Des victimes et des défenseurs des Droits de l’Homme écrivent une lettre ouverte au Pape François

Samedi 5 juillet 2014

Un groupe composé de victimes de pédophilie cléricale et de défenseurs des Droits de l’Homme a envoyé au pape François une lettre dans laquelle ils demandent que des actions concrètes soient prises pour que les prêtres coupables d’abus sexuels soient systématiquement livrés aux autorités civiles, et que ceux qui essayent de faire obstruction à la justice soient également punis. Ils exigent la destitution du cardinal Norberto Rivera (l’archevêque de Mexico), accusé d’avoir protégé plusieurs prêtres pédophiles notoires.

Considérant que vous avez exprimé publiquement, et en différentes occasions, votre condamnation des abus sexuels commis par des membres relevant de votre juridiction et votre engagement contre la pédophilie cléricale, qui, d’après le rapport du Comité des Droits de l’Enfant au Saint-Siège, concernerait des « dizaines de milliers » d’enfants et d’adolescents dans le monde, nous faisons appel à votre sens de la justice. Il est temps d’agir enfin !

D’après le Comité des Droits de l’Enfant, la pédophilie cléricale implique :

  • Des individus pervers : des prêtres, des évêques et des cardinaux qui, profitant de leur position, de l’autorité religieuse, des sacrements et de la spiritualité, manipulent, soumettent et abusent sexuellement de jeunes enfants. Des actes définis par le Comité des Nations Unies Contre la Torture comme étant des actes de torture, cruels, inhumains ou dégradants, expressément condamnés par la Convention et les Traités portant sur la question, et considérés comme des crimes contre l’humanité.
  • Des mécanismes institutionnels internes de protection et de dissimulation des agresseurs, qui sont menés dans le plus grand secret par les autorités de l’Église ou des instances locales, lesquelles, étant parfaitement informées de la nature délictueuses de ces actions, au lieu d’en informer les autorités civiles locales, agissent en marge de ces dernières et se contentent d’envoyer des rapports au Saint-Siège, de sorte que celui-ci ouvre une procédure interne, et juge cette affaire indépendamment des victimes et de leurs avocats.

Tout cela a produit des espaces immenses d’impunité et de protection indue, offrant ainsi aux agresseurs la possibilité de continuer à commettre des abus pendant de nombreuses années, aux endroits et aux postes auxquels ils continuent à exercer leurs fonctions. Et si un jour ils sont jugés coupables, leur seule sanction consistera à être suspendus de leurs fonctions, et leur identité sera maintenue secrète.

Dans le cas du père Marcial Maciel, du père Nicolás P. Aguilar et du père Eduardo Córdova, c’est précisément ce mécanisme pervers qui, malgré les nombreuses plaintes internes et publiques, leur a permis d’être systématiquement protégés par les autorités locales et par le Saint Siège, d’être maintenus dans leurs tâches et dans leurs fonctions, et de continuer à abuser de centaines d’enfants pendant de longues périodes de temps, dans différents endroits et différents pays.

Par conséquent, nous vous exhortons à prendre des décisions structurelles pour mettre en œuvre toutes les recommandations que le Comité des Droits de l’Enfant a faites au Saint-Siège, qui est non seulement l’autorité représentative de l’État du Vatican mais aussi de l’Église catholique, que vous présidez et gouvernez à ce jour :

 Établissez clairement que, dans toutes les règles et juridictions de l’Église, les abus sexuels et la dissimulation des abus soient considérés comme des infractions criminelles et que, devant n’importe quelle affaire d’abus ou de protection d’agresseurs, la première obligation soit celle de dénoncer aux autorités civiles compétentes et de collaborer avec elles, avant toutes procédures internes.

 Assurez-vous, en tant que Chef d’État et autorité responsable de toute l’Église Catholique dans le monde, que la Commission que vous avez créée en 2013 soit ouverte et transparente, qu’elle enquête de façon indépendante et qu’elle tienne informé le Comité des Droits de l’Enfant, ainsi que de façon publique, de tous les cas d’abus sexuels et de protections indues qui ont été perpétrés au sein de votre juridiction.

 Interdisez les déplacements des prêtres pédophiles, et livrez tous les agresseurs sexuels, ainsi que leurs protecteurs, aux autorités civiles des pays dans lesquels ont été commis ces délits : en particulier, le cardinal Bernard Law aux États-Unis et le Nonce Joseph Wesolowski à la République Dominicaine.

 Mettez en place des systèmes d’information transparents afin que les agresseurs, leurs protecteurs et tous ceux qui ont permis aux agresseurs de continuer à être en contact avec des enfants, puissent être mis devant leurs responsabilités.

 Abrogez toutes les dispositions qui tendent à imposer le silence aux victimes et à ceux qui savent. Établissez des règles, des mécanismes et des procédures claires pour les déclarations obligatoires aux autorités civiles à l’égard de toutes les personnes qui relèvent de votre juridiction.

 Encouragez les programmes et les politiques visant à prévenir toute forme d’abus dans votre juridiction, à assurer la primauté de l’intérêt de l’enfant et la revendication de la dignité et des droits de toutes les victimes dans le monde, à offrir réparation aux victimes : pour leur guérison totale, le développement de leur personnalité et leur droit à rétablir leur réputation publique.

 Destituez le cardinal Norberto Rivera pour son implication manifeste dans la protection du père Marcial Maciel, du père Nicolás Aguilar et d’autres pédophiles dans notre pays. Exigez de l’archevêque de San Luis Potosi qu’il fournisse toutes les informations que possède son archidiocèse au sujet du père Córdoba et de toutes les affaires de pédophilie relevant de sa juridiction.

Pape François :

De même que certains de vos prédécesseurs ont appelé, exhorté, supplié et exigé que prennent fin les crimes contre l’humanité à l’encontre de victimes innocentes dans différents pays du monde, nous vous demandons instamment d’en finir avec cette situation douloureuse et injuste, qui ne dépend plus que de vous.

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