1888 : Le scandale des frères de Cîteaux

Lundi 28 décembre 2020

Nous remercions Françoise d’avoir porté à notre connaissance les articles du Petit Bourguignon, publiés en juin, juillet et décembre 1888. Le journal régional, à l’époque, avait mené une enquête sérieuse sur des abus sexuels perpétrés au sein de la congrégation religieuse des frères de Cîteaux. Les articles (retranscrits intégralement ci-dessous) montrent que ces abus étaient déjà répandus à l’époque, et bien connus…

Source : https://enfantsenjustice.fr/IMG/pdf/petit_bourguignon.pdf

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« Les scandales de la colonie de Cîteaux », Le petit Bourguignon, n°2638, 29 juin 1888, p 1.

LES SCANDALES DE LA COLONIE DE CITEAUX Les Frères Sodomistes. --- 250 enfants souillés.

L’INFECTION CLERICALE

On trouvera plus loin les premiers détails sur les scandales dont la colonie de Cîteaux est, depuis trop longtemps, le théâtre.

Cette colonie agricole a été créée en vue de la moralisation des enfants vicieux et des jeunes détenus.

On verra comment les Frères de Saint-Joseph, qui administrent et dirigent cette colonie, entendent la « moralisation » des enfants !

Plus de 250 enfants souillés… ! voilà ce que les « bons frères » appellent moraliser l’enfance ! Ces abominations, ces ignominies laissent loin derrière elles tout ce que l’on avait vu jusqu’ici dans les annales cléricales, si fécondes cependant en faits analogues.

N’en finira-t-on donc jamais avec ce vice clérical ? Chaque jour il faut aux minotaures ensoutanés de nouvelles victimes ; chaque jour ces monstres sacrifient à leurs appétits lubriques l’innocente enfance.

Comment peut-il se trouver encore des pères de famille assez imprudents pour oser confier à des soutanes l’éducation de ce qu’ils ont de plus cher au monde ?

Les révélations que nous publions sur les immondes pratiques des frères de Cîteaux dessilleront-elles enfin les yeux des plus incrédules ?

C’est à la magistrature à faire son devoir ; à le faire tout entier, impitoyablement. Il y a là une question de salubrité publique qui s’impose et qui doit passer au-dessus de toutes les considérations d’ordre privé.

Il faut que tous les coupables, où fussent-ils, soient connus et recherchés activement. Il faut que satisfaction entière soit donnée à la morale publique si odieusement outragée. Il faut débarrasser enfin notre contrée de cette pourriture cléricale.

EDMOND DUTEMPLE

LES SCANDALES DE CITEAUX 250 ENFANTS SOUILLES

Evasion d’un enfant. — Graves soupçons. — Constatations médicales. — Descente de justice à la colonie de Cîteaux. — Arrestation du frère Hyacinthe. — Interrogatoire des enfants. — Coupables en fuite. — Arrestation du frère Philippe. — 80 témoins. — Orgies abominables.

Ainsi que nous l’avions annoncé il y a deux jours, et les premiers de toute la Presse dijonnaise et départementale, un scandale clérical vient encore d’éclater dans le département de la Côte-d’Or.

Aussitôt que nous avons été prévenus de ces faits, nous avons, nous-mêmes, ouvert une enquête. Un de nos rédacteurs qui s’est rendu à Cîteaux, hier, nous rappelle les renseignements suivants :

C’est le mardi 19 Juin, que le pot aux roses a été découvert.

Un jeune garçon de cette école s’étant évadé, vint jusqu’à, Beaune ; mais là, n’ayant plus de quoi continuer sa route, il dut, à un moment donné, recourir à la charité publique. Il mendia, et on l’arrêta pour ce fait.

Son identité établie, on lui demanda le motif de son évasion : c’était clair, très clair : il avait déguerpi de chez les bons frères de Saint-Joseph qui tiennent maintenant en leur pouvoir la colonie agricole de Cîteaux, parce que l’un de ces bons frères lui avait fait… ce qu’il n’aurait pas dû lui faire.

Il n’y avait pas à dire « mon bel ami » l’enfant était malheureusement porteur des pièces à conviction et le médecin qui les examina déclara que, en effet,… ça y était !

Grand émoi, vous pouvez le croire, au parquet de Beaune, car malgré toute la haute estime où sont tombés aujourd’hui tous les frocards, on n’ose pas encore agir avec ces gens comme avec tout le monde.

On met presque des gants, pour palper ce monde-là ! Et, par le fait, on n’a peut-être pas tort.

Enfin après avoir bien délibéré, il fut décidé que la justice beaunoise ferait le lendemain mercredi 21 juin, à la première heure du jour, une descente à l’établissement en question. Cette descente de justice aboutit à l’arrestation immédiate d’un frère répondant au sobriquet de Hyacinthe.

Hyacinthe ne s’attendait évidemment pas à ce coup-là ; aussi, s’embrouilla-t-il dès le début de son interrogatoire, et avoua-t-il toutes les sagouineries dont il était accusé.

Le jour même, il était incarcéré à la prison de Beaune.

On crut pendant deux ou trois jours qu’on tenait le seul coupable, la brebis galeuse, ou plutôt, le bouc émissaire de l’établissement ; on se trompait, car petit à petit on acquit la certitude que d’autres chers frères de l’établissement avaient, eux aussi, enseigné la morale à la façon de Hyacinthe.

Une seconde descente devenait donc nécessaire, imminente.

Elle eut lieu samedi dernier, 23 juin. Cette fois, comme l’autre, on entendit d’abord des témoins, des gosses, des bambins qui retenaient, penauds et capons, ce qu’on leur avait fait, et aussi… ce qu’ils avaient dû faire.

Et cette fois, un nouveau personnage de l’établissement fut désigné comme l’alter ego du cher frère Hyacinthe.

Celui-ci répond au sobriquet moins gracieux de Philippe. L’interrogatoire fut, cette fois encore, assez long ; Philippe, qui avait connaissance des mésaventures de Hyacinthe, ouvrait l’œil, et c’était tout ; ses paroles étaient bien pesées, bien étudiées ; mais devant certains témoignages très affirmatifs, Philippe perdit toute contenance et fit son mea culpa.

Les dépositions des témoins, l’interrogatoire du cher frère durèrent jusqu’à une heure du matin. Les autorités judiciaires rentrèrent à Beaune. Ils étaient quatre au départ, on en comptait cinq à l’arrivée.

Philippe venait à la maison d’arrêt trouver son frère et émule Hyacinthe.

Et de deux !

Mais, parait-il, ce n’est pas tout ; et, comme dans Joséphine vendue par ses soeurs, nous pourrions chanter :

Quand nous serons à dix, nous ferons une croix !

Les divers interrogatoires, les diverses dépositions de témoins qui n’ont rien vu — les faits se passant le plus souvent derrière eux — mais qui ont bien senti de quoi il s’agissait ; celles d’autres témoins ayant parfaitement tout vu, tout cela amène encore une forte suspicion de culpabilité sur trois autres gaillards dont les sobriquets nous échappent.

« Ceux-là, a dit le supérieur de ce lupanar, ne sont plus ici. Amen, Amen dico vobis, ils sont chez nos frères qui cultivent d’autres fermes.

Par là vers Brigué ou Oullins, bien sûr.

Et le saint homme a dû bien rire in petto en ajoutant mentalement : « Cours après, mon vieux ! »

Certes oui, respectable abbé, on courra après, et on ne tardera peut-être pas à les arrêter. Qui sait, à Dijon peut-être, où ils pourraient peut-être bien venir aujourd’hui même, vendredi 29 juin, écouler les produits renommés de votre colonie agricole : beurre, œuf, crème, etc., etc.

Évidemment, si la gendarmerie de Dijon veut ouvrir l’œil, elle trouvera peut-être ici même, sous le simple costume de mercantis, ceux-la que recherchent en suant à grosses gouttes, et la gendarmerie de Nuits et celle de Beaune.

Jusqu’à présent, quatre-vingts témoins ont été appelés et entendus. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, dit-on parfois ; ici c’est tout le contraire ; si il n’y a eu que quatre-vingts appelés, il y a eu deux-cent-cinquante élus.

Oui, deux-cent-cinquante élèves, souillés par ces frocards immondes qui devraient subir en récompense de leurs crimes, si la loi était juste, un supplice qui leur ouvrirait toutes grandes les portes du palais des eunuques.

Là, nous devons, pour aujourd’hui, borner notre récit ; il y a des choses qui ne s’écrivent pas, car on ne pourrait détailler, en français, les raffinements d’orgie, les goûts dépravés mis en pratique par ces gens-là, et dévoilés par ces pauvres enfants.

Et on ne sait pas encore tout !

Nous continuons notre enquête personnelle.

Demain nous serons sans doute à même de donner de nouveaux et très intéressants détails à nos lecteurs.

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« Les scandales de Cîteaux au Parlement », Le petit Bourguignon, n°2701, 12 juillet 1888, p 1.

LES SCANDALES DE CITEAUX AU PARLEMENT ENERGIQUES RÉSOLUTIONS DE LA GAUCHE RADICALE

La Gauche Radicale de la Chambre et les scandales de Cîteaux

Résolutions énergiques décidées Prochaine interpellation

Paris, 11 juillet.

La Gauche radicale de la Chambre des députés vient de tenir une importante séance consacrée tout entière à l’examen des mesures qu’il convient de prendre à l’égard de la colonie de Cîteaux, à la suite des révélations faites par le Petit Bourguignon sur les actes scandaleux, dont se sont rendus coupables les frères de Saint-Joseph.

A l’unanimité, le groupe de la Gauche radicale a décidé qu’il sera IMMEDIATEMENT déposé une PROPOSITION DE LOI TENDANT A LA SUPPRESSION, AVEC SANCTIONS PÉNALES, DE TOUTES LES CONGRÉGATIONS DITES RELIGIEUSES.

L’URGENCE sera demandée sur cette proposition.

M. René Laffon, député de l’Yonne, a été chargé de déposer cette proposition de loi.

La Gauche radicale a également décidé que son président, M. Colfavru, demandera, à la Chambre, au nom du groupe, aux Ministres compétents la FERMETURE IMMÉDIATE DE L’ÉTABLISSEMENT DE CITEAUX ET DE TOUS LES ÉTABLISSEMENTS DIRIGÉS PAR LES FRÈRES DE SAINT-JOSEPH.

Les Ministres seront aussi, au nom de la Gauche radicale, invités à SUPPRIMER LES COLONIES CONGRÉGANISTES PÉNITENTIAIRES conformément à l’amendement de M. Maurice Faure, voté le 28 février de cette année. Le dépôt de la proposition de loi et les interpellations relatives à la fermeture de Cîteaux et aux établissements des Frères de Saint-Joseph auront fort probablement lieu demain jeudi.

On vient de voir les résolutions prises, dans sa séance d’hier, par le groupe de la Gauche radicale de la Chambre des députés.

La Gauche radicale a parfaitement compris que les actes si scandaleux dont Cîteaux-Sodome est le théâtre n’ont rien de particulier à la maison-mère des frères de Saint-Joseph et qu’il importe d’englober dans la même réprobation tous les établissements de cette race porcine.

Les résolutions énergiques votées par la Gauche radicale de la Chambre seront unanimement approuvées par tous les pères, par toutes les mères, par tous ceux qui ayant le droit de procréer ont le respect de l’enfance.

Nous espérons que la Chambre ratifiera, demain, par ses voies, les propositions que la Gauche radicale portera devant elle.

Ce n’est point là, en effet, une simple question de politique ;

C’est une question de haute moralité, d’assainissement, de salubrité publique qui sera portée à la tribune par nos amis de la gauche radicale ;

Lorsque de telles questions se posent, elles s’imposent ;

Aussi, pensons-nous, que les députés républicains émettront un vote unanime tendant à la fermeture immédiate de Cîteaux et de ses succursales.

Quant au Petit Bourguignon il ne peut que se féliciter d’avoir mené contre le hideux repaire où les Frères de Saint-Joseph souillaient depuis si longtemps les enfants, d’avoir mené, en dépit de la mollesse et de l’indolence coupables du Parquet de Beaune, et seul dans la presse bourguignonne une campagne qui va, enfin, aboutir.

EDMOND DUTEMPLE

LES SCANDALES DE CITEAUX NOTRE ENQUETE (Suite)

Négligence inexplicable

Nous tenons de source certaine qu’on s’obstine à ne pas donner aux agents de police des gares les signalements des frères recherchés.

On ne saurait prêter la main d’une façon plus évidente à la fuite générale que se proposent de prendre les frères de Saint-Joseph de Cîteaux.

Quand tous les oiseaux seront envolés, il sera un peu tard de tendre les pièges.

Les commissions rogatoires

Aujourd’hui le chiffre des magistrats chargés par commission rogatoire d’interroger d’anciens élèves de Cîteaux, est considérable ; il y a en effet sur tous les points de la France des jeunes gens qui ont passé par cette colonie, à divers titres.

Jusqu’à présent la plus grande partie de ceux qui ont été entendus racontent des faits monstrueux que la plume ne saurait reproduire.

Enfants réclamés par les parents

Six enfants ont pris le train de 8 heures et demie du matin, hier mercredi, à Nuits. Ces enfants ont payé leurs places au plein tarif.

Ils étaient tous réclamés par leurs parents qui, ont-ils dit, ont envoyé l’argent nécessaire pour assurer leur voyage jusqu’à destination.

Ces enfants ne portaient plus le costume de la colonie. Ils paraissent appartenir à des familles aisées.

Quatre allaient à Paris, deux à Sens.

Tous les jours, c’est par vingt ou trente qu’il faut compter les enfants qui partent de Cîteaux.

Le frère Jean

On nous écrit de Belley qu’on recherche activement dans cette région le nommé Jean Lapierre, en religion frère Jean, natif d’Oyonnax, près Belley.

Cet individu est resté pendant huit à dix jours dans le pays pour y régler des affaires de famille, puis il a disparu.

Renseignements utiles

Nous avons dit, hier, qu’il y avait actuellement douze frères, dont un père, sous les verrous. Sur ces douze prisonniers, il n’y en a encore que dix à Beaune ; les deux autres ne sont pas encore transférés, au moment où nous écrivons ces lignes.

Voici donc la situation journalière exacte :

A la prison de Beaune

1. Frère Hyacinthe, arrêté à la colonie le 21 juin.

2. Frère Philippe, arrêté à la colonie le 23 juin.

3. Frère Désiré s’est lui-même constitué prisonnier à Beaune, le 3 juillet.

4. Père Barnabé, arrêté à la colonie le 5 juillet.

5. Frère Germain, arrêté à la colonie le 5 juillet.

6. Frère Frédéric, arrêté à Soissons le 7 juillet, amené à la prison de Beaune le 9 juillet.

7. Frère Marc, arrêté à Soissons, avec le précédent, le 7 juillet, amené à la prison de Beaune le 9 juillet.

8. Frère Julien, arrêté à Dreux (Eure-et-Loire), amené Beaune le 9 juillet.

9. Frère Marcel, arrêté à Vougy (Loire), amené à Beaune le 9 juillet.

10. Frère Jean-Antoine s’est constitué lui-môme prisonnier à Beaune, le 9 juillet.

A la prison de Mâcon

11. Frère Claudius, arrêté à Cluny le 8 juillet.

A la prison de Soissons

12. Frère Lucien, arrêté à Soissons le 8 juillet.

Les mandats d’amener

Concernent les six frères dont les noms suivent :

1. Frère Jules — Gros (Jules), né à Lyon.

2. Frère Jean — Lapierre (Jean-François), né à Ordonnaz (Ain).

3. Frère Placide — Vivien (Casimir), né à Elbeuf (Seine-Inférieure).

4. Frère Hippolyte — Lecourt (Jules), né à Paris.

5. Frère Joseph — Jobert (Francois), né à Lyon (Rhône).

6. Frère Henri — Smitt (Henri), sujet anglais.

L’ENQUÊTE À SOISSONS

Les frères de Saint-Joseph de Cîteaux

La succursale de Saint-Médard

Une affaire étouffée

Voici un exemple qui vient confirmer en tous points ce que nous avons dit sur la manière dont sont traités les pauvres enfants confiés aux frères de Saint-Joseph, qu’ils habitent l’école professionnelle de Cîteaux ou l’asile des sourds-muets de Saint-Médard ou les autres établissements de cette vilaine congrégation.

Un enfant sourd-muet boursier de la ville de Compiègne à cet établissement congréganiste, le jeune H… était, vers le mois de mai dernier, renvoyé dans sa famille pour cause de maladie ; cet enfant, qui était entré à l’institut plein de vie et de santé, en revenait pâle, amaigri, languissant ; quelque temps après, il mourut.

Les bruits de mauvais traitements et de manque de nourriture qui couraient sur la mort de cet enfant en disaient suffisamment sur le compte des frères pour motiver une enquête complète. Mais on ferma les yeux, et il allait être procédé à l’inhumation quand, devant les accusations réitérées des parents et de la rumeur publique, le parquet fut à son grand désespoir saisi de l’affaire et, bon gré mal gré, obligé de faire procéder à l’autopsie du cadavre.

Le parquet est clérical, c’est dire que l’affaire fut étouffée. L’autopsie eut lieu, mais ne prouva rien.

Mandats d’arrêt lancés par le parquet de Soissons contre des frères réfugiés à Cîteaux.

Les fondateurs des deux maisons de Cîteaux et de Soissons ont tout lieu d’être fiers de leur œuvre.

Les deux font bien la paire !

Le parquet de Soissons vient, en effet, d’envoyer à Beaune plusieurs mandats d’arrêt contre des frères sortant de l’institution de Saint-Médard.

Les scandales de Soissons sont aussi graves, si ce n’est plus, dit-on, que ceux de Cîteaux.

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« Les scandales de Citeaux devant la Chambre », Le petit Bourguignon, n°2702, 13 juillet 1888, p 1.

LES SCANDALES DE CITEAUX DEVANT LA CHAMBRE

Vote de l’urgence sur la suppression de toutes Congrégations religieuses

ARRESTATIONS DE FRÈRES À SOISSONS.- DÉMISSION DU GÉNÉRAL BOULANGER

LA SÉANCE D’HIER

La première partie de la vigoureuse campagne que le Petit Bourguignon a commencée, il y a seulement quinze jours, contre les établissements insalubres des Frères de Saint-Joseph vient de se terminer hier, devant la Chambre des députés.

Conformément aux décisions prises par le groupe de la Gauche radicale, M. René Laffon, député de l’Yonne, a déposé sur le bureau de la Chambre une proposition de loi tendant à la suppression de toutes les congrégations religieuses.

Cette proposition, malgré une vive résistance de la droite qui combattait là pro aris et focis, a été votée à une forte majorité.

Une simple remarque, en passant :

Nous trouvons, et tous nos lecteurs seront de notre avis, nous trouvons fort étonnant que dans cette discussion provoquée par les scandales de Cîteaux aucun député de la Côte-d’Or n’ait cru devoir intervenir.

Nos députés auraient dû ne pas oublier que le département avait, il n’y a pas longtemps encore, un droit de surveillance sur la colonie de Cîteaux – le dernier enfant assisté du département en a, en effet, été retiré seulement au cours du premier trimestre de 1887.

Or, comme les abominables scandales commis à Cîteaux remontent, pour un certain nombre de faits, à une époque antérieure à 1887, on se demande comment il se fait que les députés de la Côte-d’Or, ainsi d’ailleurs que l’administration préfectorale, ne se soient jamais préoccupés de savoir comment étaient traités dans cette colonie les enfants assistés du département.

L’occasion était belle pour nos députés de racheter hier cette négligence en intervenant vigoureusement dans le débat.

Ils ne l’ont pas fait. Nous sommes obligés de le constater, en le regrettant… pour eux.

Heureusement, pour la morale publique, qu’il s’est trouvé à la Chambre d’autres députés qui ont flétri comme il convient les abominables pratiques des cisterciens, et qui ont déterminé le vote d’urgence sur la proposition tendant à la suppression de toutes les congrégations religieuses.

L’incident provoqué par M. Boulanger, et que l’on trouvera dans notre compte-rendu de la séance, a forcé la Gauche radicale à remettre à la prochaine séance la suite de ses résolutions concernant Cîteaux, et notamment la fermeture de cet établissement de haute immoralité. Les déclarations du gouvernement ont, d’ailleurs, laissé entrevoir que cette fermeture n’est plus qu’une question d’heures.

Eh bien ! l’opinion publique, justement révoltée des criminelles pratiques des Frères de Saint-Joseph, qu’ils habitent Cîteaux ou sa succursale Saint-Médard, l’opinion publique exige aujourd’hui la fermeture immédiate pour cause de salubrité publique, de toutes ces infectes Sodomes où, sous le masque de la religion, on empoisonne la jeunesse.

Il faut que tous les députés, – même ceux de la Côte-d’Or – le sachent bien : on est las, enfin, de voir la Justice et l’Administration avoir une aussi inexplicable longanimité envers des misérables qui, comme les Frères de Cîteaux, souillent, dépravent et font dépérir l’enfance.

Si le Petit Bourguignon a le droit de se féliciter d’avoir vu sa rapide campagne aboutir au vote d’urgence tendant la suppression de toutes les congrégations religieuses, nous pouvons cependant assurer nos lecteurs que nous continuerons néanmoins notre campagne jusqu’au jour où cette proposition de loi sera enfin réalisée.

EDMOND DUTEMPLE

CHAMBRE DES DÉPUTÉS Séance du 12 juillet 1888 La séance est ouverte à deux heures, sous la présidence de M. Méline.

LES SCANDALES DE CITEAUX DEMANDE D’URGENCE Sur une proposition de loi tendant à la suppression de toutes les congrégations religieuses

M. René Laffon dépose une proposition de loi tendant à la suppression de toutes les congrégations religieuses, et demande l’urgence.

Voix : Lisez !

Exposé des motifs

M. Laffon donne lecture de ce projet et en expose les motifs.

Les scandales récents de Cîteaux montrent la nécessité de prendre des mesures rigoureuses contre les congrégations religieuses et de porter un remède immédiat et radical.

Encore aujourd’hui, la situation des congrégations religieuses est privilégiée ; il est temps de les ramener sous le régime de la loi commune à toutes les associations non religieuses.

On peut laisser de côté, pour le moment, les congrégations de femmes ; mais toutes les congrégations d’hommes doivent être frappées.

L’exposé des motifs est fréquemment interrompu par les applaudissements de la gauche.

Discours de l’évêque Freppel

M. Freppel déclare remercier M. Laffon d’avoir voulu défendre la morale publique ; mais le zèle de M. Laffon est un peu hâtif, car, dans l’affaire de Cîteaux, il ne s’agit, jusqu’à présent, que de simples prévenus.

Il faut donc attendre que la justice ait statué. (Violentes protestations à gauche).

M. Freppel continue en prétendant que les mêmes faits se passent dans les établissements laïques, notamment dans une colonie agricole du département de la Haute-Marne. (Vives protestations à gauche).

L’évêques d’Angers essaie de défendre l’établissement de Cîteaux en citant l’autorité du comte d’Haussonville.

La colonie de Bologne

M. Rozet déclare que les mêmes faits scandaleux ont été commis dans une colonie laïque à Bologne (Haute-Marne), non par les maîtres laïques, mais par l’aumônier de la colonie. (Vifs applaudissements et rires à gauche).

L’immoralité des congréganistes

M. Sabathier lit une statistique de l’année 1886 suivant laquelle sur 19 instituteurs laïques accusés d’attentats contre des personnes, il y a trois condamnés sur six congréganistes condamnés.

D’ailleurs, de nombreux congréganistes échappent facilement à la justice.

Rejet de la clôture

M. de Cassagnac réclame la clôture de la discussion.

René Laffon proteste contre la clôture en disant que, lui, auteur de la proposition, ne peut pas être entendu, tandis que M. Freppel a pu parler autant qu’il a voulu.

La clôture, mise aux voix, n’est pas prononcée.

La Droite quitte la salle

Une grande partie des membres de la droite quittent la salle des séances. (Applaudissements à gauche).

Discours de M. Laffon

M. René Lagon déclare s’étonner que M. Freppel ait pu établir une comparaison quelconque entre l’enseignement laïque et l’enseignement religieux, après les scandales de Cîteaux qui ont si vivement ému l’opinion publique et provoqué l’indignation générale. (Applaudissements à gauche).

M. Laffon continue en citant les nouveaux scandales de Soissons où quatre frères viennent d’être arrêtés.

Continuellement interrompu par la droite, l’orateur lutte difficilement contre ce bruit systématique.

Déclarations du gouvernement

M. Floquet déclare que le gouvernement a repris, dès que les faits ont été connus, tous les enfants dont il avait la tutelle et qui se trouvaient dans des établissements analogues à celui de Cîteaux.

Une commission a été instituée pour savoir si le gouvernement devait retirer la déclaration d’intérêt public à la congrégation de Cîteaux ; le gouvernement croit que la déclaration d’urgence de la proposition Laffon est inutile ; il suffira de la renvoyer à la commission chargée d’examiner le projet du gouvernement sur les associations religieuses.

Discours de M. Faure

M. Maurice Faure lit une statistique montrant l’énorme proportion des congréganistes condamnés, par rapport aux instituteurs laïques.

Réponse de M. Floquet

M. Floquet déclare que le gouvernement ne s’oppose pas à la déclaration de l’urgence ; mais il demande que, après la déclaration d’urgence, la proposition soit renvoyée à la commission des associations religieuses.

Vote de l’urgence sur la proposition tendant à la suppression de toutes les congrégations religieuses

LA DECLARATION D’URGENCE EST PRONONCEE PAR 264 VOIX CONTRE 219. PROPOSITION DE M. BOULANGER SUR LA DISSOLUTION

M. Boulanger dépose une proposition de résolution tendant à la dissolution de la Chambre.

M. Méline déclare que cette proposition est inconstitutionnelle.

M. Boulanger répond que sa proposition n’est pas du tout inconstitutionnelle. Il lit l’exposé des motifs suivant lequel la dissolution est réclamée par les vœux de l’opinion publique comme seule capable de rétablir la tranquillité dans les esprits.

L’orateur lit au milieu des rires continuels un factum semblable à celui lu dans une précédente séance.

M. Boulanger demande l’urgence pour sa proposition.

M. Floquet déclare que le gouvernement est complètement disposé à ne pas conseiller au Président de la République de décréter la dissolution de la Chambre. (Applaudissements à gauche.)

« Le général Boulanger, dit-il, trouve qu’il n’existe pas dans la Chambre une majorité républicaine ; pourtant, lui-même a éprouvé, à ses dépens, qu’il en existait une.

Il nie que le gouvernement ait une majorité. Mais où est-elle sa majorité, à lui, elle réside sur les bancs de la droite ! (Applaudissements répétés à tous les bancs de gauche).

M. Boulanger traite la Chambre d’impuissante ; mais, est-ce bien à lui de reprocher cette impuissance, lui qui n’a jamais assisté aux séances ; lui qui a passé des sacristies aux antichambres des princes ! (applaudissements répétés à gauche).

Le général Boulanger montant à la tribune déclare que M. Floquet a impudemment menti (Tumulte, – cris : À la censure.)

M. Méline déclare qu’il ne peut pas laisser insulter le président du conseil et applique la censure à M. Boulanger.

Démission de M. Boulanger

M. Boulanger répond qu’ayant été attaqué par M. Floquet, il a droit de répondre et, puisque la liberté de la tribune n’existe plus, il n’a plus qu’à se retirer.

En descendant de la tribune il remet sa démission de député du Nord à M. Méline. (Tumulte indescriptible).

M. Méline donne lecture de la lettre de démission de M. Boulanger. (Applaudissements à gauche.)

Séance levée.

LES SCANDALES DE CITEAUX NOTRE ENQUÊTE (suite)

Deux frères qui avaient été arrêtés comme répondant au signalement de deux autres frères recherchés par le parquet de Beaune, ont été mis en liberté.

Ce sont les frères Bonneray, Louis-Frédéric, et Combier, Georges.

Voici donc, pour aujourd’hui, la situation exacte des détenus :

1. Frère Hyacinthe, arrêté à la colonie le 21 juin.

2. Frère Philippe, arrêté à la colonie le 23 juin.

3. Frère Désiré s’est lui-même constitué prisonnier à Beaune, le 3 juillet.

4. Frère Barnabé, arrêté à la colonie le 5 juillet.

5. Frère Germain, arrêté à la colonie le 5 juillet.

6. Frère Julien, arrêté à Dreux (Eure-et-Loire), amené Beaune le 9 juillet.

7. Frère Marcel, arrêté à Vougy (Loire), amené à Beaune le 9 juillet.

8. Frère Jean-Antoine s’est constitué lui-même prisonnier à Beaune, le 9 juillet.

9. Frère Claudius, arrêté à Cluny le 8 juillet.

10. Frère Lucien, arrêté à Soissons le 8 juillet.

Les mandats d’amener

Concernent les six personnages suivants

1. Gros Jules, dit frère Jules, né à Lyon.

2. Lapierre, Jean-François, dit frère Jean, né à Ordonnaz (Ain) le 19 avril 1831.

3. Lecourt, Jules-Hippolyte, dit frère Hippolyte, né à Paris le 11 décembre 1836.

(…)

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« Les Frères de Citeaux en Cour d’Assises », Le petit Bourguignon, n°2849, 7 déc 1888, p 1.

LES FRERES DE CITEAUX EN COUR D’ASSISES Sixième audience. --- Condamnation du Frère Hippolyte

Cour d’assises de la Côte-d’Or

Présidence de M. Fénéon, assisté de MM. Desnaires et Fevre, conseillers à la cour.

Audience du jeudi 6 décembre

L’audience est ouverte à 9 heures du matin. C’est la dernière affaire dégoûtante de la session ; inutile d’ajouter que le héros de cette affaire est encore une frère de Cîteaux.

LE FRERE HIPPOLYTE Frère perceur

Frère perceur à l’atelier de la brosserie de la colonie de Cîteaux, dit l’acte d’accusation, est né à Paris le 14 décembre 1856, il s’appelait, de ses noms de famille, Lecourt, Hippolyte, et était âgé de 31 ans.

Naturellement, il est poursuivi pour attentats à la pudeur.

Le huis-clos

Après avoir reçu le serment des jurés, M. le président des assises donne la parole à M. le procureur général pour déposer telle ou telle conclusion qu’il jugera convenable.

M. le procureur général répond qu’il n’a rien à dire.

La cour délibère cependant et prononce le huis-clos.

Aussitôt que la salle est évacuée, M. le commis-greffier Bordot donne lecture de l’acte d’accusation.

Acte d’accusation

Lecourt Jules-Hippolyte, dit frère Hippolyte, est âgé de 31 ans ; il est né à Paris le 14 décembre 1856, en dernier lieu il était frère perceur à l’atelier de brosserie de Cîteaux.

Il est poursuivi pour attentats à la pudeur.

L’accusé est entré en 1874 au noviciat des frères des écoles chrétiennes et a quitté cette congrégation en 1881. En 1884, il a été condamné pour vagabondage ; admis en 1886 comme novice à l’établissement de Cîteaux, il y prit l’habit religieux, mais fut renvoyé le 8 octobre 1887 pour faits d’immoralité, il a été reçu au mois de janvier suivant à l’abbaye des Prémontrés de Saint-Martin-de-Frigolet, près Tarascon, où il a été arrêté le 15 novembre dernier.

Pendant son séjour à la colonie de Cîteaux, vers la fin de 1886, il s’est fait m… à diverses reprises par l’élève Derolland, Benoît, dit Alfred, alors âgé de moins de 13 ans, étant né à Lyon le 19 avril 1874, et il a pratiqué sur cet enfant des attouchements obscènes ; plus tard, il est allé jusqu’à consommer sur lui des actes de pédérastie.

D’après Derolland, il se livrait à ces pratiques obscènes plusieurs fois par semaine ; tantôt il entrainait cet enfant dans les greniers ou dans les dépendances de la brosserie, tantôt il le transportait dans son lit pendant la nuit, pour assouvir sur lui sa honteuse passion. En septembre 1887, il s’est livré aux mêmes actes sur un autre élève de la colonie, le jeune Mazet Louis-Edouard, alors âgé de moins de 13 ans, étant né à Lyon le 14 octobre 1874 ; cet enfant couchait dans un dortoir dont l’accusé avait la surveillance.

Interrogatoire de l’accusé

Après avoir établi l’identité de l’accusé, M. le Président questionne sur les motifs qui ont amené son expulsion de la colonie de Cîteaux.

D. – Vous avez été chassé de Cîteaux, non seulement pour de simples attouchements sur les enfants, mais pour des actes perpétrés de pédérastie.

R. – Cela n’est pas, je me suis en allé parce que j’ai bien voulu ; je ne me plaisais pas du tout à Cîteaux.

D. – Ce n’est pas ce que l’instruction a établi : mais enfin, nous entendrons les témoins. Vous n’avez jamais eu affaire avec l’élève Derolland ?

R. – Je connais bien cet élève-là.

D. – Mais vous ne répondez pas à ma question.

R. – J’avais de l’amitié pour ce garçon, mais rien que de l’amitié.

D. – Vous savez de quoi il vous accuse ?

R. – Oui, mais ce n’est pas vrai.

D. – Et l’élève Mazet ?

R. – Celui-là aussi, ce n’est pas vrai.

D. – Vous ne reconnaissez alors aucun des faits qui vous sont reprochés ?

R. – Non, car je ne suis pas coupable. En sortant de Cîteaux je suis allé à Saint-Médard de Soissons ; si j’avais été coupable, j’aurais certainement pu passer en Angleterre sans difficulté ; mais je n’avais rien à me reprocher et comme je ne me plaisais pas plus à Saint-Médard qu’à Cîteaux, je suis parti chez les Prémontrés.

D. – Vous persistez alors dans vos dénégations ?

R. – Oui, monsieur le président.

D. – Huissier, appelez les témoins.

Les témoins Ils sont au nombre de huit.

1er témoin

Derolland, Alfred, 14 ans, à Lyon, a subi toutes les fantaisies lubriques du frère Hippolyte qui, certaines nuits, l’emportait même dans son lit. Il en a prévenu le sous-directeur de l’établissement, le père Guerpillon, mais il n’a jamais su si celui-ci en avait fait part au père Donat.

L’accusé nie les faits bien précisés par le témoin, et complètement relatés par l’acte d’accusation.

2e témoin

Carion, Etienne, 17 ans, est encore élève à la colonie de Cîteaux où sa bonne conduite lui a valu les galons d’adjudant. Il n’a jamais été victime de ce frère, mais il a vu, au dortoir, le frère Hippolyte venir prendre dans son lit son camarade Derolland.

« J’ai fait mon rapport, dit ce jeune garçon, au père Guerpillon, qui a fait une enquête. Une trentaine de mes camarades, qui en avaient vu autant que moi, ont été entendus, mais ce n’est que longtemps après que le frère Hippolyte est parti de Cîteaux.

D. – L’a-t-on renvoyé ?

R. – Je ne sais pas.

L’accusé. – On ne m’a pas renvoyé, je suis parti parce que cela ne me plaisait plus de rester à Cîteaux.

3e témoin

Perrin, Jean, 15 ans, chez ses parents à Lyon, fait une déposition analogue à celle du témoin précédent.

4e témoin

Favaudon, Bertrand, 17 ans, soldat au 4e d’infanterie de marine, a vu le frère Hippolyte dans un grenier, avec le jeune Derolland. La position de l’un et de l’autre ne laissait aucun doute sur l’acte qu’ils commettaient.

5e témoin

Mazet, Edouard, 14 ans, à Lyon ; étant élève à Cîteaux, ce jeune garçon couchait dans le dortoir placé sous la surveillance du frère Hippolyte ; plusieurs fois il s’est réveillé en sentant ce religieux qui se couchait près de lui.

Il déclare avoir été complètement victime du frère Hippolyte.

L’accusé dit que cette déposition est mensongère.

6e témoin

Fauquelle-Blondeau, 14 ans, élève à Cîteaux, n’a pas été touché ; mais il a reçu les confidences de son camarade Mazet qui se plaignait vivement de la conduite du frère Hippolyte à son égard, sans oser, disait-il, en parler au sous-directeur, parce qu’on ne le croirait pas.

7e témoin

Vuillefroy, Charles, 16 ans, chez ses parents, à Soissons, a été élève à Cîteaux, il y a un an, et était sous les ordres du frère Hippolyte.

Il a été la victime complète de ce religieux et au dortoir.

L’accusé nie le fait.

8e témoin

Poulain, Léon, 40 ans, secrétaire de la colonie de Cîteaux, déclare formellement que le frère Hippolyte a été congédié pour faits d’immoralité.

