Bonjour
Merci pour l’article.
Le premier pardon dont ne parle jamais le clergé (et c’est logique), c’est le pardon à soi-même. Car le jugement de soi face aux crimes subis, est immédiat. Et participe grandement au traumatisme. Culpabilité renforcée souvent par l’agresseur qui en rajoute une couche, histoire de verrouiller durablement dans le silence et la honte ses victimes ou sa victime.
La première personne qui doit se pardonner à elle-même, c’est donc la victime. Accepter de n’avoir pas pu se défendre au moment des agressions, essayer de comprendre de quoi fut faite l’emprise, pourquoi, comment l’éducation familiale, scolaire, religieuse a préparé, voire accentué cette soumission. Comprendre comment en sortir pour pouvoir retrouver une certaine intégrité et dignité. Rien que ce pardon-là est long et demande un sacré voyage intérieur et initiatique. Et qui prend des années et des années. Et demande aussi un travail thérapeutique profond.
Ca devrait être dit à toutes les victimes de viols et d’abus sexuels. Et ça n’est pratiquement jamais dit. Je le regrette en tant qu’ancienne victime d’inceste. Il m’a fallu attendre la quarantaine et une thérapie jungienne avec un psy pour le comprendre et travailler véritablement dessus.
Pourquoi le pardon à soi-même est-il si peu pratiqué par le catholicisme ?
Parce qu’il sort la personne de la culpabilité. Il la rend à une capacité de sujet et non d’objet.
Alors que le pardon à l’autre contraint l’individu à prendre sur sa propre souffrance et le maintient dans la culpabilité donc dans la soumission.
Souvent ce pardon est faussement relié à Jésus.
Or Jésus ne pardonne pas. Il demande à son Père de pardonner. Ce qui n’est pas la même chose. Sur la croix, Jésus crucifié ne peut pas pardonner à ses bourreaux. Mais demande à son Père de le faire pour lui.
Il laisse à Dieu le choix final de pardonner ou pas.
Ce pardon appartient donc à Dieu et non à la personne victime.
La personne victime peut prier pour que Dieu pardonne à son agresseur. Mais c’est Dieu qui décidera en dernier ressort s’Il pardonne ou pas. La victime s’en remet à Dieu à ce sujet. Elle brise l’emprise en plaçant son agresseur face au jugement divin et à sa conscience. Mais ça n’absout en rien l’agresseur de quelque responsabilité que ce soit ni de son crime.
Or c’est ce que croit et c’est ce que nous a toujours fait croire le clergé.
Et c’est logique. Car dans le cas de crimes commis par une autorité qu’elle soit cléricale ou sociale ou politique ou familiale, il est important que les victimes restent soumises à ces autorités criminelles et abusives. Qu’elles ne se révoltent jamais, qu’elles n’osent pas demander des comptes ni justice. Qu’elles se contentent de pardonner, de subir en serrant les dents (et éventuellement les fesses) et de se taire.
Cela va avec l’approche cléricale qui se veut sacrée donc autorité suprême divine face aux croyants qui seront infériorisés.
On est toujours dans un rapport hiérarchique qui pose de fait, une certaine résignation vis à vis de toute forme d’autorité.
Et quand on est éduqué sur ce modèle dès l’enfance, c’est particulièrement compliqué de ruer dans les brancards.
Et ça dépasse le cadre de la seule dimension religieuse.
Il faut être poussé à bouts de misère, de chagrin, de traumatisme pour qu’il y ait un sursaut de colère, de révolte, de douleur pour oser transgresser cette éducation faite de soumissions successives.
Commencer à le conscientiser peut infiniment culpabiliser les individus.
Et il faut du temps pour oser le penser sans culpabiliser.
Avant même d’entamer une démarche judiciaire et thérapeutique.
C’est pourquoi il se passe de longues années avant que des victimes de crimes sexuels osent dénoncer et demander jugement pénal de leurs agresseurs. Non seulement il est difficile, compliqué physiquement, psychologiquement, affectivement, sexuellement de retrouver un équilibre après ce type d’agression (et plus ça s’est répété sur une longue période et plus c’est compliqué et plus ça impacte le quotidien durablement), mais il est plus que compliqué d’oser transgresser l’ordre établi (à savoir la victime doit pardonner, oublier, se soumettre).
