« Je dois avouer que ce sera ma dernière ligne de résistance. Je ne peux pas, en conscience, continuer à soutenir une institution capable de négligences aussi graves », affirme Mary McAleese dans sa lettre. Vanier a fondé L’Arche internationale en 1964 pour aider les personnes souffrant de déficience intellectuelle. Elle s’occupe de 10 000 personnes dans 39 pays et compte quatre communautés en Irlande, à Dublin, à Belfast, à Cork et à Kilkenny, où jusqu’à 60 personnes sont prises en charge et une centaine d’autres bénéficient d’un accueil de jour.
L’Arche internationale a annoncé le 22 février que l’enquête qu’elle avait commandée en juin dernier sur des allégations d’abus sexuels de Jean Vanier avait « permis de recueillir les témoignages crédibles et concordant, portant sur la période 1970-2005, de six femmes adultes, non handicapées. » Vanier est décédé en mai dernier.
Enquête
Suite à une enquête diligentée par l’Église catholique en 2015, le père Philippe - décédé en 1993 - a été reconnu coupable d’abus sexuels sur 14 femmes, dont la plupart étaient liées à la communauté de L’Arche. Ces faits remontent aux années 1970. Il est précisé qu’aucune personne handicapée n’a été abusée.
En 1956, le père Philippe a été privé de son ministère par le Vatican en raison des abus qu’il avait commis sur des femmes. Le rapport de L’Arche du mois dernier indique également « qu’en 1956, il ne fait plus aucun doute que Jean Vanier était informé des raisons de la condamnation du père Thomas Philippe »
Il constate également que, contre l’avis de l’Église, entre 1952 et 1964, le père Philippe et Jean Vanier ont maintenu un lien profond et que ce dernier « aurait partagé des pratiques sexuelles semblables à celles du père Thomas Philippe avec plusieurs femmes dont aucune ne semble s’être déclarée comme victime. »
Dans sa lettre au Pape François, Mme McAleese déclare « qu’il est essentiel que le Saint-Siège explique maintenant comment il en est venu à louer publiquement un homme dont il connaissait les tendances prédatrices ».
Elle ajoute que « Vanier a été constamment loué par l’Église au plus haut niveau sans que l’on puisse émettre la moindre réserve à son égard ».
Culte de la personnalité
Elle demande « quelles mesures, le cas échéant, le Saint-Siège a prises pour freiner le puissant culte de la personnalité de Vanier notamment en avertissant les nombreuses personnes de bonne volonté qui lui faisaient confiance, sur son passé alarmant ? »
« Je suis de ceux qui ont considéré Vanier comme une source d’inspiration pendant des décennies », explique-t-elle. « Découvrir la semaine dernière le terrible récit de ses inconduites sexuelles et spirituelles a été dévastateur. Mais le pire a été d’apprendre que le Saint-Siège était au courant depuis les années 1950 de ses mauvais penchants, comme de ceux du Pere Thomas Phillippe. »
McAleese explique que le grand travail accompli par L’Arche lui permettra sans doute de se rétablir, mais que, par contre, « la confiance dans le Saint-Siège ne se rétablira probablement pas aussi facilement. »
« Ces dernières années, j’ai souvent eu des raisons de désespérer face aux échecs des papes, des évêques et de la curie concernant la protection des enfants vulnérables et la défense des victimes », dit-elle encore.