M. le Président. – En qualité de secrétaire de la colonie, vous étiez parfaitement au courant de ce qui s’y passait. Vous rappelleriez-vous si on n’a jamais fait d’enquête sur la conduite scandaleuse du frère Hippolyte.

Le témoin. – J’en ai tout de même entendu parler, mais je ne sais pas par qui.

Suspension d’audience

L’audition des témoins est terminée à 11h et demie du matin.

L’audience est suspendue pour jusqu’à une heure et demie, et, à la reprise de l’audience, la parole est à M. le procureur général pour soutenir l’accusation.

Réquisitoire et plaidoirie

M. Fochier, procureur général, dans un réquisitoire très énergique, relève une à une toutes les charges qui pèsent sur l’accusé et demande aux jurés un verdict sévère qui forcera la Cour à faire pleine et entière justice.

Me Berteaux, du barreau de Lyon, plaide l’acquittement pur et simple de son client.

Le verdict

Trois questions sont posées aux jurés, qui répondent affirmativement à la première, en écartant les deux autres.

Condamnation

En conséquence de ce verdict, la Cour, après en avoir longtemps délibéré, condamne le frère Hippolyte LECOURT à cinq années de réclusion, aux frais et dépens envers l’Etat, et fixe au minimum la contrainte par corps.

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Vos réactions

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 7 juillet 2021 21:53, par Françoise

    Merci pour la publication de complément, Sébastien.

    Ce que ne dit pas l’article, mais qu’explique très bien le documentaire Mea Maxima Culpa, c’est que Gerald Fitzgerald avait monté un épais dossier sur les patients pédophiles et l’avait défendu auprès de P6 pour l’encourager à démettre les prêtres pédophiles ou du moins les faire enfermer à vie dans un établissement pénitentiaire religieux au large des îles Grenadine. Il avait précisé qu’ils étaient tous irréformables et constituaient un grave danger à la fois pour le clergé mais aussi pour les enfants et les familles. Donc personne dans le haut-clergé n’ignorait tout ça et si en plus Fitzgerald est venu en France conseiller les évêques pour les établissements de soins, les anciens de la CEF doivent savoir plus que bien de quoi il retourne. C’est pourquoi la responsabilité criminelle de l’institution est écrasante et sans appel. Quand on a été averti entre 1947 et 1965 à plusieurs reprises, dossier à l’appui et que malgré tout P6 s’arrange pour démettre Fitzgerald de ses fonctions et arrêter le projet d’internement à vie pour les prêtres pédophiles, ça s’appelle mise en danger de la vie d’autrui et politique criminelle du Vatican. Donc logiquement, l’institution devrait être jugée dans son ensemble, tous épiscopats confondus pour ce crime. Car c’en est un puisqu’il a démultiplié les victimes partout dans le monde catho romain. Fitzgerald mériterait une médaille pour avoir cherché à alerter et prévenir du danger. Mais il n’a pas été écouté hélas. Des milliers d’enfants n’auraient jamais subi d’agressions sexuelles si le Vatican et les épiscopats avaient suivi les recommandations de Fitzgerald et interné, dénoncé et démis de leurs fonctions les clercs pédophiles.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 6 juillet 2021 17:29, par Sébastien

    Merci, Françoise. Il semble d’après l’article que les publics des deux centres n’étaient pas très différents, mais dosés comme vous disiez, avec plus d’alcooliques et de dépressifs en Seine-et-Marne et plus de pédophiles en Maine-et-Loire. C’est surtout que les méthodes divergeaient, avec une approche purement spirituelle au Paraclet, comme aux USA, et une orientation psychanalytique dans l’autre.

    J’ai finalement trouvé le texte complet de l’article dans le code source de la page web. Je suppose donc que j’ai le droit de le coller ci-dessous. Si ce n’était pas le cas, Xavier peut bien sûr le retirer. Comme vous verrez, Paul VI s’est intéressé de près au dossier français. Je n’ai plus besoin d’être convaincu que les hauts clercs connaissaient la situation…

    Abus sexuels : quand l’Eglise soignait les prêtres pédophiles dans ses cliniques Famille Chrétienne, publié le 17/03/2021 à 17:00

    Entre 1965 et 1985, deux établissements gérés par les évêques et le Secours catholique ont accueilli des prêtres en difficulté, dont des pédophiles, afin de les soigner puis de les réinsérer. Récit d’une histoire oubliée à la veille de l’assemblée plénière des évêques.

    Elles ont étonnement disparu de la mémoire collective. Même l’actuel président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Eric de Moulins-Beaufort, a reconnu lors de son audition devant les membres de la Commission Sauvé en novembre 2019 n’avoir découvert leur existence « qu’en remontant le fil historique d’un dossier récent ». Elles, ce sont les cliniques pour prêtres en difficulté. En France, entre 1965 et 1985, un nombre significatif de prêtres et de religieux atteints de troubles psychopathologiques ont été envoyés dans deux établissements de santé fondés et gérés par l’épiscopat et le Secours catholique : la clinique médico-psychologique de Montjay (Seine-et-Marne) et la Maison du Divin Paraclet à La Jubaudière (Maine-et-Loire). Selon des modalités bien distinctes, les deux centres accueillaient, pour des séjours de courte ou moyenne durée, des clercs souffrant d’alcoolisme, de dépression, de surmenage, de comportements sexuels déviants (fornication, homosexualité) ou encore de pédophilie. Avec un objectif final : les soigner pour les réinsérer dans leur ministère. Notre enquête, à caractère historique, intervient alors que les évêques doivent annoncer de nouvelles décisions dans la lutte contre la pédophilie, lors de leur assemblée de printemps du 23 au 26 mars.

    1952, la première enquête

    Pour retrouver les premières traces de ces cliniques, et comprendre leur origine, il faut remonter au 11 juillet 1952. Dans un rapport de deux pages, l’abbé Marc Oraison, médecin et psychanalyste, dresse les conclusions de la première enquête réalisée, par ses soins, auprès des évêques sur les troubles psychopathologiques dont pourraient souffrir les prêtres. Sur les vingt-six diocèses lui ayant répondu, Oraison recense 26 cas de « pédérastie », 30 d’homosexualité, 45 de fornication et 26 cas d’alcoolisme. Et encore ne sont-ce « que les cas officiels ayant fait scandale, ou ayant provoqué l’action de la justice », s’empresse de préciser Oraison. Cette enquête est en soi un mini-séisme. La très grande majorité des évêques souhaitent alors « très vivement la fondation d’une maison ou d’une organisation un peu similaire, sur le plan psychologique, à celle qui existe déjà pour la tuberculose », relève l’abbé Oraison. « Au lendemain de la guerre, l’inquiétude vis-à-vis de la tuberculose se déplace vers les prêtres à la marge dont les prêtres pédophiles », analyse aujourd’hui l’historien Claude Langlois, auteur de On savait mais quoi ? (Seuil).«  »Qu’en fait-on ?« , se demandent alors les évêques. »Jusque-là inconnu, ce rapport de l’abbé Oraison se trouve aujourd’hui dans les archives de la correspondance de l’abbé Louis Lerée, aumônier du Secours catholique et directeur du Secours sacerdotal de 1951 à 1963, conservée au Centre national des archives de l’Eglise de France. C’est lui qui, pour une raison que l’on ignore encore, hérite du projet de clinique esquissé par Oraison ; probablement en raison de ses fonctions au Secours sacerdotal. « Cette dernière structure, voulue par les évêques, se développa rapidement dans tous les diocèses au début des années cinquante. De petites équipes, composées de psychologues, d’avocats et parfois de psychiatres aidaient localement les évêques à traiter les cas des prêtres en difficulté, explique Claude Langlois. Les évêques ont peut-être jugé bon de se doter de structures nationales, comme ces cliniques. »

    « Une maison d’aliénés ou de détraqués »

    A partir de juin 1959, l’abbé Lerée informe régulièrement son patron, Mgr Jean Rodhain, de l’avancée du dossier et multiplie les consultations aux quatre coins de France. De nombreux évêques donnent leur assentiment, des médecins lui proposent d’ouvrir « une maison pour les névrotiques, de préférence hors de la ville et interdiocésaine pour que la discrétion soit totale » ou de créer « des maisons de surveillance et de rééducation par catégories pour certains éthyliques surtout, déséquilibrés sexuels ». D’autres enfin le mettent en garde : « Même si elle s’appelle Maison Saint-Augustin ou Saint-Paul, votre clinique sera vite repérée comme une maison d’aliénés ou de détraqués », prévient le provincial des Frères de Saint-Jean-de-Dieu. On le sent, ce dossier est explosif.Louis Lerée ne se décourage pas et se rend à Rome pour interroger les supérieurs de congrégations comme Saint-Sulpice ou la Fraternité sacerdotale. Il en revient « personnellement plus persuadé que jamais qu’une maison de santé pour prêtres rentrerait dans les vues de Dieu ».

    Le feu vert des évêques

    En mars 1960, l’Assemblée des cardinaux et archevêques donne son accord au Secours sacerdotal pour l’ouverture d’un centre de diagnostic et de soins pour prêtres, séminaristes et religieux. Le Secours catholique sonne le rappel, et Mgr Rodhain propose aux évêques « d’acquérir une propriété de trois hectares, près de Paris, dans un cadre particulièrement reposant ». Qui y sera accueilli ? L’abbé Lerée dresse en juin 1960 une première liste : les éthyliques, ceux qui souffrent de dépression, de crises nerveuses, mais aussi « ceux qui sont tourmentés plus ou moins gravement par des problèmes de sexualité (en grand nombre semble-t-il) ».

    La clinique médico-psychologique du clergé ouvre ses portes en 1970 dans le château de Montjay, situé dans le village de Bombon (77), à 15 km à l’est de Melun. L’établissement est sous la responsabilité directe de l’épiscopat. Malgré les bonnes volontés, le projet est retardé en raison de difficultés rencontrées pour trouver un lieu à proximité de Paris. C’est finalement à Bombon, à quinze kilomètres à l’est de Melun, qu’est trouvée une propriété de treize hectares, le domaine de Montjay. La clinique médico-psychologique y ouvre ses portes en 1970 sous la responsabilité directe de l’épiscopat. Le tout est financé en grande partie (66 millions d’anciens francs) grâce à une aide du Secours catholique et un appel aux dons dans sa revue Messages. Composée d’une équipe de psychiatres et de psychologues, Montjay choisit la voie de la psychanalyse comme thérapie, malgré les réticences d’évêques et de Rome, très méfiants à l’égard de cette discipline. C’est une tout autre approche, fondée uniquement sur la dimension spirituelle, qui sera choisie dans la seconde clinique, à la Maison du Divin Paraclet. Et Rome est directement partie prenante dans cette fondation qui verra le jour trois ans avant Montjay.

    Une maison voulue par Paul VI ?

    20 novembre 1965. Rome est en pleine effervescence. Dans une dizaine de jours, les évêques du monde entier mettront un point final au concile Vatican II. Au milieu de cette agitation, Mgr Rodhain est reçu en audience privée par le pape Paul VI. Les deux hommes se connaissent bien et s’apprécient. Mais cette rencontre n’a rien d’une simple visite de courtoisie. Paul VI sait que la France veut une maison destinée aux prêtres en difficulté et il a une petite idée à glisser à son ami. « Le souverain pontife m’a paternellement offert de rencontrer le Révérend Père Fitzgerald, supérieur général du Paraclet », écrit Rodhain après son audience. Fondateur des Serviteurs du Paraclet aux Etats-Unis, le Père Gerald Fitzgerald a créé des centres de retraite pour prêtres en difficulté. Si ses établissements accueillaient des prêtres pédophiles, il a très vite mis en garde ses évêques sur la nécessité de retirer ces clercs de la prêtrise. Lorsqu’il rencontre Mgr Rodhain le 23 novembre 1965, le Père Fitzgerald est dans une mauvaise passe. Sous la pression de plusieurs évêques américains, et probablement de Rome, son influence au sein même de son ordre décroît rapidement aux dépens d’une ligne plus complaisante envers les prêtres pédophiles. L’Américain et le Français évoquent-ils ce sujet brûlant ? Fitzgerald convainc-t-il Rodhain de ses arguments ? Le met-il en garde ? « J’ai tiré grand profit de ce que j’ai appris auprès de lui, racontera simplement le fondateur du Secours catholique. Il a bien voulu me proposer deux de ses religieux en vue de la fondation prochaine d’une maison en France. » Entre les deux hommes, l’affaire est conclue. Manque encore l’aval de l’épiscopat français.

    Sous la responsabilité du Secours catholique

    Il arrivera le 5 décembre 1965, la veille de la clôture du Concile. Jean Rodhain se rend à Montopoli, près de Rieti, dans la maison italienne des Serviteurs du Divin Paraclet, avec Mgr Jean Guyot, archevêque de Toulouse et président de la Commission épiscopale du clergé, et Mgr Bernard Alix, évêque auxiliaire du Mans et président de l’Entraide sacerdotale (ex-Secours sacerdotal). Mgr Guyot rentre enthousiaste de cette visite. Au nom de l’épiscopat, il donne son accord à Mgr Rodhain pour une fondation du Paraclet en France, à deux conditions : que le Secours catholique trouve un diocèse d’accueil et qu’il assure la gestion et l’achat de la maison.

    Dès les années 50, le fondateur du Secours catholique, Mgr Jean Rodhain, suit l’avancée du projet de clinique pour les prêtres en difficulté au travers du Secours sacerdotal, une structure voulue pour aider les clercs en souffrance. Un domaine suffisamment spacieux (vingt-quatre hectares) est trouvé dans le diocèse d’Angers au cours de l’année 1966. Il s’agit du château de La Gautrêche, à La Jubaudière, situé à quinze kilomètres au nord de Cholet. Le site correspond aux attentes de Mgr Rodhain : un cadre reposant, au vert, avec de l’espace et tout ce qu’il faut pour occuper les futurs pensionnaires. Si l’épiscopat et le Secours catholique ont désormais la main, Rome garde un œil sur le projet.

    Sous l’œil de Rome

    Mgr Fitzgerald rend régulièrement compte du dossier français au cardinal Antoniutti, préfet de la Congrégation pour les religieux. Et ce dans les moindres détails. Plusieurs courriers attestent que les Américains reçoivent directement leurs instructions du prélat, visiblement chargé de suivre le projet pour le Vatican. Dans une lettre du 5 octobre 1966, l’assistant de Fitzgerald, le Père Woeber, indique à Antoniutti que, s’il a « bien compris Mgr Rodhain », « la propriété a été payée par le Saint-Père ». Le 10 octobre 1966, le président du Secours catholique, Jacques de Bourbon Busset, reçoit un courrier de la secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, sur lequel a été ajouté à la main : « Confidentiel, ne pas publier dans la presse ». Paul VI y exprime sa « profonde satisfaction » pour la fondation en France qu’il qualifie de « tout à fait opportune ». L’ouverture du Paraclet est prévue le 1er juillet 1967 et la direction confiée au supérieur de la maison italienne, le Père Virgilio Pixner. Les premiers pensionnaires sont accueillis dès le mois d’août, mais l’inauguration et la bénédiction officielles n’auront lieu que le 15 septembre. « La Maison du Paraclet n’est ni un hospice, ni une clinique, ni un lieu de détention », écrira Mgr Rodhain aux évêques deux jours plus tard. C’est lui qui fixera la ligne directrice du Paraclet : elle suivra « l’approche du Père Fitzgerald qui met l’accent sur la liturgie de la messe et l’eucharistie pour résoudre les problèmes sacerdotaux ».

    Objectif : la réinsertion

    Combien de prêtres pédophiles ont-ils transité par ces deux établissements ? De quelle manière ont-ils été pris en charge ? Et quels ont été les résultats de leur cure ? Difficile de répondre à ces questions tant que la consultation des dossiers médicaux des patients reste interdite en raison du délai légal de communicabilité. Cependant, quelques indices et de rares témoignages confirment bien la présence de clercs pédophiles dans les deux cliniques. « Montjay comptait quelques cas, mais ils n’étaient pas légion », confie un ancien soignant, intervenu à la fin des années 1970. Le gros du contingent était constitué de prêtres qui présentaient des troubles anxio-dépressifs, « ceux qui avaient eu des problèmes affectifs étaient moins nombreux. C’était souvent des relations passagères avec des femmes, plus rarement avec des hommes et encore plus rarement des cas de pédérastie ». Les clercs pédophiles présentaient principalement des troubles d’immaturité, « d’autres ne savaient pas se contrôler, ajoute le soignant. D’autres enfin présentaient un trouble du surmoi qui faisait qu’ils se laissaient déborder par leur désir ». L’objectif de la thérapie était double : les aider à acquérir la maturité de leur âge et leur apprendre à se contrôler. Selon un compte rendu du Conseil sacerdotal et religieux daté du 11 janvier 1983, dont font partie les Pères Plé, Gally et Anatrella, Montjay devait permettre à ces clercs de se « réinventer un nouvel art de vivre : accepter de vivre une abstinence sexuelle et affective dans les relations humaines, par rapport aux femmes, aux enfants, aux choses. Les réalités de la vie pastorale doivent être assumées, mais sans expérience fusionnelle ». Tout est dit.

    Une sexualité « anormale »

    Au Paraclet, si peu de documents existent, une enquête réalisée en 1976 par le Secours catholique offre un recensement détaillé du nombre de clercs accueillis durant les neuf premières années d’exercice et de leur profil : 175 pensionnaires ont été reçus, soit près de 19 par an ; 32 sont venus pour des problèmes d’alcoolisme, 21 pour des troubles psychologiques, 10 en raison d’une sexualité normale et 25 pour « sexualité anormale ». Sur ces derniers, 15 ont repris leur ministère à l’issue de leur séjour, 3 en cherchaient un et 6 ont pris leur retraite…Car, à Montjay et à La Jubaudière, si les approches médicales divergent, l’objectif est identique : la réinsertion. En 1966, Mgr Rodhain écrira noir sur blanc l’ambition de sa fondation angevine : « Accueillir seulement ceux des prêtres qui désirent s’assurer un temps d’approfondissement spirituel sous le signe de la Présence eucharistique avant de reprendre un ministère actif. » Idem pour Montjay dont la finalité est inscrite dès sa création : « Montjay n’est pas un terme. Cette maison est au contraire destinée à remettre en route celui qui y est venu, lui redonnant la possibilité de reprendre son ministère. »

    Quel suivi aujourd’hui ?

    C’est le cas du Père Paul I. Ce prêtre du diocèse de Meaux rencontre, dès les années 1970, des « problèmes avec des enfants ». Il est envoyé à deux reprises à Montjay avant d’être réaffecté dans une paroisse proche de Meaux. En 2003, il sera condamné à cinq ans de prison ferme pour des agressions sexuelles répétées sur deux jeunes filles âgées de 10 et 12 ans au début des années 1980. A la barre du tribunal correctionnel de Meaux, le vicaire général de l’époque déclarera : « Nous pensions qu’un suivi médical était suffisant. » Cette phrase résume bien l’état des esprits des évêques durant les années 1950 à 1980 : ils savaient les maux qui habitaient certains de leurs prêtres et ont décidé d’agir pour les aider et les soigner en ouvrant ces deux cliniques. Mais, malgré leur bonne volonté, ils n’ont pas vu que cette solution ne réglerait pas, à elle seule, le problème des agressions commises sur des mineurs. Les victimes n’ont pas été considérées et les faits souvent tus comme partout à cette époque et dans tous les milieux. La Maison du Divin Paraclet et la clinique de Montjay ont fermé leurs portes respectivement en 1983 et 1985, faute de patients, désormais traités dans des établissements de santé laïcs. L’existence de ces cliniques interroge sur la place à donner, aujourd’hui, à des structures semblables ou des services similaires. En novembre, Mgr Dominique Blanchet, vice-président de la CEF, avait évoqué l’hypothèse de « lieux communs pour soigner » après la parution du troisième rapport sur la lutte contre la pédophilie. Dans ce dernier, la Commission Christnacht conseillait aux évêques « d’indiquer aux prêtres que des consultations médicales spécialisées sont possibles, même en l’absence de tout passage à l’acte ». L’histoire se répète.

    Antoine Pasquier

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 5 juillet 2021 03:16, par Françoise

    Merci pour l’info et le lien, Sébastien. Je ne connaissais pas l’article dont vous parlez. Le centre du Paraclet dépendait du premier aux US à Jemez Springs, donc de Gerald Fitzgerald et de l’ordre du Paraclet, ordre spécialisé pour traiter les prêtres pédophiles. Pas l’autre géré par le Secours Catholique (sans doute plus sur des dépendances alcool, drogue, dépression). Deux gestions différentes certainement et méthodes certainement également différentes donc des publics de prêtres différents aussi. La section pédophile était traitée par l’ordre du Paraclet. Depuis 1947. Et ça de façon internationale avec l’accord plein et entier du Vatican. Donc que la CEF et le Vatican arrêtent de nous prendre pour des imbéciles. Ils savent depuis bien longtemps, le début. Et c’est seulement sous la pression que petit à petit les langues se délient.

    Ce qui me révolte, c’est de voir à quel point chaque haut-clerc nous la raconte les mains jointes et la bouche en cœur, en jouant les étonnés, les naïfs…alors qu’ils ont toutes ces infos depuis le début mais que motus et bouche cousue pour protéger l’institution, les collègues concernés tout en prêchant la Vérité avec un grand V, l’Amour avec un grand A et en sacrifiant combien de vies d’enfants, de familles traumatisées par ces horreurs…

    Et le pire, c’est que c’est pas seulement vrai en terme d’attitude pour le dossier pédophilie, c’est vrai pour tous les dossiers criminels institutionnels : qu’ils relèvent de la haute finance, de la corruption mafieuse, des partenariats miliciens et avec des dictatures, des implications hyper toxiques dans des conflits armés sanglants, dans l’extermination de populations, dans les escroqueries mystiques…Tout ça pour du pouvoir, de l’argent, tout en nous faisant la morale aux croyants et en les culpabilisant à mort pour tout.

    Mais comment peuvent-ils encore se regarder dans la glace ces messieurs du haut-clergé ? Comment peuvent-ils encore dire la messe pour certains sans avoir conscience qu’ils ont plus que trahi l’humanité et les valeurs qu’ils prétendent défendre.

    C’est d’une toxicité mortifère. C’est tellement malsain quand on y réfléchit qu’on se demande vraiment comment le système tient encore. Et comment certains croyants pourtant abîmés et traumatisés peuvent s’obstiner à soutenir un système aussi dévoyé et criminel. Personnellement, ce sont des attitudes qui me dépassent tellement c’est aux antipodes du message christique.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 4 juillet 2021 14:08, par Sébastien

    Françoise, à propos du film Mea maxima culpa, vous écrivez « différents centres de traitement partout dans le monde dont un en France, toujours tenu secret ». Avez-vous vu passer cet article de mars 2021 dans Famille Chrétienne qui semble lever le voile ? https://www.famillechretienne.fr/36244/article/abus-sexuels-quand-leglise-soignait-les-pretres-pedophiles-dans-ses-cliniques

    Il y aurait donc eu pas un mais deux centres en France. Je n’ai malheureusement pas le texte complet de l’article.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 12 mai 2021 18:12, par Gosset Jean-Pierre

    Bonjour Joseph. Vous indiquez que les abus sexuels n’ont rien d’institutionnel. Je ne comprend par bien tant il s’agit d’une évidence : il serait impossible d’instituer de tels abus. Ces abus, de tous types, sont systémiques, ils relèvent d’un mode de fonctionnement toléré pour le moins, tant qu’il ne fait pas de vague, voire admis comme « normal » quand on apprend les méthodes en usage (déplacements de clercs, refus de recevoir les plaintes, nettoyages d’archives, etc). Si l’institution ne savait pas combien la chair peut-être faible, elle n’en parlerait pas tant en chaire, au caté, encycliques. Il semble au fond que Sodoma de F. Martel soit modéré, et c’est ce qui a fait sa « force » … qu’un ambassadeur en poste au Vatican déclare « Au Vatican, comme vous allez le voir, il y a beaucoup de gays : 50%, 60%, 70%. Personne ne sait. » est sidérant. Sauver l’Institution avec l’Église, je ne crois pas cela possible mais suis sur que l’Église (les braves gens de la planète, quelle que soit leur religion) saurons échapper à de telles institutions, étant entendu que la catholique n’est pas seule a abuser des attributs du pouvoir : sexe et argent compris.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 12 mai 2021 11:26, par Françoise

    Leur caractère institutionnel se comprend si vous reprenez la vie de saints du Haut Moyen-Age. Si vous les lisez, vous voyez que le recrutement de ces saints par le clergé se fait à l’âge de 7-8 ans. Aussi bien pour les garçons que les filles.

    Et le procédé était toujours le même : deux clercs battaient la campagne, se rendaient chez différentes familles et donnaient leur enfant aux clercs avec une petite ou une grosse dot (animaux, argent, trousseau). Les clercs promettaient des indulgences, une bénédiction sur la famille en échange, des protections, parfois des lettres de recommandation pour le placement de tel autre enfant à l’armée, dans un commerce. Ensuite les clercs emmenaient les enfants au couvent, à l’abbaye, au monastère. Et il n’en ressortait plus. Et ne revoyait quasi plus ses parents.

    On retrouve cela quand on lit certains ouvrages sur des couvents et monastères de la période Louis XIV où là encore enfants et adultes sont mélangés. Le recrutement se fait un peu plus tardivement (les enfants ont 10 ans), mais se sont les mêmes principes d’éducation et de formatage.

    Si vous lisez Diderot, Restif de la Bretonne, vous comprenez qu’il y a également à leur époque, ce système. La soeur de Diderot a été confiée au couvent très jeune pour être moniale par contrainte (à 10 ans) et elle a fini par se suicider après avoir subi abus sexuels, tortures diverses. Et ce n’était pas la seule à se suicider. Il n’y avait pas de vocation religieuse ou presque. Tout était fait par contrainte. Il y avait un ou plusieurs enfants vendus très jeunes au clergé pour alimenter les couvents, abbayes, monastères, séminaires. Aucun enfant n’avait son mot à dire. C’était la décision du père de famille. Même chose pour se marier d’ailleurs. Pas de mariage d’amour, seulement des contrats signés par les pères de famille pour des questions d’argent, de terres. A partir de là, tous les abus, les violences sont possibles. Quand vous avez des structures aussi pyramidales, aussi hiérarchisées et totalitaires qui possèdent des enfants, qui les achètent, qui les vendent, il se passe des violences et des abus, des tortures aussi.

    Jean Doussal sur Golias a fait tout un travail de compilation d’archives sur les recrutements en monastères et couvents au 18e siècle avant la révolution de 1789 et après, au moment du retour de la monarchie et de la re-création des ordres monastiques et des séminaires (1820). Il m’avait passé certains pdf. Posez lui la question sur Golias, il vous passera peut-être les mêmes documents.

    Il s’est rendu compte notamment que l’âge de recrutement a changé entre les deux périodes (10 ans avant la révolution et 15 ans après). Pourquoi ? Parce que pas mal de familles refusent de donner leurs enfants car pas mal de ces jeunes recrues décédaient dans les premières années dans les établissements religieux. Les conditions de vie étant très dures, il valait mieux pour leur survie qu’ils entrent plus âgés. Et puis il y a pas mal de suicides aussi et d’affaires pédophiles. Sans compter, un début de considération de l’enfant, qui n’est plus vu uniquement comme une force de travail et de rentabilité mais aussi comme un être avec qui l’on peut nouer un lien affectif. L’obligation policière et étatique d’allaiter ses enfants pour les femmes, au départ sur la suggestion de Jean-Jacques Rousseau, va changer la donne dans le rapport familial. Là je vous renvoie au livre de Elizabeth Badinter qui s’appelle « L’amour en plus » avec des archives intéressantes sur le sujet.

    L’âge de recrutement religieux n’a cessé de grimper à mesure que les changements de rapports familiaux changeaient. Que l’enfant prenait de l’importance et de la valeur autre que financière dans la famille. Ca dépend bien sûr des milieux. Plus les familles sont pauvres moins le lien existe. Plus l’enfant est mal considéré voire exploité.

    Comme le recrutement est plus difficile pour le clergé et que l’état a besoin de prisons pour enfants dissociées de celles des adultes, le clergé en parallèle avec des associations laïques de grands bourgeois et nobles, vont créer les colonies pénitentiaires et les couvents prisons. Et là, rebelote. On redémarre avec des enfants formatés par des clercs. Et là, que ce soit à Cîteaux ou ailleurs, de nouveau des problèmes pédophiles et des tortures, abus, etc. Avec des situations où une partie de ces enfants seront poussés à la vie religieuse comme seule issue d’établissement. Mais sous contrainte évidemment et après bien des tortures et violences.

    Vous avez de la documentation sur le site Enfants en justice (qui sont les archives judiciaires nationales sur l’enfant et la prison) aussi bien pour les congrégations masculines que féminines. Il y a des annexes de consultations documentaires en PDF et des renvois sur Cairn et Persée.

    Vous avez aussi le livre de Jacques Tremintin, travailleur social sur le sujet. Je vous passe un lien sur Cairn :

    https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-des-jeunes-2010-4-page-34.htm

    Il renvoie au livre de Stanislas Tomkiewicz « Aimer bien, châtier bien » qui je pense peut être un bon complément informatif pour vous. Et qui vous permettra de comprendre que ce type d’approche violente sur les enfants est aussi bien institutionnalisé par les laïques que par les religieux. Avec les mêmes crimes bien sûr. Là, je vous renvoie à l’affaire des Vermiraux qui est à ce titre exemplaire.

    Si vous voulez un complément sur ce qui se passait en Suisse, il y a le livre de Pierre Avanzzino sur les enfants placés (aux éditions Enbas si mes souvenirs sont bons), ainsi que le livre de Louisette Buchard Molteni "mon tour de Suisse en cage" qui expliquent ces mêmes violences aussi bien sur le versant laïque que religieux également. Et pas seulement opéré par le catholicisme mais aussi le protestantisme.

    Ce qui permet de comprendre qu’il s’agit d’un projet "éducatif" global et non juste français. Et qui va d’autant plus en France facilement s’opérer que le droit de correction paternelle s’exerce entre 1804 et 1935. Le placement autoritaire et judiciaire d’enfants qui ne satisfont pas leur père ou faute de père dans ce type de structure pénitentiaire, entretient ces crimes et ce système de violences sur enfants. Tout en continuant d’alimenter en petit personnel les couvents, abbayes, monastères.

    Il s’agit de dresser l’enfant et de le soumettre par tous les moyens à une autorité qui doit rester incontestable, qu’elle soit laïque comme religieuse, militaire, industrielle (patronale) ou paternelle. Tous les moyens sont bons y compris les crimes sexuels pour se faire obéir. Et si l’on fait le bilan des familles concernées par ces violences, c’est à 80% les milieux modestes et populaires (ouvriers et paysans). Justement parce que ces familles n’ont pas le réseau ni les moyens de pouvoir se défendre contre ces crimes et maltraitances. Les premières révoltes démarrent seulement, souvent à la faveur de syndicats ouvriers, fin du 19e siècle.

    Et ce système d’oppression des classes populaires permet de maintenir l’ordre social bourgeois (religieux comme laïc) comme une domination. Comme ces pratiques permettaient du temps de la monarchie le même type de pression sur les plus pauvres.

    C’est toujours la même façon de faire. Ca change avec l’ordonnance de 1945, mais aussi des protestations de grands écrivains pour ce qui relève des établissements pénitentiaires pour garçons. Et il faudra attendre la fin des années 60 pour les établissements religieux pour filles et des pressions des associations féministes.

    Et bien sûr, une laïcisation de la prise en charge éducation spécialisée et le renvoi des ordres religieux à des activités uniquement religieuses et plus du tout éducatives, ni scolaires ni pénitentiaires.

    D’où d’ailleurs une chute brutale des recrutements et la vente à des promoteurs immobiliers des anciens établissements pénitentiaires religieux. Avec parfois, l’établissement du même type d’activité dans les anciennes colonies en Afrique par exemple. Parce que cette exploitation enfantine rapportait énormément d’argent aux congrégations. Mais aussi aux entreprises qui utilisaient la main d’œuvre enfantine via une dotation financière chaque année à ces établissements. Vous avez aussi la conversion de ces établissements pénitentiaires religieux pour enfants et adolescents en maisons de retraite à partir des années 70. Certaines congrégations vont muter leurs activités sur l’accueil de personnes âgées. D’autres vont les confier à des structures laïques qui vont changer complètement les méthodes éducatives et ne plus maintenir les enfants dans un enfermement complet et carcéral.

    Et ça se vérifie aussi dans les autres pays. Pas juste en France. Pour ça que pour moi, je dis qu’il s’agit d’un projet politique et social et éducatif global. Et pas du tout ni national ni même épiscopal. Mais relevant d’une politique générale à laquelle adhérait depuis longtemps le Vatican et auquel il a participé, principalement pour alimenter en personnel l’institution cléricale mais aussi en retirer des bénéfices financiers importants.

    Ce qui a participé durant très longtemps à museler les populations, les murer dans le silence. Jusqu’aux années 1970. Les grandes affaires de dénonciation démarrent fin des années 70 (notamment aux US avec l’affaire Lawrence Murphy). Et seront de plus en plus médiatisées au fil du temps, pays à pays. A mesure que l’institution vaticane perd en pouvoir sur la société civile. L’avènement des droits de l’enfant au plan international en 1989 va accélérer le processus de révolte et de révélations des abus et crimes pédophiles. Pas seulement sur le versant religieux et clérical mais aussi laïc.

    Voilà, des compléments d’information, des pistes de lecture.

    Bonne journée.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 11 mai 2021 15:39, par Joseph

    Bonjour Françoise

    Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir répondu et ce de façon détaillée. J’en profite aussi pour vous remercier des informations au sujet des écoles de l’opus (que je surnommerais personnellement plutôt « Op. ipsi » œuvre de soi-même  😉 ).

    Ce sur quoi je vous suis : les abus existent depuis longtemps, ils ont toujours été dissimulés autant que faire se pouvait.

    Là où je ne suis pas convaincu, c’est leur étendue et a fortiori leur caractère institutionnel — étant entendu que je désigne par là les constitutions, lois ou règles de l’institution, pas le comportement de ses cadres, fussent-ils placés au plus haut niveau.

    Plus précisément, en ce qui concerne les liens :

    Sur les Jésuites en Espagne, l’article remonte les faits jusqu’à 1927 et dit que 96 Jésuites seraient impliqués, soit 1%, même si c’est sous-estimé. Loi du silence et protection des coupables constituent la faute principale.

    Sur les Jésuites en France : le refrain peut se comprendre au premier degré comme l’application du fouet, qui était notoirement employé dans l’ordre (également dans les université anglaises). Les romans du Père Finn (par ex. Tom Playfair ou Claude Lightfoot, l’un des deux au moins) le mentionnent, on voit ça aussi dans la BD Largo Winch. Dans certains cas, ce sont les mains qui sont fouettées.

    Au passage, les citations qui suivent dans la page histoire-en-citations, au sujet de la reine Marie-Antoinette, font référence à un époque où tout était permis pour la salir. C’est bien Voltaire qui écrivait dans la lettre à Thiriot, du 21 octobre 1736 : Le mensonge n’est un vice que quand il fait mal. C’est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai un jour. Pendant ce temps, le Dauphin Louis XVII était gardé par des geôliers qui ne gênaient pas pour lui salir les oreilles,

    Par contre le texte de Frédéric le Grand, roi de Prusse, au début de l’article wikipedia est explicite et je la tiens pour assurée.