Dieu n’étant pas sadique, pas plus que Jésus, il ne demande pas à la victime de pardonner. C’est lui qui se charge de la situation et il en dégage la victime. Par contre, la victime doit se pardonner à elle-même.
C’est ainsi qu’elle pourra commencer à se repenser sujet et non objet.
Et penser qu’elle peut obtenir justice, thérapie, dignité, respect, considération, protection, écoute.
Et c’est un long chemin.
Ozon est spécialiste de l’outrance. C’est récurrent. Il l’a fait dans plusieurs films et ce dernier n’y échappe pas. C’est sa marque de fabrique, si je puis dire.
Il faut donc replacer le film dans le contexte des autres productions du réalisateur. L’aspect positif de son travail est qu’il ose questionner frontalement ce qui peut se jouer autant à l’extérieur qu’à l’intérieur d’une personne, ambiguïtés comprises. Il va creuser très loin dans les zones les plus sombres, les plus cachées.
Maintenant, il faut pouvoir être suffisamment remis de ses propres traumas pour parvenir à un certain détachement quand on voit certains de ses films.
Oui, je suis d’accord. Il faudrait déjà que l’institution vire ses clercs pédophiles, criminels violeurs et abuseurs. Mais ça voudrait dire qu’elle entre en critique et dévoile l’horreur de la politique de Paul VI. Et fasse cesser cette politique. Avoue avoir abandonné et délaissé, voire banni la solution d’internement et de destitution préconisée par Gerald Fitzgerald de l’institut des Serviteurs du Paraclet. Avoue l’ensemble des crimes commis par l’institution depuis ses débuts. Explique clairement aux croyants comment le recrutement d’enfants dès le haut Moyen-Age (pour les congrégations religieuses et les petits séminaires), a placé de fait le clergé dans une position d’autorité sacrée pouvant (pour soumettre définitivement ces enfants et disposer d’une vie sexuelle dans le cadre clérical) agresser sexuellement sous couvert d’amour divin et d’éducation scolaire et religieuse.
Tant que cela ne sera pas admis et avoué par le clergé à l’ensemble des croyants, rien ne pourra vraiment avancer. On continuera de jouer au chat et à la souris, à rester dans l’hypocrisie, les faux-semblants, le jeu de dupes.
Et j’ai bien peur que jamais l’institution ne le fera d’elle-même (sauf quelques exceptions très marginales). Parce que toute institution n’est pas là pour évoluer mais pour perpétuer ses dogmes. Or son dogme principal est la soumission à une autorité définie comme indiscutable et divine, à savoir soumission au clergé.
Revenir sur ce dogme, en dénoncer sa perversion n’est pas du tout au programme de l’institution. Certains hauts-clercs peuvent courageusement le manifester (quitte à se faire virer comme le fut Eugen Drewermann ou d’autres), mais le corps institutionnel refusera toujours je pense de revenir dessus. Car cela signifierait l’effondrement et la destruction de fait de l’institution. Qui ne peut accepter de voir détruit son fondement.
L’institution telle qu’elle fonctionne et se pense, ne pourra donc que s’autodétruire par la perpétuation de ses crimes.
Les croyants auront d’ici là, construit d’autres bases institutionnelles plus conformes au message de Jésus et hors de tout cadre hiérarchique.
L’Eglise continuera, mais sous une toute autre forme que celle des empires.
C’est ce que nous voyons se profiler depuis environ dix ans avec l’enchaînement des révélations et des procès pour crimes cléricaux graves. Un peu comme différentes explosions avant la mise en orbite d’une fusée.
Il est seulement dommage qu’il ait fallu attendre 17 siècles pour que les croyants commencent au plan international à taper du poing sur la table.
C’est vrai que le niveau d’éducation s’est élevé seulement depuis le 20e siècle. Idem pour le niveau d’information. Mais c’est triste si on fait le bilan des millions, peut-être même des milliards de victimes qu’il aura fallu durant 17 siècles, avant ce sursaut de dignité.