François renouvelle la Commission pour la Protection des Mineurs… mais ne reconduit pas six de ses membres

Dimanche 18 février 2018

Le Pape François vient de renouveler le mandat de la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs, qui avait été laissé à l’abandon depuis deux mois, amenant certains survivants à se demander si la protection des enfants était vraiment une priorité absolue pour l’Église catholique.

par Joshua J. McElwee

Le pontife a renommé huit des anciens membres de la Commission pontificale pour la protection des mineurs et a ajouté neuf autres personnes. Le cardinal de Boston Sean O’Malley revient en tant que président du groupe, et le prêtre de Boston, Mgr. Robert Oliver, revient en tant que secrétaire.

Bien qu’aucun des membres de la commission ne soit publiquement connu comme victime d’abus sexuels, le groupe a indiqué dans une déclaration que certains d’entre eux sont des survivants qui doivent encore se faire connaitre publiquement. La commission a ajouté qu’elle « considère que leur vie privée dans ce domaine doit être respectée ».

Six anciens membres de la Commission n’ont pas été reconduits par François, y compris quelques-unes des personnalités les plus connues du groupe : Catherine Bonnet, psychothérapeute française, Sheila Hollins, baronne britannique, Bill Kilgallon, responsable de l’église néo-zélandaise, et Krysten Winter-Green, conseillère de congrégation religieuse.

Marie Collins, une survivante irlandaise qui a démissionné de la Commission en mars 2017, a expliqué au NCR que parmi les personnes qui n’ont pas été renouvelées se trouvent les membres les plus actifs du groupe. Elle a ajouté que trois d’entre elles étaient des responsables au sein des six groupes de travail de la commission.

« Je suis choqué de voir que certains des membres les plus actifs et les plus indépendants de la Commission aient été écartés » a déclaré Collins. « Parmi les membres qui sont partis se trouvent ceux qui étaient vraiment les plus actifs et avaient le plus d’expérience professionnelle dans la protection de l’enfance et dans le travail avec les victimes. »

Le mandat de trois ans des membres de la Commission a expiré le 17 décembre.

La nomination de nouveaux membres arrive juste au moment où le Pape affronte une lourde salve de critiques à son égard, à cause de la façon avec laquelle il a géré des accusations contre un évêque chilien accusé d’avoir étouffé une affaire d’abus sexuels dans les années 80 et 90, alors qu’il était prêtre.

Après avoir qualifié les accusations de « calomnies » le mois dernier, le pape a fait machine-arrière le 30 janvier et a envoyé l’archevêque maltais Charles Scicluna, l’un des enquêteurs les plus respectés de l’Eglise, pour examiner les revendications des survivants.

Scicluna doit recevoir le témoignage de Juan Carlos Cruz, l’un des accusateurs de Mgr Juan Barros le 17 février, à New York. Ce dernier prétend que Barros a été témoin des agressions sexuelles commises par le père Fernando Karadima.

Bonnet a déclaré au NCR avoir décidé de démissionner de la Commission en juin dernier après que deux objectifs qu’elle s’était fixée pour le travail du groupe n’aient pas été réalisés. Le premier objectif était que des survivants ou que des associations de défense de victimes puissent être auditionnés par la Commission afin d’apporter leur contribution à son travail avant ou lors de sa dernière réunion plénière en septembre 2017.

Le second objectif était que la Commission fasse un vote pour recommander au Pape François que celui-ci demande aux chefs d’Eglise du monde entier de signaler les accusations d’abus sexuels aux autorités civiles, afin de « réduire la souffrance des enfants et qu’ainsi, il n’aient plus à attendre des années et des années pour pouvoir signaler une agression sexuelle. »

Les deux autres membres de la Commission qui n’ont pas été renommés par François sont le père jésuite argentin Humberto Yanez, directeur du département de théologie morale à l’Université Pontificale Grégorienne ; et l’officielle de l’église australienne Kathleen McCormack.

Les neuf nouveaux membres de la commission proviennent de différents endroits, notamment : l’Éthiopie, l’Inde, les Tonga, le Brésil, l’Australie et les Pays-Bas. Parmi eux se trouve également Teresa Kettelkamp, ancienne directrice exécutive du Secrétariat des évêques des États-Unis pour la protection de l’enfance et de la jeunesse et ancienne colonelle de la police d’État de l’Illinois.

La commission a déclaré dans sa déclaration à la presse qu’elle espère que les nouveaux membres offriront des perspectives « reflétant la portée globale de l’Église et le défi de créer des structures de sauvegarde dans divers contextes culturels. »

Le groupe a également indiqué que sa prochaine réunion plénière, qui se tiendra en avril, commencera par une rencontre avec des victimes d’abus sexuels. La Comission a ajouté que « des discussions sont en cours » pour la création d’un nouveau comité consultatif qui serait composé de victimes.

Les huit autres nouveaux membres de la Commission sont :

  • Benyam Mezmur, qui enseigne le droit à l’Institut Dullah Omar en Éthiopie ;
  • Sœur Arina Gonsalves, religieuse de Jésus et de Marie, vice-provinciale pour son ordre en Inde ;
  • Neville Owen, un ancien juge de la Cour d’appel de la Cour suprême de l’Australie occidentale ;
  • Sinaelelea Fe’ao, coordinatrice de l’éducation religieuse pour le diocèse de Tonga et de Nioué ;
  • Myriam Wijlens, professeur de droit canonique à l’Université d’Erfurt en Allemagne ;
  • Ernesto Caffo, professeur de psychiatrie infanto-juvénile à l’Université de Modène et Reggio Emilia en Italie ;
  • Sœur Jane Bertelsen, Missionnaires franciscaines de la maternité divine et chef de congrégation de son ordre ;
  • Et Nelson Giovanelli, fondateur d’un centre brésilien de réhabilitation des toxicomanes.

La Commission est de plus en plus sous le feu des projecteurs depuis sa création par François en mars 2014.

Collins a démissionné le 1er mars 2017, exprimant sa frustration face à la réticence des responsables du Vatican à coopérer. Elle a fait état d’un mécontentement particulier face au refus d’un bureau du Vatican de se conformer à une demande de la commission, pourtant approuvée par le Pape, selon laquelle toutes les lettres envoyées au Vatican par des victimes d’abus devraient recevoir une réponse.

Elle a aussi mentionné la demande de la commission, approuvée par le Pape, que le Vatican crée un nouveau tribunal pour juger les évêques agissant de manière inappropriée dans les affaires d’abus sexuels. Bien que ce tribunal ait été annoncé par O’Malley en juin 2015, celui-ci n’a jamais été créé.

En revanche, François a signé une nouvelle loi universelle pour l’Eglise en juin 2016 spécifiant que la négligence d’un évêque dans des affaires d’abus sexuels commis par des prêtres peut mener à la destitution de cet évêque. Hélas, on ne sait pas très bien comment le processus décrit dans cette loi peut être suivi et mis en application.

L’ancienne membre de la commission, Winter-Green, a déclaré lors d’une interview en août dernier que l’un des problèmes du groupe était le manque de personnel et la quantité excessive de travail.

« C’est un travail épouvantable, avec un budget très mince », a-t-elle déclaré, qualifiant de « défi majeur » le « manque d’informations transparentes concernant les ressources budgétaires ».

Voir en ligne : https://www.ncronline.org/news/vati…

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