Il se trouve que les évènements me donnent raison. Je serais stupide si j’en faisais une victoire personnelle. Je préfère revenir à la Lettre au Peuple de Dieu du Pape François du 20 août 2018, lettre qui fondait ma demande de démission à Philippe Barbarin. Il lui était alors évidemment difficile d’obtempérer à l’injonction d’un simple prêtre. Tout le monde peut comprendre maintenant pourquoi c’est à lui que je l’ai faite, et pas à un autre, et chacun peut saisir son sens prophétique. Il fallait que cette demande vienne d’un membre de l’Eglise et qu’elle soit dite fortement. J’ai refusé d’être considéré comme un rebelle et un trublion. J’ai ensuite été classé dans les lanceurs d’alerte, ce qui était mieux. »
« Mais c’est un prêtre fatigué des palinodies de ses chefs qui a parlé et le message a aussitôt fait le tour du monde. Malgré le conseil que j’avais donné à mon évêque de Valence et au Bureau de la Conférence des Evêques de France, la bêtise de ma destitution a été commise. Elle était voulue par le seul cardinal Barbarin qui a entraîné avec lui les onze autres évêques de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Il fallait me faire taire. C’est devenu impossible. Pour retrouver leur honneur, ils doivent maintenant me rendre le mien. »
« Ne réduisons cependant pas à de tristes histoires d’hommes les enjeux autrement importants que cette crise manifeste. Premièrement, la reconnaissance des victimes de toutes les formes d’abus en particulier sexuels, le jugement et l’éviction de l’Eglise des prédateurs et prédatrices, le jugement et la mise à pied des évêques et supérieur(e)s religieux-ses qui ont couvert ces abus, et l’indemnisation des victimes non seulement d’abus sexuels mais de tous ceux et toutes celles qui ont été exclus d’une communauté sans raison et laissés sans moyens après des années de vie donnée à Dieu. Ensuite, dans cette crise planétaire qui crée une angoisse apocalyptique chez les fidèles, à juste raison, il faut entrevoir la voix de Dieu qui demande avec la voix du Peuple une sainteté de vie plus grande dans l’Eglise, la mise en place des laïcs formés dans des postes d’autorité, une part énormément plus grande pour les femmes en tant que telles, et le surgissement d’un nouveau style d’Eglise qui ne sera pas une négation de son identité ni de sa mission mais une manifestation nouvelle, dans un chapitre nouveau, de l’évangile éternel. »
« L’ancien chapitre, n’en déplaise aux traditionnalistes porteurs de longues mines et de longues queues, est définitivement clos en raison de la faillite morale : la messe est dite, ite missa est ! Je ne peux que copier Georges Clémenceau qui a dit en 1887 que la Guerre était une affaire trop grave pour qu’on la confie à des militaires. Il avait raison : l’Eglise est désormais une affaire de trop d’importance pour qu’on la laisse aux seuls évêques. C’est le Peuple de Dieu tout entier qui doit prendre en charge son Eglise. C’est cette nouveauté divine, pleine d’espérance, qu’il faut apercevoir derrière la multiplication des scandales et des affaires dont nous sommes gavés et abreuvés au point que nous n’en pouvons plus. Alors ma réponse est claire. »
« Pour la personne de Philippe Barbarin, je ne me réjouis pas car je ne lui ai jamais voulu de mal, même si la décision qu’il vient de prendre le met enfin à la hauteur de ce qui se passe. Mais pour l’Eglise nouvelle qui est en train de naître, je me réjouis profondément. Le roi est mort, vive le roi. Je souhaite que le Pape François oublie pour l’occasion qu’il est argentin et qu’il sait danser le tango. Nous n’avons plus besoin de pas en arrière mais seulement de pas en avant. Il rendra service à l’Eglise et au monde en acceptant la démission du cardinal. Vox populi, Vox Dei. Dieu seul est capable de faire descendre son amour vivifiant sur notre misère mortifère. Je remercie tous les médias qui, dans le monde entier, ont accompli leur devoir en donnant de l’écho à mon message.
Père Pierre Vignon, Saint-Martin-en-Vercors, le 7 mars 2019. »