    J’en viens au plan de l’abbaye de Saint-Gall. Les novices sont normalement des moines qui ont pris l’habit mais n’ont pas encore prononcé de vœux, le noviciat est un période d’entraînement à la discipline monastique (jeûne, prière, silence) et à la spiritualité (lectio divina). Je n’ai aucune idée si il y avait là de jeunes oblats à cette époque. Le livre « l’Amour des lettres et le désir de Dieu » de Dom Jean Leclercq, cistercien, explique qu’il y avait un grand contraste entre l’école où l’on étudiait les classiques latins en langue riche et ornée, mais de sujets païens et le noviciat et la vie monastique où l’on étudiait la Bible, ensemble de livres certes riches de sens, mais écrits (ou plutôt traduits en Latin dans la Vulgate) dans une langue très commune. Pour les moines ayant passé par l’une et l’autre, cela peut être senti comme un régression. Cela suggère bien qu’il y a les deux étapes à deux ages différents,

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 10 mai 2021 23:23, par Françoise

    Bonjour Joseph

    Concernant les jésuites, je vous passe un article de Libé qui montre un début d’enquête sur la pédophilie depuis 1927 en Espagne, même si elle est sous-évaluée :

    https://www.liberation.fr/international/europe/en-espagne-leglise-leve-un-petit-voile-sur-la-pedophilie-20210206_6C3UHMBY3FDWJN5J5DGCIZPIE4/

    En France, concernant les jésuites toujours au 19e siècle :

    https://www.histoire-en-citations.fr/citations/beranger-c-est-nous-qui-fessons

    https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_de_B%C3%A9ranger/Les_R%C3%A9v%C3%A9rends_P%C3%A8res

    Grand résumé sur les abus sexuels dans l’Eglise :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Abus_sexuels_sur_mineurs_dans_l%27%C3%89glise_catholique

    Je vous conseille également le visionnage du reportage sur l’affaire Lawrence Murphy aux US : Mea Maxima Culpa diffusé en français par Arte en 2012 si mes souvenirs sont bons, et trouvable sur Youtube.

    On y mentionne la politique menée par le Vatican pour traiter le problème, via le père Gerald Fitzgerald et le centre de traitement pour prêtres pédophiles de Jemez Springs (Nouveau Mexique) entre 1947 et 1965. Ainsi que sur différents centres de traitement partout dans le monde dont un en France, toujours tenu secret. Cette politique qui avait le mérite de commencer à assumer la problématique déjà bien connue et depuis très longtemps de pédophilie cléricale et de tenter d’y porter remède (allant jusqu’à préconiser au Vatican d’enfermer les prêtres pédophiles à vie pour éviter qu’ils ne puissent faire de nouvelles victimes), a été stoppée par Paul VI pour être remplacée par une politique du déplacement des prêtres d’un diocèse à l’autre, d’une région ou d’un pays à l’autre en cas de plaintes des familles ou de scandales. Et ce choix politique de Paul VI a complètement démultiplié le nombre de victimes en laissant les clercs pédophiles abuser, violer comme ils voulaient sans aucune sanction ni pénale ni institutionnelle hormis de les changer de région, parfois sous un faux nom et parfois avec un petit passage au vert dans une congrégation histoire de se faire oublier.

    Ce type de politique, que ne conteste toujours pas le Vatican, c’est important de le souligner et pas plus les épiscopats d’ailleurs, constitue un crime qui doit être jugé au pénal international. Quand on favorise sciemment, en toute connaissance de cause et d’effets (Gerald Fitzgerald a envoyé plusieurs rapports très détaillés accablants au St Office sur l’irréformabilité des pédophiles et leur perversité, leur dangerosité pour familles enfants) le crime pédophile, c’est un crime grave. Car cette politique a fait des millions d’enfants victimes et de familles très croyantes déchirées, parfois brisées.

    Et ça ne peut pas continuer sans qu’il y ait une sanction pénale internationale, qui avait été suggérée depuis longtemps par l’association des victimes américaines et leur avocat.

    Je vous joins également un article sur le sujet avec plusieurs réflexions que j’ai trouvées très intéressantes :

    http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2018/11/07/abus-sexuels-dans-l-eglise-deux-poids-deux-mesures-19783.html

    Bonne lecture.

    Ah dernière chose. Vous pouvez aussi aller voir ce lien architectural sur l’abbaye de St Gall. C’est un des plus vieux plans d’abbaye que nous avons.

    Pourquoi je vous en parle ? Parce que ce plan décrit l’ensemble des bâtiments donc nous raconte en partie la vie religieuse cloîtrée. Il y a deux écoles. Une école pour les moinillons et une école extérieure en bordure d’abbaye pour les garçons qui ne font qu’étudier sans entrer en religion. C’est très important de le souligner car les bâtiments ne sont pas placés au même endroit sur le plan ni entourés par les mêmes bâtiments et distancés différemment par rapport à l’église et au cloître principal. Et ça c’est très intéressant :

    http://www.jprissoan-histoirepolitique.com/le-coin-du-bachotage/documentation-pedagogique-l-aridite-et-les-deserts/abbayedesaint-gallplanetcommentairesdempacaut

    Ca rejoint ce que vous dites un peu mais permet visuellement de comprendre l’organisation des centres religieux où se faisait le formatage des enfants avec les adultes.

    Je ne sais pas si c’est possible de comparer par exemple avec les plans contemporains de par exemple les Béatitudes qui accueillent aussi des familles et des enfants, et où il y a eu aussi pédophilie et dérives sectaires. Mais ça me paraîtrait intéressant. Comme de se procurer des plans actuels d’abbayes pour faire des comparatifs. Ce qui forcément aboutit à des observations différentes d’organisation et de gestion de l’espace.

    Voilà. En espérant avoir répondu à vos questions.

    Cordialement Françoise

  • Bonjour Jean-Pierre, Je vous rejoins tout à fait ; des chansons de Béranger moquent les jésuites qui aiment « fesser les petits garçons » ; j’ai entendu un prêtre dire un jour en conférence que Voltaire faisait allusion dans sa correspondance à un viol par un père jésuite. Je n’ai pas la référence et n’ai pas encore pris le temps de la rechercher, mais ce serait intéressant assurément de le vérifier. Il y a encore les romans d’Octave Mirbaud, notamment Sébastien Roch, qui étrille le pensionnat jésuite de Vannes. On pointe beaucoup du doigt les communautés dites nouvelles (il y a de quoi à cause de certains fondateurs !) mais il ne faut pas oublier que les communautés dites « anciennes » ont elles aussi leurs casseroles : les jésuites (j’ai des raisons de penser que tout n’est pas sorti au grand jour d’ailleurs), mais aussi les dominicains (ne serait-ce que parce qu’ils ont laissé faire les frères Philippe, et aussi l’exégète Cerbelaud…) ; quant au Carmel : pensons à Claire Maximova. Bref… depuis toujours, le décor a son envers : le Roman de Renart n’est pas tendre avec le clergé ; et certains pères de l’Eglise évoquent les châtiments réservés aux prêtres pédophiles (être fouetté en public, puis excommunication) -je n’ai pas la référence en tête, mais peux la redemander à la personne qui m’en a parlé.

  • Une dérive de toujours ? 8 mai 2021 19:49, par Gosset Jean-Pierre

    Je livre ici, la mémoire d’un homme décédé, un proche pour moi, qui avait 10 ans en 1933. « A Saint Grégoire (à Tours), un jésuite qui s’appelait La Péraudière [sans doute Bernard de la Pérraudière 1898-1981], était complètement pervers, il m’avait fouetté en me faisant serrer quelque chose qui était soi-disant son doigt. Quand je suis rentré, les jambes pleines de traces, Maman a voulu savoir ce que c’était. J’ai bredouillé, elle a insisté. J’ai fini par lui dire, mais je n’osais pas. Elle a pris son chapeau et ses gants, et est partie ventre à terre. Le père a dû en entendre de toutes les couleurs ! » Je peux ajouter, ayant bien connu sa maman, qu’il eut la chance cet enfant que sa maman l’ait cru. Peut-être que cette foi en son garçon est en rapport avec ce qu’elle m’a confié à plus de 80 ans, à savoir la raison pour laquelle elle gardait toujours ses distances avec les hommes d’Église : au caté, son curé pelotait les fesses des gamines qu’il prenait sur ses genoux. Tout ça pour dire que j’ai trouvé peu convaincante la stratégie de l’Institution en France qui a consisté à mettre d’abord en cause l’esprit de Mai 68 (argument de Benoit 16), puis plus récemment de dévier les congrégations nouvelles, voulant exprimer, sans le dire, que, avant (au 19e siècle et jusqu’à la fin de la guerre), c’était pas pareil. J’ai été aussi surpris de la déclaration de Mgr Pontier à la Ciase ; pour lui, la prévalence d’abus sexuels sur enfants de la part de clercs sera sans doute inférieure à ce qu’elle est dans les pays parce que la France a connu très tôt la sécularisation (à partir des Lumières). Tous ces faux fuyants donnent une bien médiocre image du niveau intellectuel et de la droiture de notre clergé actuel.

  • Bonjour Françoise

    ce fil de discussion soulève des perspectives nouvelles pour moi (en ce qui concerne l’avant 1968…) et il est très long, je n’ai pas fini de le lire, j’espère ne pas reposer une question déjà soulevée.

    Votre association de l’oblation avec les abus me prend au dépourvu. Je veux dire : je connais le principe de l’oblation dans la mesure où le terme est utilisé pour les adultes qui se rattachent volontairement à une abbaye bénédictine sans vivre la vie monastique (l’équivalent des tiers-ordres) en rapport avec le même terme utilisé dans la vie de saint Benoît lorsque des jeunes garçons furent confiés à son monastère. Deux devinrent des saint célèbres : saint Placide et surtout saint Maur devenus abbés. Rien dans la vie de saint Benoît (dans les dialogues de saint Grégoire le grand) ne suggère qu’il y ait eu des violences physiques à leur égard.

    Certes, le fait de ne pas choisir son destin, plus encore si l’on a pas le tempérament adapté à la vie monastique, est un violence psychologique. Mais avez vous des preuves d’abus sexuels dans ce contexte ? Existait-t-il des portes de sortie ? Je pense notamment aux écoles instituées par Charlemagne et confiées aux moines. Ne servaient-elle pas à instruire la noblesse (donc les guerriers) et non pas à destiner tous leur élèves à la profession monastique ? Je pose la question car c’est ce que j’ai retenu de mes cours d’histoire à la maison (en complément de l’école publique).

    Je serais intéressé aussi aux documents concernant les cas des Jésuites (chez qui sont passés beaucoup de grands de ce monde, y compris ceux qui devinrent les pires ennemis du christianisme) et des Frères des Écoles chrétiennes.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 19 janvier 2021 15:14, par Françoise

    Bonjour Marie-Christine

    Ce que vous avez appris en classe durant votre jeunesse et que j’ai appris aussi devient difficile à exposer en cours d’Histoire aujourd’hui du fait d’une pression patronale, qui existait beaucoup moins quand j’étais jeune fille (années 80). Pourquoi ? Parce qu’on était encore dans une société qui après guerre, a commencé à instruire sur ces sujets sous l’influence de la gauche communiste et des syndicats ouvriers. Enseignement qui a perduré jusqu’à la fin des années 80. Depuis les années 90, ça devient compliqué. Beaucoup de profs ne s’y aventurent plus. Parce que l’époque où l’on parle des conquêtes sociales est révolue de par les idéologies patronales d’un libéralisme sans frein, international et décomplexé. Idéologie politique portée par la classe dirigeante qui n’a aucun intérêt à ce que la population s’oppose en prenant connaissance puis en s’investissant dans la lutte sociale ouvrière, syndicale. Et il y a une pression politique et institutionnelle (non religieuse) sur les enseignants pour passer sous silence toutes ces luttes sociales, politiques. Et ça vient à la base d’une pression des grandes fortunes et des grands industriels. Mes collègues et moi l’avons vécu frontalement il y a une dizaine d’années (époque Sarkozy) et nous avons encore régulièrement aujourd’hui des pressions par rapport à ces enseignements qui ne vont pas dans le sens des intérêts financiers et patronaux.

    Et vous savez je pense, que l’enseignement de l’Histoire qui devient de plus en plus optionnel en lycée, pose là encore un problème d’accès au passé dans le cadre éducatif. Et là encore, cette restriction d’accès aux connaissances historiques vient de la même classe dirigeante qui ne souhaite pas que la jeunesse puisse prendre acte de son passé et des luttes populaires. Et souhaite à la place un retour du roman national, qui prévalait du temps de nos parents (en tout cas les miens nés début années 30), grands-parents et arrière-grands-parents.

    Je ne sais pas si vous aviez suivi les alertes posées par l’historienne Laurence de Cock à ce sujet, qui datent déjà de plusieurs années, mais c’est quelque chose de récurrent, de plus en plus présent. Qui pose la question de l’accès de la jeunesse à l’Histoire sans verrous politiques et industriels au sein d’une formation scolaire.

    Et bien sûr que nous trouvons aussi cela dans notre institution cléricale romaine sous le vocable de roman clérical. Dont le clergé ne s’est jamais départi. D’où d’ailleurs quand des théologiens ont tenté de le faire, des exclusions, des mises à pied.

    Je ne suis pas sûre que le régime nazi, comme le régime communiste se soient inspirés du modèle de Le Peletier de St Fargeau. J’ai de gros gros doutes à ce sujet…Et si vous y regardez bien en détail, vous voyez qu’il n’y a surtout pas d’égalité dans leurs systèmes scolaires.

    La notion d’éducation scolaire égalitaire s’est davantage exercée dans les écoles dites nouvelles des années 60. Comme dans les cellules anarchistes et libertaires et syndicales dès la fin du 19e au sein de cours du soir. Mais pas dans les structures étatiques.

    Quand il s’est agi de le faire en France au travers des MJC, Christiane Faure le dit très bien que c’est quelque chose qui a fait très peur aux gouvernements. Peur d’une révolte massive populaire. Ce qui a abouti d’ailleurs à la destruction de l’université de Vincennes qui était une université qui préconisait une éducation égalitaire scolaire. Le peuple qui veut s’instruire au-delà de ce que la classe dirigeante autorise hiérarchiquement et autoritairement pour ce même peuple, est vu comme dangereux. Regardez à quel point nos gouvernants ont déplacé des centres urbains toutes les universités afin que les étudiants ne fassent plus de blocage et doivent marcher très longtemps pour manifester en centre-ville. Et que le temps qu’ils arrivent, la police ait bouclé tout le secteur.

    Nous avons vu aussi ça récemment avec les Gilets Jaunes, les Zad. Tout ce qui relève d’un principe égalitaire est violemment combattu par les gouvernants et les classes sociales dirigeantes.

    Et pas pour des raisons démocratiques. Mais pour des raisons de domination autoritaire de classe riche sur le reste de la société.

    Et c’est aussi de ça qu’il est question au sein de notre clergé catholique romain. Qui fabriqué par la terreur, des générations de croyants qui ont encore aujourd’hui hélas, peur de dénoncer viols, abus spirituels, abus sexuels, tortures.

    Les avancées législatives fondamentales (droits humains fondamentaux, abolitions de l’esclavage, dénonciations du racisme, de l’antisémitisme) se sont toujours faites dans le sang et dans la lutte populaire contre les intérêts de la classe dirigeante. Il en ira de même par rapport au clergé catholique romain. Beaucoup de croyants attendent les mains jointes et la bouche ouverte une espèce de miracle qui ferait que d’un seul coup, il y aurait une réforme, une évolution cléricale. Mais ces croyants oublient que l’institution n’a aucun intérêt à changer son fonctionnement tant qu’il lui permet de payer des logements et voitures de luxe et des domestiques et des à-côtés à ses hauts-clercs, des prostitués, des dîners mondains et d’exploiter sans vergogne différents croyants et religieux. Pour contrer le roman clérical que le clergé catholique romain nous raconte depuis le début, il faut aller chercher l’information dans des sites spécialisés, recueillir des témoignages, consulter des historiens en sciences des religions, ensuite informer les croyants qui n’ont pas ce réflexe ni cette curiosité ; il faut donc lutter pied à pied en terme de culture et d’information pour mettre l’institution cléricale au pied du mur. C’est donc un rapport de force qu’il faut établir. Ce n’est que comme cela que l’on avance dans la conquête de droits sociaux. Ce qui n’est pas la culture dominante chez les croyants dans leur immense majorité.

    Mais qui est éminemment nécessaire si nous souhaitons réellement un changement, des réformes, ne serait-ce que l’institution cléricale admette ses crimes.

    Je prends l’exemple suisse de Louisette Buchard Molteni. Qui de par ses luttes, a permis d’alerter la confédération suisse sur le problème de projet Pro Juventute et ses abus dans les placements arbitraires d’enfants (yéniches ou pas), complétés par des violences criminelles commises aussi bien par les structures civiles que religieuses (dont les instituts catholiques). Et ayant abouti dans certains cas à des stérilisations de jeunes gens, garçons comme filles.

    Grâce à son témoignage « Mon tour de Suisse en cage », mais aussi à ses manifestations et grèves de la faim, Louisette a permis un débat public profond sur cette période noire de l’Histoire suisse, qui a entraîné l’année de sa mort en 2004 toute une réflexion nationale sur le placement d’enfants et leur gestion criminelle dans différents instituts et prisons, mais aussi en 2013, par la reconnaissance de l’implication criminelle au plus haut niveau de l’état, des institutions civiles suisses. Ce qui a conduit le clergé suisse catho romain mais aussi le clergé protestant à reconnaître leurs actes criminels également.

    Si aujourd’hui il existe des commissions de réparation de ces atrocités pour les victimes en Suisse (aussi bien cléricales que civiles), c’est grâce à cette lutte d’une femme suisse qui a subi les pires exactions qu’un enfant peut vivre et l’internement dès l’âge de 8 ans jusqu’à sa majorité (à l’époque 21 ans).

    https://www.rts.ch/emissions/temps-present/6718598.html/BINARY/louisette_buchard_molteni_sur_l_istituto_von_mentlen.PDF

    Je vous laisse découvrir son livre. Il y a également des entretiens vidéos ici.

    https://notrehistoire.ch/entries/ZxwB6epXY21

    Et des publications complémentaires pour celles et ceux que ça intéresse :

    http://enbas.net/index.php?id=marco-leuenberger-loretta-seglias-ed-enfants-places-enfances-perdues

    Bonne lecture et bonne écoute.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 18 janvier 2021 21:24, par Marie Christine

    Françoise,

    Merci de votre longue réponse.

    O.K. Jesus n’a sans doute pas voulu fonder une autre religion. O.K. Les Églises composées de paiens convertis ont supplanté le Judéo-christianisme et ont adopté les structures des pouvoirs de l’époque ( Empire romain, féodalité …) Pouvait- il en être autrement dès que l’on fonde une institution structurée qui ne peut échapper à l’histoire ni aux mentalités du temps ? Et la mémoire des faits et des paroles du Christ, les valeurs spirituelles et morales du Christianisme, auraient ils pu être transmis sans cette institution ? C’est tout le paradoxe insurmontable. O.K. Les sociétés sont depuis presque toujours inégalitaires, avec des structures de domination et d’exploitation dont l’Eglise fait partie indéniablement.Le Marxisme l’a bien montré, même s’il a servi de matrice à l’institution de régimes totalitaires.

    Mais- il y a des progrès notables dans la reconnaissance des droits de l’homme ( de l’enfant, de la femme ) et les progrès des institutions démocratiques, des législations internationales etc…
     Le projet d’éduquer l’enfant hors de ou de le soustraire le plus possible aux influences familiales a déjà été préconisé par Platon et applique par les régimes totalitaires marxistes et nazies. Et on voit ce que ça a donné. On ne peut faire table rase du passé et construire un homme nouveau de toutes pièces. Le remède peut être pire que le mal.
     Les méfaits de l’exploitation des ouvriers, des femmes et des enfants ( le paternalisme hypocrite catho aussi ) sont appris en Histoire. En tout cas, je les ai appris en cours ainsi que Marxisme, psychanalyse, doctrines athées etc…et non ailleurs. Et cela fait partie des programmes. Ce qui était admis à des époques antérieures comme légitime ne peut plus l’être en vertu de tous ces progrès dans la reconnaissance des droits humains, dans l’éducation et l’information,

    Bref,- et c’est l’essentiel, O.K. pour critiquer « l’histoire » à l’eau de rose servant de justification à des pratiques abusives actuelles. Et, surtout OK, pour comprendre et dénoncer les crimes, délits et abus de toutes sortes commis par des membres de l’Eglise et couverts par les autorités ecclésiales et religieuses : objectif essentiel de ce blog.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 18 janvier 2021 17:03, par Françoise

    Petit complément pour Marie-Christine :

    Sur la critique religieuse des Lumières, l’institution catholique romaine n’a pas critiqué le modèle de l’école de Condorcet mais l’a soutenu au contraire puisqu’il s’agit d’une éducation élitiste et pas égalitaire mais donnée ou pas en fonction de l’argent et de la position sociale des parents des enfants.

    Ce modèle de Condorcet qui éduque une élite pour dominer le reste de la société est le modèle de l’institution cléricale catholique romaine a régulièrement pratiqué depuis ses débuts au 4e siècle.

    Quand le clergé instruit les enfants scolairement (au-delà de l’alphabétisation, du calcul), c’est essentiellement les plus riches et les garçons. Les filles, se sont essentiellement les plus riches aussi mais en moindre proportion puisqu’il faut pour le clergé que les filles restent en deça des savoirs des garçons pour leur rester soumises à tous les niveaux, y compris les filles plus riches. Une femme qui en saurait plus qu’un homme, c’est juste péché pour le clergé.

    Pour le reste des enfants, on est dans un conditionnement-formatage par la terreur et le travail forcé. On en a l’exemple pur jus via les colonies pénitentiaires, les bagnes, les couvents-prisons du 19e siècle.

    Il ne s’agit pas d’éduquer les enfants du peuple, mais de les conditionner religieusement et de les mater, de les exploiter par la terreur, la violence et le travail forcé et gratuit. En partenariat parfois avec les industriels qui passent commande et dotent les congrégations tout en profitant du travail forcé des enfants.

    Forcément, au fil du temps, il faut que ces instituts fassent des concessions et éduquent un peu plus les enfants au plan scolaire. Mais c’est fait à reculons pour plusieurs raisons :

    • D’une, les religieux sont vite dépassés en terme d’éducation. C’est notamment le cas pour les religieuses des congrégations pénitentiaires dans différentes matières. Vous avez des articles à ce sujet sur Enfants en Justice dans la rubrique rééducation des filles.
    • De deux, les responsables de congrégations issus de milieux aisés à riches n’envisagent pas que le peuple et encore moins les plus fragiles de la société puissent accéder à une éducation pleine et entière et égalitaire. Pour ces dirigeants, ces enfants doivent être d’éternels soumis, domestiques, corvéables à merci.

    Les formations proposées à l’intérieur des établissements pénitentiaires pour enfants sont dans les années 1950-60 pour les filles : du secrétariat (le bas de l’échelon), de femmes de ménage, au mieux des aides soignantes bas de l’échelle toujours.

    Pour les garçons : c’est ouvrier agricole et domestique, principalement, petit artisan dans le meilleur des cas, en fonction de la soumission du jeune. On est dans une logique d’abrutissement et de maintien des enfants les plus pauvres dans des professions les plus humbles et dans une éducation minimale et régie par la domination la plus forte aussi bien religieuse que la domination patronale, sans évolution possible.

    Pourquoi cette logique d’exploitation et de maintien d’éducation minimum des plus pauvres va s’arrêter à un moment donné au milieu du 20e siècle ? Parce que les besoins des entreprises au sortir de la guerre 39-45 requièrent massivement l’ensemble de la société et ne relèvent pas que de l’éducation des plus riches comme avant. Pour pouvoir fournir la main-d’œuvre qualifiée dont ont besoin les entreprises et les institutions. Et qui n’existe pas avec la formule discriminante et hiérarchisée aussi bien des institutions scolaires civiles que religieuses. C’est pourquoi on ouvre l’université, les grandes écoles, on pousse les enfants aux études secondaires au moins. Ce qui élève le niveau d’éducation pour tous.

    Et comme les religieux sont limités en terme d’éducation scolaire, de savoir, on va avoir recours y compris dans les établissements éducatifs pénitentiaires à des laïcs mieux formés, mieux éduqués et pouvant et voulant aussi transmettre une éducation scolaire plus poussée à tous, y compris aux plus exclus pour que ces jeunes puissent rentrer sur un marché du travail qui a besoin de jeunes vraiment éduqués et dans des professions qui sont plus techniques, plus pointues qu’avant. Avec des salaires plus hauts aussi et des possibilités d’évolution à l’avenant.

    Or c’est pas du tout comme ça que le clergé voit l’éducation des masses populaires. C’est l’éducation scolaire étendue uniquement pour les riches. Les pauvres doivent être au service des riches, ce qui ne nécessite pas une éducation étendue mais restreinte au minimum du minimum. L’essentiel étant le conditionnement militaire et religieux. Bien plus utile pour continuer de dominer ces individus. Et cette domination arbitraire et de classe est nécessaire pour le clergé qui, ne l’oubliez pas a été viré par le peuple français en 1789 comme le peuple a viré la monarchie et les nobles. Institution religieuse qui ne revient au 19e siècle que du fait du retour politique de la monarchie. Faut pas oublier ce paramètre. Car le clergé catholique romain à sa base est fondé par des nobles, par des grandes familles bourgeoises riches. Pas par des prolétaires. La vision sociale et éducative est donc celle des plus riches. Pas celle des pauvres.

    Ce qui explique que dans le processus scolaire, le clergé catholique a tout intérêt à former uniquement une élite sociale dont elle fait partie dans ses plus hauts représentants, et conditionner le reste religieusement et par le travail, la domination violente par tous les moyens.

    Il y a parfois des exceptions. J’en ai vécu une dans l’école religieuse primaire rurale où j’étais scolarisée enfant. Avec des religieuses qui pratiquaient une pédagogie à la Freinet, disposaient d’une salle de spectacles, une activité théâtre-musique et danse, et qui nous poussaient à nous instruire, peu importe notre condition sociale, sur tous les sujets et tous les auteurs classiques comme contemporains et en sciences, etc. Mais force est de constater que ça ne concerne pas l’essentiel des congrégations à vocation scolaire et encore moins des congrégations à vocation pénitentiaire dont il était question dans le sujet principal de Cîteaux.

    Tout savoir scolaire était hiérarchisé suivant l’argent, le niveau social des enfants. Le savoir étendu aux plus riches. Le savoir minimum de base et le plus de conditionnement religieux pour les plus pauvres. Entre les deux, un savoir moyen mais qui ne permettait généralement pas l’émancipation des filles et des femmes. A peine l’émancipation des hommes (uniquement celle des riches et très limitée pour les pauvres). Et encore toujours enfermés dans des logiques de classe et de reproduction de la profession du père. De génération en génération.

    Le fait d’avoir dû se laïciser pour perdurer, donc avec un personnel enseignant laïc, et d’harmoniser ses savoirs avec ceux des établissements laïcs avec un contrat avec l’Etat, a contraint le clergé catholique à mettre de l’eau dans son vin et de procéder à une mise à jour éducative, donc élargir et travailler davantage à l’égalité des savoirs pour tous les enfants et leur proposer des enseignants non religieux véritablement qualifiés et diplômés, ce qui n’était pas le cas avant.

    Mais on remarque dans les écoles hors contrat, que l’institution cléricale continue de pratiquer la discrimination scolaire suivant le niveau social, limite l’éducation en général, fait des coupes sombres sur certains aspects du programme qui ne correspondent pas à ses idéologies.

    De la même façon, la société laïque tend à refabriquer des inégalités scolaires et éducatives depuis les années 80. Parce qu’elle a pourvu ses besoins en salariés sur le marché du travail. Ce qui fait que l’accès à l’université est de plus en plus restreint pour certaines classes sociales, de même que les grandes écoles. Il y a toujours quelques exceptions mais c’est une tendance de fond. Pour un élève diplômé, vous en avez deux qui sortent définitivement du système sans diplômes et qui vivoteront dans une précarité perpétuelle.

    On est dans la reproduction des élites. Pas dans un mouvement profond d’émancipation par l’éducation pour tous. Du fait du modèle élitiste de Condorcet. Toujours pas remis en question ni en cause.

    Dernièrement, le fameux projet de l’Opus Dei et des instituts catholiques hors contrats des Ecoles Espérances Banlieues, dénoncé heureusement par la société civile, était de recréer ce que l’Opus Dei fait dans de nombreux pays (Argentine, Chili, Brésil, Espagne, Italie par exemple) à savoir des écoles primaires pour former et surtout formater militairement et religieusement leur petit personnel domestique de numéraires auxiliaires hommes et femmes. Pour ensuite éventuellement en formater certains dans des écoles et universités opusiennes en tant que numéraires. Mais pas au-delà. L’objectif est surtout d’avoir des domestiques. Les écoles espérances banlieues sont là pour ça. Mais ça n’est évidemment pas dit aux parents, pas dit aux autorités politiques dont certaines savent et d’autres pas. Parce qu’on ne dit pas non à l’Opus Dei qui politiquement et religieusement met la pression sur le clergé et la classe politique française depuis les années 80.

    On est typiquement dans un projet éducatif ultra hiérarchisé et conditionnel selon la classe sociale et les besoins d’une élite religieuse et sociale.

    Si vous allez voir au-delà de la vitrine de la Fondation pour l’Ecole, c’est d’une lisibilité absolue. Et c’est lamentable. Mais néanmoins emblématique d’une vision scolaire discriminante.Conditionnée et conditionnelle.

    Et je le dis en tant qu’enseignante. Parce que je le vois tous les jours. Y compris dans les établissements où j’enseigne et qui ne sont pas religieux pour un sou. Et je lutte tous les jours contre ça. Notamment en donnant des cours techniques artistiques du niveau d’écoles supérieures d’arts à des enfants, ados et adultes en activité récréative. Parce que je trouve absolument odieux que ce patrimoine culturel technique et artistique ne soit pas dispensé dans le parcours éducatif classique de tous les enfants. Et de tous les ados et de tous les adultes sans exception.

    C’est pourquoi aussi je mets le paquet dans mes contenus de cours auprès des apprentis que j’ai en cours d’arts appliqués. Le savoir étendu scolaire tous domaines confondus est l’affaire de tous. Pas d’une poignée de riches et de privilégiés qui doivent tout savoir et les autres rien du tout ou des miettes.

    Une société égalitaire et fraternelle se préoccupe de faire évoluer tout le monde au même niveau sans se préoccuper du niveau social, de l’argent ou de l’absence d’argent des uns ou des autres. Ou de leurs convictions ou absence de convictions religieuses.

    Après, ça c’est mon credo d’enseignante. Le partage du savoir à TOUS. Sans aucune exception. Parce que c’est notre richesse à TOUS.

    C’est bien pour ça aussi que j’interviens de cette façon ici. C’est pour que ce que je sais, ce que j’ai appris, vous le sachiez aussi.

    Je me refuse à disposer de savoirs qui resteraient confidentiels, cachés au plus grand nombre et seulement sus par un tout petit cercle qui seul serait autorisé à discuter de tout ça et décider si oui ou non le reste de la société a le droit ou pas de savoir. Ca n’est pas pour moi en cohérence avec le bien commun et mes valeurs spirituelles. Donc je dis les choses et je les donne à voir et à lire et à entendre.

    Bien évidemment, après, il faut avoir envie de savoir. De s’instruire. Et ça, ça relève de la liberté individuelle. Et tant mieux. Mais au moins, donner les outils et les informations à tous, ça me paraît le centre de mon métier. Et je le fais.

    Peut-être pas d’une façon super rigoureuse. Mais avec cœur et passion. Sans doute pas suffisant pour vous ou pour d’autres. Mais c’est ainsi que je conçois la vie en société. Du partage d’expériences, de savoirs très diversifiés pour grandir et évoluer tout ensemble dans une société plus ouverte, plus libre, plus fraternelle et égalitaire.

    Société qui ne sera jamais parfaite et heureusement sans doute car l’imperfection humaine permet une marge de manœuvre plus grande et nous pousse à toujours plus d’ouverture à nous-mêmes comme aux autres.

    Mais une société qui néanmoins essaie d’avancer avec tout le monde en sortant de plus en plus de la violence, de l’arbitraire, du totalitarisme. Pour aller vers du partage, de la collaboration, un mieux-être dans tout ce que nous pouvons vivre. Individuellement comme collectivement.

    L’expérience terrestre il me semble, nous pousse à cela de façon naturelle. Et il me semble que notre foi, pousse aussi nos âmes dans cette direction. C’est en tout cas ce que je ressens profondément personnellement. Et que vous pouvez appeler combat. Même si mes armes, c’est favoriser et diffuser la culture pour tous. Pas un fusil ni aucune sorte de violence.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 18 janvier 2021 15:14, par Françoise

    Bonjour Marie-Christine

    J’ai bien conscience de ce que vous évoquez mais ça ne présente pour moi aucun souci, aucun problème. Bien sûr que si nous voulons quelque chose de plus rigoureux, il faut de vrais historiens scientifiques des religions. Ce que je ne suis pas.

    Moi à mon tout petit niveau, je fais du déblayage et du pointage de faits historiques et de quelques documents depuis des sites sérieux comme Cairn, Persée, journalopenéditions, Crimino corpus, Enfantsenjustice,etc. Mais je peux difficilement faire plus.

    D’une, parce que je n’ai pas fait les études en rapport, que j’enseigne des matières artistiques et non pas l’Histoire des religions, même s’il peut y avoir des petits bouts de cette Histoire dans l’Histoire des Arts Plastiques comme des Arts Appliqués. Ce n’est clairement pas mon métier.

    De deux, je ne suis rentrée dans ces recherches informatives que confrontée à un crime qui est le meurtre de mon père par la milice de l’Opus Dei. Sans ce meurtre, je n’aurais jamais essayé de remonter la piste de certains grands noms pour découvrir de telles informations.

    Mais comme quoi, à quelque chose malheur est bon puisque, ces découvertes, je peux aujourd’hui vous en faire bénéficier. Ok, c’est pas super hyper rigoureux. Mais j’essaie d’aller vers de la vulgarisation, de l’accessible tout en donnant des références de sites qui sont corrects et plus détaillés. Si les gens sont curieux, ils vont y voir et sans doute même découvriront des compléments dont je ne parle pas. Et tant mieux ! C’est comme ça qu’on avance ensemble.

    Bien sûr que tout n’est pas tout noir ou tout blanc et qu’il y a du gris. Mais pour le moment, nous avons un clergé qui nous présente une histoire cléricale massivement bonbon rose, c’est à dire blanche, sainte et pure. Le Disneyland de la chrétienté en gros pour caricaturer.

    Or, quand on se penche sur l’histoire judiciaire, pénale, sur l’Histoire en général, on s’aperçoit que structurellement, nous avons une histoire cléricale catholique romaine qui travaille et s’élabore sur une autorité de domination et de la violence de masse, de classe et de genre. Exactement comme les autorités monarchiques et en partenariat en plus. Il ne s’agit pas d’émanciper l’individu, il s’agit de le conditionner et de le soumettre. Excusez du peu mais quel rapport avec le message christique, essentiellement émancipateur et utilisant une autorité d’amour et non de domination ? Il y a comme une espèce de torsion complète du message christique, une instrumentalisation donc au services d’intérêts matériels et d’une domination autoritaire et totalitaire, main dans la main avec la monarchie.

    Une fois qu’on a dit ça, bien sûr, qu’on peut arrondir les angles et montrer qu’il y a eu aussi des exceptions et des gens bien et des structures sympas. Heureusement d’ailleurs.

    Mais il faut arrêter de nous raconter des salades et là je m’adresse à l’institution cléricale, en nous présentant l’institution et ses œuvres dans un perpétuel élan de charité et d’amour et de bien commun. Parce que c’est faux.

    L’organisation structurelle catholique romaine depuis ses origines n’avait pas pour objet d’émanciper les personnes par la foi, mais de les soumettre, de les dominer, de les conditionner à obéir à une hiérarchie de riches qui avaient tous les droits sur eux, y compris celui de décider qui a le droit de vivre et de mourir. Du plus jeune âge au décès. Pour des intérêts matériels prétendus supérieurs d’une coterie d’individus masculins riches à très riches, ne pouvant hériter de leurs familles parce que pas les aînés. Dans l’organisation familiale où il y a de l’argent et des biens, ce jusqu’à une époque assez récente, c’est le garçon et l’aîné des enfants qui hérite des biens, du nom et de l’autorité. Le placement autoritaire du père de famille d’une partie de ses enfants et spécifiquement les garçons dans la fonction religieuse comme dans la fonction militaire, permet à ces garçons de disposer d’une autorité statutaire aussi (rares sont les fils de riches familles qui finissent petit prêtre obscur de campagne) mais dans une autre forme de structure qui là aussi, fait la part belle aux plus riches et aux hommes. Qui dominent l’institution. Une micro société dominée là encore par les plus riches et toujours ou presque toujours des hommes. En terme d’autorité et de privilèges.

