Les premiers abus répertoriés datent de 1938. Maciel, 18 ans, est alors séminariste pour le diocèse de Veracruz. Il introduit de jeunes enfants dans l’enceinte du séminaire et abuse d’eux. Mais il est surpris, puis dénoncé par les gouvernantes de l’établissement. L’évêque pique une colère noire contre Maciel, et lui signifie son expulsion immédiate du séminaire. Dans la soirée, Maciel apporte une tisane à l’évêque… et ce dernier meurt quelques heures plus tard. S’agissant d’un séminaire clandestin, au moment des persécutions religieuses, les supérieurs du séminaire ne peuvent pas dénoncer le jeune séminariste à la police, et se contentent de le mettre à la porte. [1]
Après s’être fait exclure de plusieurs séminaires, pour des raisons obscures, Maciel atterri dans le diocèse de Cuernavaca où il obtient la protection de l’évêque, qui est un parent. Celui-ci l’autorise à fonder une congrégation, l’ordonne prêtre contre toutes les exigences du Droit Canonique (il n’avait pratiquement pas fait d’études) et le maintient dans ses fonctions alors que les premières accusations d’abus sexuels lui sont rapportées par un père du famille (qui accuse Maciel d’avoir obligé son fils à le masturber, à plusieurs reprises). [2]
Entre les années 40 et 60, le père Maciel abuse de plusieurs dizaines d’enfants et d’adolescents [3]. Pour arriver à ses fins, il s’installe dans l’infirmerie et prétend avoir des douleurs violentes dans le bas du ventre, qui ne peuvent être soignées qu’en massant ses parties génitales. [4] Les enfants, confinés dans un centre coupé du monde, à des milliers de kilomètres de leurs familles et sous l’emprise d’un homme qu’ils vénèrent comme un dieu, obéissent aveuglément. Ensuite, pour s’assurer de leur silence, Maciel met au point un système redoutable de coercition mentale. [5]
Le père Maciel exerce une forte pression sur tous les religieux pour les obliger à se confesser avec lui. Et gare à celui qui refuse : il sera mis en quarantaine, jusqu’à ce qu’il se plie aux exigences du fondateur ! D’après plusieurs témoignages, le père Maciel transgresse sans arrêt le secret de confession, notamment pour manipuler les religieux. [6]
Pendant cette même période, le père Maciel élabore sa stratégie apostolique, qui peut se résumer en une formule : « la fin justifie tous les moyens ». Ainsi pour trouver des soutiens dans la hiérarchie ecclésiastique, il joue la carte de la séduction, fait des cadeaux aux cardinaux importants de la curie romaine, ose parfois même faire quelques pots-de-vin « pour vos bonnes œuvres, monseigneur ! » [7] et n’hésite pas à produire de faux documents et à imiter la signature de tel ou tel évêque. [8] Pour trouver de l’argent, il abuse sans aucun scrupule de sa position de prêtre et va même jusqu’à utiliser la figure du pape comme d’une caution morale [9]. Sa technique est simple : Il repère des personnes riches, vieilles et vulnérables, qu’il mystifie, met en état de sujétion et escroque. [10] En ce qui concerne le recrutement vocationnel, tous les moyens sont bons : flatterie, culpabilisation, chantage, mensonges… [11]
Alors que ses ouailles vivent dans un dénuement extrême et suivent un rythme de vie inhumain, Maciel mène la belle vie : il dort dans des hôtels de luxe, voyage toujours en première classe, exige des repas très raffinés, etc. Il ne prie jamais, ne lit pas son bréviaire, et ne célèbre la messe que lorsqu’il peut se donner en spectacle et feindre l’extase mystique. [12]
Maciel dicte son histoire et celle de la congrégation à ses secrétaires, qui notent la propension impressionnante du père Maciel au mensonge [13] : il ré-écrit tout afin d’apparaitre en chaque circonstance comme un héros. Parmi ses délires, il raconte comment il a réussi, âgé d’à peine 16 ans, à sauver du massacre plusieurs centaines de personnes, lors d’une manifestation populaire à Orizaba [14]. Et puis, il change les dates, afin de faire coïncider les évènements importants de la congrégation avec des dates symboliques.
Au début des années 50, il devient accro à la Dolantine, un dérivé de la morphine. Pour se procurer ses doses, il met en place des stratagèmes abracadabrants, obligeant parfois de jeunes séminaristes à faire des milliers de kilomètres [15]. En 1954, la situation devient très préoccupante : Les supérieurs de la congrégation découvrent plusieurs fois le fondateur complètement défoncé, et essayent de l’obliger à se soigner. Mais Maciel fuit, esquive, manipule. [16]
En 1956, il est suspendu de ses fonctions par le Vatican. En fait, depuis 1948, la Congrégation pour les religieux n’arrêtait pas de recevoir des lettres d’accusation et des mises en garde, mais ne réagissait pas, pensant qu’il s’agissait de mauvaises calomnies [17]. Mais là, les accusations sont trop graves, et viennent d’évêques mexicains : « agissements tortueux, double discours, consommation de drogue, acte de sodomie sur des garçons de la congrégation » [18]. Un premier enquêteur est envoyé et met à jour la perversion du système du père Maciel. Il fait un rapport accablant en février 1957 [19]. Mais quelques semaines plus tard, le Vatican renvoie deux enquêteurs qui reprennent l’enquête à zéro et adoptent immédiatement la version aberrante de Maciel et des légionnaires, qui mentent tous pour protéger leur fondateur vénéré. Motif invoqué : on juge l’arbre à ses fruits. L’arbre ne peut pas être mauvais, puisqu’il y a tous ces fruits. [20] Ainsi, l’Eglise fait une enquête dont elle a vraisemblablement décidé les conclusions en amont. Le père Maciel, blanchi, reprend sa place à la tête de la congrégation et ceux qui l’ont dénoncé sont virés.
