gouverneurs ! Si vous travaillez pour une œuvre de bienfaisance, on peut comprendre que vous ayez un salaire décent, mais pas de ce niveau-là ! »

Du reste, l’auteur s’interroge sur le fait que le programme pratique une forme de chantage pour contraindre les gens à donner de l’argent. Selon le journaliste, avec les fonds obtenus en 2013, on aurait pu construire plus de 50 centres.

« Je me demande pourquoi ils trompent ainsi la population ? Chaque année, ils affirment : « on va bientôt atteindre l’objectif, il ne manque que quelques pesos », mais en fait, il ne s’agit pas de quelques pesos de plus, mais de centaines de millions de pesos » affirme Olmos.

« Cela ressemble à du chantage affectif : on joue avec les sentiments des gens à travers les médias pour les obliger à donner de l’argent. »

Source : http://www.reporteindigo.com/reporte/mexico/tan-lejos-de-dios-tan-cerca-de-maciel

Voir en ligne : Tan lejos de Dios, tan cerca de Maciel

Vos réactions

  • Jean-Pierre Gosset 26 février 2016 17:45

    On retrouve là « Chemin de croix » de Gianluigi Nuzzi, livre fouillis très documenté d’un journaliste pressé de vendre, qui expose les méthodes qui n’ont pas permis aux grands cabinets d’audit international (four pig : experts en montages borderline !) de dire « quel est l’état financier du Vatican ? ». Ces auditeurs ont travaillé sous l’autorité du Cl Pell (étonnant !) missionné par le Pape pour coordonner ce travail de Sisyphe. Conclusion : il est probable qu’au moins la moitié des avoirs mobiliers et immobiliers de l’Église demeurent inaccessible. Il existe des caisses noires partout que chaque autorité dissimule pour les « besoins de sa cause ». Et ce n’est pas faute pour le Cl Pell d’avoir « soumis à la question » les récalcitrants, surtout les plus « grands », et d’avoir rendu compte au pape des manœuvres dilatoires utilisées. Il obtint du pape de bonnes paroles parfois rudes, mais sans résultats le pape ne pouvant pas se fâcher avec ses principaux « ministres ». Ainsi, le poisson semble avoir été noyé, … Espérons ? Non, car, comme Françoise j’évite d’être benêt.

    • L’Empire Financier des Légionnaires du Christ 27 février 2016 16:46, par Françoise

      J’ai appris il y a quelques jours par différents articles de Betty Clermont (journaliste et essayiste US) et notamment celui mentionné ci-dessous, que le Cardinal Pell était très proche de l’Opus Dei. Tiens, comme c’est étrange, logiquement l’OD aurait dû être vidée des finances depuis l’affaire de l’IOR, non ? Ben non en fait. On prend d’autres têtes opusiennes et on recommence le jeu de dupes avec un ministère de l’économie tenu par un proche de l’OD et une équipe essentiellement constituée d’opusiens…A quel jeu joue donc F1 ?

      http://www.dailykos.com/story/2014/4/6/1290024/-Opus-Dei-Influence-Rises-to-the-Top-in-the-Vatican

      Pell est en même temps poursuivi par une association de victimes de prêtres pédophiles pour sa protection d’un prêtre pédophile en Australie. Suite de l’affaire le 29 février prochain…

  • 29 décembre 2015 15:28

    Bonjour Xavier,

    C’est pourquoi je vous disais il y a quelque temps, que l’institution vaticane n’est pas réformable, qu’il n’y a rien à en attendre. Peu lui importent les crimes de Maciel, des autres dirigeants de communautés déviantes criminelles, l’essentiel reste l’argent, la domination que l’institution a pu en tirer et en tire encore et considère qu’elle peut encore en tirer. Le reste, nos souffrances, tous les croyants qui ont perdu la vie à cause de ces crimes, importent peu à l’institution vaticane et au corps ecclésiastique. Regardez ce qu’il en est pour les couvents prisons qui ont vendu et fait périr combien d’enfants, torturé, fait travailler de façon forcée et gratuite combien d’enfants, de jeunes filles sous couvert de préservation de la pureté…Aujourd’hui encore, ces instituts qui ont rapporté des milliards à leurs congrégations, mais aussi des milliards à l’institution vaticane, qui ont cautionné les pires dictatures, nient leur responsabilité, nient leurs crimes. Et le Vatican n’a toujours pas reconnu leur culpabilité. Alors espérer que la Légion du Christ comme l’Opus Dei, le Renouveau Charismatique et d’autres se réforment vraiment, autrement qu’en ripolinage de façade, je crois que c’est espérer dans le vide. Le seul intérêt qui compte dans toutes ces histoires criminelles religieuses, c’est l’argent. L’Eglise institutionnelle sert l’argent et le pouvoir depuis très longtemps. Elle ne sert pas Dieu, même si elle prétend le faire. Vous en avez la démonstration de plus en plus, non ?

    Cordialement Françoise

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