    Vous croyez sincèrement que c’était le but de Jésus de faire un truc pareil ? Franchement…c’est même pas pensable deux secondes quand on a lu les évangiles. Déjà, Jésus était juif et très bien dans sa religion. Il n’a jamais dit : le judaïsme, c’est nul, j’ai le projet d’une religion différente qui sera bien mieux. Non pas du tout. Il ne tient à aucun moment ce propos. Il dit par contre que la Parole juive, il est venue l’accomplir physiquement. C’est très fort. Mais ça ne sous-entend pas recréer une autre religion, une autre institution. Or, c’est ce que notre clergé nous fait croire depuis le début. Déjà rien que ça, c’est une plus que déviation du message de Jésus.

    Si l’on part uniquement du message de Jésus, nous devrions toujours être juifs les uns comme les autres. Représenter un courant du judaïsme qui pourrait s’appeler judaïsme christique. Or ce n’est pas le cas et pourquoi ? Parce qu’à la mort de Jésus, tous les disciples et les frères de Jésus, héritiers principaux de sa mission, se sont tous tirés la bourre pour être calife à la place du calife. Et ça a finit par faire éclater le groupe initial en différentes cellules plus ou moins en froid, avec un chef différent. Pour aboutir à l’aube du 4e siècle à une espèce de consensus pour décider que Pierre serait le modèle avec Paul. Mais là on voit bien que ce projet d’institution n’est pas le projet de Jésus. C’est un projet qui est extérieur à lui. Qu’il n’a jamais demandé. Que Dieu n’a jamais demandé non plus. Passer le message selon Jésus n’était pas recréer un centre de pouvoir quelconque. Ni une domination sur les individus de quelque manière elle soit. Donc déjà, les dés sont pipés.

    Mais après, dans le projet institutionnel catholique romain qui remonte au 4e siècle, on est vraiment dans du conditionnement et de la domination. Et c’est visible à toutes les époques. On est dans une domination de classe et de genre. Qui ne diffère en rien des institutions civiles et militaires. Mais qui en est une extension amplificatrice.

    Alors vous pouvez mettre le message de Jésus pour tenter de faire oublier la violence, mais la violence est très présente et le vecteur principal institutionnel. Le morceau de sucre qui aide la médecine à couler en quelque sorte. C’est pour ça que je parle d’instrumentalisation du message christique. Pour mieux dominer l’individu. Et obtenir de l’argent, du pouvoir. On est face à une institution qui agit comme ça. Pour servir les rois, les empereurs, mais surtout les intérêts d’une classe dirigeante masculine qui s’est recréé un espace de domination annexe.

    Concernant l’école, les Lumières ne se résument pas au modèle de Condorcet. On avait aussi le Peletier de St Fargeau avec des idées très différentes et tout aussi valables, idées dont les écoles Freinet se sont largement inspirées et dont se réclament aussi les enseignants qui travaillent la pédagogie et la façon d’enseigner suivant les enfants. Mais qui ne correspond pas à ce qui est pratiqué depuis les débuts de l’école au plan réellement institutionnel.

    Pour Le Peletier de St Fargeau, tout enfant doit appartenir à l’État et non pas à ses parents, le but étant de faire une école égalitaire qui ne crée pas d’élite (au contraire de celle de Condorcet) et de gommer toute inégalité due à la famille : les enfants de familles riches et de familles pauvres reçoivent la même éducation et tous les élèves sortent de l’école avec le même niveau. Dans un premier temps, c’est son système éducatif qui est retenu mais l’État adopte finalement le système de Condorcet (école inégalitaire selon le milieu et l’argent des familles) qui est celui que l’on a aujourd’hui en France.

    Freinet non plus n’a pas été retenu comme modèle d’apprentissage et d’enseignement éducatif, même s’il est beaucoup plus épanouissant pour les enfants. C’est le modèle de Condorcet qui continue de prévaloir en France avec une idée de domination et de conditionnement derrière.

    Si l’esprit avait été émancipateur, jamais on aurait appris à nos arrière-grands-parents à manier un fusil en classe et à faire lever les couleurs, et étudier le patriotisme pour les garçons pour les préparer à la guerre 14-18, ni les poèmes de Jean Aicard aux filles par exemple, pour qu’elles soient de bonnes ménagères et bien soumises aux hommes. Vous n’auriez pas eu le tour de France par deux enfants et les enfants de Marcel, qui participent aussi d’une certaine propagande, même s’il y a aussi dedans des choses très pédagogiques et utiles.

    Et quand je vois à mon tout petit niveau en tant que prof de centre de formation industriel, l’impact de l’entreprise industrielle de plus en plus grand au sein des formations, les pressions que certains de mes collègues ont notamment en Histoire pour ne pas parler du syndicalisme ouvrier, ne pas faire de l’éducation sur l’impact des luttes ouvrières dans l’accès à un meilleur salaire et des droits et des conditions de travail décentes, excusez du peu, là encore, on voit bien que le but n’est pas d’éduquer les jeunes, mais de les formater et surtout ne pas les informer sur la condition ouvrière ni l’exploitation patronale ni les luttes que les ouvriers ont mené pour que cette situation léonine change, soit un peu plus juste et égalitaire. Qui pourtant fait partie intégrante et encore plus pour de futurs ouvriers, de ce qu’ils doivent savoir.

    Mais pourquoi c’est compliqué de parler de ça dans nos cours ? Parce que les entreprises ont peur que les ouvriers se révoltent, leur réclament plus que ce qu’elles leur donnent. Et sur les conditions de travail, et sur les salaires et sur la discrimination, la hiérarchie. Donc elles font pression sur nous pour que nous ne parlions pas de ça. Pour que nous ne cultivions pas nos élèves sur ces sujets.

    Je me souviens il y a quelques années avoir emmené avec deux autres collègues, nos classes voir le documentaire de Gilles Perret sur la condition ouvrière et son histoire (excellent documentaire qui s’appelle « de mémoire d’ouvriers »), ça a été une succession de pressions, de menaces et sur nous et sur les apprentis par la direction de l’époque mais aussi les entreprises industrielles. Et c’est scandaleux.

    Mais emblématique de ce qui se passe dès lors qu’on souhaite instruire nos élèves sur l’Histoire par delà les intérêts des grands de ce monde. C’est toujours pareil. Et ce n’est pas normal dans une société soit disant démocratique, libre et qui doit permettre une réelle émancipation des individus et leur plein épanouissement.

    Etonnez-vous après que la société soit figée dans des dispositifs autoritaires et visant toujours l’enrichissement et la domination d’un petit groupe d’hommes principalement, de préférence blancs de peau et accessoirement jeunes, mais c’est logique quand on pratique ce genre de comportement abusif.

    C’est pourquoi je parle de structures de domination quand je parle d’institutions. Nous sommes régis à différents niveaux par des institutions qui fonctionnent toutes selon une domination autoritaire. Avec différentes branches. Mais qui ont du mal à pouvoir être mises en cause et en question. D’où leur fixité et aussi l’entretien de leur mythologie pour continuer d’exister et de soumettre le plus d’individus possibles.

    On peut un peu plus parler de tout ça depuis les années 60, grâce notamment à des universités dites populaires comme Vincennes. Mais on voit aujourd’hui à quel point c’est compliqué de pouvoir continuer à poser un regard critique sur les institutions, religieuses ou pas d’ailleurs.

    Parce que les structures de pouvoir autoritaire et leurs principaux bénéficiaires (les plus riches) veulent continuer à exploiter les individus sous différentes formes et sans opposition des peuples. Et elles sont prêtes à taire leurs crimes pour ça. A présenter uniquement une façade idéale, proprette. Pas de raconter la réalité.

    Et pourtant cette réalité d’exploitation de l’humanité par les institutions, nous en avons tous besoin pour comprendre le passé et travailler une société différente, plus fraternelle, plus libre, plus respectueuse, plus égalitaire. Donc il faut raconter cette Histoire dans son entièreté. Sortir du silence, sortir du non-dit de nos institutions. Sinon, nous ne pourrons pas sortir du modèle de domination arbitraire et d’exploitation totalitaire.

    Pour avoir travaillé un peu avec Franck Lepage en MJC, intellectuel qui pratique depuis de nombreuses années l’éducation populaire par conférences gesticulées, je me rends bien compte de la nécessité de partager tout ça tous ensemble.

    Franck le fait sur des questions non religieuses. C’est son parti-pris lié au fait que lui est athée et marxiste. Moi personnellement, je pense qu’il faut faire cette même démarche par rapport à notre institution religieuse catholique romaine.

    Un ancien historien des religions a commencé à se pencher sur le sujet dans la ligne de Franck Lepage, c’est Jean-Philippe Smajda. Il est à la base juif, devenu athée durant sa formation en sciences des religions quand il a découvert que la violence d’état se couple avec la violence religieuse et que le propos n’est pas de raconter la réalité mais une mythologie qui sert les intérêts des plus riches au détriment de l’ensemble des individus.

    Vous pouvez aller consulter sa conférence sur Youtube qui s’appelle la décroyance. Elle est vraiment très intéressante et bien documentée. Vous avez l’histoire du monothéisme, les travaux de Bernard Barc sur le sujet (vous avez notamment Les arpenteurs du temps - Essai sur l’histoire religieuse de la Judée à la période hellénistique).

    Ceci dit, là où moi je me positionne différemment, c’est que contrairement à Franck et Jean-Philippe, je suis croyante.

    Mais je les rejoins l’un et l’autre sur le manque criant d’un enseignement historique complet sur nos institutions, qui empêche les citoyens, comme les croyants d’entrer en critique de ces institutions d’une part. Et d’autre part, ne leur permet pas de penser, de réfléchir ces institutions et la société en général selon d’autres critères que la domination.

    Et ça, au 21e siècle, c’est quand même incroyablement violent et détestable. Pourtant nos ascendants ont réussi à mettre en place des législations internationales pour que l’individu de l’enfant au vieillard, puisse disposer de protections, de soins, de liberté, d’éducation, d’accès à l’information, d’un toit, etc, etc, même si les régimes politiques et les guerres, les fanatismes religieux, les sectes mettent à mal ces directives.

    Mais à quoi ça sert si l’on ne peut pas interroger et mettre en cause le principe même d’autorité de domination ?

    On ne peut pourtant plus faire l’impasse sur ce sujet. Qui est déterminant pour construire en tant qu’adultes un autre type de rapport au monde. Et il me semble qu’en tant que croyants, même si je peux totalement me tromper, ce type de réflexion est central si on part du message christique.

    Donc, non, c’est pas une histoire de combat. C’est une démarche d’émancipation et d’information et donc d’éducation populaire. C’est à dire politique si l’on inclut dedans l’Histoire, la philosophie, la psychanalyse, les sciences sociales, les sciences religieuses, la sociologie, la psychanalyse, l’anthropologie, le droit et d’autres domaines encore.

    Comment pouvons-nous créer ensemble une société et des institutions qui ne soient plus élaborées et dirigées dans un principe de domination mais d’accompagnement à l’émancipation individuelle et collective ?

    Il me semble qu’à l’heure actuelle, pour des croyants conscients des abus, des violences criminelles institutionnelles aussi bien religieuses que politiques, économiques, sociales, c’est une question vraiment centrale.

    Parce que le noeud gordien de toutes nos souffrances et nos traumatismes, aux uns comme aux autres, il part de cette construction d’un rapport à soi et aux autres de domination/soumission.

    Comment peut-on en sortir et construire autre chose ?

    Bien sûr que c’est très vaste, très ambitieux aussi comme projet. Et que ça ne se fera pas par l’opération du St Esprit ni d’un coup de baguette magique. Et je ne prétends pas avec mon petit niveau ras les pâquerettes de répondre à la question.

    Mais il me semble que ça vaudrait le coup de se pencher sur tout ça. Ensemble. Pour aussi sortir de l’abus, des violences subies.

    D’un côté il faut parler des choses qui fâchent depuis très longtemps (ce que je fais vu que quasiment personne n’ose en parler frontalement) et de l’autre de comment on remédie à ces crimes par la construction d’autres repères, d’autres fonctionnements sociaux, politiques, économiques et religieux.

    Et ça se fait pas en petit comité, ça demanderait un immense rassemblement international. Et ça dépasse même le cadre religieux. Chaque humain devrait pouvoir donner son avis sur ce sujet. Ca me paraît tellement évident et nécessaire.

    Et encore plus dans ce contexte pandémique qui nous fige tous dans un arbitraire démentiel. Peu propice à l’émancipation, l’épanouissement, la liberté et l’égalité et la fraternité entre tous. Mais qui nous donne l’espace et le temps d’y réfléchir malgré tout.

    Donc voilà, je pose la question. Après, à chacun de voir s’il ou elle a conscience de tout ça, veut se pencher sur ces sujets, comment, pourquoi ou pas du tout parce que ça lui fait peur. Et que la domination, du moment que ce soit uniquement les autres qui la subissent et pas eux, ça leur convient très bien.

    Nous ne sommes pas les premiers à avoir réfléchi à ces questions. Nos ancêtres l’ont fait aussi. Mais hélas, c’est la réponse de la domination des plus riches qui jusque là à prévalu comme modèle. Et la domination des hommes riches principalement. Il serait peut-être temps de faire en sorte, justement du fait de tout ce que nous avons souffert à cause de ces logiques arbitraires, autoritaires et de domination, qu’on puisse faire aboutir un projet de société et institutionnel plus démocratique, plus égalitaire et fraternel. Non ?

    Si le passé violent et totalitaire et arbitraire doit nous apprendre quelque chose, c’est que c’est pas la bonne façon de fonctionner. Et qu’en plus, pour nous croyants, elle entre en contradiction complète avec le message de Jésus.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 18 janvier 2021 01:01, par Marie-Christine

    Françoise,

    Beaucoup d’informations intéressantes. Peu de méthodologie. Une recherche historique sérieuse ne procède pas comme vous le faites et est par principe même dépassionnée. Elle ne vise pas à faire prévaloir une thèse aussi tranchée car elle n’a pas pour but un combat. Elle est beaucoup plus modeste dans son objet d’étude dans le temps et dans l’espace, confronte des sources d’origine differente etc…admet qu’il puisse y avoir des recherches historiques plus poussées qui pourront invalider son hypothèse ( et non sa certitude définitive ) Elle tient compte de la complexite et des contradictions des faits et des acteurs de l’histoire, en particulier elle ne confond pas les mobiles conscients que se donnent les hommes pour agir et les conséquences de leurs actes. Elle essaie effectivement de comprendre et non de juger. Elle tient compte aussi de la spécificité de son objet d’étude ; ici le champ du religieux.

    Donc si vous vous situez sur le plan d’un combat légitime contre les abus de l’Eglise ou dans l’ Église ( thèses très différentes ), il n’y a aucun problème. Vos infos ici sont précieuses. Sauf que quelqu’un d’un point de vue différent pourra toujours vous opposer d’autres arguments et d’autres exemples pour défendre la thèse opposée des abus dans l’Eglise et non inhérent par essence même à l’Eglise, construite depuis le début ( lequel au juste ?) pour aliéner et exploiter en utilisant essentiellement la pedocriminalite comme moyen primordial, comme vous l’affirmez. Si je vous ai bien comprise.

    Donc, bien que partageant ce combat contre les abus, j’ai des réticences à vous suivre du point de vue rationnel à propos de vos thèses globalisantes et générales.

    Sur le fond, pour ce que je connais, faire de l’école, un « instrument de domination » me semble bien discutable et caricatural, alors qu’elle a. par l’alphabétisation, l’acquisition de connaissances, permis aux hommes, une émancipation, justement des autorités diverses qui les tenaient en tutelle. La critique du projet émancipateur des Lumières me semble malvenue quand on fait la critique de l’Eglise qui les a tant combattues. D’autant plus malvenue aussi avec, de nos jours, le bombardement d’informations, fake news, via média et réseaux sociaux. A moins que je vous ai mal comprise.

    Par conséquent, tout n’est pas blanc ou noir : il y a du gris.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 17 janvier 2021 13:37, par Françoise

    Rebonjour Damien

    Pour répondre à votre second message, je comprends votre déchirure. Mais vous n’êtes pas le seul à être pris entre deux feux. Malheureusement, ce n’est pas parce que l’on a vécu des situations d’oppression cléricale, communautaire religieuse que l’on est capable d’aller voir la réalité criminelle cléricale dans son ensemble et de l’admettre. Pourquoi ?

    Parce que si l’on a toujours présent dans son éducation une idée que l’autorité en soi ne doit jamais être discutée quoi qu’elle fasse, que l’Eglise (au sens institution cléricale) est Sainte et le clergé tout le premier donc ne peut commettre de crime, on se retrouve dans l’incapacité, même avec les preuves de proches voire même ses propres traumatismes de mettre en demeure de s’expliquer et de reconnaître la dimension criminelle et mensongère institutionnelle.

    Je m’en aperçois pour une majorité de victimes. Il y a un pas de côté qui est relève de l’impensable et de l’impensé.

    Pourquoi moi je le fais ? Parce que je suis sortie d’emprise d’avec ce type d’éducation.

    Ce qui est, je m’en rends compte plus j’avance en âge, assez rare finalement. D’autant plus dans le milieu bourgeois d’où je viens. Mon comportement relève de la haute-trahison puisqu’il est de bon ton en pareil cas de se taire et de ne surtout pas dénoncer les crimes du milieu bourgeois ni ses accointances avec différentes institutions pour parvenir via menaces et pressions à n’être jamais inquiété par la justice pénale.

    Dans le milieu catholique, vous avez énormément de victimes qui même ayant subi le pire, vont continuer à révérer le clergé, la famille, l’autorité en général, parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement. Psychologiquement, affectivement, ce serait beaucoup trop dur d’entrer en critique de ces institutions, même si elles les ont violentés, abusés, humiliés. Il y a chez ces victimes la peur de l’abandon, la peur du rejet sur lesquelles jouent énormément et les familles et le clergé et les institutions qui leur ont fait du mal. Et cette pression, ce chantage à l’affectif, au religieux, au péché marche.

    Sauf que malheureusement, et relativement souvent à posteriori, cette peur du rejet, de l’abandon fera rechuter les victimes dans d’autres abus, d’autres maltraitances sous une forme différente, sans qu’elles comprennent qu’en réalité, elles ont cautionné via la révérence constante à l’autorité et notamment celle qui les a meurtries, l’emprise de leurs agresseurs. Elles n’ont en quelque sorte pas réglé la dépendance affective et psychologique vis à vis de leurs agresseurs. Qui perdure longtemps au-delà des faits criminels.

    Ce n’est pas une critique que je fais là, car je sais à quel point cette démarche de dénonciation et de sortie d’emprise allant jusqu’à la critique des modèles autoritaires est difficile, complexe et longue.

    Mais c’est un constat que j’ai pu faire et que je fais encore en lisant de nombreuses victimes de crimes et pas que cléricaux. Et en discutant aussi avec d’autres victimes d’inceste comme moi.

    Pour sortir d’emprise complètement, il me paraît nécessaire d’aller regarder ce qui s’est déroulé réellement dans ces institutions qui nous ont violentés, abusés, incestés. Ne pas avoir peur de regarder ce qui s’est passé de mauvais, de criminel tout au long de l’Histoire.

    On ne devient adulte et équilibré que si l’on est capable de regarder en face aussi bien ce qui fait mal que ce qui fait du bien. Et de faire la part des choses. Sur ses parents, comme sur le reste de la société.

    C’est pareil au niveau personnel et intérieur. On passe sa vie souvent à rééquilibrer du positif sur soi quand la société et déjà depuis l’enfance, s’acharne à nous déconsidérer (nous recevons chaque jour 8 marques négatives sur nos personnes, faites le calcul de ce que ça peut représenter dans une vie allant de 0 à 80 ans). Quand je vois en tant que prof, le manque de confiance en soi et d’estime de soi de mes élèves, petits comme adultes et vieillards, je vois bien à quel point il faut restaurer du positif. Que c’est ce qui manque le plus au plus grand nombre, qui s’autocensure, se juge négativement alors que chacun devrait s’émerveiller de ses trésors intérieurs et oser s’affirmer bien plus dans des activités réellement épanouissantes plutôt que de se conformer dans des choses pour faire plaisir à la famille, à la société, sans soi-même y avoir d’intérêt ni de goût.

    Mais cela montre aussi à quel point il y a de violence, de conditionnement autoritaire dans notre société judéo chrétienne et que nos clergés, nos familles y ont grandement participé. Evidemment, si l’on a été éduqué par des parents toxiques comme le furent les miens, c’est encore plus évident.

    Ce qui me rend peut-être la démarche de dénonciation et de critique de l’autorité en général plus simple. Et encore…dans mon milieu petit bourgeois, c’est vraiment pas l’usage qui prévaut. Je contreviens à tous les usages en ayant dénoncé l’inceste, les violences aussi bien familiales que cléricales. Auquel cas la domination de classe et de genre.

    Mais s’il y a bien une chose que j’ai apprise au fil du temps, c’est que cette critique de l’autorité est éminemment nécessaire et doit être nourrie par des lectures universitaires, judiciaires, des échanges avec d’autres victimes mais aussi au plan associatif. D’autant plus quand on a été victime de structures autoritaires. Ca fait partie de la sortie d’emprise.

    Ce qui n’empêche pas de voir aussi les bonnes choses réalisées par nombre d’institutions. Mais cette critique de l’autorité permet aussi d’aller regarder sans pruderie ni peur, les horreurs produites. Et de les appeler clairement des crimes, ce qu’elles sont.

    De cela, on sort grandis, je trouve. Plus conscients des réalités, bonnes comme mauvaises. Et en capacité de pouvoir non pas répéter ces errances criminelles, mais d’en sortir et de travailler tous ensemble à construire une société moins violente, plus juste pour tous et pas seulement une société de privilèges et d’impunité pour un petit groupe, toujours le même. Parce que l’on a appris du passé. Et qu’on est en capacité par la dénonciation et par un positionnement différent, une considération différente de soi et de l’humanité en général, d’élaborer d’autres modèles et valeurs. Qui vont participer à faire évoluer notre société dans le sens de plus de liberté, de justice, d’égalité, d’humanité au sens amour fraternel et universel.

    Dans la liste des valeurs humaines de Shalom Schwartz, il y a de quoi je pense, trouver des valeurs en résonance avec ce que chacun porte profondément en soi. Et pas forcément relié à nos éducations. Mais à ce à quoi nos intériorités aspirent.

    Pour conclure, ce n’est pas parce que l’on s’autorise à regarder en face et tout au long de l’Histoire les crimes cléricaux qu’on juge de façon définitive et enfermante. Car même en ayant commis tous ces crimes, toute personne comme toute institution peut changer si vraiment elle répare et s’amende et travaille à modifier ses comportements.

    En révélant les crimes cléricaux, je trouve qu’ on libère ainsi la réalité enfermée sous des tonnes de mensonges et de légendes abusives par notre institution cléricale. On l’oblige à y faire face et à cesser ses mensonges. C’est important pour qu’elle puisse affronter ses crimes, ses errances au fil des siècles et sortir de récits par trop idéalisés et romancés de vies de saints mais aussi vis à vis de ses propres lois.

    Malheureusement, l’institution n’est toujours pas en capacité de faire ce travail de confrontation elle-même. Je suis la première à le déplorer. Alors je le fais ici, comme sur d’autres blogs. Comme l’ont fait et le font certains universitaires dont ceux qui s’occupent de sciences des religions (hors théologie). Mais qui malheureusement, ne sont pas connus ou très peu des croyants alors que se sont des pontes au plan international.

    Pour moi, chaque enfant à partir du collège, devrait avoir accès à une formation sur l’Histoire des religions au sens scientifique du terme et pas théologien. Sans que cela ait quelque chose à voir avec les croyances. Mais au moins leur permettre de faire la part des choses entre la réalité historique et le discours religieux. On éviterait ainsi bien des fanatismes et bien des expériences traumatisantes et dérives sectaires également.

    Maintenant, ce n’est que mon avis personnel.

    Je compatis sur ce que vous m’exposez de souffrances. Concernant l’implication des Chirac dans la dissimulation de la vérité criminelle impliquant différents auteurs dont des clercs, elle est réelle. C’est valable pour l’Opus Dei, comme pour Mgr Di Falco par exemple. Mais ça s’explique par une tradition et implication financière et statutaire de la famille Chodron de Courcel essentiellement et qui là encore est ancestrale. Mais aussi la maladie de la fille Chirac qui a participé à continuer de positionner le couple dans ce type d’attitude. L’Opus Dei dans sa branche française en a eu l’essentiel des bénéfices. Mais aussi tout le volant ultra conservateur clérical. Qui va de pair. Aujourd’hui, le clergé français serait beaucoup moins conservateur et plus ouvert s’il n’y avait pas eu ces soutiens de grandes familles pour parler gentiment.

    La droite et l’extrême droite française ont posé énormément de verrous judiciaires sur de sombres affaires où elles ont toujours des intérêts. Je ne dis pas que la gauche et l’extrême gauche ne font pas pareil. Mais la droite et l’extrême droite ont massivement plus protégé le clergé français quand il était criminel. C’est un fait très facile à vérifier que ce soit en tant de paix comme en tant de guerre. Et toujours à l’heure où je vous écris.

    Bon dimanche !

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 17 janvier 2021 11:54, par Françoise

    Bonjour Damien

    Je réponds à votre premier message dont je prends connaissance aujourd’hui.

    Je n’amalgame pas. Je cite différents types d’exploitations commises par l’institution religieuse.

    Bien sûr la pédophilie : les Frères des Ecoles Chrétiennes, les Jésuites sont célèbres. Je pourrais vous citer Pierre-Jean de Béranger qui évoque dans différentes chansons. Mais il y a bien d’autres auteurs qui en parlent.

    Port-Royal : on est plutôt dans les sévices de type torture, humiliations. Assez proche de ce que Diderot décrit dans la Religieuse, qui n’est pas une œuvre de pleine fiction puisque le livre a été écrit en hommage à sa soeur, religieuse par contrainte et qui a fini par se suicider de désespoir. L’histoire de la Religieuse est en grande partie l’histoire de sa soeur. Elle n’est que romancée sur la fin puisque la jeune fille ne meurt pas contrairement à la soeur de Diderot qui finit par se suicider.

    Concernant le marquage au fer rouge dans les orphelinats, je l’ai appris en visitant la Pieta il y a bien longtemps avec ma soeur à Venise. C’est le guide qui nous a précisé que Vivaldi avait fait cesser cette pratique sur les enfants de l’orphelinat, s’étant grandement indigné de ces pratiques auprès du conseil du doge. Je ne pense pas qu’il ait menti. Je n’en vois pas l’intérêt. J’ai découvert par la suite que cette pratique n’était pas spécifique aux orphelinats vénitiens mais étendue à l’ensemble des orphelinats, massivement religieux et partout en Europe.

    Donc je me suis posée la question de savoir pourquoi un clergé pouvait vouloir marquer des tout-petits tout en prétendant se positionner dans un humanisme et des soins à des enfants abandonnés. J’ai compris qu’hélas en lisant différents articles sur le sujet, il y avait des raisons de propriété pour que les enfants soient toujours redevables et corvéables à merci. Les enfants restaient ainsi débiteurs permanents de l’institution qui les avait recueillis et élevés. Et en cas de fugue, plus faciles à identifier et à punir.

    Merci pour votre ajout d’article. Je remarque que pour vous tout semble normal sans que ça soit choquant. Je trouve votre réaction surprenante.

    Pour moi, marquer un individu et encore plus un enfant s’apparente à une forme de mutilation, de torture, de domination extrême et d’humiliation. C’est la négation de l’individu en soi. Qu’un clergé pratique cela sans s’interroger sur l’essence de la pratique et sa signification est je trouve très grave. Même si cela faisait partie des usages sociaux. Comme pour l’oblatio, le clergé catholique ne s’est pas différentié de la société civile. Il a procédé pareillement sans se poser de question sur le bien-fondé de la chose. Et c’est choquant dans la mesure où il prétend agir différemment de par les valeurs religieuses qu’il porte.

    C’est là où je m’indigne. Comme ce qui m’indigne est l’absence de précision de ce type de pratique sur des enfants. Qui participe aux violences et à la domination.

    C’est important que les croyants comprennent ce qui s’est déroulé durant des siècles et pourquoi le clergé d’aujourd’hui quand il utilise la violence à l’égard d’enfants, ayant une longue pratique de l’humiliation et d’usages violents, sans pour autant l’avoir assumé ni reconnu, continue dans ce processus sans avoir pris acte de la barbarie de ces pratiques.

    C’est une suite logique, en réalité.

    C’est pourquoi je parle de cela. Ca me paraît essentiel pour saisir la genèse des violences de tous types sur enfants au sein d’institutions religieuses.

    Concernant la séparation d’avec les adultes, elle n’existe qu’au niveau du dortoir. Sauf que les surveillants du dortoir sont des adultes et des religieux aussi. Et l’on sait ce qui se passe. Dois-je vous évoquer l’affaire d’Estaimpuis et comment le surveillant pédophile religieux convoquait les enfants ?

    Dois-je vous parler des pratiques similaires de Lawrence Murphy à l’institut de jeunes sourds aux US ? Dois-je vous citer Pierre-Jean de Béranger quand il évoque ces faits chez les jésuites et leur recours au fouet sur les fesses des jeunes garçons pour se dédouaner des pratiques pédophiles qu’ils leur infligeaient ?

    Mais c’est évident que si l’on en parle pas où si on relativise tout cela, on ne comprend pas le comment du pourquoi.

    Eric Baratay, je vous l’ai dit, a écrit sa thèse pour relativiser le procès de Cîteaux et tenter de valoriser l’entreprise de Joseph Rey. Ce n’est pas un hasard que sa thèse ait été utilisée pour le procès en béatification. C’était un travail de quasi commande. J’ai découvert en lisant plusieurs thèses de Baratay (complètement différentes) qu’il faisait partie d’un réseau politique et mondain dont Barbarin faisait partie aussi. On le comprend un peu quand on lit la conclusion de Baratay de sa thèse sur Cîteaux et Joseph Rey. Mais en lisant d’autres thèses de Baratay qui n’ont rien à voir pourtant avec cette thématique, on le comprend encore mieux.

    Le problème c’est que bien sûr, les croyants ignorent là encore tout ça. A partir de là, le travail de relativisation de Baratay leur apparaît comme il vous apparaît à vous, un travail d’universitaire lambda, donc crédible. Alors que l’objectif dès le départ est de servir des intérêts religieux et politiques d’extrême droite catho.

    Barbarin est dans le même réseau que Baratay et que les religieuses de St Joseph. Quand Barbarin envoie Preynat chez les religieuses, il leur a déjà obtenu grâce à Baratay une caution universitaire pour faire avancer la béatification de Joseph Rey. C’est une histoire d’échanges de service entre des membres d’un même cercle idéologique et politique.

    Cela n’a rien à voir avec le complot. C’est simplement une entente entre gens qui se connaissent très bien et partagent les mêmes idées et les mêmes objectifs politico-religieux.

    Vous pouvez m’opposer que je fais du mille-feuille argumentatif. Mais je ne serais pas obligée de le faire si le clergé catholique romain faisait preuve de transparence et reconnaissait les violences et usages violents faits à enfants depuis ses débuts dans ses instituts, congrégations.

    Je trouve lamentable que ce soit à moi (donc à une croyante lambda) ici d’expliquer tout cela et qu’à aucun moment, le clergé ne parle de cela. Mais au contraire dissimule ces comportements, ces faits, ces usages.

    Ca, ça me gonfle, ça me met profondément en colère. Ce silence non seulement ne sert pas l’institution, participe à la décrédibiliser entièrement. Mais il s’accompagne de déni et de réécriture de l’Histoire en prétendant que la violence criminelle sur enfants au sein du clergé catholique,c’est récent, c’est Mai 68, c’est le produit d’une société prétendue décadente.

    Alors que c’est faux. Ca vient des débuts de l’institution. De son organisation et de sa façon d’envisager ses besoins en personnel, de sa façon totalitaire de gouverner, de hiérarchiser l’individu, de le traiter par la violence comme si c’était une forme d’éducation.

    Je convoque des sources universitaires que personne ici ou très peu ont lu. Connaissent. Parce que ça me paraît le minimum pour que les gens s’instruisent sur le sujet. Je suis persuadée d’ailleurs qu’avant que je n’évoque ces questions, vous ne vous étiez jamais soucié d’aller lire ce type de documentation. Tellement persuadé que le clergé dans tout ce qu’il fait est formidable et saint en tous lieux et tous temps.

    Je ne me préoccupe pas de vengeance. J’ai par contre le souci de dire les choses telles qu’elles sont et se sont passées. Pour comprendre la genèse des violences criminelles cléricales.

    Je n’ai vis à vis du clergé que j’ai fréquenté personnellement, que de bons souvenirs. Aussi bien scolaires que relationnels avec des clercs. Je suis donc tombée de ma chaise quand j’ai découvert tout ça il y a une vingtaine d’années. Jamais je n’aurais pensé qu’il pouvait avoir commis ce genre d’horreurs par le passé, bien avant les premières affaires médiatiques. Ca ne cadrait pas du tout avec l’approche que j’en avais et en ai.

    L’institution cléricale répète ses crimes à travers les siècles. Elle les perpétue comme elle perpétue sa mythologie. En cela, elle n’est pas différente des institutions civiles comme militaires. Toutes les institutions ont cela en commun. Mais il est très important de le noter, de le dire clairement. Et la documentation judiciaire comme universitaire le montrent. C’est juste ce que je dis. Parce que c’est vrai. Mais cela, personne ne le mentionne généralement. Et c’est grave dans la mesure où du coup, la population est tentée de croire la version cléricale qui restreint les affaires judiciaires et les crimes et les maltraitances à enfants, entre les années 60 et 90. Ce qui est faux bien entendu.

    Je ne décontextualise pas. Je dis qu’une institution cléricale aurait dû contrairement aux usages de l’époque, se différencier des autres dans la mesure où elle se targue du fait du message christique et de vertus toutes plus élevées les unes que les autres, d’être meilleure et plus humaine à l’égard des enfants. Elle démontre s’il en est que cet argument qu’elle présente à corps et à cris et encore aujourd’hui, n’est qu’une imposture, un slogan de pacotille eu égards aux pratiques similaires criminelles et aux usages de barbarie qu’elle pratique exactement dans les mêmes proportions que les autres institutions civiles depuis ses débuts au 4e siècle. Et tout au long de l’Histoire.

    Le clergé s’escrime à nous exposer ses vertus et à présenter de ses œuvres une version idéale, romancée et héroïque. Il faut donc rétablir l’équilibre et parler des questions qui fâchent et qui bien au contraire, montrent une réalité beaucoup plus sordide et plus cynique que charitable et sainte.

    C’est moi qui m’y colle parce que j’ai eu accès à ces informations, qu’elles m’ont aidée à comprendre certaines réalités criminelles cléricales concernant l’engagement de mon père à l’Opus Dei puis son meurtre par la milice opusienne ainsi que les membres du clergé qui ont autorisé son meurtre et pourquoi. Mais ces informations m’ont aidée à comprendre la réalité structurelle et hiérarchique du clergé. Le comment du pourquoi de la pédophilie, des maltraitances, des récurrences de violences, de mensonges, d’humiliations. Dans le cadre de mon métier professoral, et notamment des cours d’arts appliqués que je donne, j’ai découvert via des plans d’abbayes, de couvents, mais aussi de la documentation universitaire tout un complément informatif sur ces sujets, assortis aussi de documents dénonçant ces crimes et barbaries. J’en parle à mes élèves parce que l’histoire industrielle au 19e siècle a recours en partie au clergé catholique pour recruter de la main d’œuvre enfantine et l’exploiter. Enfin, dans la ville où je vis, il y a plusieurs établissements pénitentiaires religieux. Il se trouve que dans mon cercle de connaissances, j’ai le propriétaire d’une partie de ces bâtiments, qui est très documenté sur leur histoire et ce qui s’y est passé (il a eu des parentes proches dans ces établissements). J’ai donc eu la chance d’avoir des informations précises sur ces sujets. Et j’ai lu aussi beaucoup pour comprendre si c’était juste un usage national ou international. Et j’ai compris malheureusement, qu’il s’agissait d’une pratique internationale. Avec les mêmes barbaries, les mêmes crimes, les mêmes arguments présentés. Philippe Poisson évoquait l’internationale de la maltraitance et il a bien raison. C’est le cas. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas son équivalent dans la société civile. Mais que le clergé a internationalisé ses pratiques criminelles.

    A la suite de toutes ces découvertes depuis 20 ans, je pense que chaque croyant doit connaître tout ça. C’est important pour l’édification de tous. Je crois beaucoup au partage informatif. Pour progresser dans un mieux vivre ensemble et sortir de l’ignorance, de faux semblants.