Pour se faire pardonner, le Vatican propose d’offrir le Décret de Louange à la jeune congrégation [21]. Mais une nouvelle crise interrompt le processus, en 1962 : d’abord de nouvelles accusations de consommation de drogue, en Espagne, par un grand professeur de pharmacie [22]. Et puis, quelques mois plus tard, Maciel est arrêté par la police pour consommation de drogue, toujours en Espagne. Le Vatican intervient et obtient sa libération [23].
En 1965, l’évêque de Paplanta, qui a connu Maciel au séminaire, menace de faire des révélations sur ce dernier au Vatican. Le père Maciel répond par une menace de mort. Et quelques semaines plus tard, l’évêque mexicain meurt d’un accident de voiture… [24]
Alors que dans les premières années de la congrégation, le père Maciel dictait toute sa correspondance, et voulait avoir un contrôle absolu sur celle-ci, dans les années qui suivent, il met en place un groupe de prêtres, à la Direction Générale, complètement acquis à sa cause, qui écrivent en son nom. Ainsi, les jeunes religieux, se sentant privilégiés d’entretenir une correspondance avec le fondateur, s’attachent plus fortement à leurs vocations. [25]
En 1976, Maciel, qui vouait pourtant une haine viscérale contre les femmes, change de bord et fonde un foyer avec une jeune femme mexicaine, qui a trente-sept ans de moins que lui. Il adopte un enfant que sa femme avait eu auparavant et lui fait deux autres enfants. Il possède plusieurs passeport et plusieurs identités, et c’est sous un faux nom que sa femme et ses enfants le connaissent. Pour expliquer ses longues périodes d’absence, il se fait passer pour un agent commercial de l’entreprise Shell, et à ses heures perdues pour un espion du gouvernement. [26] Quelques temps plus tard, il rencontre une autre femme avec qui il fonde un second foyer et qu’il installe en Espagne [27]. Il semble qu’il ait eu une troisième femme, en Suisse, avec qui il aurait eu une fille, décédée accidentellement quelques années plus tard [28].
Maciel abuse sexuellement de ses propres enfants. [29]
Dans les années 80, le père Maciel arrive à mystifier le pape Jean-Paul II, qui devient vite l’un de ses alliés les plus zélés [30]. Maciel lui vend des solutions miracles pour tous les problèmes de l’Eglise, et Jean-Paul II, miné par la peur du progressisme et des idéologies de gauche, encourage aveuglément la Légion du Christ. Il approuve les Constitutions de la congrégation contre l’avis de tous ses conseillers, qui voient dans celles-ci une remise en cause de tous les apports du Concile Vatican II [31]. En 1994, le pape Jean-Paul II écrit un texte de louange à la gloire du père Maciel, à l’occasion du 50e anniversaire de la congrégation [32]. Les victimes du père Maciel ressentent de la colère et de l’indignation, et commencent à se mettre en contact les uns avec les autres. [33]
A la même époque, un autre ancien légionnaire, Juan Manuel Amenabar, qui avait cautionné et participé pendant des années aux mauvais coups du père Maciel, se retrouve dans un lit d’hôpital, abandonné par tous. Il laisse une consigne à ses anciens compagnons : « j’ai pardonné, mais je demande la justice. » et meurt dans des conditions très mystérieuses. Apparemment, la Légion semble pressée de faire disparaître son corps. Sa chambre est pillée. Ses documents personnels, très compromettant pour la Légion, disparaissent… [34]
En 1997, les victimes du père Maciel, n’arrivant pas à se faire entendre par l’Eglise, ni par les médias mexicains, décident de rendre publiques leurs accusations dans un journal américain, le Hartford Courant. La Légion du Christ contre-attaque et défend son fondateur par tous les moyens : intimidations, campagne de calomnies, fausses déclarations, mensonges, etc. [35]
Le père Maciel se met alors à jouer au saint, pour convaincre tout le monde de son intégrité. Des vidéos et des livres de propagande sont fabriqués par la Légion du Christ pour défendre le fondateur. [36]
En 2006, le pape Benoît XVI, demande au père Maciel de se retirer pour mener une vie de prière et de pénitence : une tapette sur les doigts, à laquelle il n’obéira bien sûr pas. [37]
Le 30 janvier 2008, le père Maciel meurt en Floride. Tous les hauts responsables de la Légion sont avec lui, ainsi que l’une de ses maitresses et sa fille. Il meurt en refusant de demander pardon. A sa mort, les supérieurs décident de mentir à l’ensemble des légionnaires, pour entretenir le mythe du saint fondateur. [38]
Les enfants du père Maciel, à qui l’indigne fondateur avait promis un héritage somptueux, exigent que la congrégation leur verse de l’argent, et menacent de tout révéler dans la presse. [39] Les légionnaires n’ont d’autre choix que d’annoncer publiquement la double vie du fondateur : la détonation a lieu le 5 février 2009.