Le plus souvent un prêtre, mais pas seulement, usant de son autorité considérée comme venant de Dieu, exerce son emprise sur une autre personne, s’installe dans la conscience de celle-ci comme un coucou qui va pondre dans le nid d’un autre oiseau, phagocyte son lien intime avec Dieu. Je laisse à d’autres le soin de donner une meilleure définition. Il y a un lien entre abus sexuel en Eglise et abus spirituel. Le premier est toujours conditionné par le second. C’est ce qui explique qu’un enfant puisse se laisser abuser par un prêtre, dans lequel il voit le représentant de Dieu. Dans le film « Spotlight », une ancienne victime d’un prêtre pédophile explique : comment j’aurais pu dire non à Dieu ? C’est le même type de relation qui explique qu’une femme adulte puisse se laisser agresser sexuellement par son confesseur. Qu’une religieuse puisse se laisser agresser sexuellement par un prêtre. Qu’un jeune religieux puisse être contraint à une relation sexuelle avec son supérieur. C’est incompréhensible à la majorité des gens. « A sa place, j’aurais donné une baffe à l’agresseur », me réplique-t-on quand j’essaie d’expliquer. Effectivement, si vous ne comprenez pas ce qu’est l’emprise spirituelle, vous ne pouvez pas comprendre.
Cependant, si tout abus sexuel s’origine dans un abus spirituel, tout abus spirituel ne donne pas lieu à un abus sexuel. Les abus spirituels sans abus sexuel sont bien plus nombreux et interviennent dans le cadre de ce que l’on appelait autrefois la direction spirituelle et au sein de communautés religieuses. C’est la principale manifestation d’une dérive sectaire d’une communauté religieuse.
L’abus spirituel, c’est prétendre pouvoir dire à un autre ce que Dieu veut pour lui. C’est prendre la place de Dieu, se faire un porte-parole de la volonté de Dieu pour quelqu’un d’autre. C’est un abus car c’est l’Esprit Saint qui nous parle, nous fait nous souvenir des paroles du Christ, c’est le Christ qui parle lui-même en chacun de nous, par de multiples médiations : la parole de Dieu, les sacrements… Mais personne ne peut prétendre remplacer le Christ. (Père Guilhem Causse, jésuite).
Les abus spirituels peuvent être tout aussi dévastateurs qu’une agression sexuelle. On a pu parler de viols de conscience. D’ailleurs, le pape François, dans sa lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018 a mis sur le même plan « abus sexuels, abus de pouvoir et de conscience ».
Cependant, de cette lettre, on n’a retenu que les premiers et ignoré les abus de pouvoir et de conscience, c’est-à-dire les abus spirituels.
On commence à en parler au sein de l’institution ecclésiale et l’on doit relever les efforts de la CEF (Conférence des évêques de France) à travers la Cellule pour les dérives sectaires dans des communautés religieuses et de la CORREF (Conférence des religieux et religieuses de France).
La CEF a notamment publié sur son site une liste de critères de discernement permettant le repérer des comportements de type sectaire.
Mais ceux qui ont concrètement le pouvoir de prendre des mesures pour remédier à ces dérives ne sont pas pressés de le faire, entre les évêques diocésains concernés qui traînent les pieds et la nébuleuse romaine. C’est donc au peuple des baptisés de se sensibiliser à la question. Il a désormais des livres et des documentaires pour le faire et bientôt un film dans les salles de cinéma « Les éblouis ».
Emprise et abus spirituel : témoignage de trois personnes sous emprise
Sous emprise : Marie-Laure et les sœurs contemplatives de Saint-Jean
Sous emprise : Xavier et les Légionnaires du Christ.
La Légion du Christ est connue pour les turpitudes sexuelles et autres de son fondateur, mais la majorité des membres n’en connaissaient rien et ce que démonte Xavier Léger dans ce film, c’est précisément le système d’emprise spirituelle.