    Comme le clergé ne fait toujours pas face à son histoire et ses démons, il faut bien que les croyants fassent le boulot de déterrer et mettre en lumière cette histoire cléricale. Différente du roman que l’institution cléricale nous conte depuis notre enfance. Et qui donc n’est pas du Agnès Richomme, du l’abbé Laurentin ni du Jean Guitton. Mais une Histoire qui fait aussi partie de l’histoire criminelle et judiciaire et totalitaire.

    Que ça vous plaise ou non, c’est ainsi. Et ça n’a rien d’un complot que de le dire. C’est la réalité. Même si elle vous blesse.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 14 janvier 2021 18:59, par Damien

    Chère Françoise

    Nos messages se sont télescopés, je n’avais pas pris connaissance du vôtre publié en même temps que le mien, un peu vif aussi. Je suis d’accord que tout ce baratin ecclésial après coup du genre « on savait pas, on a pas su voir, on découvre », alors qu’en réalité on savait souvent très bien, m’agace aussi terriblement. Quant aux cathos qui font l’autruche, je préfère ne pas en parler.

    Déjà parce que je connais quelqu’un de très proche qui a été la victime d’une communauté religieuse il y a longtemps, et j’en suis aussi la victime à travers elle, le produit pourrait-on dire (mais je préfère ne pas étaler cela, par respect pour l’intéressée qui me lit en ce moment).

    J’ai eu aussi pour ami quelqu’un passé par les Béatitudes en 1993 et qui m’a ouvert les yeux sur ce genre de communautés que j’idéalisais bêtement. Et un autre aussi, passé par St Jean.

    D’autre part j’ai été victime moi-même il y a trente ans d’une institution qui a pignon sur rue (sans rapport avec l’Eglise) qui je crois avait été inaugurée par le couple Chirac dont vous parlez, et où les abus semblent se perpétuer encore aujourd’hui dans le silence complice de médecins de la région qui sont tous au courant, (je m’en suis souvent rendu compte) mais qui se taisent. Quand je lis certains avis publiés sur Internet par nombre de patients, j’y retrouve exactement ce que j’ai ai vécu il y a 30 ans.

    Je suis assez bien placé pour comprendre dans mon expérience personnelle ce qu’il en est pour des gens qui ont été abusés et la chape de plomb qu’on a fait peser sur eux. Ce sont mes raisons de lire ce blog et d’y contribuer par mes messages.

    Je suis étranglé entre la défense de l’honneur de l’Église que le Christ a voulue et aimée, et si j’ai foi en l’un, je ne peux pas rejeter l’autre, et d’autre part la réalité de plus en plus implacable qui dévoile la malice des hommes et des femmes qui en sont ou en ont été les membres. Mais Dieu ne juge pas seulement à charge : « si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera » (Ps 139).

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 14 janvier 2021 17:20, par Damien

    Bonjour Françoise

    En lisant cette abominable histoire des religieuses irlandaises entre 1920 et jusqu’à notre époque, j’ai été pris d’un doute. Serais-je en train de justifier l’injustifiable dans l’affaire de Cîteaux ? En lisant la charte du blog, j’ai été en un sens rassuré : “Nous refusons les amalgames : si les dérives sectaires se ressemblent, elles ont chacune leurs particularités, leur contexte, leur gradation de dangerosité.”

    Ce qui est néfaste dans votre regard porté sur les abus liés à l’église, présents ou passés, c’est l’amalgame.Ce sont les théories "attrape-tout" que vous développez en reprenant une foule d’éléments pris isolément dans 2000 ans de chrétienté tout en les décontextualisant.

    Je me suis renseigné sur ce que vous affirmez par exemple ici, je vous cite :

    “Vous avez aussi les fameuses écoles de Port-Royal et bien d’autres où les sévices et abus sont légions. Les Frères des Écoles Chrétiennes sont tout aussi réputés pour ces maltraitances, les Jésuites n’en parlons pas…c’est plus que de notoriété publique. Je prends l’exemple de l’orphelinat de la Pieta à Venise, qui un peu plus tard, formera en partie des enfants musiciens mais qui préalablement les marquait au fer rouge jusqu’à ce que Antonio Vivaldi, profondément choqué par la pratique qui rappelait également celle qu’on faisait subir aux bagnards et aux prostituées depuis longtemps, s’indigne et requiert plutôt que le marquage au fer, un uniforme coloré. Comment dans une société religieuse dont vous dites que l’Enfant Jésus donne une idée de l’enfant différente de la société, un clergé digne de ce nom peut marquer au fer chauffé à blanc des enfants ???? ”

    En lisant cela, avec les éléments que vous donnez je me suis imaginé des écoles à Venise au XVIIIe siècle où des bons frères poussaient le sadisme jusqu’à marquer au fer rouge les enfants dont ils avaient la charge. En réalité, cela n’a strictement aucun rapport avec cela. Cet article universitaire l’explique très bien pour qui veut bien s’y pencher quelques instants. On parle non pas d’enfants dans des écoles, mais de nourrissons abandonnés recueillis dans des hospices. Au XVIe siècle, on manque de nourrices pour allaiter ces enfants, et on n’a encore inventé ni le biberon, ni le lait maternisé, et les enfants meurent de faim. Les hospices placent par conséquent ces bébés auprès de nourrices à la campagne que l’on rétribue pour cela. Problème, les nourrices laissent parfois l’enfant mourir et continuent de percevoir l’allocation, ou abandonnent l’enfant et le substitue à l’un des leurs pour s’en débarrasser. Ou le revendent. Bref tout un trafic d’enfants par des nourrices malhonnêtes se développe, avec ses intermédiaires douteux, qui comprennent aussi parfois des prêtres. Je cite la conclusion :

    « Autrefois le destin pouvait être cruel à plusieurs reprises pour de nombreux enfants : abandonnés dès la naissance, s’ils survivaient au tour de l’hôpital, puis, franchie la porte de l’institution d’accueil, s’ils survivaient aux premiers jours du séjour, ils étaient envoyés a balia chez des nourrices à la campagne. Le voyage pouvait être fatal. Toutefois, leur avenir, une fois arrivés à destination, n’était pas assuré non plus : les nourrices, très pauvres, pouvaient être impliquées dans des trafics d’échanges d’enfants ou, dans des cas extrêmes, pouvaient les supprimer. De ces enfants disparus à jamais, un diligent fonctionnaire de l’hôpital se préoccupe de temps en temps, et on voit alors apparaître prêtres, nourrices, fonctionnaires, tous impliqués, chacun à son niveau. »

    Aussi a-t-on l’idée de les marquer sur le talon au fer rouge, comme vous le dites, à l’hôpital de la Pietà de Venise, ou plus simplement dans d’autres hospices par une espèce de tatouage fait par une incision en croix à laquelle on mêle le noir de fumée d’une bougie.

    « À la suite de la disparition de nombreux enfants mis en nourrice, l’hôpital romain du Santo Spirito mit en place un système de reconnaissance des enfants, imité promptement ailleurs : un tatouage. Malgré cela, il arriva qu’à la mort de l’enfant mis en nourrice, cette dernière le remplace par un autre enfant (le sien par exemple), en falsifiant le tatouage, afin de continuer à toucher le salaire. »

    « A l’hôpital de la Pietà de Venise – connu aussi pour avoir eu à son service pendant quarante ans Antonio Vivaldi comme maître de chapelle – les signes corporels étaient infligés aux enfants par le ferro focuso (fer rouge) même si pendant une longue période – entre 1668 et 1783 – cette méthode fut abrogée car considérée comme un tourment inutile, une opération de « basse chirurgie », de fait une brûlure au troisième degré effectuée sur le talon qui pouvait entraîner des infections. À la Pietà de Venise, le débat sur l’utilité de la marcatura prend une certaine ampleur, mais elle est restaurée en 1790 sur le bras gauche, non plus à l’aide du fer mais avec un tatouage probablement à l’encre de chine, qui sera à nouveau et définitivement aboli en 1807, les administrateurs optant alors pour un petit cordon de soie au cou de l’enfant avec un pendentif en plomb orné d’une image de la Vierge. En 1817 les abus sont tellement nombreux que la Pietà tente de restaurer le tatouage mais cette fois-ci l’avis contraire des médecins va enterrer définitivement le marquage des exposés [des bébés abandonnés]. »

    Bref, cela n’a rien à voir avec une quelconque barbarie cléricale gratuite, mais répond à un souci très précis et jusqu’à un certain point légitime pour pallier une situation inique de trafics d’enfants dans un contexte historique particulier. Au passage, l’abbé musicien Antonio Vivaldi (1678-1741) n’a rien abrogé du tout, puisque cette pratique n’avait pas cours à son époque !

    Vous avez une fâcheuse tendance à amalgamer des faits très différents, sans regarder ni aux lieux ni aux époques, ni à l’âge ni à la situation des enfants. Pourvu que cela serve la cause de la barbarie cléricale, tout est bon à prendre. La thèse d’Eric Baratay (1996) nuance le jugement sur Cîteaux, pas de souci, elle est déclarée inféodée à la cause de béatification du Père Rey ouverte seulement en 2007, et donc trop clémente en faisant ressortir ce qu’il y a eu de bien dans cette œuvre. D’ailleurs Preynat a été hébergé chez les sœurs qui ont ouvert la cause avec la bénédiction du Cardinal Barbarin. CQFD. Passez muscade. Les sources que vous produisez sur les oblations d’enfants dans les monastères du Moyen-Age démentent vos avis en montrant que ces enfants gardaient un statut favorisé eu égard à leur âge et qu’on avait soin de les séparer des adultes, aucun problème vous en rajoutez une couche en brodant sans égard pour la source historique que vous avez vous-même citée et en convoquant à l’appui de vos dires une œuvre de fiction du 18è siècle, La Religieuse de Diderot.

    Ce que vous faites porte en réalité un nom, cela s’appelle du mille-feuille argumentatif avec tous les biais décrits par cette petite brochure pédagogique

    • biais d’autorité : on convoque des sources universitaires pour leur faire dire ce qu’elles ne disent pas et on disqualifie d’avance toutes celles qui ne disent pas ce qu’on voudrait qu’elles disent.
    • biais de conformisme : on est sur un blog qui dénonce des dérives dans l’Eglise catholique, donc il faut en rajouter, que notre bras vengeur ne faiblisse pas.
    • biais de statu quo : tout est toujours pareil dans l’Eglise à toutes les époques.
    • biais de représentativité : on prend un élément particulièrement choquant, mais totalement décontextualisé, comme le marquage au fer rouge des nourrissons, pour en faire le symbole de toutes les turpitudes ecclésiastiques.
    • biais de confirmation : on privilégie uniquement les éléments à charge qui servent sa thèse sans souci du reste qui pourrait infléchir ou nuancer son jugement : faits réels, fictions, toutes époques et tous lieux mis sur le même plan. Mais c’est bien sûr….et hop on empile une couche.

    C’est très exactement la technique du mille-feuille argumentatif dont vous donnez l’exemple pour intimider votre interlocuteur en le noyant sous une masse de « faits », technique bien connue des « théoriciens du complot », dans votre cas un grand complot de l’Église cléricale contre la pauvre humanité innocente qui n’avait pas besoin de cela. Ce genre de théorie fumeuse ne sert en dernière instance qu’à disqualifier totalement son objet, comme la pédocriminalité de réseau par la mouvance QAnon outre-Atlantique.

    Oui, ouvrons les yeux sur des choses réelles, essayons de les comprendre, mais sans tomber dans des raccourcis complotistes qui ne font que ruiner la cause que ce blog cherche à défendre.

    Cordialement.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 14 janvier 2021 11:39, par Françoise

    Merci d’avoir précisé votre nom, Damien pour ce dernier message. Je peux discuter un peu vif avec vous sans pour autant être fâchée.

    Mes enquêtes, je les ai faites non pour juger mais pour comprendre le pourquoi notre institution religieuse catholique romaine cache, n’assume pas, ment par rapport à une réalité beaucoup plus violente, abusive et criminelle et durable dans le temps depuis ses débuts.

    S’il y a bien une chose qui m’agace, c’est quand j’écoute certains clercs venir nous la jouer en télévision ou radio ou carrément en pleine messe, avec des larmes de crocodile ou invoquer une déliquescence récente des moeurs des prêtres alors que j’ai lu des documents officiels très anciens avec des procès judiciaires qui remontent des siècles en arrière et qui présentent exactement les mêmes crimes et les mêmes caractéristiques.

    Ca, ça me met vraiment en rogne. Et là oui, j’en veux à ces clercs qui en réalité, savent très bien tout ça, mais continuent de cacher la vérité, à mentir comme des arracheurs de dents à tout le monde. Donc y a un moment donné, je tape du poing sur la table et je dis les choses. Je donne des références. Parce que la réalité est complètement différente du discours clérical. Et elle ne peut plus être ignorée des croyants. C’est pas possible. Pas avec l’amplitude criminelle constatée.

    Et puis, c’est une question simplement d’honnêteté. On ne peut pas d’un côté parler de vertu à longueur de journée et de morale aux croyants et mentir, dissimuler des réalités aussi violentes dont la responsabilité incombe complètement à l’institution religieuse. C’est pas possible. Il y a un minimum de cohérence à avoir. Et de décence aussi.

    Pour autant, je ne dis pas que la société civile était mieux. Et je précise d’ailleurs qu’elle était exactement dans la même logique d’exploitation. J’évoquais notamment l’affaire criminelle des Vermiraux, que je connais bien puisque là encore, c’est ma région bourguignonne d’origine et que malheureusement, la Bourgogne a été jusqu’à très récemment et c’est plus ou moins encore le cas, une espèce d’annexe de gestion de tous les enfants que Paris et sa grande couronne ne voulaient pas (handicapés, orphelins, vagabonds, petits mendiants, enfants difficiles,etc) qui aboutissaient dans ces instituts. Avec une vitrine officielle qui se prétendait respectable et humaniste. Mais qui dans sa réalité était vraiment sordide, abusive et criminelle. Et avec une entente comme cochons entre le clergé, les notables et l’ensemble des acteurs-promoteurs de ces instituts. Et qui continue pour que la vérité ne soit que très peu connue.

    Les Vermiraux, c’est un sommet criminel remarquable en matière d’exploitation enfantine. Parce que vous avez tout : la prostitution avec l’annexe de l’institut à la Pierre Qui Vire, l’exploitation industrielle, agricole, la torture. Le super bingo, il est vraiment atteint là. Et les mécènes, ils en profitent à fond les manettes.

    Emmanuelle Jouët qui a travaillé sur le dossier Vermiraux s’en est bien aperçue. Même plus d’un siècle après le procès Vermiraux, c’est compliqué pour les gens en local, qui pourtant savent tout ça, de pouvoir admettre cette réalité sordide et criminelle. A laquelle beaucoup d’ancêtres de ces personnes qui s’expriment ont participé et perçu des bénéfices financiers juste énormes.

    C’est pour ça que je parle d’un projet politique global d’exploitation des enfants, des femmes, des jeunes filles pauvres ou en difficulté. Et ça dépasse le cadre national français. C’est pareil en Irlande, en Espagne, en Italie, en Suisse, au Portugal, et dans toute l’Europe.

    C’est vraiment l’entente criminelle des institutions religieuses et civiles, main dans la main, donc partenaires, ainsi qu’avec le monde industriel, qui considèrent l’enfant comme une main d’œuvre gratuite, corvéable à merci pour l’industrie, l’agriculture et la prostitution aussi. Les réseaux pédophiles partent de là.

    Une main d’œuvre enfantine qui doit être utilisée comme une bête de somme, rentabilisée jusqu’au trognon y compris quand l’enfant est bébé (la traite des bébés est juste immense en Europe entre le 19e siècle et la fin du 20e). Ca c’est la vision institutionnelle globale mais qui est présentée avec une vitrine très humaniste, progressiste et très protectrice des enfants et des femmes. Qui est en soi abusive et mensongère au regard de ce que l’on sait si l’on consulte les archives judiciaires.

    Entre parenthèses, le site Enfants en Justice dont je me suis servie pour donner l’information sur Cîteaux et dont j’avais eu connaissance il y a bien longtemps via le site de Philippe Poisson (qui s’appelle Crimino Corpus et que je vous conseille vivement de consulter), est un portail des archives judiciaires nationales qui concernent le département Justice des Mineurs. Donc on est sur de la documentation d’archives sérieuses. Pas sur un site fantaisiste. Et le site si vous l’explorez bien, vous allez vous rendre compte qu’il explique que en matière criminelle contre les intérêts des enfants, les institutions civiles et religieuses se sont entendues comme larrons en foire pour exploiter les gosses.

    Ce qui explique d’ailleurs la difficulté de pouvoir, pour les descendants et les victimes les plus âgées de ces instituts, de pouvoir être entendus et de percevoir une réparation financière et judiciaire concernant leur calvaire dans ces instituts.

    Là où moi je trouve les institutions civiles relativement honnêtes, c’est qu’au moins, un site officiel gouvernemental, des chercheurs associés, des anciens juges comme Philippe Poisson, traitent publiquement de ces questions et de ces dossiers criminels sans plus mentir à ce sujet. Ce que le clergé catholique romain est pour le moment encore aujourd’hui, incapable de faire.

    Et ça, ça me paraît très grave. Pourquoi ? Parce que ça laisse entendre encore, pour certains croyants qui sacralisent le clergé, que l’institution civile ment et cherche à salir sciemment le clergé. Ou que l’institution civile est la seule à avoir exploité les gamins.

    Alors que c’est faux. Le catholicisme romain est en France en tout cas, la première institution d’exploitation de l’enfance pauvre.

    On part d’ailleurs si on remonte au début institutionnel catho, d’une exploitation religieuse des enfants dans les abbayes, couvents, séminaires, pour aboutir progressivement à une double exploitation civile et religieuse, dans les orphelinats et hospices écoles d’abord durant des siècles, puis au 19e, dans les instituts pénitentiaires, les écoles industrielles, les colonies agricoles, mais aussi dans pas mal de pensionnats.

    Donc je dis au clergé : arrêtez de nous raconter des salades que c’est Mai 68, les vilains hippies qui ont corrompu nos braves curés, religieux et leur ont fait commettre le pire. Le pire, il n’a pas attendu Mai 68 pour être commis. Il s’exerçait en toute impunité dès le 4e siècle avec l’oblatio et d’autres formules.

    Donc soyez honnêtes, mettez cartes sur table. Arrêtez de nous mentir. Arrêtez de faire croire aux croyants et à la société civile en général que le clergé catholique n’a jamais ô grand jamais exploité les enfants depuis ses débuts institutionnels. C’est faux ! Les archives judiciaires le prouvent. Les lois en vigueur pratiquées depuis le 4e siècle le montrent aussi.

    Concernant Mettray, parlons en. Parce que c’est du même tonneau que les Vermiraux, Cîteaux, etc. On est dans une présentation vitrine abusive. Avec tout un tas de qualificatifs qui sont sans objet au regard des réalités criminelles. Notamment sur ce qui concerne les décès des colons. Qui sont sous-évalués. Dissimulés. Parce qu’il y a des suicides, des maltraitances et tortures en plus de l’exploitation agricole. Et bien sûr des pratiques pédophiles dont Genet (ancien colon) parle plus ou moins ouvertement.

    http://academie-de-touraine.com/Tome_21_files/105_60_047-066_ardouin_weiss.pdf

    Petite parenthèse : si l’on prend la dissimulation des cadavres d’enfants à Tuam (affaire des Mother and babies homes) et partout dans les institutions pénitentiaires religieuses irlandaises (on sait aujourd’hui que 15% des décès de ces enfants a été dissimulé par les autorités civiles et religieuses), on comprend que c’est une pratique générale à toutes ces institutions et depuis très longtemps. Pour cacher crimes, suicides, tortures, pédophilie. Et tout simplement, le défaut de soins et des conditions d’internement indignes. Tout en présentant une vitrine très proprette.

    Mettray qui a des mécènes et directeurs très célèbres encore : Les Chodron de Courcel, la famille de Bernadette Chirac, auquel cas Alphonse Chodron de Courcel. Famille qui a aussi bien financé et dirigé de telles entreprises « humanistes » avec les bénéfices que l’on sait, que représenté à ses débuts (entre 1954 et 1965) en France l’Opus Dei en terme de responsabilité civile. Après ce sera la famille de Giscard d’Estaing qui lui succédera avant la famille Lejeune (parrainée par Bernadette Chirac), toujours en poste actuellement.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Colonie_agricole_et_p%C3%A9nitentiaire_de_Mettray

    Et l’on comprend bien pourquoi c’est problématique de parler d’exploitation enfantine dans ces instituts pénitentiaires quand une grande famille qui a encore des intérêts politiques à l’heure où nous parlons, a participé à de telles entreprises criminelles.

    On peut mettre toutes les raisons que la considération de l’enfant n’était pas la même qu’aujourd’hui fin 19e et avant. Cela est certain, évident. Mais le résultat il est là. Des millions de victimes enfantines. Des bénéfices financiers gigantesques pour ces instituts aussi bien civils que religieux. Ces grandes familles qui financent, qui investissent dans ces lieux de vie et parfois les dirigent (pour soit disant sortir les gosses de la misère alors que c’est juste une exploitation plus industrielle de la misère qui se perpétue), vont construire leur domination, leur prestige au travers de cette exploitation des enfants.

    Et de la même façon, on va les retrouver dans des projets politico-religieux abusifs et criminels comme ceux de l’Opus Dei.

    Manger à tous les râteliers du moment que ça rapporte de l’argent, du pouvoir, un réseau et du prestige pour mieux asseoir sa domination ! Parce que c’est ça l’objectif. Et on voit aujourd’hui à quel point ces entreprises ont marché, ont permis l’avancement et la construction d’une certaine façon d’un empire politico-religieux. Qui encore aujourd’hui, s’exerce en France.

    Là je prends l’exemple des Chodron de Courcel parce que vous me parlez de Mettray. Mais vous avez d’autres grandes familles françaises très en vue qui ont fonctionné de la même façon sur d’autres établissements du même type, mais aussi des fondations plus récentes. Avec le même succès.

    Et qui encore aujourd’hui de par leurs intérêts politiques, rendent plus difficile, l’accès à la vérité sur pas mal d’affaires politico-religieuses. Parce qu’il n’est pas dans leur intérêt que tout ce passé soit connu par le grand public et encore moins par les croyants qui votent pour leur famille politique. Et qui croient en la bonne foi et dans une image de ces familles, très respectable et très sainte aussi. Dans la mesure où ces familles sont engagées religieusement.

    Quand François Truffaut (Les 400 coups en 1959), Claude Miller (la petite voleuse en 1985), Gilbert Cesbron (Chiens Perdus sans collier), Jacques Prévert (la chasse à l’enfant), Jean Genet (ancien colon de Mettray) parlent de ces établissements, ils le font pour dénoncer, pour témoigner, pour sortir du silence cette exploitation enfantine. Et parce que se sont des hommes, on s’aperçoit qu’ils vont permettre la cessation de ces pratiques pour les garçons et aussi la reconnaissance publique de ces crimes et violences sur enfants.

    https://bribesdinfo.blog4ever.com/la-tragique-histoire-d-un-poeme-de-prevert

    Pour ce qui concerne les filles, il n’y a pas ce type de dénonciation médiatique (sauf très tardivement dans les années 80-90 par les anciennes pensionnaires elles-mêmes) ; il faudra attendre les manifestations du MLF fin des années 60 mais aussi différentes révoltes de pensionnaires et une mutation laïque des instituts pénitentiaires religieux avec la formation d’éducateurs spécialisés pour qu’enfin, il y ait une petite prise de paroles qui s’amplifie depuis une vingtaine d’années. Grace en grande partie à Peter Mullan et son film Magdalena’s sisters, lié au livre témoignage des anciennes pensionnaires irlandaises « Sexe in cold climate ».

    Pourquoi c’est plus long ? Parce que la société civile et religieuse considère que les femmes, les filles doivent être internées, corrigées, dressées à la soumission. Et que le monde religieux est certainement le mieux placé pour parvenir à ce projet. Il n’y a pas avant le MLF en France et des lois plus favorables aux femmes, de prise de conscience de la violence criminelle qui a été exercée contre elles.

    Depuis 20 ans, on commence à avoir des productions, des dénonciations. Mais cela a pris du temps. Parce que la société reste encore très corsetée. Qu’on s’émeut plus facilement sur un petit garçon violé et exploité par le travail par un prêtre que sur une petite fille qui se pend après avoir été exploitée par les nonnes, puis violée par des notables dans un institut religieux.

    C’est moche, mais c’est vrai. C’est une réalité qui se vérifie très facilement. Dès que ça concerne des filles, des femmes exploitées, violées, le déni est beaucoup plus important. Ce qui montre bien la difficulté encore aujourd’hui de considérer les femmes, leur parole, leur corps, leur sexualité.

    Du coup, je vous laisse un lien très pédagogique sur le sujet :

    https://mauvaises-filles.fr

    Qui vous permet de découvrir époque à époque, comment sont gérées les filles qui ne correspondent pas au modèle social en vigueur. Et qui permet d’expliquer aussi leur exploitation par le système aussi bien religieux que civil.

    Bonne découverte et bonne lecture/écoute/visionnage.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 13 janvier 2021 19:18, par Damien

    Bonjour Françoise

    Cette fois, je n’oublie pas de renseigner mon prénom.Il faudra me dire, si nous restons en bon termes après ce message  😇 comment vous réussissez à intégrer des vidéos dans les vôtres. J’ai essayé de copier le code d’intégration directement, mais cela ne semble pas fonctionner quand on prévisualise.

    Pour en venir au fond, on ne peut pas plaquer une grille de lecture moderne sur des institutions anciennes en instruisant le dossier exclusivement à charge. La tâche d’un historien n’est pas d’abord de juger, mais déjà de comprendre. Voyez cette conférence très intéressante de Johann Chapoutot sur la démarche historique qu’il s’est efforcé de suivre, même sur un cas extrême comme le nazisme. Faire de l’histoire avec pour seul but de "coincer" des coupables et des institutions, surtout quand ils sont "d’Eglise", c’est s’interdire de rien comprendre.

    Si vous prenez la première colonie agricole de Mettray créé en 1839, et dont s’inspire l’œuvre du père Rey à Cîteaux, c’est d’abord une entreprise philanthropique, fondée par un avocat humaniste, Frédéric de Metz, pour la réhabilitation d’enfants délinquants. Avant 1839, des mineurs croupissaient dans des prisons mélangés à des majeurs dans des conditions d’insalubrité absolue. Il s’agissait de faire sortir ces enfants des prisons et de les éloigner de la corruption des villes. « Le projet devra leur permettre de « se rédempter par la religion, le contact avec la nature et le travail aux champs » La colonie de Mettray sera pendant une vingtaine d’année une véritable référence en France et en Europe où se créeront des colonies du même type. » Cf. le site Enfants en justice à qui j’emprunte ces lignes. Il s’agit de « sauver la terre par les colons, et les colons par la terre » comme l’explique cet ancien avocat pénaliste tourangeau dans cette séquence de France 3 Cela ne va probablement pas sans arrière-pensée, comme de disposer d’une main d’œuvre agricole et ouvrière à peu de frais, mais cela reste un progrès évident par rapport à ce qui a précédé.

    Un siècle plus tard, en 1939, Mettray est fermé, comme tous les établissements du même type en France suite à des campagnes de presse virulentes en 1934-1937 qui dénoncent tous ces bagnes d’enfants devenus de vrais repoussoirs après avoir été des modèles. On a changé d’époque. Ces colonies agricoles avaient déjà montré leurs limites à la fin du XIXe, notamment pour insérer des jeunes dans une France de plus en plus urbaine et industrielle, et avaient été supplantées par des colonies comme Aniane où furent transférés des enfants de Cîteaux, refondé en 1885 en colonie industrielle offrant des conditions de vie plus hygiéniques que toutes ces colonies agricoles religieuses où les histoires d’abus sexuels alertaient l’opinion. Ainsi à Aniane, « cette évocation de l’homosexualité ambiante dans ces institutions a amené depuis le début du siècle (XXe) à transformer, dans les colonies pénitentiaires et correctionnelles, les dortoirs qui sont devenus cellulaires. Chaque pupille couche dans une cellule grillagée de 1,50 sur 2 mètres. Aniane possède sur ce modèle quatre dortoirs d’une contenance de 80 à 150 places. Pour renforcer la surveillance, une fermeture mécanique permet au moyen de leviers d’ouvrir et de fermer simultanément toutes les cellules. »

    Ce traitement était-il un progrès ? En un sens oui en cherchant à protéger, au moins en intention, les enfants les plus faibles des abus des autres. Selon nos standards actuels non, et à l’époque seules quelques rares voix isolées se faisaient entendre. Mais l’administration républicaine entendait à tout prix protéger les enfants de ces « pratiques vicieuses auxquelles ils se livr[ai]ent sur eux-mêmes » et de celles de leurs encadrants, bien souvent passés dans leur enfance par les mêmes institutions, comme le suggère le cas du frère Hyppolite, condamné 4 ans plus tôt pour vagabondage et immoralité. L’œuvre littéraire de Jean Genet que j’ai lue, qui fut l’un des derniers pensionnaires de Mettray, est là aussi pour en témoigner.

    Ce n’est pas en devenant chrétien que l’Occident du jour au lendemain a endigué tous ses maux. C’est une maturation lente qui a christianisé imparfaitement les sociétés, de même que pour un homme devenir un chrétien sincère ne moralise pas en un clin d’œil tous ses actes et le fait devenir subitement un saint. Ce serait une naïveté de le penser. Pourtant des saints il y en a eu au XIXe siècle dans l’éducation des enfants, comme Jean Bosco, qui dut se battre contre les autorités de son temps, indifférentes comme beaucoup à la misère des enfants dont il avait choisi de s’occuper. Mais là encore peut-être avez-vous des dossiers noirs à son sujet, car j’ai bien un peu l’impression que dans le procès que vous faites à l’Eglise, ce n’est jamais entre ombres et lumières.

    Les sociétés changent lentement, la nôtre peut en changeant très vite se donner l’illusion d’être plus vertueuse. Quand un intellectuel criait au lynchage il y a seulement dix ans au sujet d’un Roman Polanski, inculpé par la justice américaine d’avoir violé une gamine de 13 ans, cela passait encore, mais qu’il fasse le même numéro au sujet d’un Olivier Duhamel, accusé de faits similaires, mais pas (encore) inculpé, ça ne passe plus du tout et il se voit débarquer de la chaîne de télévision où il officiait. Il n’a sans doute pas pris la mesure du mouvement MeToo qui s’est imposé. Est-ce pour cela que notre société déchristianisée serait devenue plus "chrétienne" à l’égard des enfants ? Certes on n’ "expose" plus en sacrifice aux dieux infernaux tous les enfants difformes, comme ces affreux Romains, mais fait-on vraiment autre chose aujourd’hui ? Certes on ne renferme plus toute cette enfance abandonnée à sa naissance, flétrie et indésirable, dans des institutions cléricales ou laïques comme Cîteaux ou Mettray, mais c’est peut-être que ce souci a disparu depuis que l’avortement de masse a réglé légalement et humainement le problème, conformément aux droits des femmes et à celui des enfants à naître de se voir refuser une vie non désirée qui ne mérite pas d’être vécue.

    Il n’est pas du tout dans mon intention en disant cela de jeter la pierre aux femmes qui y ont recours dans des situations parfois dramatiques, avec la complicité hypocrite des hommes et de tout un "ordre moral", comme dans le cas d’ Anne Mardon avec ce jésuite et cet évêque. Je signifie par là simplement que toute société a ses propres points aveugles, qu’elle veut bien reconnaître dans les sociétés passées ce qu’elles ont eu de monstrueux, mais sans affronter ce qu’elles-mêmes ont de monstrueux sous le regard des sociétés passées, qui du fond de leur passé pourraient bien lui dire :

    « Vous nous accusez d’avoir exploité la misère de nos enfants, mais vous exploitez sans vergogne la misère des enfants des autres en achetant à vil prix ce qui est nécessaire aux vôtres, et de cela vous ne vous sentez guère coupables. A nous, sociétés pauvres du passé, vous faites le procès de nous être fort mal occupés de nos enfants miséreux, à Cîteaux ou ailleurs, mais vous, sociétés opulentes, vous avez préféré éliminer plus d’un quart des vôtres (750 000 naissances, 215 000 avortements) pour ne pas avoir à vous en occuper. »

    Ce jugement vous paraîtra injuste, vous trouverez ces considérations rétrogrades, dignes des cathos intégristes que vous honnissez. Tant pis. C’est aussi cela le tribunal de l’histoire, ne pas juste voir sous notre regard la poutre de ceux qui nous ont précédés, mais aussi voir ce qui est loin d’être une paille dans le nôtre. Je ne renvoie pas présent et passé dos à dos. Il y a une croissance du bien dans l’histoire, qui a amélioré le sort de bien des enfants, du moins en Occident, mais il ne faudrait pas non plus, conditionné par une mentalité sécularisée et progressiste, être aveugle à la croissance du mal dans une société qui n’est plus chrétienne, et à ce qui a pu se faire de bien à une époque où elle cherchait imparfaitement à l’être.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 12 janvier 2021 12:59, par Françoise

    Bonjour

    Je ne sais pas si je réponds à Damien car la personne a oublié de préciser son nom. Merci de le faire. C’est plus commode de savoir à qui l’on s’adresse que dans le vide.

    Bien sûr que l’oblatio à la base provient de lois antiques, mais il y a une spécificité liée à la Curie dans l’oblatio. Donc Rome pouvait en réalité décider tout autrement si véritablement l’intérêt vis à vis de l’enfant était différent et plus humaniste pour l’institution cléricale de ce qu’elle pouvait être dans la société civile. Or l’institution cléricale romaine a utilisé l’oblatio dans la même perspective totalitaire et abusive et criminelle.

    Ce qui m’amuse, c’est qu’il faut que je sorte de la documentation pour qu’il y ait un début de reconnaissance de pratiques de ce genre. D’abord on me dit : mais non, c’est du racontar anticlérical, ensuite ah mais oui, mais c’est la société civile antique la responsable. Ben non, car l’institution cléricale catholique pouvait complètement sortir de ces directives. Elle pouvait se différentier et elle ne l’a pas fait. Parce que son intérêt financier, politique, idéologique était le même que celui des gouvernants. Et que ça permettait de remplir plus rapidement les congrégations et donc de fabriquer du personnel clérical en grande quantité.

    Et quand vous savez que cette pratique en France perdure jusqu’au 20e siècle jusqu’à ce que le droit de correction conjugal et paternel soit aboli (il remplace d’une certaine façon l’oblatio à partir du 1804 et du code Napoléon et sera aboli fin des années 1930), soit à la veille de la seconde guerre mondiale, franchement, ça fait plus que hurler. Elle est où la considération humaine et morale au sein de l’institution catholique cléricale ?

    Non, l’institution cléricale catholique romaine n’a absolument rien fait pour les droits de l’enfant. Elle a participé comme les autres institutions à exploiter un maximum l’enfant, les femmes et les ados à tous les niveaux. Et elle s’est associée à d’autres institutions parfois pour ce faire.

    Et la traite des enfants par les institutions religieuses, perdure bien jusqu’au 20e siècle aussi puisque je vous avais je crois mis le lien sur les pratiques de prêtres français qui achetaient et raflaient des enfants pauvres pour les grandes usines de la verrerie de l’est de la France. Ceux qui dénoncent ces pratiques sont des syndicalistes, des ouvriers, des anarchistes, pas du tout des religieux. Et encore moins les industriels qui utilisaient cette main d’œuvre et faisaient des profits immenses sur leur dos.

    On a aussi ces traites d’enfants dans les couvents prisons et les foyers maternels. Et ça partout en Europe. Du moment que nés hors mariage, les bébés de tas de femmes sont volés et vendus ensuite par les institutions religieuses en toute impunité. Ca représente un commerce considérable pour les couvents-prisons. Leur fortune est construite à la fois du bénéfice tiré du travail forcé des filles emprisonnées, mais aussi de la vente des bébés de ces filles.

    Si véritablement comme vous le prétendez, le christianisme a donné une autre vision de l’enfant à l’exemple de l’enfant Jésus, pourquoi utiliser cette traite d’enfants et la perpétuer jusqu’au 20e siècle, sérieusement ? Pourquoi recourir aux viols, sévices sur des jeunes recrues dans les séminaires, couvents et monastères et abbayes ?

    C’est pas faute de ne pas avoir lu les évangiles. Et de voir que Jésus condamne largement les maltraitances à enfants. Alors pourquoi faire tout le contraire et présenter cela comme un progrès social ?

