Un corbeau sur un arbre perché tenait en son bec un rosaire.
Un renard alléché lui tint à peu près ce langage :
— Hé, bonjour, que votre plumage est brillant !
— C’est que je m’ondoie de saint-Chrême régulièrement !
— Et que votre ramage est apostolique ! Sans mentir, si vous faites tout ce que je vous dis, je promets de vous envoyer en Eden rapidement.
A ces mots, le corbeau ne se sent plus de joie et se laisse tomber tout entier.
Le renard se saisit de lui et dit :
— Laissez-moi vous accommoder semaine après semaine, le Paradis sera votre salaire !
L’Oiseau jubile mais pas longtemps. Il sent qu’on lui prend une à une ses belles plumes.
— Vous me serrez trop fort, je peux à peine voler !
— Certes, mais je ne fais qu’ôter ce qui pourrait vous gâter ! Fiez-vous à moi, souriez sans cesse, vous approchez de la perfection tous les jours.
Le Corbeau reprend courage et redouble d’efforts.
Un beau matin, son Mentor à poils roux lui susurre :
« Prenez exemple sur vos frères déjà en broche, voyez comme ils rendent du jus ! »
Le Corbeau n’est pas content, il attendait une fête, on lui montre des martyrs.
Cela suffit.
— Ce n’est pas que je me pique de votre programme accéléré de sainteté, je préfère aller tout à loisir, cueillir des vertus là où je les trouverai. »
Il fait mine de partir mais oublie que ses ailes ont été rognées. Le duvet qu’il lui reste ne lui permet plus de s’élever dans les airs comme il aimerait…
Il jura qu’on ne l’y prendrait plus, ni lui, ni un autre.
A l’aide de quelques branchages, il bâtit un panneau en triangle qu’il planta devant la tanière du beau Parleur.
Isabelle de L.