Abus sexuels : l’Eglise prend conscience d’un dysfonctionnement au plus haut niveau

Mercredi 1er août 2018

L’analyse de père Gilles Routhier, ecclésiologue, doyen de la faculté de théologie à l’université de Laval (Québec).

Ces décisions successives sont inédites. L’Église catholique est manifestement à un tournant dans la lutte contre les abus sexuels commis par ses membres, car il ne s’agit plus de sanctionner seulement les abuseurs, mais ceux qui ont couvert ces abus au plus haut niveau de la hiérarchie. Le pape François savait, quand il a été élu, qu’il devrait affronter ces affaires, mais il ne connaissait pas la profondeur de l’abîme. Depuis l’affaire chilienne, où le pape, mal informé, s’est retrouvé à défendre un évêque qui avait mal géré des affaires de pédophilie, François s’est senti non seulement profondément désolé, mais également embarrassé et, surtout, très fâché d’avoir été mis dans cette situation qu’il ne veut pas cautionner.

Les révélations mettant en cause ces hauts responsables de l’Église qui ont couvert, voire dans le cas du cardinal Theodore McCarrick, l’ancien archevêque de Washington, qui auraient commis des abus, montrent un réel dysfonctionnement. Et l’Église prend conscience, en ce moment, que ce dysfonctionnement porte au plus haut niveau, qu’il faut prendre des décisions fermes. La semaine dernière, le cardinal Sean O’Malley, le proche conseil du pape sur la lutte contre les abus sexuels sur mineurs, a dit qu’il fallait agir rapidement. Il faudra des sanctions. On peut s’attendre à ce que d’autres évêques et cardinaux soient inquiétés.

Le droit canonique prévoit des dispositions permettant de relever de ses fonctions un évêque. Ce fut parfois mis en œuvre, mais je pense qu’on doit aller plus loin en prenant des mesures pour que cela ne se reproduise pas. Pour le bien de l’Église, il faut que les évêques puissent rendre des comptes sur ces questions, mais plus largement aussi sur leur gestion pastorale du diocèse. C’est ce qu’a voulu développer Vatican II, en essayant de réinsérer l’évêque et la parole épiscopale dans le peuple de Dieu, par tout un système de conseils, comme le conseil des consulteurs. Mais cela n’allait pas jusqu’à rendre obligatoire une reddition de comptes.

Concernant l’Église américaine, sous le choc, il faut crever l’abcès et aller au fond des choses, ce qui pourrait prendre la forme d’une visite apostolique, une sorte de grand audit. Il faut être le plus transparent possible, faire un examen de conscience et montrer qu’on est sérieux, quoi qu’il en coûte pour l’Église. Si on veut sortir de cette culture du silence, cela passe par un électrochoc.

Recueilli par Céline Hoyeau

Voir en ligne : https://www.la-croix.com/Debats/For…

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