    Les enfants sont mêlés dès le début avec les moines ou les moniales. Se sont leurs instructeurs. Seuls les dortoirs sont différents. Mais ça n’a jamais empêché des moines comme des nonnes ou des prêtres d’aller réveiller leurs favoris pour ensuite les livrer au pire. Ni de les coincer à différents moments de la journée pour les mêmes motifs. Cette pratique est présente jusqu’à la fin du 20e siècle. Dénoncée par les victimes de pédophilie cléricale.

    Les seuls laïcs qui œuvrent dans une abbaye, c’est le jardinier/paysan avec sa famille qui a ordre d’emprunter un chemin particulier avec une clochette pour éviter de rencontrer les moines, les moniales et les enfants. On le constate là encore avec les plans architecturaux anciens car le logement du jardinier et sa famille se trouve en bordure d’abbaye, comme s’il était le logement de gardien. Le jardinier d’ailleurs est souvent celui qui a le double des clés. Ca peut être aussi le métayer. Cette pratique est encore présente au 19e siècle et décrite précisément par Victor Hugo dans les Misérables.

    L’âge du recrutement des enfants va augmenter significativement au 19e siècle. Avant la Révolution de 1789, même si théoriquement l’âge a grimpé pour entrer en religion, en réalité, entre orphelinats, ouvroirs et monastères, on se rend compte que les enfants sont intégrés au clergé bien avant l’âge soit disant requis. Et traités, considérés comme recrues et maltraités dès lors qu’ils présentent une quelconque rébellion ou désobéissance.

    L’enfant n’a même pas son mot à dire quant à la profession religieuse et ce jusqu’au 20e siècle. Si vous ne l’avez lu, lisez « La Religieuse » de Diderot. Il y raconte le calvaire monastique d’une jeune fille qu’il connaît bien et qui aboutira dans la réalité au suicide (pas dans le roman) puisqu’il s’agit de sa propre soeur. Cette réalité est celle de beaucoup de jeunes filles nobles depuis le 4e siècle. Mais aussi de filles de paysans. Il n’y a que très peu de vocations libres. Massivement, se sont des vocations forcées, induites par l’oblatio mais aussi des raisons patrimoniales et économiques.

    Vous avez aussi les fameuses écoles de Port-Royal et bien d’autres où les sévices et abus sont légions. Les Frères des Ecoles Chrétiennes sont tout aussi réputés pour ces maltraitances, les Jésuites n’en parlons pas…c’est plus que de notoriété publique.

    Je prends l’exemple de l’orphelinat de la Pieta à Venise, qui un peu plus tard, formera en partie des enfants musiciens mais qui préalablement les marquait au fer rouge jusqu’à ce que Antonio Vivaldi, profondément choqué par la pratique qui rappelait également celle qu’on faisait subir aux bagnards et aux prostituées depuis longtemps, s’indigne et requiert plutôt que le marquage au fer, un uniforme coloré. Ce qui sera finalement accepté au sein de la Sérénissime République.

    Comment dans une société religieuse dont vous dites que l’Enfant Jésus donne une idée de l’enfant différente de la société, un clergé digne de ce nom peut marquer au fer chauffé à blanc des enfants ???? Non mais sérieusement…Et l’orphelinat de la Pieta n’est pas la seule institution religieuse à pratiquer ça. Cette pratique de marquage se fait partout où les enfants sont accueillis sans protecteur. Le marquage comme des bestiaux permet de limiter les fugues mais aussi montre l’appartenance définitive de l’enfant à l’établissement (qu’il soit religieux ou non) et ce qu’il doit sa survie et son entretien à l’institution de façon permanente. Ce marquage au fer se pratique au sein des institutions religieuses comme laïques.

    Si l’enfant issu de ces établissements commet une faute, ce marquage permet des peines plus importantes, une espèce de no-limites dans les violences aussi. A quel moment l’institution cléricale dans son ensemble s’oppose à ces pratiques ? A aucun moment. Se sont des personnalités qui vont dénoncer individuellement ces pratiques et permettre par leur dénonciation de les faire cesser. Mais les institutions religieuses comme laïques ne se réforment pas à ce sujet. C’est la pression sociale, le changement de mentalité qui contraint les institutions à changer.

    La notion de considération de l’enfant n’existe pas plus que dans la société civile, au sein du clergé. Justement du fait de l’oblatio mais aussi du système d’abandon qui livre entièrement les enfants au pouvoir religieux et à l’esclavage.

    On le voit également dans les documents anciens des monastères et des couvents qui accueillent des pensionnaires. Et la tradition pédophile et abusive fait l’objet à différentes époques de pamphlets, de chansons, de récits détaillés dès le Haut Moyen-Age. Et jusqu’au 20e siècle. L’enfer des bibliothèques est pavé de récits de ce genre. Et qui sont ancrés dans une réalité sordide.

    On sait que certaines congrégations sont plus pédophiles que d’autres. Mais qui dénonce cela autrement que les écrivains et les pamphlétaires ? Personne. Car le pouvoir de l’institution cléricale est aussi grand que celui des gouvernants y compris après la chute de la monarchie.

    Pourquoi peut-on dénoncer l’institution cléricale romaine depuis quelques décennies sur ces pratiques pédophiles criminelles ?

    Tout simplement parce que l’institution a perdu son pouvoir dans différents secteurs sanitaires, judiciaires, sociaux, et éducatifs. Elle a été déchue et ramenée à des activités religieuses et non plus ni sanitaires, ni sociales ni pénitentiaires et même plus éducatives dans la mesure où le personnel enseignant est laïc. La bascule a commencé dans les années 60. Et s’est terminée fin des années 70, début des années 80.

    Nous n’avons plus d’hôpitaux, ni d’écoles ni de centres pénitentiaires tenus par des religieux et religieuses et des prêtres. C’est fini depuis les années 70 (quelques exceptions demeurent jusque fin des années 90 en Espagne et en Irlande), partout en Europe. A la place, nous avons des laïcs formés dans des écoles d’infirmières, des centres de formation pour éducateurs spécialisés, dans des IUFMs (anciennement les Ecoles Normales). Ces formations sont plus pointues que les savoirs des religieux, largement dépassés sur différents secteurs d’activité. Et ces religieux étaient marqués par une vision sociale, sanitaire sous le prisme de la domination et de la violence. Qui sont de plus en plus dénoncées à partir de la fin de la seconde guerre mondiale. En réaction à la barbarie des camps, mais aussi aux aspirations de liberté des anciennes colonies, en réaction à modèle massivement patriarcal et arbitraire qui peut enfin être contesté par une jeunesse qui est suffisamment éduquée scolairement pour se rendre compte de l’injustice de ce type de fonctionnement.

    C’est en cela qu’il y a une réelle rupture entre avant les années 60-70 et après.

    En même temps, on ouvre la pédopsychiatrie avec la possibilité pour les enfants d’être entendus en tant que sujets pensants et dignes et non plus seulement comme dépendants d’une autorité.

    On ouvre aussi les hôpitaux psychiatriques pour lancer ce qui s’appelle « la psychiatrie institutionnelle », c’est à dire non plus l’internement arbitraire des personnes malades, mais des soins en milieu ouvert, en cabinet de ville, en tenant compte de leur personne, de leur intégrité, de leur dignité, de leurs droits humains. L’internement ne prévaut plus que pour celles et ceux qui présentent un danger pour eux-mêmes et les autres. Beaucoup de traitements inhumains et violents sont abandonnés et remplacés par des médicaments assortis et c’est très important de le préciser, de thérapies psy par la parole et des activités récréatives et cognitives.

    Et parce qu’enfin, il y a les droits des femmes dans les années 70, puis des droits internationaux de l’enfant depuis 1989.

    Il y a donc sur cette base la possibilité pour les victimes de maltraitance et de crimes sexuels dans le cadre religieux comme laïc, de pouvoir porter plainte et témoigner et être considérés véritablement.

    Si par le passé, il y a eu des affaires comme celle de Cîteaux et bien d’autres, la grosse différence aujourd’hui, c’est que les victimes peuvent le faire par rapport à ces droits fondamentaux internationaux de l’enfant et des femmes. Il y a une législation pénale qui a changé du fait de ces droits fondamentaux. Ce qui était impossible avant 1989.

    Autre point : aujourd’hui, se sont des croyants pratiquants qui massivement déposent contre le clergé. Ce qui n’était pas forcément le cas autrefois. Le clergé ne peut donc plus s’abriter derrière le concept d’une remise en cause anticléricale, de la part d’opposants et d’athées. La plupart des affaires pénales relèvent de victimes croyantes. Et qui ont cru fortement dans le clergé. Et que le clergé a trahi.

  • Bonjour Françoise

    Cette pratique par des parents de donner leurs enfants à des monastères heurte évidemment notre mentalité, mais est cependant largement tributaire des conceptions de la Rome païenne où « l’enfant n’appartient pas de naissance à l’humanité. Être informe et sauvage, il n’est ni physiquement ni moralement un homme, c’est son éducation qui le fabriquera tel »

    Ce que dit d’ailleurs le document que vous mentionnez. Il invoque ainsi le « droit du père qui, en vertu de sa patria potestas, pouvait disposer d’après le droit romain, presque sans limites de la destinée de ses enfants » « Le droit et la forme de l’oblation ont été décrits in-extenso par saint Benoît au début du VIè siècle. Celui-ci, formé par le monde romain de son époque, ne voyait aucun problème à laisser les parents décider seuls de l’avenir de leurs enfants. »

    Le document que vous citez à charge ne présente cependant pas ces enfants comme réduits en esclavage et livré à la merci des moines. « Pour préserver la vertu et la pureté des enfants, on leur évitait, par exemple, tout contact avec les autres moines. » « Si les verges étaient d’un usage courant suivant la recommandation de la règle de Saint Benoît, cependant on essayait d’éviter toute sévérité exagérée dans les punitions, comme il est souligné d’une manière spectaculaire dans un manuscrit du bas moyen âge. »

    Cette pratique des enfants oblats fut finalement interdite par l’Église, en la personne du pape Martin V en 1430, pour les enfants en dessous de 14 ans (c’est à dire en dessous de l’âge où on était un enfant à l’époque).

    Il y a eu une moralisation lente par l’Église de tout un héritage romain où l’on faisait peu de cas de l’enfant, mais dont certaines conceptions juridiques étaient déjà un progrès civilisationnel par rapport à des mœurs bien établies, sauvagement païennes où l’on n’hésitait pas à sacrifier des enfants, ce que des empereurs romains avaient plus ou moins fait interdire, et qui a définitivement disparu avec le christianisme, même si on le voit ressurgir à l’occasion dans les pratiques infâmes, mais marginales, d’un abbé Guibourg, inventeur des messes noires au XVIIe.

    Je vous cite cet aperçu des mœurs romaines dans lesquelles le christianisme a pris son essor :

    « Un deuxième groupe prend alors forme sans effort, tant il apparaît homogène : c’est le groupe des enfants difformes, « sanie inutile » que la Loi des douze tables ordonne de mettre à mort sur le champ, en les dévouant aux dieux infernaux afin qu’ils ne souillent pas la Cité. La loi impose cette purification, elle est sacrée, le citoyen romain la respecte, c’est la loi des ancêtres. Viennent rejoindre cette cohorte de victimes innocentes, les innombrables et non dénombrées multitudes d’enfants mis à mort dans le secret de la vie privée, sur ordre du pater familias, exposés, donc voués à une mort presque certaine, ou castrés en vue de la prostitution, enfants non reconnus, rejetés, adultérins, excédentaires. Entrent dans les rangs de ce deuxième groupe les enfants nés de l’ incestus des vestales, les enfants d’esclaves élevés pour remplacer, à Carthage, les enfants des grandes familles promis à l’immolation en l’honneur de Saturne-Baal, les nourrissons galates immolés et consommés, les enfants thraces sacrifiés à Mars et à Bellone, de même les enfants sabins des Curètes, de même la vierge de Laodicée, les enfants des Dumatiens, ceux des Gaulois. C’est donc un groupe très homogène d’enfants, innocents de tout crime, réservoir inépuisable de matière à sacrifice, condamnés d’avance par la loi, exécutés par le père ou les prêtres, offerts aux dieux par respect de pratiques rituelles propitiatoires. Ce groupe mérite bien la dénomination que nous lui proposons d’« infanticides sacrificiels ». Le sacrifice humain dans la littérature latine, mythes,légendes, historicité, représentations, thèse de doctorat à l’Universite Paris 3 de Jean-Yves Fournis, 2012

    On ne peut pas faire le procès de toute la chrétienté en faisant l’impasse sur tout ce qui l’a précédée et le bien objectif qui a été fait à travers elle. Si des pratiques qui ont eu cours paraissent intolérables à nos yeux, c’est parce que notre regard sur l’enfant a été changé à travers le christianisme, ne serait-ce que par la venue de l’Enfant-Jésus qui a bouleversé le regard des hommes sur l’enfance, et pas seulement par le 18e siècle de Rousseau qui a abandonné ses propres enfants à l’Assistance publique, et certainement pas par l’Université de Vincennes où enseignait René Scherer, auteur d’Emile perverti et d’Une Erotique puérile, amant de Guy Hocquenghem quand ce dernier avait 15 ans) et ami de Matzneff, Duvert, et consorts. (Même si dans la nef des fous qu’était Vincennes, on trouvait aussi de bonnes choses comme la pensée anti-psychiatrique issue des travaux de D. Cooper et R. Laing dont le cinéaste Ken Loach a tiré en 1971 Family Life, très bon film.)

    Ce que vous dites des mœurs dont vous avez été la victime ne me surprend pas. Il y aurait beaucoup à dire sur des réseaux, (que vous mentionnez en rapport avec l’affaire des « disparues de l’Yonne » autrement appelée celle des torturées d’Appoigny) dans lesquels se retrouvent des gens « au dessus de tout soupçon » et « qui tiennent une place importante dans la société, et parfois dans l’Eglise », comme l’abbé Georges Morand en a témoigné sur France-Culture en 2011 (et il n’est pas tout seul à pouvoir en témoigner, croyez moi.)

    Le Christ est venu sauver tous les hommes, c’est de foi, et tous les hommes sont appelés à être membres de son Église, qui n’est pas la propriété des hommes, mais la Création de Dieu, dont l’Église terrestre n’est que la partie émergée, car elle comprend aussi tous ceux qui nous ont précédés dans la Foi avant son Avènement ou dont la vie témoigne en actes de leur attachement implicite au Christ, même s’ils ne Le connaissent que par leur lumière naturelle (ce que l’Église nomme baptême de désir). Ceux qui confessent explicitement le Christ, mais dont les actions témoignent contre Lui, font aussi partie de l’Église jusqu’au jour du jugement où seront séparés les brebis et les boucs, qu’il revient à l’Église sur cette terre d’anticiper par la vérité, la repentance et la réparation.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 11 janvier 2021 01:19, par Françoise

    La famille est aussi un système d’exploitation de l’individu durant très longtemps. Pour des questions de survie d’abord, mais aussi de patrimoine et d’héritage. L’enfant doit être rentable pour sa famille dès l’âge de 3 ans s’il survit dans une famille pauvre, modeste. Pourquoi cet âge ? A 3 ans, il a terminé de téter le sein de sa mère ou de la nourrice mercenaire qui s’occupe de lui. Il a plus de chance de survivre si c’est sa mère qui le nourrit qu’une nourrice qui très souvent, empoche l’argent des parents sans nourrir ou presque les enfants confiés. Les maladies, l’absence de médicaments, la rudesse et la précarité de la vie, l’absence de contraception font que l’enfant n’est pas investi affectivement comme nous pouvons le faire depuis la fin du 19e siècle. Il travaille très tôt aux champs, dans l’artisanat et le commerce si les parents sont artisans et commerçants. Ou rentre rapidement comme petit apprenti en manufacture royale (à partir de la période Colbert et jusqu’au 19e siècle). Il est très souvent abandonné quand les parents n’ont pas de quoi le nourrir. En orphelinat d’abord, la plupart du temps religieux. Il y est vendu ensuite dès que cela est possible comme domestique, esclave ou prostituée très rapidement.

    Chez les plus riches, l’enfant doit être rentable en captant de bonnes places dans la société : l’aîné et garçon est l’héritier du patrimoine et peut se marier, faire ce qu’il veut du moment qu’il respecte l’héritage familial. Les autres garçons sont destinés au clergé et à l’armée. Pour les filles qu’il faut doter pour les marier (ce qui coûte), le clergé est une solution très appréciable et régulière. La dotation à fournir est très faible. Elle est donc plus avantageuse que de marier les filles. Sauf à de très bons partis. La plupart de ces enfants riches ne sont pas élevés par leurs parents mais par des nourrices et des précepteurs, gouvernantes ou menés très tôt dans des couvents et des monastères, des écoles militaires où leur éducation scolaire est faite. L’arbitraire y règne et la violence aussi. Ces enfants ne revoient la plupart du temps leurs parents qu’au moment d’être ou mariés, héritiers, ou dotés d’une charge militaire, religieuse.

    Ca commence à changer au 18e siècle sous la conduite de Jean-Jacques Rousseau avec certains de ses écrits qui encouragent un rapport d’affection entre parents et enfants, même si pour ce qui concerne cet homme, il était dénué complètement de sentiment vis à vis de ses propres enfants à lui. « L’Emile ou de l’éducation » notamment, est un livre où il fait mention de l’importance de liens affectifs familiaux. La mortalité infantile étant très grande, pour inverser la tendance, il suggère le recours massif à l’allaitement maternel, pensant que ce sera le moyen également de tisser du lien entre mères et enfants et donc que les enfants soient mieux soignés, protégés et aimés, donc avec des chances de survie supplémentaire. Et ça marche y compris chez les femmes les plus riches. Le rapport à l’enfant change. D’abord au sein de la bourgeoisie et de la paysannerie. Puis dans le reste de la société progressivement. Mais il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que l’enfant commence à être considéré autrement que comme une bouche à nourrir et un moyen d’exploitation facile. Les usines en ont besoin, les clergés aussi. Sauf que, il leur faut du personnel qualifié. Donc passer par l’éducation et non plus seulement le formatage idéologique, physique et la formation sur le tas. La scolarisation étendue des enfants, ainsi que la mobilisation syndicale qui dénonce les violences faites sur enfants et l’exploitation multiple des petits ouvriers, vont donc progressivement mettre fin à l’exploitation enfantine par le travail en France. Elle cesse pratiquement à la veille de la première guerre mondiale. Là où elle persiste, c’est dans les congrégations et centres pénitentiaires qui sont des lieux de non-droit, donc des lieux d’exploitation par excellence. Et dans les bagnes et prisons, bien sûr.

    Je vous conseille pour comprendre tout ça de lire « l’amour en plus » (disponible aux éditions Poche) d’Elizabeth Badinter, qui vous détaille de façon encore plus pointue et détaillée tout ça.

    Vous pouvez aussi remarquer que les portraits peints d’enfants de toutes conditions et dans des situations de vie quotidienne et des attitudes « sentimentales », démarre au 18e siècle (avant, se sont les portraits de cour et de familles riches qui dominent). Allez regarder les portraits de Jean-Baptiste Greuze, Chardin, Vigée Lebrun. C’est très lisible au plan artistique. Et ce type de portrait enfantin se popularise au 19e siècle avec des différences : les portraits de mendiants et très pauvres. Le portrait social en quelque sorte. Vous avez les portraits de famille, plutôt bourgeois. Et les portraits de genre (l’enfant dans son quotidien). Cela ne tient en rien du hasard, mais accompagne le changement de mentalité et de considération des enfants, aussi bien dans les familles que dans la société en général.

    Dans les familles, l’inceste fait partie du quotidien. Il est pratiqué par le père de famille sur les filles quand la mère n’est pas disponible sexuellement. Il est utilisé comme moyen de domination. Et comme humiliation et domination sur les garçons.

    L’inceste est institué comme une tradition dans les grandes et riches familles pour tous les hommes qui s’entraînent ainsi sur leurs cousines, soeurs, etc. On mène également les garçons au bordel voire aux parcs aux cerfs comme on nomme certaines congrégations sûres dont les jeunes novices sont prêtées par les supérieures de couvent, en échange d’une bonne bourse, d’une forte dotation financière.

    Cette tradition incestueuse (hormis la traite des jeunes novices) perdure dans ces grandes familles. C’est un moyen de maintenir une certaine hiérarchie et domination et silence aussi dans les milieux les plus huppés. Comment je le sais ? J’ai un peu fréquenté ces milieux dans ma jeunesse. Et je suis aussi enfant incestée d’une famille de notables. Il y a des choses qu’on apprend très vite dans ce type de milieu quand vos parents fréquentent « la bonne société ». C’est sans doute en matière d’inceste, le milieu le plus silencieux et le plus fermé. Le plus pervers aussi. Car il y a toute la couverture bcbg et catho bon teint en vitrine. Et dans les arrières-cours, les comportements réels et bien glauques qui vont de l’échangisme à l’inceste, à l’adultère, en passant par des fantaisies plus sordides. Dans mon département natal, « l’affaire des disparues ou d’Emile Louis » est en partie liée aux notables du département. Même les très cathos y ont participé tout en allant chaque dimanche à la messe pour faire leurs dévotions. Et c’est pas le seul endroit de France où ça s’est pratiqué.

    Quant au milieu éducatif scolaire public, on ne va pas dire qu’il n’est pas un système de domination. Car l’école de Condorcet l’est en partie. Et nous sommes toujours sur ce modèle. On est pas sur un modèle d’école pour épanouir et véritablement permettre une émancipation complète des enfants en tant qu’adultes libres. Mais on est encore dans du conditionnement. Moins qu’au début de l’école, c’est sûr. On en est plus à chanter des chansons guerrières ou apprendre des poèmes patriotes ou vantant les mérites de la bonne ménagère. Mais le formatage y est de rigueur. Je le sais suffisamment en tant que prof. Même si j’essaie de m’en extraire le plus que je peux pour essayer de faire réfléchir mes élèves et les faire avancer au plan intellectuel, technique et psychologique. Mais le système de notations, le système d’organisation des apprentissages ne respecte pas du tout le développement des enfants. Il est essentiellement du bourrage de crâne. Sans vraiment lier les apprentissages avec les étapes de développement de l’enfant et leurs interrogations par rapport à la vie, au monde, à l’Histoire, aux sciences, à la littérature, etc. Sans prendre en compte leurs centres d’intérêts, leur situation parfois pas du tout évidente.

    Et dans ce cadre-là, il peut y avoir aussi des abus. On est quand même heureusement sortis de la sacralisation professorale. Qui autorisait là encore toutes les maltraitances y compris la pédophilie. Mais cette dernière continue d’y sévir parce que les pédophiles actifs vont aller dans des professions qui les mettent de préférence au contact des enfants. En profitant d’une position d’autorité.

    Dans les années 60-70, la véritable révolution scolaire, c’est celle des écoles Freinet. Franchement à des années lumière des expériences du Coral & Cie. Les écoles Freinet requièrent de véritables pédagogues et de redoutables techniciens dans une pratique professionnelle autre que purement scolaire (souvent dans l’artisanat d’art). Pas des gourous à la sauce pédophile qui se piquent d’éducation pour se constituer des harems de gamins. En dehors de Freinet, en terme de révolution scolaire, vous avez la reprise en main des couvents prisons et des écoles dites industrielles par des éducateurs spécialisés. Ce qu’on appellera par la suite les pédagogistes. Qui comprennent qu’il faut d’abord donner un socle de sécurité aux enfants éprouvés par la vie et travailler socialement avec les enfants et leurs familles avant qu’ils puissent être réellement disponibles pour apprendre à l’école. Ca nécessite du temps, de l’investissement. S’il peut y avoir des abuseurs, c’est pas la majorité dans ce secteur qui nécessite des qualités qui sont loin, très loin du profil des criminels pédophiles.

    Autre révolution éducative, les MJC. Maisons des jeunes et de la culture. Pour y apprendre quoi ? L’éducation politique et citoyenne. Et pas juste du tricot, du yoga ou de la danse de salon. Mais à y réfléchir, penser le monde, apprendre à se défendre aussi face à des situations d’arbitraire que ce soit au sein de la famille, au sein du monde scolaire, au sein du monde du travail. On y trouve des points d’information juridique, syndicale, judiciaire, sanitaire, sociale. On y réfléchit sur la condition humaine, sur comment améliorer le vivre ensemble. Mais ça ne plaît pas au pouvoir en place. Comme le dira très bien Christiane Faure : l’éducation populaire, ils n’en ont pas voulu, dans les hautes sphères. Parce que ce type d’éducation politique peut contester les politiques mais aussi le système économique, financier. Et ça, c’est un vrai de vrai problème.

    On a d’ailleurs des universités qui pensent tellement le monde autrement comme celle de Vincennes, qu’elle sera incendiée sur ordre de Giscard d’Estaing par une escouade policière.

    Un documentaire d’Arte en deux parties sur cet évènement :

    https://www.youtube.com/watch?v=FcCW-12OCeg

    Sinon, le système scolaire reste traditionnel. Et dedans, vous pouvez effectivement trouver des pédophiles. Pas mal de surveillants, de profs de sport qui profitent de la mixité éducative toute récente.

    Et une institution scolaire qui avec le collège unique et les différentes réformes, un recrutement plus lâche, forcément, on y trouvera des pédophiles et pas que des hommes, mais aussi quelques femmes.

    Mais les vrais de vrais pédophiles de cette période, ils ont envie d’autre chose que de rentrer dans l’institution scolaire. A eux les sectes, les expériences communautaires. Les plus grands pédophiles sont dans ces projets et structures. Parfois en politique aussi. Et de préférence, là où ils peuvent exercer un pouvoir totalitaire.

    Pourquoi on retrouve des pédophiles dans les gourous des communautés dérivantes sectaires ? En fait beaucoup sont issus de grandes familles où l’inceste se pratique depuis des générations sans être dénoncé ni contesté. Au lieu de dénoncer les faits, de se rebeller, la plupart ont intégré ces violences intrafamiliales comme positives pour ensuite les faire subir à d’autres. Et souvent dans un projet communautaire religieux. Qui mélange allègrement le mouvement hippie, les sectes de type Moon et une vitrine catho plus ou moins rigoriste.

    On retrouve ce même profil dans la plupart des sectes New Age.

    Pour terminer sur votre citation de Bernanos, Jésus ne s’est pas livré pour l’Eglise. Il s’est livré pour l’humanité toute entière. Pas juste pour un petit cercle d’initiés, de privilégiés. L’Eglise pour Dieu, pour Jésus, c’est l’humanité. Peu leur chaut qu’elle soit baptisée ou non. L’essentiel est dans l’amour que chacun donne au quotidien. C’est là ce qui passionne Dieu.

    L’Eglise qui est retenue aujourd’hui se réduit à l’institution cléricale essentiellement et à un petit cercle de baptisés, triés sur le volet. Ca fait partie des logiques identitaires et fondamentalistes. Qui mènent au sectarisme, au repli sur soi. Dans cette citadelle, on y trouve une institution qui n’évolue pas et qui part en sucette et déliquescence. Qui a perdu toute crédibilité. Qui a un problème immense de pédophilie, très très ancien, problème criminel qu’elle n’a quasiment jamais traité. Sauf entre 1947 et 1965. Mais après, rideau. Pourquoi ? Parce qu’elle considère toujours que ce n’est pas un crime. Que ses clercs ne doivent pas être inquiétés comme peuvent l’être des pédophiles laïcs. Pas de justice, pas de prison. Le clergé doit rester hors du monde quand il s’agit de crimes. C’est pareil pour les alliances avec la mafia. C’est pareil avec la milice opusienne. C’est pareil pour ce qui concerne les réseaux de protection des anciens nazis et oustachis. C’est pareil pour les fondateurs des groupes dérivants sectaires. Tout crime doit faire exception. Surtout pas de tribunal, pas de scandale, pas de médiatisation. Silence, pardon, prière. Et impunité. Ca c’est essentiel. De préférence en brandissant Jésus et Dieu en modèle.

    Seulement, l’institution a oublié ceci : elle n’incarne pas l’Eglise à elle toute seule, ni Dieu, ni Jésus. Elle n’en est qu’une infime partie. Et l’autre partie, la plus importante, les croyants victimes et leurs familles, ne sont plus prêts à se taire ni à se faire acheter ou menacer comme avant. C’est fini. Donc faut que l’institution traite le problème et sorte les dossiers qu’elle a en sa possession au St Office depuis le 4e siècle. Et là, vraiment, elle pourra traiter le problème réellement. Et reconstruire une crédibilité par le biais de cette réelle transparence. Admettre ses crimes, ses manquements, sa difficulté à considérer les humains non clercs avec respect, dignité. Et essayer de réparer, même un tout petit peu. Vous connaissez la chanson de Souchon, c’est déjà ça ! Personnellement, je rêve que l’institution sorte enfin de son silence mortifère sur ses crimes. Les reconnaisse pleinement, sans plus se cacher et nous raconter des salades. Ouvre les archives et dossiers du St Office. Rende hommage à Gerald Fitzgerald qui a osé prendre la défense des enfants et des familles en voulant traiter les prêtres pédophiles et les enfermer définitivement. Si le Vatican l’avait suivi, des millions d’enfants n’auraient jamais été abusés sexuellement depuis les années 60. Ca fait rudement réfléchir quand on y pense. L’institution a sacrifié des millions d’enfants pour permettre à son clergé de continuer de violer et d’abuser à sa guise. Partout dans le monde. Formidable témoignage christique, non ?

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 10 janvier 2021 21:29, par Françoise

    Bonsoir Damien

    J’essentialise parce que l’institution cléricale, c’est une organisation systémique au niveau du recrutement et de la gestion des enfants dès le 4e siècle. Vous prenez un vieux plan d’abbaye, de couvent, vous allez voir l’ensemble des bâtiments dont ceux qui concernent uniquement les enfants. Vous allez tout de suite comprendre que les enfants qui arrivent entre 8 et 9 ans, y sont enfermés autant que les moines, moniales et qu’il n’est pas question de sorties en extérieur, mais de formatage religieux plus que d’éducation scolaire. Les enfants sont coupés définitivement de tout contact extérieur, du lien à leurs familles car le principe des abbayes et des couvents est l’autarcie complète. Et vous le comprenez d’autant mieux en consultant les vies de saints rentrés en couvent ou monastère très tôt. Je vous passe de la documentation supplémentaire à ce sujet :

    https://www.uni-muenster.de/imperia/md/content/fruehmittelalter/personen/neiske/neiske-enfants-monasteres.pdf

    Comme ça vous ne pourrez pas dire que j’invente ou que j’exagère.

    Et c’est bien pour cela que ce principe qui démarre très tôt d’achat d’enfants pour les congrégations, autorise une main-mise complète sans limite d’adultes sur des enfants. Sans que ceux-ci puissent opposer de résistance ni disposer d’assistance et de secours extérieur.

    Essayez de trouver l’équivalent comme internement complet et définitif dans la société civile pure, en dehors de l’esclavage, ça n’existe pas.

    Dans ce type d’organisation, tous les abus, les maltraitances sont possibles et s’exercent. Ce qui crée de fait, un système de gouvernance abusif et qui est de plus très hiérarchisé mais aussi éduqué. On ne peut pas invoquer que les adultes qui abusent, violentent les enfants sont de pauvres hères, incultes, poussés par leurs instincts. Se sont des gens éduqués qui recrutent ces enfants, comme se sont des gens qui savent ce qu’ils font. Qui réfléchissent. Et qui travaillent avec une législation bien précise issue de la Curie qui prévaut à cette époque et qui continuera très longtemps. Durant toute la période monarchique.

    C’est pour ça que je parle de système.

    Pourquoi après le retour de la monarchie au 19e en France, on retrouve les mêmes dérives criminelles dans les congrégations mais qui là, vont s’étendre à un autre système laïc, qui est celui du monde industriel ?

    1. Parce que le clergé se reforme en terme de couvents, de monastères, de séminaires et là encore, il lui faut des enfants pour parvenir à disposer de personnel en suffisance.

    2.Parce que la bourgeoisie qui prend la place progressivement de la noblesse au niveau du pouvoir politique, économique et financier, comprend très vite que pour remplir ses usines, il faut, comme l’a fait le clergé catholique romain en son temps, recruter de la main d’œuvre enfantine selon des principes similaires. Et si ces enfants ne sont pas recrutables pour tout un tas de raisons sociales, comportementales, économiques, sanitaires, la bourgeoisie et le clergé vont enfermer ces enfants soit disant pour les protéger du vagabondage, de la prostitution, mais surtout pour les exploiter par le travail. Vous avez des contrats passés d’ailleurs entre certaines usines et des couvents, des monastères qui ont vocation à être des centres pénitentiaires pour enfants (qu’on appelait pudiquement coercition à des fins d’assistance). Ce qui explique d’ailleurs la gêne encore aujourd’hui de la société civile et de certains grands groupes industriels d’admettre leur co-responsabilité dans l’exploitation enfantine avec les congrégations à vocation pénitentiaire. Pire : différentes grandes familles encore très connues politiquement ont été des mécènes pour ces institutions religieuses pénitentiaires. Alors vous imaginez un peu à quel point l’intérêt encore aujourd’hui est plutôt de passer ça sous silence, plutôt que de mêler certains grands noms de l’industrie et de la politique à cette exploitation enfantine dans tous les sens du terme.

    Comment est-ce que je sais tout ça ? Eh bien, j’enseigne depuis de longues années en centre de formation industriel l’architecture, le design (tous secteurs) et le graphisme. Il y a une partie historique dans mes cours à mes apprentis. Je travaille donc à partir de différentes archives historiques pour construire mon cours. L’occasion d’en apprendre énormément en ces domaines. Et de pouvoir comprendre pas mal d’organisations hiérarchiques différentes depuis la haute Antiquité.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 10 janvier 2021 14:16, par Damien

    Françoise

    Ma réserve par rapport à vos messages est que vous paraissez essentialiser le lien entre l’Eglise et les abus qui s’y déroulent. Des pédophiles vous en trouverez partout où il y a des enfants, dans l’Église, hélas, mais aussi dans l’école et dans la famille où se concentrent 57% des agressions sexuelles et 51% des viols sur mineurs. Vous en parlez d’ailleurs dans votre message.

    Cela ne fait pas de la famille ou de l’école des "systèmes de domination" dont découleraient des abus. C’est en voulant justement les combattre et les remplacer par des institutions "anti-autoritaires" que des idéologues (pervers) de mai 68 se sont fourvoyés. Dans l’article, que vous indiquez, d’Anne-Claude Ambroise-Rendu, qui couvre la question de la pédophilie sur la période 1880-2000, vous noterez que presque la moitié leur est consacrée. Ce n’est pas le fruit du hasard. Pas une ligne en revanche dans son historique à mettre au passif de l’Eglise. Oubli fâcheux que vous ne manquez pas (non sans raison) de réparer dans vos messages, quitte à présenter l’Eglise depuis 17 siècles (pourquoi pas 2000 ans ?) comme une gigantesque entreprise de traite humaine et enfantine à démasquer. Là-dessus, je ne vous suis pas. Il y a des parents, des enseignants et des clercs abominables, cela ne frappe pas pour autant d’abomination la famille, l’école ou l’Eglise.

    Au niveau surnaturel, l’Église, qui n’est pas une institution humaine, ne se confond pas avec son personnel, a fortiori quand il ressemble à ce genre d’intendant infidèle dont parle la parabole de Jésus (Luc 12, 41-48) qui se dit que le maître tarde à venir et se met à violenter les serviteurs et les servantes de son maître. Des prêtres et des religieux qui maltraitent leurs victimes, des laïcs de sectes malfaisantes qui les abusent, c’est dans l’Église, mais ce n’est pas l’Église. Les paroles du Christ et de l’apôtre Paul ne laissent aucun doute : « Ôtez cela d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. » (Jean 2,16) « Ôtez le méchant du milieu de vous. » (1 Co 5,13)

    Bernanos faisait dire à l’un de ses personnages prêtre, un peu révolté, dans son Journal d’un curé de campagne : « Une paroisse, c’est sale, forcément. Une chrétienté, c’est encore plus sale. Attendez le grand jour du Jugement, vous verrez ce que les anges auront à retirer des plus saints monastères, par pelletées – quelle vidange ! » L’Église est salie par le mal des hommes, mais elle n’est pas sale. Car l’Église, c’est nous-mêmes, qui sommes ses membres par notre baptême, ce qui est rappelé aujourd’hui dans la liturgie par le Baptême du Seigneur, et « le Christ s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier par la parole, après l’avoir purifiée par le baptême d’eau, afin de faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. » (Ephésiens 5, 25)

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 9 janvier 2021 10:52, par Françoise

    Damien

    L’institution cléricale romaine n’a jamais ou presque contenu ni refoulé la sexualité de ses clercs masculins. Elle autorisait leur mariage pendant plusieurs siècles, elle autorisait le recours à la prostitution de façon discrète, elle autorisait les bonnes du curé (qui ne se contentaient pas d’être domestiques la plupart du temps). Elle a longtemps laissé faire les confesseurs privés qui venaient s’encanailler chez les bourgeois et les nobles pour y prendre maîtresses ou amants. Et le tripotage de garçonnets et de fillettes n’a jamais été puni au sein de l’institution cléricale. Combien de curés, venaient satisfaire dans les orphelinats « des fantaisies » comme le précisent certains grands écrivains.

