Discours du Saint Père aux participants au troisième Congrès mondial des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles (22/11/2014)

Jeudi 27 novembre 2014

Le pape François a reçu en audience les participants au troisième Congrès mondial des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles dans la salle Clémentine du Palais Apostolique du Vatican. Ce congrès, parrainé et organisé par le Conseil Pontifical pour les Laïcs dans l’enceinte du Collège Pontifical Maria Mater Ecclesiae, avait pour thème « La joie de l’Evangile : une joie missionnaire… » (Cf. Evangelii gaudium, 21). Voici le discours que le pape leur a adressé lors de cette audience :

Chers frères et sœurs, bonjour !

J’offre mes salutations cordiales à vous tous qui participez au congrès organisé par le Conseil Pontifical pour les Laïcs. Je remercie le Cardinal Rylko pour ses paroles, ainsi que Mgr Clemens. Au centre de votre attention ces derniers jours se trouvent deux éléments essentiels de la vie chrétienne : la conversion et la mission. Ces deux choses sont intimement liées. En effet, sans une authentique conversion du cœur et de l’esprit, on ne peut annoncer l’Évangile ; d’autre part, si on n’est pas ouvert à la mission, la conversion n’est pas possible et la foi devient stérile. Les mouvements et les nouvelles communautés que vous représentez sont arrivés aujourd’hui dans leur phase de maturité ecclésiale, ce qui exige une attitude vigilante de conversion permanente, afin de rendre toujours plus vivant et fécond l’élan missionnaire. Je voudrais donc vous offrir quelques suggestions pour votre chemin de foi et de vie ecclésiale.

1. Tout d’abord, il est indispensable de préserver la fraîcheur du charisme. Ne perdez jamais cette fraîcheur, la fraîcheur de votre charisme, en renouvelant toujours le « premier amour » (cf. Ap 2 : 4). En effet, avec le temps, arrive la tentation de s’installer dans son petit confort, de se raidir autour de schémas rassurants, mais stériles. La tentation de mettre en cage l’Esprit Saint : voilà la tentation ! Toutefois, « la réalité est plus importante que l’idée » (cf. Exort. Apost. Evangelii gaudium, 231-233.) ; si une certaine institutionnalisation du charisme est nécessaire pour sa survie, nous ne devons pas nous bercer d’illusions en imaginant que les structures externes suffisent à garantir l’action de l’Esprit Saint. La nouveauté de vos expériences ne consiste pas dans des méthodes ou des formes (même si ces choses sont importantes, aussi), mais dans la disposition à répondre avec un enthousiasme renouvelé à l’appel du Seigneur : c’est ce courage évangélique qui a permis la naissance de vos mouvements et de vos nouvelles communautés. Si les formes et les méthodes deviennent des fins en soi, alors cela veut dire qu’elles sont devenues des idéologies, loin de la réalité qui est en constante évolution. Fermées à la nouveauté de l’Esprit, elles finiront par étouffer ce même charisme qui les a pourtant générées. Vous devez toujours revenir aux sources de vos charismes et ainsi, vous retrouverez l’élan dont vous avez besoin pour affronter les défis. Vous n’avez pas suivi une école de telle spiritualité ; vous n’avez pas été dans une institution qui a telle spiritualité ; vous n’avez pas un petit groupe… Non ! Un « mouvement », c’est-à-dire : toujours en route, toujours en mouvement, rester toujours ouvert aux surprises de Dieu, lesquelles sont toujours en syntonie avec le premier appel du mouvement, avec son charisme fondamental.

2. Passons à un autre sujet : la manière d’accueillir et d’accompagner les hommes de notre temps, en particulier les jeunes (cf. Exort. Apost. Evangelii gaudium, 105-106). Nous faisons partie d’une humanité blessée, - il faut s’en souvenir ! - dans laquelle toutes les instances d’éducation (en particulier la plus importante, à savoir : la famille) connaissent de grosses difficultés un peu partout dans le monde. L’homme d’aujourd’hui connait de graves problèmes d’identité et a du mal à faire ses propres choix ; C’est pourquoi il a une propension à se faire conditionner, à déléguer aux autres les décisions les plus importantes de sa vie. Il faut résister à la tentation de se substituer à la liberté des personnes et de les diriger sans attendre qu’elles mûrissent réellement. Chaque personne avance à son propre rythme, chemine à sa manière, et nous devons accompagner ce processus. Un progrès moral ou spirituel atteint en s’appuyant sur l’immaturité des gens n’est qu’un succès apparent, destiné à faire naufrage. Il vaut mieux en faire peu, et avancer sans jamais chercher le spectacle ! L’éducation chrétienne exige un accompagnement patient où l’on respecte le rythme de chacun, comme le Seigneur lui-même le fait avec chacun d’entre nous : le Seigneur est patient avec nous ! La patience est le seul chemin pour aimer en vérité et pour conduire les personnes vers une relation sincère avec le Seigneur.

