27 février 2018 Par Claudio del Frate
Le citoyen Luciano Massaferro, pour l’État italien, est coupable du crime d’abus sexuel sur des mineurs. Cela a été établi par une sentence de la Cour suprême qui l’a condamné à 7 ans et 6 mois de réclusion criminelle. Mais pour l’Église, le même Luciano Massaferro, qui par ailleurs est un prêtre, va être acquitté. Et non pas en vertu du pardon que l’Evangile accorde aux pécheurs, mais parce que l’Eglise considère qu’il est innocent de toutes les lourdes accusations qui pèsent sur lui. Deux sentences sur les mêmes faits, deux verdicts diamétralement opposés ; le résultat est paradoxal : Don Luciamo Massaferro, qui vient de purger sa peine, n’occupera plus jamais de fonctions publiques mais pourra cependant redevenir prêtre. La cour ecclésiastique de Gênes présidée par le cardinal Angelo Bagnasco (Don Luciano est d’Alassio) l’a réhabilité il y a quelques jours.
L’histoire convainc par trois fois les juges, qui condamnent le prêtre C’est en 2009 qu’une jeune fille de douze ans, admise à l’hôpital Gaslini à Gênes, raconte aux médecins avoir été violée par le prêtre de sa paroisse à Alassio. L’hôpital signale le fait au ministère public qui ouvre un dossier sur le religieux, Don Massaferro, « don Lu » pour ses paroissiens. L’histoire de la jeune fille semble suffisamment convaincante aux yeux des juges, si bien que le prêtre est d’abord placé en prison, puis assigné à domicile. L’histoire de la fille est entendue d’abord par la cour de Savone, puis par la cour d’appel de Gênes et enfin par la cour de cassation. Rien n’affecte le jugement : ni que des dizaines de personnes témoignent en faveur de "Don Lu", ni qu’aucun autre épisode contre l’accusé n’ait fait surface. La fin de ce processus est une lourde sentence qui s’abat sur Don Massaferro : sept ans et demi de prison. Pour la justice des hommes, le prêtre est coupable de pédophilie.
L’Eglise mène une instruction parallèle, qui conduit à l’absolution du prêtre En même temps, l’Eglise ouvre un procès pour évaluer les responsabilités de son pasteur et pour décider s’il convient de le « défroquer », c’est-à-dire de lui retirer le droit de célébrer la messe et les sacrements. Le tribunal ecclésiastique de Gênes hérite de tous les actes du procès ordinaire et – en vertu du pouvoir établi par le Concordat – il enrichit l’enquête avec une nouvelle appréciation sur prêtre et avec des dépositions de témoins. Et le résultat, annoncé il y a quelques jours, a de quoi surprendre : « Don Massaferro doit être complètement réhabilité car il ne semble pas avoir commis les crimes dont on l’accuse » selon le verdict du tribunal religieux. « Le tribunal de la Curie - a déclaré l’avocat Alexander Chirivi qui a assisté « Don Lu » tout au long de la procédure judiciaire - a estimé que l’accusation de la victime n’était corroborée par aucune preuve externe, que l’histoire présentait de nombreuses incohérences et qu’au contraire les nombreux examens n’avaient révélé aucun comportement anormal de la part de mon client ». Les mêmes éléments de preuves qui avaient été étudiés dans le procès ordinaire ont été évaluées différemment.
Une situation kafkaïenne Cette situation est Kafkaïenne. « En raison de l’arrêt de la Cour de Cassation – précise l’avocat – Don Luciano est interdit de travailler dans la fonction publique : il ne pourra pas exercer de fonctions politiques, il ne pourra pas enseigner, ne pourra pas être nommé tuteur. Mais pour l’Eglise, il est complètement innocent et se verra bientôt assigner une nouvelle mission ». Cette décision a été confirmée à Gênes il y a quelques jours par le cardinal Bagnasco : « Je note que toutes les procédures prévues pour la réintégration canonique et légale sont faites. Don Massaferro sera de retour dans son ministère selon les modalités prévues ».