    Soyons sérieux deux minutes. La sexualité et la prêtrise, n’ont jamais été vraiment dissociées. C’était le règne du pas vu, pas pris, au pire, et une certaine liberté sexuelle de fait pendant une longue période, au mieux, et ce jusqu’à aujourd’hui.

    Même dans les congrégations religieuses masculines et féminines, du moment que discrètes, les relations homos ne faisaient jamais scandale. Pire, pas mal de congrégations religieuses servaient de lupanars aux princes et rois. C’est de notoriété publique.

    A la limite, peut-on parler d’une certaine discipline et d’un certain contrôle au sein de quelques abbayes et couvents. Mais pas du tout chez les prêtres.

    Le nombre de prêtres qui disposent depuis plusieurs décennies, d’un compagnon ou d’une compagne clandestin-e, c’est la grande majorité des clercs. Pas la minorité. Ce qui gêne l’institution n’est pas la sexualité du clergé en soi. C’est le fait que cette sexualité puisse ouvrir des droits d’héritage à une progéniture qui pourrait déshériter l’institution cléricale au décès du clerc. C’est juste ça qui pose problème au Vatican. Si c’était réellement la sexualité qui posait un souci à l’institution, croyez bien qu’il y a longtemps que les parties fines dans les hôtels particuliers romains auraient été interdites et que ça ferait longtemps qu’une législation sévère aurait vu le jour concernant toute forme de sexualité des clercs.

    Le refoulement et le contrôle totalitaire de la sexualité, c’est pas pour le clergé, c’est pour la société civile. Et ça démarre par le contrôle complet du corps et du sexe des femmes, leur discrimination et leur infériorisation par les hommes et le clergé et les gouvernances à domination masculine.

    Il n’y a pas de répression de la sexualité masculine. S’il y en avait, cela constituerait une entrave à la sexualité des clercs. Ce que bien sûr, l’institution n’a jamais souhaité.

    La pédophilie constitue un exercice de domination totalitaire. Elle n’est pas liée à un quelconque consentement et encore moins à une libération sexuelle. Même si certains intellectuels l’ont prétendu durant les années 70-80. Ca n’a strictement rien à voir.

    Et les prêtres le savent depuis belle lurette puisque c’était par la pédophilie qu’ils soumettaient les gamins une fois achetés à leurs parents et enfermés dans les abbayes. Ca remonte pas aux années 1960-70, ça remonte au 4e siècle après Jésus-Christ. Comment croyez-vous que des hommes adultes pouvaient venir rapidement à bout de gamins révoltés par l’enfermement, la discipline, la coupure avec toute forme d’affection et de lien familial ? Il y avait la violence physique, mais aussi la violence psychologique et sexuelle, régulièrement employées pour soumettre les gamins. Avec des risques de suicide. Mais qui ont massivement fonctionné à la fois pour dominer les gamins mais aussi les pervertir très souvent. Phénomène qui rapidement est devenu un système de domination. Mais aussi une sorte de privilège. L’absence de toute répression cléricale comme civile de ce crime à l’intérieur des murs des congrégations religieuses comme des établissements scolaires religieux, fait qu’encore aujourd’hui, ce crime n’en est pas un aux yeux du clergé.

    La société civile n’a pas érigé la pédophilie en système de domination car dans son cas, ce crime était puni. Mais elle l’a utilisée et l’utilise encore régulièrement de façon impunie la plupart du temps dans un cadre familial. L’inceste est certainement la pédophilie la plus récurrente de la société civile. Et qui a du mal à être réprimé. Encore aujourd’hui.

    Si la période des années 1970 a permis au moment de la révolution sexuelle (que vous confondez avec la libération sexuelle qui ne concerne que la sexualité des femmes), de tenter de légitimer la pédophilie tout autant que la zoophilie comme des sexualités « légitimes », le propos n’a pas tenu très longtemps. Pas seulement du fait de l’affaire du Coral et de publications de romans et de propos d’intellectuels, d’écrivains sur le sujet. Mais parce que très vite, la société civile se rend compte de l’intenable de ce propos y compris à la télévision. Et les victimes protestent et commencent à s’exprimer dès les années 80. Fin des années 80, les droits internationaux de l’enfant (1989) vont encore plus délégitimer toute forme de pédophilie. L’inceste y est de plus en plus dénoncé d’abord par les victimes devenues adultes dans différentes émissions à heure de grande écoute.

    Et la condamnation définitive sociétale s’établit dans les années 90.

    Je vous passe un lien très intéressant qui résume toutes les étapes :

    https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2003-1-page-31.htm

    Dans la foulée du début des années 2000 et ce que ne précise pas le document, arrivent les révélations de l’acteur Sean Penn, mais aussi d’Amorena Winckler sur ce qu’ils ont subi avec leurs parents dans l’enfer de différentes sectes.

    Et nous avons en France et en Belgique, la dénonciation de réseaux pédophiles et leur répression avec l’affaire Dutroux et le film « les Ballets écarlates » de Jean-Pierre Mocky, qui traite pour la première fois au cinéma, le sujet pour dénoncer ces réseaux constitués selon Mocky de notables et de politiques essentiellement, premiers clients et coordinateurs de ces réseaux.

    Ce que n’avait pas du tout prévu le clergé catholique romain, c’est qu’il finirait lui aussi par être inquiété et dénoncé pour pédophilie par la société civile dans son ensemble et pas au nom de l’anticléricalisme passé. Mais au nom de l’atteinte à l’intégrité et à la dignité de l’enfant.

    Vivant en vase clos, en impunité quasi totale depuis des siècles rapport à ce crime qui est devenu un système de domination, malgré des condamnations au tribunal civil à différentes reprises (ce qui a contraint le clergé, entre 1947 et 1965 à agir pour essayer de traiter le problème en interne via les centres des Serviteurs du Paraclet), le clergé catholique romain pensait que le pire était définitivement du passé. Mais se sont les victimes des instituts catholiques pour handicapés qui vont se mobiliser dès les années 70 aux US (affaire Lawrence Murphy) puis les victimes d’instituts religieux de placement judiciaire dans les années 80 (Suisse, Irlande) et enfin dès les années 90, se sont les premières affaires des groupes dérivants sectaires. Et les révélations des victimes de couvents prisons et d’écoles industrielles. Je rajouterai aussi, même si l’affaire est davantage dénoncée début des années 2000, l’affaire belge du Collège St Jean Baptiste de la Salle à Estaimpuis, via la mort de Stéphane Sirkis, membre du groupe rock Indochine, dont le frère aîné, Christophe, révèle que Stéphane a subi des abus sexuels par les religieux (ainsi que d’autres anciens pensionnaires, hommes qui à cette occasion, dévoilent les abus et viols subis) et que ce sont ces abus avec traumatisme très grave qui l’ont conduit à la prise de drogue et à la mort en 1999. Son frère Nicola, resté dans le déni de ces crimes durant très longtemps et en froid avec Christophe l’aîné, et probablement aussi victime, finira au travers d’un clip vidéo en 2011, « College Boy », par dénoncer les faits.

    https://www.sudinfo.be/art/717229/article/regions/mouscron/actualite/2013-05-04/college-boy-le-nouveau-clip-d-indochine-fait-allusion-a-la-pedophilie-au-co

    Depuis 10 ans, les révélations s’enchaînent. L’affaire Murphy est dévoilée en France en 2011 par le documentaire d’Alex Gibney sur Arte. Et nous avons bien évidemment les affaires qui concernent Maciel et la Légion du Christ ainsi que bien d’autres.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 8 janvier 2021 01:46, par Damien

    En admettant que l’institution ecclésiale ait eu la mainmise sur les consciences jusqu’aux années 60-70 et qu’elle ait contribué, en refoulant la sexualité de ses clercs et de ses fidèles, à la voir en retour s’exprimer de manière perverse auprès d’enfants, il faut bien constater que ceux qui ont pris la place de l’Église dans les consciences et qui se faisaient fort de libérer la sexualité sont tombés dans des égarements pires encore.

    Je rappelle quand même que la vague actuelle de révélations sur des abus sexuels sur mineurs n’éclabousse pas QUE l’institution ecclésiale, mais aussi accessoirement beaucoup de gens prenant place parmi l’élite politique et idéologique qui durant des années ne se sont pas contentés de fermer les yeux sur le fléau de la pédophilie, mais qui ont cherché aussi à la légitimer et à l’encourager.

    Je ne rappellerai pas en France l’affaire du Coral (1976-1982), « lieu de vie » alternatif dans la suite de mai 68, les paroles et les écrits très ambigus d’un éminent représentant de cette génération, ni les noms d’ innombrables apologistes de la pédophilie et du tourisme sexuel qui ont pu s’exprimer aussi bien qu’agir librement pendant des années dans un silence complice. Une affaire récente, dans la foulée de l’affaire Matzneff, nous le remet en mémoire :

    https://video.lefigaro.fr/figaro/video/affaire-matzneff-quand-des-intellectuels-defendaient-la-pedophilie/

    Les médias français en ont peu parlé, mais l’été dernier, l’Allemagne horrifiée découvrait que pendant 30 ans, des années 60 à 2003, les services sociaux berlinois ont confié sciemment la garde d’enfants "à problèmes" à des pédophiles. Oui à des pédophiles ! Derrière cela, un homme, Helmut Kentler, personnalité reconnue du monde de la psychologie qui faisait part régulièrement de son expertise dans des rapports au Sénat de Berlin. De 1966 à 1974, Kentler était chef de département au Centre pédagogique (PZ) de Berlin, en charge des écoles la ville. Kentler était sexologue, adepte des travaux "scientifiques" de l’américain Alfred Kinsey, l’apôtre de la libération sexuelle qui notait scrupuleusement sur ses fiches les orgasmes des bébés. Le même Kinsey dont les thèses inspirent aujourd’hui l’Organisation mondiale de la santé dans le domaine “des droits sexuels et reproductifs”, par le biais exclusif de deux officines qui revendiquent sa paternité. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter l’intervention d’Ariane Bilherand sur RCF qu’on peut aussi écouter directement sur son site.

    Le Parisien 19/06/2020 :

    L’expérience Kentler » à Berlin : quand des enfants étaient confiés sciemment à des pédophiles

    « Pendant plus de trente ans, les services sociaux de la capitale allemande ont confié en toute connaissance de cause la garde d’enfants à des pédophiles, dans le cadre d’une « expérience » promue par un sexologue.

    Le concierge Fritz H. a pu violer au moins neuf garçons mineurs sans jamais être inquiété, pendant plus de trente ans. Et pour cause : les enfants, âgés parfois de 6 ans, lui étaient confiés directement par l’administration berlinoise chargée de l’aide sociale des mineurs.

    Fritz H. avait pourtant été condamné pour abus sexuel. Malgré cela, les fonctionnaires ont continué à lui confier la garde d’enfants. Tous les avertissements ont été ignorés par les autorités. « Il y aurait dû y avoir des contrôles. Ils n’ont jamais été effectués », déplore Wolfgang Schröer, l’un des experts du groupe de travail de l’université d’Hildesheim, à qui la mairie de Berlin a confié une étude sur ce scandale.

    Au contraire, les services sociaux ont préféré défendre Fritz H., qui était payé pour les gardes d’enfants jusqu’en 2003, l’année où ces pratiques ont cessé. L’une de ses victimes, un garçon handicapé, le paiera de sa vie. On retrouvera l’enfant mort chez lui dans des circonstances jamais éclaircies.

    Il ne s’agit pas d’une simple « défaillance ». Selon les enquêteurs, l’administration berlinoise était bien au courant du placement d’enfants chez des pédophiles. « Elle n’a pas seulement toléré. Elle a encouragé ces pratiques » Les enquêteurs estiment qu’il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. Selon leur rapport intermédiaire de 57 pages qui vient d’être dévoilé (les conclusions seront rendues l’année prochaine), tout laisse à penser que se cache derrière un réseau de pédophiles. Ils pointent du doigt plusieurs institutions de la capitale comme l’université berlinoise FU, l’administration ou l’institut Max Planck mais aussi des établissements scolaires dans toute l’Allemagne. « Les gardes d’enfants étaient confiées à des hommes puissants au sein de la communauté scientifique », souligne le rapport. Un scandale qui ne se limite pas à Berlin. Les services sociaux envoyaient des enfants à l’école d’Odenwald, à 600 km de la capitale. Cet internat a été fermé en 2015 après qu’on a découvert que 900 mineurs y avaient été abusés sexuellement entre 1966 et 1989. »

    L’école d’Odenwald ? Wikipédia nous apprend qu’il s’agit d’une "école-projet" ainsi que l’avait baptisée l’UNESCO en 1963, « marquée conceptuellement par les principes du mouvement de l’éducation nouvelle, par exemple l’introduction d’un système par orientation, en abandonnant les classes annuelles. Parmi les autres caractéristiques de la conception pédagogique de l’école, on peut noter – longtemps avant l’invention de l’éducation anti-autoritaire – l’introduction du tutoiement des professeurs. En éducation physique, jusqu’à un certain âge, les jeunes gens et jeunes filles s’entraînaient ensemble et toujours nus. »

    Affreusement catho-réac comme programme, n’est-ce pas ? Du cléricalisme à l’état pur ! Ben oui, il n’y a pas eu que des institutions cléricales qui ont fermé coupablement les yeux sur la pédophilie, il y a eu aussi des institutions "avancées" et "émancipées" qui ont non seulement fermé les yeux, mais ont surtout carrément et ouvertement fait de la pédophilie leur programme d’éducation !

    Et cela continue via des programmes internationaux diffusés massivement tant par des ressources "pédagogiques" à l’intention des enseignants, que par des articles dans la presse féminine (ex. Marie-Claire), avec pour but affiché « l’éducation au consentement » de l’enfant dès son plus jeune âge pour « lutter contre la culture du viol ». Sauf que l’enfant, pourvu de « ses droits sexuels » et libre de consentir sexuellement, est transformé subrepticement en petit adulte. Avant Ariane Bilheran, le sociologue Paul Ariès avait parfaitement compris, dès la fin des années 90, les enjeux d’un tel refus de l’opposition qualitative adulte/enfant au profit de la seule distinction quantitative (l’enfant est simplement plus petit). L’enfant devenant alors une minorité opprimée, qu’il convient de libérer en lui reconnaissant des « droits sexuels » actifs. Sexualisée sous les projections des adultes, cette enfance déniée aboutit, immanquablement, à une banalisation de la pédophilie dite « douce » entre petits et grands adultes consentants. (Cf. Le Retour du Diable, Paul Ariès, Editions Golias, 1997, pp. 95-96)

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 4 janvier 2021 23:49, par Françoise

    Bonjour à tous Bonjour LW, Anne

    Merci, Anne. Bonne année et bonne santé à vous ! Effectivement, il y a encore beaucoup à découvrir. Mais l’essentiel est d’avancer et de comprendre ce qui s’est passé, pourquoi et comment. Les pas sont très lents mais on avance sans que ça paraisse considérablement. Déjà en terme de prise de conscience, au moins dans la population dite civile.

    Il en va autrement au sein du clergé. C’est plus lent parce que jusqu’à très récemment, autrement dit cinquante ans en arrière, nous avions une institution catholique qui régnait encore sur plusieurs domaines d’activités de façon importante : au plan judiciaire, au plan sanitaire, au plan scolaire et aussi au plan politique (il y avait encore des députés prêtres). Il a donc fallu que l’institution soit massivement remplacée par du personnel laïc avec aussi des évolutions de gestion et d’éducation pour qu’enfin, nos générations puissent un peu plus librement qu’autrefois mettre l’institution face à ses dérives et crimes aussi bien présents que passés.

    Comme le souligne LW, ces affaires criminelles ont toujours existé. Elles démarrent dès les débuts de l’institution en réalité. Quand il s’agit pour des clercs d’acheter des enfants pour alimenter en personnel et en recrues des abbayes et des couvents. Les enfants étaient achetés dès l’âge de 8 à 9 ans. Et ne revoyaient souvent jamais leurs familles. Les abbayes et couvents vivant en complète autarcie (si vous consultez des plans anciens vous constaterez que c’est le cas), les enfants une fois vendus au clergé étaient entièrement livrés au pouvoir des clercs, des nonnes et des moines. Et si des abus, des viols, des tortures se produisaient, les enfants victimes ne pouvaient absolument rien dire ni protester puisque le pouvoir monarchique était uni avec le pouvoir clérical. Sauf en se donnant la mort. A moins d’avoir un riche protecteur ou parent qui puisse intervenir, ce qui n’arrivait que très très très rarement.

    Nous avons aussi toutes les affaires qui concernent la récupération par la force des lieux païens pour les transformer en lieux de culte catholique. Avec souvent des meurtres et des massacres pour l’exemple. Souvent de femmes et d’enfants. La chasse aux sorcières fait partie aussi des entreprises de terreur pour asseoir une domination cléricale et autoritaire masculine.

    Et bien sûr, pas mal de lieux présentés comme œuvres de charité sont en réalité des lieux d’exploitation par le travail et de traite d’enfants. Et où les crimes de viols, d’abus, de torture sont légions.

    Le clergé catholique romain vit donc une impunité totale pendant très longtemps. Ces crimes deviennent une sorte de norme éducative et si les enfants les plus pauvres sont souvent la cible privilégiée de ces crimes, ces crimes s’étendent à des enfants de familles plus aisées dans les pensionnats de garçons comme de filles.

    Il en restera une certaine « tradition » jusqu’à nos jours dans la mesure où aucune mesure de répression de ces crimes n’a été engagée. Sauf entre 1947 et 1965, sous l’impulsion du père Gerald Fitzegerald, responsable des Serviteurs du Paraclet. Qui créée les premiers centres de traitement pour prêtres pédophiles et déviants aux USA, étendus à l’ensemble des pays catholiques. Et qui envisageait très sérieusement d’interner à vie les prêtres pédophiles, ayant remarqué leur dangerosité et leur irréformabilité. Il avait alerté dans un rapport très détaillé les autorités du Vatican et réclamé leur internement à vie dans une île et leur retrait de toute vie sacerdotale pour protéger les enfants. Hélas, en 1965, le projet est abandonné par Paul VI et désavoué par le Vatican. Qui préfère utiliser les centres créés par le Paraclet comme mises au vert du clergé pédophile avant reclassement dans d’autres régions voire d’autres pays.

    J’ai découvert cette information en 2011 ou 2012 grâce au documentaire d’Alex Gibney sur Arte qui concerne l’affaire Lawrence Murphy et intitulé : Mea maxima culpa. Vous pourrez visionner ce passage à la minute 36 du documentaire depuis ce lien :

    Ce qui m’a choquée, c’est que si les USA étaient parfaitement au courant de ces centres de traitement pour prêtres pédophiles, nous en Europe l’ignorions. C’est vraiment une information que le clergé et le Vatican ont caché à tous. Chaque pays disposait depuis les années 50 et jusqu’au début des années 2000 d’un centre spécialisé religieux de traitement pour prêtres pédophiles. Il y en avait aussi un en France. Où ? Mystère et boules de gommes.

    Donc, le clergé catholique romain connaissait parfaitement et depuis toujours l’ampleur du problème et a essayé à un moment donné d’y remédier en créant des centres de traitement psy et religieux. Mais ne s’est pas donné les moyens d’aller au bout pour démettre les prêtres criminels de leur fonction, les enfermer à vie comme le préconisait Gerald Fitzgerald et encore moins de les dénoncer aux autorités judiciaires civiles. Et a préféré continuer à protéger ces criminels, les cacher, les recycler dans d’autres diocèses, établissements, au mépris total de la sécurité des enfants et des familles de croyants.

    • Par peur de montrer qu’elle continuait ses crimes en toute impunité.
    • Peur aussi de voir s’effondrer la réputation de l’Eglise et l’institution par la même occasion.
    • Peur des procès et de leur médiatisation dans la presse et à la télévision.
    • Volonté de maintenir des prêtres en place par peur de manquer (il y a déjà un début de crise des vocations dans les années 60-70).

    Le St Office connaît toutes ces informations criminelles, les reçoit et les archive. A sa tête dans les années 70, c’est le cardinal Ratzinger, futur B16. Il ne changera pas pour autant véritablement la politique de P6 concernant les prêtres pédophiles. Ni durant le pontificat de JP2, ni durant le sien. Le silence, la dissimulation des crimes, abus, violences cléricales continuent. Et à la moindre affaire pénale, tout le monde de s’étonner comme si de rien était. C’est une brebis galeuse, une exception, ça n’existait pas avant. C’est la faute à Mai 68.

    C’est peut-être cela le plus atroce, d’ailleurs. Cette mise en scène mensongère et les propos de « ça n’existe que depuis récemment, depuis mai 68 ».

    En réalité, tout le haut-clergé sait que ces crimes existent depuis les débuts de l’institution (depuis 17 siècles) mais n’ont jamais été vraiment réprimés ni punis. Sauf par les autorités judiciaires civiles à certains moments. Par l’institution elle-même, jamais. C’est une logique de corps qui prévaut, comme à l’armée. Ce qui permet donc toujours une certaine impunité de ces crimes. Pire : beaucoup de clercs et de hauts-clercs considèrent que ces crimes n’en sont pas. Qu’ils font partie de gestes tendres, voire d’une forme d’éducation des enfants. Qu’ils sont des sortes de privilèges cléricaux. De la même façon que la prostitution des nonnes ou l’exploitation par le travail, la traite des plus pauvres.

    Ca commence à changer sous la pression judiciaire, mais aussi la pression des victimes, des associations internationales de protection de l’enfance. En Suisse, nous voyons que le clergé catholique au moins en partie, a admis sa responsabilité criminelle et travaille aux côtés des associations de victimes à réparer un peu ces crimes atroces. En France, ce n’est pas le cas. Pas de repentir envers les associations de victimes de couvents-prisons, de colonies pénitentiaires. Silence radio sur les procès du passé. Les congrégations incriminées se taisent et ont ordre de se taire. De livrer le moins possible d’informations, même sur ordre judiciaire. Parce qu’au-delà de ces congrégations, il y a des intérêts financiers majeurs, des intérêts politiques également. Qui mêlent aussi des complicités chez des industriels, des politiques, des hauts responsables de l’Assistance Publique, des juges, des avocats, des policiers.

    Les associations de victimes le comprennent vite ainsi que leurs avocats. En réalité, il faudrait un procès international contre le Vatican sur ces crimes spécifiquement. De plus en plus d’associations nationales de victimes en prennent conscience. Même les anciennes victimes qui ont fait partie de la Commission du Vatican pour la protection des mineurs en 2014, ont bien compris l’immobilisme et la volonté de rester dans le refus d’admettre ces crimes et le refus de payer au pénal vraiment et réparer financièrement également. C’est pourquoi ils ont rué dans les brancards et fini par démissionner. Profondément déçus et désabusés.

    La pratique de l’inversion des responsabilités, l’accusation d’hystérie, de maladie mentale des victimes, de consentement des victimes, fait partie des grands classiques au plan argumentaire du clergé. Ainsi que l’insistance sur le pardon à leur accorder.

    Mais comment parvenir à ce pardon devant tant de silence,de mensonges, de dissimulation durant des siècles, d’inversion des responsabilités, de crimes sur des bébés, sur des enfants, des adolescents, des personnes vulnérables, handicapés physiques, mentaux, tant de non assistance à personnes en danger, tant d’abus de faiblesse. Il y a des milliards de victimes, des centaines de congrégations féminines comme masculines qui ont fait leur fortune matérielle sur l’exploitation et la traite d’enfants, des crimes qui continuent de se perpétuer encore aujourd’hui dans certains pays. Au mépris des droits fondamentaux, de la justice et de la dignité humaine.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 3 janvier 2021 17:17, par LW

    Bonjour à tous,

    Je me suis souviens d’avoir lu il y a quelques mois, dans je ne sais plus quel journal, que la pédocriminalité dans l’Eglise de France remontait aux années 1970. On expliquait dans l’article que cette situation était due à Mai 68 et à sa permissivité, à sa banalisation de la sexualité. Bref, on donnait l’impression au lecteur que la question de la pédocriminalité dans l’Eglise était finalement un problème assez récent au regard de l’histoire de l’Eglise de France…

    L’affaire de Cîteaux (1888), tout comme les autres affaires évoquées dans les précédentes interventions dans ce fil de discussion, montrent bien que ce n’est pas vrai. La pédocriminalité cléricale a TOUJOURS existé !

    Mes recherches dans la presse du XIXe siècle montrent que les affaires de pédophilie dans l’Eglise étaient très largement médiatisée à l’époque. Beaucoup plus qu’on ne l’imagine aujourd’hui. Cela s’explique notamment par l’affrontement politico-idéologique très rude entre républicains et cléricaux. Les premiers n’hésitaient pas à médiatiser ces « affaires » chaque fois que l’occasion se présentait, afin de discréditer l’Eglise aux yeux de l’opinion publique.

    Et puis, après la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, et surtout après la Première Guerre mondiale, les médias se sont détournés de ces « affaires » sordides. Plus personne ne s’y est intéressé, au grand soulagement sans doute de l’Eglise. Alors même que ces crimes se sont poursuivis…

    Il a fallu attendre les années 2000 pour qu’un nouveau « grand déballage » se produise, comme au XIXe siècle…

    J’ai trouvé sur internet un remarquable article, extrêmement intéressant, daté de 2019, intitulé « Monstres en soutane ». Il recense un certain nombre d’affaires pédocriminelles impliquant le clergé au XIXe siècle. Il permet de bien remettre en perspective ce problème. Pour le lire, c’est ici : http://popenstock.ca/monstres-en-soutane#:~:text=Type%20r%C3%A9current%20de%20%C2%ABmonstre%C2%BB%20sanguinaire,de%20l%C2%B4imaginaire%20social.

    Dès le XIXe siècle des personnes ont dénoncé le problème de la pédophilie. Exemples :

    Ce que je retiens aussi de toutes ces lectures, c’est finalement le formidable déni de l’Eglise. Son aveuglement. Sa complicité. Son silence. Si elle avait agi autrement, des milliers de victimes auraient pu être sauvées…

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 3 janvier 2021 13:05, par Anne

    A Françoise et LW : Merci pour ces informations, terribles, mais nous ne sommes hélas pas au bout de nos découvertes, puisque c’est le silence et la protection des clercs qui ont prévalu si longtemps dans l’Eglise. C’est encore vrai aujourd’hui. J’en sais, beaucoup en savent, quelque chose.

    A Suricate : Puisque ce site et les personnes qui s’y expriment sont écœurants, abjects, infréquentables, je pense que vous vous faites inutilement du mal en le consultant. Sans doute serez-vous plus à l’aise en retournant à la « TSVM », au « NSJC » (j’ai mis un moment à traduire mais on m’a expliqué), au grand Satan et aux théories du complot dont vous semblez adepte. Vous serez ainsi moins en colère.

    Bonne année à tous !

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 3 janvier 2021 01:18, par Damien

    Le père Blanck est donné comme le fondateur des Soeurs de Saint Joseph de Saint Marc

    « Notre Fondateur, l’Abbé Pierre Paul Blanck est né le 11 octobre 1809 à Turckheim (Haut-Rhin), non loin de Saint-Marc, dans une famille profondément ancrée dans la foi chrétienne et marquée par le mystère de l’Eucharistie. Il aimait le silence, donnait une grande place à l’adoration, et menait sa vie dans un esprit d’humilité et de réconciliation.

    En 1845 l’Abbé Blanck, voulant renouer avec l’ancienne tradition monastique qui avait beaucoup souffert du vide laissé par la Révolution française, fonda, dans l’ancien prieuré bénédictin de Saint-Marc, la première communauté de Sœurs qu’il confie à Saint Joseph. Elles ont comme mission l’Adoration perpétuelle de Jésus Eucharistie et le service des pauvres. Les religieuses sont originaires du pays de Bade, de la Suisse et de l’Alsace. Au fil du temps, Dieu les conduira depuis de la France vers l’Allemagne, la Suisse, l’Amérique, puis l’Inde, l’Ukraine, l’Afrique et les Philippines. »

    On ne reconnaît guère, dans cette présentation hagiographique, un homme qui a été en son temps condamné à perpétuité pour des viols sur enfants et qui a fui la justice de son pays. Il y a là un problème, c’est le moins qu’on puisse dire.

    Pour Suricate

    Je comprends que cela vous choque. Vous paraissez dire : il ne vous suffit pas des scandales présents, il vous faut aller aussi touiller la boue de scandales qui ont un siècle et demi ! Cette exclamation est légitime. Cependant nous ne devons pas avoir peur de la vérité, mais plutôt craindre de taire ce que nous savons et paraître ainsi défendre tous ceux qui, présents ou passés, par leur mauvaise vie, et le mauvais exemple donné, ont blessé nombre de victimes et affligent le Corps mystique de l’Eglise beaucoup plus sûrement que leurs dénonciateurs. Comme le dit S. Jean, en parlant de « plusieurs antichrists » : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres. » (1 Jn 2,19)

    Face à une affirmation, la question n’est pas de savoir qui la dit, la manière dont il la dit, ni même l’intention qu’il a en la disant, (qui peut être objectivement mauvaise), mais si l’affirmation est vraie. Pour cela, il faut bien sûr l’éprouver, je suis d’accord, mais jamais au mépris des droits qu’a la vérité. Car nous suivons Celui qui dit : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37) « Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. » (Luc 12,2) « L’Esprit de vérité, vous conduira dans la vérité toute entière. » (Jn 16,13)

    Satan inspire les médias ? Peut-être. Mais, même en l’admettant, il faut suivre l’avis de S. Thomas qui dans la Somme répond à cette question : « Les prophètes des démons disent-ils quelquefois la vérité ? » :

    « Les prophètes des démons disent quelquefois des vérités, mais elles ne viennent pas de leur propre fond, elles procèdent plutôt de l’Esprit-Saint. » Ils peuvent certes mêler le vrai au faux, mais « Dieu s’en sert aussi pour manifester sa vérité par leur intermédiaire (Dans ce cas ils n’agissent pas comme esprits du mensonge). »

    Dans cette tempête qui s’abat sur l’Eglise à travers la révélation de tous ces scandales, y compris par ses ennemis, il faut reconnaître le jugement de Dieu : « Que nul de vous, en effet, ne souffre comme meurtrier, ou voleur, ou malfaiteur, ou comme s’ingérant dans les affaires d’autrui. Mais si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait point honte, et que plutôt il glorifie Dieu à cause de ce nom. Car c’est le moment où le jugement va commencer par la maison de Dieu. » (1 Pierre 4,16)

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 2 janvier 2021 20:55, par Françoise

    Suricate

    Bonne année, d’abord. Et la santé avant tout. Concernant ce que vous écrivez, je constate que vous êtes toujours dans le déni des réalités. Les articles que nous passons, LW et moi ne sont pas seulement de la presse, mais également des archives judiciaires nationales. Département de la Justice, ça vous dit quelque chose ? Qui répertorie crimes et délits. Aussi bien anciens que contemporains. Si ça aussi c’est diabolique pour vous, tout le devient ou presque.

    Concernant le Bon Pasteur, où votre mère a été internée, ce n’est pas parce que la concernant ça s’est bien passé que ça s’est bien passé pour toutes les filles. Il y a eu là aussi dans différents établissements différentes révoltes et procès au pénal des congrégations à différentes périodes de l’Histoire. Idem au Bon Secours, à la Miséricorde. Et il y a encore des témoignages d’anciennes qui racontent tout ce qu’elles ont subi. J’avais passé le lien sur leur forum il y a des années. Et c’est édifiant ce qu’elles racontent. « Bon Pasteur nous y étions ».

    Et ça rejoint ce que racontait aussi la suissesse Louisette Buchard Molteni qui elle a subi l’internement sur une longue période. Idem pour les enfants placés. Et les archives judiciaires là aussi l’expliquent très bien cette coercition à des fins d’assistance comme on le disait suivant l’expression consacrée. Avec toutes les dérives possibles et imaginables.

    Concernant Tuam, j’ai le regret de vous dire que tout a été authentifié et les petites victimes citées nommément, les familles retrouvées. Il est prévu de pouvoir leur rendre une sépulture plus digne que celle que les religieuses de Tuam leur avait donnée. Les familles le demandent expressément. Je vous rajoute des liens à ce sujet.

    https://enfantsplaces.net/2019/08/29/irlande-fantomes-de-leur-propre-pays-manifestation-et-revendication/

    https://enfantsplaces.net/2020/07/30/institutions-pour-enfants-et-jeunes-meres-dirlande-que-sait-on/

    https://enfantsplaces.net/2020/05/15/tuam-temoignage-dune-residente/

    Comme vous pourrez le constater, le site très bien fait émane d’anciens enfants placés arbitrairement. Et il est très bien documenté :

    https://enfantsplaces.net/

    Bonne lecture !

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 2 janvier 2021 20:21, par Françoise

    Bonjour LW

    Merci pour vos voeux. Et merci pour ce complément d’affaire criminelle. Je ne suis même pas étonnée en lisant la documentation. Cela rejoint d’autres affaires. Je ne sais pas si vous connaissez l’affaire de l’abbé Joseph Santol, les abbés Perrin et Guilloud qui sévissaient comme mercenaires et achetaient des enfants qu’ils vendaient ensuite aux grands maîtres verriers de l’est de la France. Santol a fait l’objet de plusieurs procès mais s’en est toujours tiré lui aussi. Il a seulement dû revoir ses projets de rafler les orphelins italiens, car le Vatican a tapé du poing sur la table. Sinon, son petit commerce marchait très bien.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Santol

    http://www.ruedelamare.com/?f1=articulo&f2=articulo&art=1810&seccion=255

    http://le-libertaire.net/wp-content/uploads/2013/06/Enfants-verriers.pdf

    Il y a quelques années, certains ont tenté le parallèle de cet abbé exploiteur et ses disciples avec l’abbé Pierre. On croit rêver.

    La réécriture de l’Histoire est tellement commode pour faire oublier les atrocités commises.

    C’est devenu un grand classique concernant tout ce qui a trait à des entreprises religieuses du 19e- début 20e siècle auprès tant des femmes que des enfants. Et avec de temps en temps, des procès en béatification pour finir de boucler la boucle et surtout cacher la misère et les crimes et les procès.

    Ce qui me peine le plus, je crois, c’est que je me rends compte que durant ma jeunesse, j’ai été abreuvée de littérature religieuse vantant toutes ces œuvres comme des œuvres de haute charité. Et il y a 10 ans quand j’ai découvert les documents d’archives judiciaires, je suis tombée des nues. Sur le moment, je me disais : mais c’est pas possible. Pourquoi ça n’a jamais été dit ? Cîteaux m’a d’autant plus choquée que je fréquentais régulièrement le monastère avec mes parents et ma grand-mère maternelle qui vivait à proximité. Si la colonie pénitentiaire était vaguement évoquée, elle l’était très rarement et je sentais toujours les moines très gênés d’en parler. Mais jamais, jamais je n’aurais pu penser qu’il s’était passé de telles horreurs. Et après quand j’ai appris les Vermiraux, la Pierre-Qui-Vire dans le versant laïc, Santol et ses compères, puis le projet suisse Pro Juventute et les systèmes de placement, les projets irlandais d’écoles industrielles et de couvents prisons, les couvents-prisons français, les bagnes religieux, j’ai vite compris que c’était vraiment un projet politique global européen dès les années 1840 et jusque dans les années 1970 d’internement d’une bonne partie des enfants des classes populaires et des handicapés et avec des dérives des deux côtés ( versant laïc comme religieux), une exploitation par le travail et des crimes en pagaille. La pauvreté, l’exclusion, le statut de mineurs permettait une impunité totale et sûre pour les criminels la plupart du temps, qu’ils soient laïcs ou religieux. On comprend donc pourquoi ceux qu’il convenait d’appeler les notables (dont le clergé faisait partie) ont été parfois si épargnés, y compris lors des procès les concernant.