3. Autre recommandation : ne jamais oublier que le bien le plus précieux, le sceau de l’Esprit Saint, c’est la communion. Il s’agit de la grâce suprême que Jésus a gagné pour nous sur la croix, la grâce qu’en ressuscitant il nous demande sans cesse, en montrant ses plaies glorieuses au Père : « Comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21). Pour que les gens croient que Jésus est le Seigneur, il faudrait qu’ils voient la communion entre les chrétiens. Mais s’ils voient des divisions, des rivalités et des médisances, le terrorisme du commérage, s’il vous plait… S’ils voient tout cela, quelle qu’en soit la cause, comment peut-on évangéliser ? Souvenez-vous de cet autre principe : « L’unité prévaut sur le conflit » (Cf. Exort. Apost. Evangelii gaudium, 226-230.), parce que son frère vaut beaucoup plus que nos positions personnelles : pour lui, le Christ a versé son sang (cf. 1 Pt 1,18 à 19), alors que pour mes idées, il n’a rien versé ! Il ne peut y avoir de véritable communion dans un mouvement ou dans une nouvelle communauté, si on ne l’intègre pas dans une plus grande communion, à savoir celle de notre Sainte Mère l’Église hiérarchique. Le tout est supérieur à la partie (cf. Exort. Apost. Evangelii gaudium, 234-237) et la partie n’a de sens que par rapport au tout. En outre, la communion consiste également à affronter ensemble, et dans l’unité, les questions les plus importantes, comme la vie, la famille, la paix, la lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes, la liberté religieuse et la liberté d’éducation. En particulier, les mouvements et les communautés sont appelés à travailler ensemble pour contribuer à soigner les blessures causées par une mentalité globalisée qui est toute absorbée par la consommation, laissant de côté Dieu ainsi que les valeurs essentielles de l’existence. Par conséquent, pour atteindre la maturité ecclésiale, vous devez conserver - je le répète - la fraîcheur du charisme, respecter la liberté des personnes et chercher toujours la communion. Cependant, n’oubliez pas que pour atteindre cet objectif, la conversion doit être missionnaire : la force de surmonter les tentations et ses propres lacunes vient de la joie profonde que donne l’annonce de l’Evangile. Et c’est le fondement de vos charismes.

En effet, « quand l’Église appelle à l’engagement évangélisateur, elle ne fait rien d’autre que d’indiquer aux chrétiens le vrai dynamisme de la réalisation personnelle » (Exort. Apost. Evangelii gaudium, 10), la vraie raison de renouveler leur propre vie, parce que la mission est une participation à la mission du Christ, qui nous précède toujours et nous accompagne dans l’évangélisation.

Chers frères et sœurs, vous avez déjà apporté beaucoup de fruits à l’Église et au monde entier, mais vous en apporterez de plus grands encore avec l’aide de l’Esprit Saint, qui suscite toujours et renouvelle les dons et les charismes, et avec l’intercession de Marie, qui ne cesse de porter secours et d’accompagner ses enfants. Allez de l’avant : soyez toujours en mouvement… Ne vous arrêtez jamais ! Soyez toujours en mouvement ! Je vous assure de mes prières et je vous demande de prier pour moi - j’en ai vraiment besoin - comme je vous bénis de tout cœur.

Maintenant, je vous demande, tous ensemble, de prier la Vierge Marie, qui a vécu cette expérience de toujours préserver la fraîcheur de la première rencontre avec Dieu, d’aller de l’avant avec humilité, toujours en route, tout en respectant le rythme de chacun. Et également de ne jamais se fatiguer d’avoir un cœur de missionnaire.

Ave Maria …

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