    Mais si le versant laïc criminel a été dévoilé assez tôt, le versant religieux jusqu’au début des années 2000 a été très protégé, très silencieux aussi. Et le clergé catholique romain s’est évertué à dresser un portrait très idéal de cette période et des congrégations à destination pénitentiaire. A l’enjoliver. Une sorte de mensonge de finesse comme aurait dit Marcel Pagnol. Que l’Etat n’a pas cherché plus que ça à démentir, car lui aussi avait des raisons de ne pas trop chercher à rouvrir ces dossiers judiciaires plus qu’embarrassants. L’état ne s’est pas soucié des enfants ni des conditions de vie dans les établissements pénitentiaires religieux. Il y avait très peu d’inspections, très peu de contrôles et des accords financiers importants avec les congrégations. Seul comptait la disparition de ces personnes posant un problème et leur enfermement tout autant physique que psychologique et moral.

    Et en découvrant tout ça, vraiment, je me suis sentie trahie par le clergé. Qui est pourtant parfaitement au courant, mais qui préfère présenter une version romancée tellement plus glorieuse et avantageuse…

    J’ai été aussi peinée par les mensonges et les silences de l’état. Mais ça m’a moins atteinte dans la mesure où l’état n’a rien à voir avec ma foi. Mais de la part du clergé dans lequel j’ai cru enfant et adolescente, ça c’était vraiment d’une grande violence pour moi de réaliser brutalement tout ce passé judiciaire et tout ce qui nous a été caché.

    Mais au moins, maintenant, nous savons. Et c’est libérateur je trouve, tout autant que pour le clergé. Qui n’a plus à mentir, à cacher les choses. Parce qu’à présent nous sommes de plus en plus nombreux en tant que laïcs à savoir ce qui s’est réellement passé. Et à les mettre devant les faits criminels institutionnels via les archives judiciaires.

    Pour moi, c’est une avancée importante. Une réelle prise de conscience aussi historique. Car ça montre bien déjà que ces crimes n’étaient pas uniquement religieux. Que tant que les droits fondamentaux des enfants, des femmes, des personnes handicapées n’existaient pas, tout était possible en terme d’abus, de crimes, d’exploitation, de proxénétisme.

    Et l’on voit à quel point aussi les situations changent au moment, dans les années 60-70, où les états européens commencent à s’intéresser aux sciences sociales et à former des éducateurs spécialisés avec cette fois un réel souci d’éducation scolaire des plus pauvres et des plus en difficulté et non plus seulement une exploitation par le travail et des abus, des crimes à tous les étages. Et que ça va aussi s’améliorer progressivement avec l’avènement de la pédopsychiatrie, des droits des femmes et encore plus avec les droits fondamentaux des enfants et des personnes handicapées.

    Même si je pense il y a encore énormément à faire en ce domaine et qu’hélas, il y a toujours des risques d’abus, de violences, on est heureusement sortis de cette espèce de spirale infernale qui conjuguait la violence d’état, la violence religieuse et la violence sociale.

    Mais qui continue d’exister dans d’autres pays et d’autres continents, malheureusement.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 2 janvier 2021 09:26, par suricate

    Totalement écœuré par ces articles !! Comme si vous ne saviez pas que toute la presse est aux mains de Satan !! Vous êtes tous écœurants. Et ce site devient de plus en plus nauséabond, de plus en plus diabolique. Notre Eglise se réduit à presque rien,, suite à ces peurs fomentées par Satan en personne (suite à cette fausse pandémie), et vous en rajoutez encore et encore !! Mais à la fin le cœur immaculée de la TSVM triomphera et alors, nous devrons tous rendre des comptes, y compris sur ce que nous colportons sans vérifications !!

    Concernant le Bon Pasteur, que je connais (et je l’ai déjà écrit à Françoise) tout ce qui est dit est faux et archi-faux, je le sais de source très sûre, ma propre mère en a fait parti de l’âge de 12 ans à plus de 25 ans ! Concernant l’Irlande, tout le monde sait aujourd’hui que tout ce qui a dit est faux et archi-faux !!

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 1er janvier 2021 14:54, par LW

    Bonjour à tous !

    Merci Françoise pour vos voeux. Permettez-moi à mon tour de vous transmettre les miens. Je souhaite également longue vie à ce remarquable site et à son animateur !

    L’affaire en 1888 de Cîteaux (Côte-d’Or) et Saint-Médard (Aisne), fut l’une des plus scandaleuses affaires de pédocriminalité du XIXe siècle impliquant le clergé catholique. Ce ne fut pas la seule hélas…

    Ceux qui souhaitent en savoir plus n’aurons qu’à se rendre sur le site Gallica de la Bnf, et de taper dans le moteur de recherches des expressions telles que « attentats à la pudeur » ou encore « monstres en soutane » pour avoir une idée du phénomène dans l’Eglise de France…

    Le journal La Lanterne, en particulier, est très prolifique en articles relatant ces affaires.

    Je vais vous révéler ici une autre affaire particulièrement sordide : celle de l’abbé Pierre-Paul BLANCK. Qui est-il ? Voici une petite biographie trouvée sur internet rédigée par une religieuse en 2004 :

    « Pierre-Paul BLANCK : fondateur de la Congrégation des Soeurs de Saint-Joseph de Saint-Marc à Gueberschwihr, né à Turckheim le 11.10.1809, décédé le Waggaman, États-Unis 18.10.1873. Fils de François Joseph Blanck, médecin, et de Rose Agnès Baffrey. Il fréquenta l’école communale de Turckheim, le col- lège de Colmar et celui des Jésuites de Saint-Acheul-lès-Amiens jusqu’à la fin de la troisième et termina ses humanités à Colmar. En 1829, il entra au noviciat à la Trappe d’Oelenberg qu’il dut quitter en 1830 parce que le noviciat fut dispersé après la Révolution de juillet. À cette époque, sa santé s’altéra. Il suivit les novices trappistes dans leur exil à Fribourg en Suisse où il fit ses études de philosophie au collège jésuite Saint-Michel. Il passa le baccalauréat en philosophie en 1831 à Strasbourg, puis entreprit ses études de théologie à Fribourg. Il se rendit à Gênes puis à Rome où il termina ses études de théologie et y fut ordonné prêtre en 1835. Il rentra en Alsace, exerça brièvement plusieurs ministères : professeur au Petit Séminaire Saint-Louis à Strasbourg, vicaire à Turckheim, Sigolsheim et Gueberschwihr. À partir de 1837 il fut précepteur à Schebetau près de Vienne en Autriche. Revenu en Alsace, il entretint plusieurs ecclésiastiques de son projet de fonder une congrégation suivant l’ancienne tradition monastique, mais adaptée aux besoins nouveaux de l’Église. Il songea à réunir des prêtres pour relever le mont Sainte-Odile et soumit à l’évêque André Raess son projet qui n’aboutit pas. En 1845, il acquit l’ancien monastère bénédictin de Saint-Marc à Gueberschwihr. Il y fonda une communauté religieuse qu’il confia au patronage de saint Joseph, vouée à l’adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement et au service des pauvres : éducation d’orphelins et enfants abandonnés et soins des malades. À Saint-Marc il ouvrit un orphelinat recevant des garçons et des filles à partir de 5-6 ans, venant des milieux les plus défavorisés. À côté de la communauté des religieuses il établit une communauté de frères pour servir d’éducateurs aux garçons et les former dans l’apprentissage de divers métiers. En 1857, il dut quitter le monastère après une cabale montée contre lui. Après un séjour en Suisse, il répondit à l’appel d’évêques des États-Unis demandant des missionnaires français et se rendit en Louisiane. À Waggaman, dans la banlieue de New Orléans, il se mit au service d’une population issue presque exclusivement d’esclaves noirs des plantations de canne à sucre. Il ouvrit une école pour les enfants pauvres et fit venir quelques religieuses des Sœurs de Bellemagny, en Alsace, congrégation fondée par l’abbé Faller ayant le même caractère contemplatif et caritatif que celle des Sœurs de Saint-Marc. L’abbé Blanck fut enterré à Waggaman où sa tombe fut redécouverte en 2001 ». Signé : Sœur Sophie Moog (2004)

    On parle dans ce court article « d’une cabale ». Mais de quoi s’agit-il donc exactement ? On trouvera beaucoup plus de précisions ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97504965/f187.item.r=%22pierre-paul%20blanck%22

    Mais ce que ne dit pas la revue ci-dessus c’est précisément de quoi fut accusé le père Pierre-Paul BLANCK et quelle fut sa condamnation. Pour le savoir il faut donc une nouvelle fois recourir à Gallica. La réponse se trouve ici (le nom de Blanck est en surligné en jaune normalement) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34701670/f3.image.r=%22pierre-paul%20blanck%22?rk=171674;4

    Le père Pierre-Paul BLANCK a donc été condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité pour avoir violé ou agressé sexuellement plusieurs filles. Il n’a jamais accompli sa peine car il a lâchement pris la fuite dès avant le procès, et a fini tranquillement sa vie aux Etats-Unis. Une fuite qui prouve sa culpabilité, car pourquoi fuir si on se sait innocent ?

    La Justice ne l’a JAMAIS réhabilité ! Aux yeux de la Justice, il est resté coupable et condamné définitivement.

    Et pourtant bonnes gens, le croirez-vous, il continue aujourd’hui de faire l’objet d’une stupéfiante vénération. Lire ici : http://sitemap.dna.fr/articles/200910/10/hommage-l-abbe-pierre-paul-blanck,guebwiller,000005281.php

    Lire encore ici : https://www.lalsace.fr/edition-colmar-guebwiller/2020/03/03/solennite-et-ferveur-pour-le-175e-jubile

    Une bande dessinée à sa gloire a été réalisée : https://www.jeanmariewoehrel.com/biographie-de-labbe-blank/

    Un film TV a été réalisé en Inde (avec des acteurs indiens) où il fait l’objet d’une grande dévotion : https://www.youtube.com/watch?v=rebo8ZBGwRA

    Le père Pierre-Paul BLANCK a même donné son nom à un institut en France pour enfants… Ici : https://www.arsea.fr/tep-pierre-paul-blanck-institut-therapeutique-educatif-et-pedagogique/

    Incroyable mais vrai !!!  🙄

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 1er janvier 2021 02:05, par Françoise

    Merci pour le complément d’informations, LW. Si je connaissais l’article du Progrès avec l’adoration du fondateur par les religieuses de St Joseph, je ne savais pas qu’elles avaient hébergé Preynat. Echange de services, alors entre Barbarin et la congrégation ? C’est là que l’on comprend que dans ce monde clérical, rien n’est gratuit. Et que tout se négocie finalement.

    Merci aussi pour les liens GallicaBNF. J’en avais lus certains via le site de Philippe Poisson, mais pas la totalité. Donc merci de les avoir postés. Ca complète bien le sujet.

    Bonne et heureuse année à vous et à votre famille. Au plaisir de vous lire.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 31 décembre 2020 11:37, par LW

    Françoise, vous avez raison de rappeler que la béatification du père REY a été lancée par les soeurs de la congrégation de Saint-Joseph, avec le soutien du triste cardinal BARBARIN. Lire ici un article avec une photo qui en dit long sur la vénération que portent les soeurs à leur fondateur, présenté comme « le précurseur de la protection des enfants »… Rien que ça ! Lire ici : https://www.leprogres.fr/rhone/2015/12/28/l-abbe-joseph-rey-sur-le-long-chemin-de-la-beatification?utm_source=kwanko&utm_medium=contextual%20targeting&utm_campaign=GENERIQUE&utm_content=355569

    Pour info, ce sont ces mêmes soeurs de la congrégation de Saint-Joseph à Fontaines, près de Lyon, qui ont donné asile pendant un certain temps à l’abominable père PREYNAT (qu’on ne présente plus) : https://www.leparisien.fr/archives/refugie-chez-les-soeurs-10-03-2016-5613175.php

    Cela ne s’invente pas !

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 31 décembre 2020 01:11, par Françoise

    Damien, croyez-vous qu’un site des archives judiciaires nationales publierait l’article si c’était faux ?

    Eric Baratay pour info, a publié un document relativisant les faits criminels. C’est manifeste car tout l’ouvrage tend à valoriser l’entreprise de son fondateur (Joseph Rey) et son œuvre en minorant largement le procès et les crimes commis par les moines de l’œuvre (après sa mort).

    Cet ouvrage panégyrique écrit par Baratay paru en 1998 (la thèse soutenue à Lyon 2 en 1996 je crois) a été ensuite utilisé dans le procès en béatification de Joseph Rey qui a été ouvert en 2007. Procès engagé par les soeurs de St Joseph et soutenu, appuyé par Mgr Barbarin. Le discours de conclusion de Baratay, justifiant l’existence de centres de redressement religieux pour enfants et le totalitarisme comme gouvernance, précisant que seul l’arbitraire pose problème, allait tout à fait dans le sens des intérêts du procès en béatification et des idées politiques très à droite du clan Barbarin. On comprend donc l’utilisation aussi comme contre-feu et argument pour déconsidérer les archives judiciaires et le procès de 1888 concernant la colonie pénitentiaire agricole de Cîteaux. C’est tellement commode…

    L’ouvrage de Baratay satisfait tellement le clergé français qu’il est édité aux éditions Beauchesne, éditions fameuses de la Compagnie de Jésus. Et il est très bien référencé puisque quand vous tapez le scandale de Cîteaux sur internet, vous trouvez immédiatement quoi ? Non pas les documents d’archives mais le livre de Baratay. Wonderful magic, non ?

    Ca permet de limiter la curiosité et de relativiser les crimes si jamais ils sont connus. Génial, non ?

    J’ai découvert cela en même temps ou presque que j’ai découvert le procès de la colonie pénitentiaire. Et j’ai été écœurée du procédé.

    Le supérieur de l’époque de Cîteaux, le père Donat, avait été 10 ans avant le procès de 1888, récusé par l’évêque pour avoir eu une liaison avec la supérieure de la branche féminine de l’œuvre. Et il n’a cessé de faire des intrigues pour garder la main-mise sur l’entreprise. Ce qui pouvait s’y passer de grave commis par les moines vis à vis des enfants n’était pas sa priorité. Ce qui comptait, seulement son égo et son petit pouvoir. Et ce type d’affaire pédophile n’était apparemment pas l’exclusivité de Cîteaux puisque le même type d’affaire a eu lieu dans une autre colonie de la même fondation St Joseph et à la même période. Se rajoutent des accusations pour enterrements clandestins d’enfants battus et morts de faim (qui rappellent curieusement ceux de Tuam en Irlande -même procédé, mêmes usages).

    http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.carlier_b&part=183637

    Vous pouvez arguer que le propos du journal le Petit Bourguignon a un ton anticlérical, mais il relate les faits criminels et un procès dont le haut-clergé y compris actuel, est parfaitement au courant, mais dont comme par miracle, personne ne se souvient quand il s’agit de parler de pédophilie cléricale et de crimes cléricaux.

    Qui n’ont rien à envier aux crimes en milieu laïc dans les mêmes époques. Si vous prenez le scandale des Vermiraux (lire l’excellent document d’Emmanuelle Jouët) ou celui de la Pierre-Qui-Vire (l’auteure en parle comme une annexe des Vermiraux pour la gestion des filles handicapées), c’est du même tonneau. Avec les mêmes complicités, les mêmes silences gênés, embarrassés. Et là, le clergé, les notables, les commerçants, les paysans du coin se sont tous alliés pour continuer d’exploiter les enfants à tous les niveaux sans dire les bénéfices que les uns et les autres faisaient. Si les enfants ne s’étaient pas révoltés en 1911 avec procès retentissant, rien n’aurait été su. Et après, il y a eu silence radio de tout le monde sur le sujet. Comme si ça n’avait jamais existé. Jusqu’à ce que Emmanuelle Jouët publie ses travaux. Et permette de faire la lumière sur crimes et abus, redonne aussi une certaine dignité aux descendants des enfants de ces établissements pénitentiaires.

    Et il faudrait expliquer que ces pratiques criminelles s’exercent bien au-delà des frontières françaises. Que ces établissements pénitentiaires pour enfants aussi bien religieux que laïcs font partie d’une vaste politique européenne qui décide d’interner les enfants et les femmes qui ne correspondent pas à la norme attendue de l’époque. Dans le but de les dominer, de les soumettre par tous les moyens possibles et déjà par le travail forcé, qu’il soit d’usine, agricole, textile.

    Le droit de correction paternel et conjugal (valable entre 1804 et 1935 selon le Code Civil) permet d’interner aussi bien des femmes que des enfants sous n’importe quel prétexte. Il suffit à un homme (mari ou père) d’écrire une lettre au procureur. Cet homme peut faire appel au curé également s’il ne sait pas lire ni écrire. Le procureur fait arrêter l’enfant ou la femme et les fait enfermer soit en établissement pénitentiaire laïc ou religieux.

    On retrouve ce droit de correction paternel et conjugal dans pas mal de pays européens, avec des enfermements totalitaires et arbitraires sans aucun motif aussi bien en établissements pénitentiaires que psychiatriques. Soutenus par le clergé catholique autant que par les pouvoirs publics laïcs. Et avec aussi des projets au travers de ces internements, de stérilisation des filles, d’expériences médicales (c’est le cas en Suisse, en Irlande, en France également) en plus du travail forcé mais aussi de la traite d’enfants.

    J’attire votre attention sur le témoignage écrit de la suissesse Louisette Buchard Molteni « Mon tour de Suisse en cage ». Elle relate son internement sans motif et comment elle est passée d’établissements religieux à laïcs tout au long de son enfance et son adolescence et les crimes subis durant ces internements.

    Pour info, c’est grâce en partie à son témoignage et ses grèves de la faim que la Confédération Suisse a reconnu comme le clergé suisse d’ailleurs, leurs responsabilité effroyable et silencieuse dans ces entreprises ignobles.

    Le sociologue Pierre Avanzzino a écrit un excellent livre « Enfants placés » qui doit être encore disponible en PDF sur le placement arbitraire d’enfants suisses et leur internement.

    Vous pourrez aller voir également ce qui concerne le projet suisse des années 20, « Enfants de la grand-route » Pro Juventute. Qui va stigmatiser et interner des tas d’enfants de familles jenisch (tziganes suisses) mais aussi de familles très pauvres. Avec le concours enthousiaste du clergé catholique romain suisse. Depuis une vingtaine d’années environ, les victimes âgées témoignent des horreurs subies dans ces établissements religieux ou laïcs. Pédophilie, viols, tortures, prostitution, réduction en esclavage. Aujourd’hui ces victimes sont reconnues comme telles, et ont pu toucher une petite somme (ridicule au regard des sévices subis) simplement pour survivre (beaucoup suite à ces atrocités n’ont pu se reconstruire et vivre une vie normale, beaucoup sont indigents ou presque, avec un suivi psy constant). Et le clergé suisse a reconnu sa responsabilité criminelle.

    C’est le seul clergé catholique en Europe qui a reconnu sa responsabilité dans ces atrocités.

    En France, c’est toujours silence radio. Et pourtant il y a des victimes encore vivantes de ces centres pénitentiaires. Notamment des femmes internées au Bon Pasteur, au Bon Secours, à la Miséricorde. Elles ont un forum « Bon Pasteur nous y étions » et elles y témoignent régulièrement depuis des années. Mais qui s’en soucie ? Personne. Le clergé français attend qu’elles meurent pour ne pas avoir à les reconnaître comme victimes et devoir les indemniser.

    C’est presque la même chose en Irlande, même si depuis le film de Peter Mulligan « Magdalena Sisters », le gouvernement comme le clergé ont fait quelques pas en direction des victimes et familles de victimes. Mais il y a encore beaucoup à faire là-bas. C’est un peu comme une boîte de Pandore. Maintenant qu’elle est ouverte, on ne cesse de découvrir de nouvelles horreurs. L’affaire du charnier de 800 bébés dans une congrégation pénitentiaire pour mères célibataires de Tuam (affaire sortie en 2017 et toujours en cours pour ce qui est de l’excavation des corps des petites victimes), montre bien qu’il y avait une violence institutionnalisée et qu’elle prévalait partout. Et était considérée comme normale puisque l’autorité qui prévalait était uniquement masculine. Et que les droits internationaux tant des femmes que des enfants n’existaient pas.

    Une fois que vous faites le tour de ces lectures édifiantes et terribles, il faut affronter la réalité. La regarder bien en face. Même si c’est dur. Ca permet de comprendre beaucoup de choses et de voir pourquoi et comment s’est construit un tel silence sur ces établissements et leurs petites victimes.

    Et voir que les victimes d’aujourd’hui relèvent certes d’autres structures (non pénitentiaires). Mais se sont les mêmes pratiques, les mêmes dérives qui y sont observées et dénoncées. Ca devrait faire réfléchir sur l’irréformabilité d’institutions du moment qu’elles n’ont pas été mises face à leurs responsabilités criminelles au plan pénal.

    Et que lorsque cette responsabilité est endossée, alors seulement il peut y avoir un début de changement. Mais ça ne peut être amorcé que par les victimes, par les citoyens soucieux des droits fondamentaux humains et de la justice. Ca ne viendra jamais des institutions elles-mêmes. Elles n’y ont aucun intérêt.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 30 décembre 2020 18:08, par LW

    Merci pour ces rappels concernant l’affaire des « frères de Cîteaux ». Sans nul doute l’un des plus grands scandales ayant touché l’Eglise de France, laquelle a constamment cherché, à l’époque, à minimiser les faits voire à les nier purement et simplement : la lecture du journal La Croix (disponible en ligne sur Gallica) est à ce propos absolument édifiante et écœurante !

    Le journal La Lanterne a publié en 1888 de très nombreux articles, très détaillés, sur cette épouvantable affaire qui a fait des centaines de victimes : viols, agressions sexuelles, coups et blessures, mauvaises conditions de vie (nourriture, hygiène), travail forcé, etc. La collection de La Lanterne est également disponible en ligne sur Gallica.

    Au total, plus d’une trentaine de frères ont été condamnés par la Justice. Le journal La Lanterne publie un bilan des condamnations dans son édition du 9 décembre 1888. On pourra lire cette édition ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7503667s?rk=42918;4

    Précisons qu’à l’époque, la notion de viol est beaucoup plus restrictive qu’aujourd’hui. Au XIXe siècle, le viol ne concernait que les actes de pénétrations vaginales avec un pénis commis sur des personnes de sexe féminin et pubère. Autrement dit, un garçon de 5 ans victime de sodomie ou de fellation n’était pas considéré à l’époque comme victime de viol mais seulement "d’attentat à la pudeur" ou "d’outrage à la pudeur"… De même, une fillette non pubère ne pouvait physiquement pas être violée (selon le Code pénal) car on considérait que son vagin était trop étroit pour être pénétré… Aujourd’hui, la fellation, la sodomie, la pénétration commise avec un doigt ou un objet, sur des filles ou des garçons, sont considérés comme des viols alors que ce n’était pas le cas à l’époque. Par ailleurs, les condamnations sont plus légères qu’aujourd’hui pour des mêmes faits. Certains des condamnés de Cîteaux l’ont été parfois avec "circonstance atténuantes" (sic !), chose inimaginable aujourd’hui.

    Je précise ici, à titre d’exemples, les condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Beaune (Côte-d’Or), séances du 15 au 19 octobre 1888, concernant des frères de l’établissement de Cîteaux, pour "outrages à la pudeur" :

    • MIGAYROU Marius, dit frère Marius, né le 31 décembre 1898 à Vezins (Aveyron) : il nie tous les faits reprochés, avouant seulement « avoir passé la main dans le pantalon » d’un des accusateurs. Condamné à 3 mois de prison.
    • CHAUMAZ Lucien, dit frère Luc, né le 3 juin 1856 à Saint-Michel (Savoie) : après avoir avoué lors de l’instruction ce qui lui était reproché, notamment de nombreuses « caresses », il nie tout en bloc devant le tribunal. Condamné à 1 an de prison.
    • VIVIEN Charles-Alexandre, dit frère Placide : en fuite lors du procès. Condamné à 2 ans de prison.
    • TOURNIER Frédéric, fit frère Victor, né le 30 septembre à Roybon (Isère) : à l’âge de 14 ans, il avait déjà violé deux fillettes de 7 et 10 ans… Devenu ensuite frère à Citeaux, il commet de nombreux « attouchements » sur des enfants lorsqu’il était surveillant du dortoir. Condamné à 3 mois de prison.
    • SATILLAT Jules, dit frère Jules, né le 18 juillet 1865 à Paris : accusé d’avoir sodomisé un enfant et d’avoir fait des « propositions immorales » à d’autres (ces dernières qu’il reconnaît devant le tribunal). Condamné à 15 mois de prison.
    • JAUBERT François-Joseph, dit frère Joseph, né à Lyon le 30 mars 1836 : plusieurs jeunes (moins de 15 ans à l’époque des faits) l’accusent d’attouchements, de fellations et de sodomies. L’accusé reconnaît devant le tribunal avoir eu des relations sexuelles seulement une fois avec l’un d’entre eux… Condamné à 18 mois de prison.
    • GROS Jules, dit frère Jules : né à Lyon en octobre 1842. Accusé par un seul enfant dont le témoignage semble fragile, il est finalement acquitté.
    • FAURE Joseph, dit frère Joseph, né le 25 novembre 1965 à Marseille : condamné à 4 mois de prison.

    Par ailleurs, le journal La Lanterne du 9 décembre 1888 fait son bilan à cette date. A la trentaine de condamnés recensés, il faut bien sûr rajouter la condamnation du frère Hyacinthe, condamné finalement à 8 ans de prison le 20 février 1889. Lien vers l’article de La Lanterne du 22 février 1889 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75130959/f2.item

    Et aussi, plus tardivement, les condamnations aux Assises de Laon le 20 août 1889 de :

    • FIDLER Joseph, prêtre, supérieur de l’institut Saint-Médard : arrêté après plusieurs mois de cavale, il est condamné à 20 ans de travaux forcés pour « attentats à la pudeur ». Il avait fait venir dans sa chambre de nombreux enfants qu’il avait violés (sodomies, fellations, etc.).
    • LAMY Joseph : 8 ans de travaux forcés pour les mêmes motifs.
  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 29 décembre 2020 17:39, par Damien

    Ces articles violemment anticléricaux aux titres sensationnalistes (« Les Frères Sodomistes » [sic !]) ne peuvent cependant pas être pris pour argent comptant et ne résistent pas à l’historiographie moderne. J’en veux pour preuve l’analyse de ce fait-divers par un historien contemporain, Eric Baratay, professeur à l’Université de Lyon dans la Revue d’ l’histoire de l’Eglise de France (1998) qui conclut ainsi :

    "Le procès du frère Jules Gros pour attentat à la pudeur mit en lumière un fait qui avait émergé de temps à autre à propos d’autres religieux mais sans être prouvé : l’existence de faux témoignages. Deux enfants témoins à charge reconnurent avoir parlé sans réfléchir ou avoir menti ; un autre fut désavoué par celui qui était censé avoir subi les sévices. La seule déclaration maintenue fut celle du jeune Morel qui s’était enfui de Cîteaux en juin, par qui le scandale était arrivé, mais dont la sincérité sembla douteuse. Jules Gros fut innocenté. Le même doute parut suffisamment fort à propos de trois frères accusés de coups et blessures pour qu’ils fussent acquittés et à propos de ceux jugés à Dijon, qui bénéficièrent des circonstances atténuantes. Les deux camps trouvèrent ainsi matière à contentement et à l’apaisement. La presse catholique ou conservatrice, tel le Salut Public lyonnais, dauba sur les faux témoignages qu’elle prétendit systématiques, fit de la relaxe de certains frères une preuve du complot et le symbole de la justice rétablie, procéda à une curieuse séparation entre les frères condamnés, qui ne seraient pas de vrais religieux mais de simples laïcs, et le père Donat, sœur Estelle, frère Jules Gros (le seul franchement acquitté donc le seul religieux !) qui représentaient l’Église. Elle abandonna vite l’œuvre à son sort, contente que le vrai clergé fût sorti de ce guêpier. La presse anticléricale accueillit d’abord le revirement de certains témoignages comme le fruit d’une pression des religieux sur les enfants de l’Asile qui vivaient encore à la colonie, ce qui n’est pas à exclure. Puis elle reconnut que Donat était peut-être de bonne foi et se fit discrète : la révélation des faux témoignages rendait les accusations incertaines ; elle ne voulait pas transformer les religieux en martyrs et se contenta des condamnations. Cette réalité ambiguë, l’apaisement des imaginaires firent que le parquet renonça à faire appel des jugements, bien que certaines peines pour coups et blessures lui parussent légères, preuve d’une divergence de mentalité entre ces hauts bourgeois dijonnais et les magistrats de Beaune plus proches des habitudes communes. Pour les mêmes raisons, les politiques enterrèrent l’idée d’une suppression des congrégations et se contentèrent de l’expulsion des frères de Cîteaux et de Brignais. Un silence de plomb, confortable pour tous, s’abattit sur l’affaire et l’œuvre du père Rey tomba dans l’oubli."

    Affaire de mœurs, conflits de pouvoir et anticléricalisme : la fin de la congrégation des frères de Saint-Joseph en 1888

    Cette affaire est à mettre en perspective avec le pamphlet, paru 10 ans auparavant, de Robert Charlie intitulé, par une antiphrase ironique et cruelle, La Chasteté cléricale en l’an de grâce 1877. Voici la présentation qu’en fait l’historienne Jacqueline Lalouette dans son Histoire de l’anticléricalisme en France paru en 2020 (PUF Que sais-je) :

    "La Chasteté cléricale, ouvrage de Robert Charlie, ancien rédacteur du journal parisien La Marseillaise, publié à Bruxelles en 1878 et dédié à « tous ceux qui exaltent la continence ecclésiastique », se présente comme un catalogue des condamnations ayant frappé des prêtres et des religieux français coupables d’outrage public à la pudeur ou d’attentat aux mœurs entre 1861 et 1877."

    Voici l’introduction qu’en donne R. Charlie lui-même :

    « Nous devons avertir d’abord le lecteur, en lui présentant ce travail, que nous n’avons pas eu la prétention d’en faire un livre. Obligé, par la situation que nous occupons dans la presse parisienne, de parcourir chaque jour la plupart des feuilles politiques, nous avons été frappés de la fréquence avec laquelle nous revenaient sous les yeux des arrestations ou condamnations de prêtres pour outrages aux mœurs ou, ce qui est plus grave encore, pour attentats à la pudeur. Nous ne le donnons pas comme complet, nous nous hâtons, au contraire, d’avouer qu’il renferme des lacunes considérables, Absorbé par notre labeur quotidien, nous-avons sûrement laissé passer bien des faits qui auraient dû y trouver place ; bien souvent aussi le temps nous a manqué pour faire des recherches ou demander des renseignements qui nous eussent fait remonter à l’origine de rumeurs timides et confuses, qui ne sont pas parvenues aux oreilles de la justice ou que celle-ci a négligées. »

    Cet ouvrage, publié en Belgique en raison de la censure française qui en avait interdit l’impression et la vente, semble avoir rencontré un succès certain en s’échangeant "sous le manteau". Le journal républicain conservateur Le XIXe siècle le recense ainsi dans son édition du 9 jullet 1878 dans un article au titre cyniquement évangélique Sinite parvulos venire ad me (Laissez venir à moi les petits enfants) :

    « On reste confondu en lisant ce répertoire de scandales, dont quelques-uns passent toute imagination. Je ne veux point revenir sur les détails de toutes ces vilaines histoires. Ils sont presque toujours ignobles et salissent la pensée. […] Jusqu’au 16 mai, vous ne trouverez pas une semaine qui n’ait une ou deux et quelquefois même jusqu’à trois ou quatre dates marquées du signe noir d’une poursuite ou d’une condamnation [de clercs]. »

    Il faudrait faire une analyse du contenu du livre, qu’on peut trouver ici, toujours est-il qu’une recherche simple montre que dans les années 1880 qui suivirent sa parution, et ce jusqu’à la fin du siècle, le terme de « chasteté cléricale » était devenu la rubrique obligée sous laquelle apparaissaient toutes les affaires de mœurs impliquant des membres du clergé dont la presse anticléricale faisait ses choux gras, un véritable hashtag de l’époque ! Il est certain que ce déluge de faits-divers impliquant des prêtres et des religieux correspondait à une réalité, à tempérer malgré tout par l’importance numérique du clergé à l’époque (sans parler du fait que des abus sur des enfants se commettaient aussi dans un cadre « républicain », fait sur lequel cette presse était beaucoup plus discrète, voir l’article cité d’Eric Baratay) Ces abus, dont l’exemple de Cîteaux n’est pas des moindres, ont sans doute joué un rôle non négligeable dans la lutte entre « les deux France » qui devait aboutir 15 ans après à l’expulsion des congrégations et à la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

    Il faut aussi se souvenir que l’année suivant la parution de l’ouvrage de R. Charlie, en l’an de grâce 1879, parut sous l’imprimatur de Mgr Zola, évêque de Lecce, réfugié en France, un livre intitulé L’Apparition de la Très Sainte Vierge Marie sur la montagne de La Salette, par Mélanie Calvat dans lequel la voyante prêtait ces mots à la mère du Sauveur :

    « Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leur irrévérence et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d’impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres, et aux personnes consacrées à Dieu, lesquelles, par leurs infidélités et leur mauvaise vie, crucifient de nouveau mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leurs portes, car il ne se trouve plus personne pour implorer miséricorde et pardon pour le peuple ; il n’y a plus d’âmes généreuses, il n’y a plus personne digne d’offrir la Victime sans tache à l’Éternel en faveur du monde. »

    Quelle que soit la valeur qu’on attribue à ces paroles vigoureuses (mais peut-être thérapeutiques !), dont l’authenticité n’a pas été reconnue par l’Eglise (on la comprend !), mais pas condamnée non plus, la coïncidence de leur date fait qu’elles paraissent répondre directement à l’avalanche d’ignominies rapportée par R. Charlie à son époque, qui sur ce point n’a guère à envier à la nôtre.

  • 1888 : Le scandale des frères de Cîteaux 29 décembre 2020 01:35, par Françoise

    De rien, pour l’info. Ca fait des années que j’ai appris cette information grâce à l’excellent site de Philippe Poisson (Crimino Corpus, qui est une mine d’informations sur les affaires judiciaires de toutes sortes), en même temps que la démarche panégyrique de Eric Baratay en vue d’une béatification du père Rey, fondateur de la colonie pénitentiaire agricole. Cette béatification aurait ainsi pour but de redorer l’entreprise pénitentiaire cléricale, mais aussi faire oublier complètement ce passé terrible criminel qui concerne l’abbaye cistercienne.

    Le même type de démarche de réhabilitation des couvents prisons et instituts pénitentiaires religieux a été fait pour leurs fondateurs et fondatrices par le passé. Parfois avec des béatifications (sous JP2 principalement). Ce qui a permis aux congrégations de vendre plus facilement leur patrimoine immobilier, de récupérer une image respectable, dissociée des crimes, abus et procès du passé. Et que au final, tout ce qui avait pu être contestable reste ignoré des croyants et massivement du grand public.

    Personnellement, je pense qu’il faut au contraire dire les choses telles qu’elles sont et ont été, pour mieux les comprendre. Et essayer d’en tirer les leçons aussi. Ca me paraît important aussi que chaque croyant connaisse le côté obscur clérical. Ce côté caché qui a pourtant fait les gros titres des journaux à différentes époques. Mais que bien peu connaissent. Parce que ça cadre si peu avec les valeurs chrétiennes, n’est-ce pas ?

    Pourtant se sont des faits réels. Graves, effroyables même pour certains. Qui ne peuvent pas rester sous silence dans la mesure où l’institution cléricale prétend encore que ces atrocités ne sont que très récentes et le fait d’une morale dévoyée par Mai 1968. Or, ça n’est pas vrai. Les archives judiciaires le prouvent.

    Le site enfants en justice qui rassemble énormément de documents judiciaires d’archives concernant les enfants est vraiment à explorer.

    Il y a aussi des articles très intéressants sur les couvents prisons qui concernent les filles. Avec des liens très instructifs. Largement méconnus des croyants. Et qui montrent le versant féminin des centres pénitentiaires religieux pour enfants. Avec là aussi quelques procès dont celui de Nancy en 1903 contre l’institut du Bon Pasteur.

    http://enfantsenjustice.fr/?-Reeducation-des-filles-

    http://enfantsenjustice.fr/?les-congregations-religieuses&idst=oui&id=docs

    http://enfantsenjustice.fr/?les-congregations-religieuses&idst=oui&id=liens

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