Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre

Mercredi 19 janvier 2022

« Je n’écris pas ce livre sans intention. Je voudrais – même si c’est probablement naïf, mais qui sait ? – que mon expérience puisse servir à d’autres. Plonger dans la spiritualité comme je l’ai fait, avec autant de force que de naïveté, ne va pas sans dangers comme on le verra. Ce n’est pas parce qu’on a la foi, une foi sincère, qu’il faut foncer tête baissée au couvent. »

Par Sabine Dethelle, pour lenversdudecor.

Liturgies sous prozac, récit paisible et authentique d’une ancienne sœur de Jérusalem ayant traversé l’enfer. A l’origine de ce dernier ? Un manque de liberté, une situation d’emprise : elle fut retenue à Jérusalem alors qu’elle voulait en partir. Une emprise qui durera huit ans et demi en communauté, puis six ans hors communauté. Huit ans et demi avant qu’un drame salutaire n’ose la pousser vers la sortie comme par un réflexe de survie, après une nuit qui aurait pu finir au drame. Emprise qui perdura six ans après sa sortie. Six ans avant d’ouvrir les yeux sur ce passé en osant s’avouer : « je n’ai pas été libre. » et d’ajouter : "ma sortie réelle et authentique n’a eu lieu qu’à ce moment-là, c’est-à-dire six ans après ma sortie physique."

Par ailleurs, ce récit met en lumière la façon dont un système pervers se transmet, du fondateur – Pierre Marie Delfieux – à sœur « Octavie » dont l’identité est aisément reconnaissable et aux prieures locales. Un récit qui sait aussi reconnaître avec gratitude le bon reçu, donnant ainsi d’autant plus de force à son contenu quand il s’agit de nommer l’abus subi. Les faits décrits dans ce livre parlent d’eux-mêmes : l’abus spirituel a des conséquences dévastatrices.

L’enfer de cette expérience atroce au cœur d’une communauté ayant pignon sur rue à l’époque des faits relatés, est rendu accessible au lecteur par une écriture qui ne se lasse pas des jeux de mots et des implicites qui aident à sourire au milieu du drame.

Un récit mesuré et authentique.

Anne-Charlotte de Maistre, Liturgies sous Prozac, récit d’une emprise spirituelle, Paris, Salvator, 2022.

Vos réactions

  • J’ai écouté Anne Charlotte parler de son expérience sur un podscat de Bethseda le 9 mars puis sur radio notre dame le 1 avril . J’ai entendu une belle experience de résilience et pas tellement une expérience d’abus spirituel . Peut-être faut-il lire le livre pour tout comprendre . Auquel cas, vu le nombre de publications à lire sur le meme sujet ces dernières années, il faut avoir un bon budget ! Est-ce que les éditeurs abusent aussi de nous ?

    D’autre part, des millions de gens font de la dépression, en particulier des mères de famille à qui la société actuelle ne facilite pas la vie ; est-ce qu’on parle d’abus quand on demande aux jeunes femmes d’aujourd’hui d’être performantes sur tous les plans ?

    Il est grand temps d’afiner le sens d’abus spirituel et d’abus moral,sinon , nous aurons tous des livres à écrire…

    • Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre 25 avril 2022 16:38, par Ancienne sœur

      Chère Madame,

      Votre message trahit une grande méconnaissance du sujet pour plusieurs raisons :

      1) Vous n’avez pas lu le livre, Je l’ai fait et puis vous dire que le témoignage d’Anne-Charlotte de Maistre confirme en tout point les déviances et abus constatés par d’autres qu’elle même dans cette communauté..

      2) Les enquêtes canonique et apostolique ; cette dernière menée par des représentants nommés par le Vatican le confirment aussi. Les frères le reconnaissent officiellement ( voir le site des Fraternites avec conclusion officielle des enquêtes et communiqué des frères )

      3) S’il y a résilience - et tant mieux, et au prix de combien d’efforts pendant des années - c’est bien qu’il y a eu abus auparavant et accessoirement non respect du droit canon encadrant normalement les communautés religieuses ( discernement de la vocation, élections et non cooptation des supérieurs etc.etc….)

      4 ) Effectivement beaucoup de personnes font des dépressions pour diverses raisons. En general, elles sont soignées par des psychiatres, psychologues, psychanalystes « neutres » qui ont pour but de restaurer le plus possible leur liberté et leur intégrité psychique, et non, seulement mises sous médicaments, avec de beaux prétextes spirituels à la clé ; ce qui leur enlève au contraire toute liberté de choix. C’est cette instrumentalisation du spirituel pour faire rester et obéir les personnes ( ou au contraire les éjecter du jour au lendemain) qui est dramatique et constitue proprement la spécificité de l’abus spirituel.

      5 ) Comme pour le cas des abus sexuels trop longtemps passés sous silence, l’omerta qui durait depuis des décennies est rompue et la parole se libère enfin. Il faut donc se réjouir que la vérité se fasse jour contre l’illusion et même le mensonge. Il y va aussi de la justice et de la charité pour des personnes qui ont beaucoup souffert et souffrent encore. Toutes ne sont pas d’ailleurs en mesure de parler ; trop détruites ou n’en ayant ni la volonté ni la possibilité.

      6 ) Concernant les abus spirituels et autres dérives sectaires, il existe des critères objectifs mis en évidence par des études psychologiques et théologiques. Il vous reste donc à vous renseigner pour ne plus parler dans le vide.

      Une ancienne sœur des Fraternites de Jérusalem.

      • Merci, Ancienne soeur, pour toutes ces précisions éclairantes .

        En effet, j’ai tort de ne pas avoir lu le livre qui est forcément plus complet que les interviews . Mais justement, mon problème est que je trouve le coût des livres prohibitifs : à 20€ en moyenne le livre, il faut une somme conséquente pour s’informer correctement . Les médias ne donnent qu’un aperçu trop bref des réalités .

        Alors, la connaissance, une fois de plus, est réservée à « l’élite », et même dans l’Église, il y a une élite : voilà un autre genre d’abus ..

        On sait bien que les auteurs de livres touchent un faible pourcentage sur leurs livres , mais il y a forcément des gens qui s’enrichissent . Cela pose question .

        Les témoignages devraient être publics, entiers et sans 36 intermédiaires . J’ai toujours l’impression que le peuple de Dieu continue d’être floué quoiqu’il arrive.

        • Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre 27 avril 2022 14:26, par Anne Mardon

          Bea,

          Vous avez raison sur bien des points. Un auteur touche environ un euro par livre. Sachant que ce genre de témoignage est en général vendu à moins de 1000 exemplaires, vous voyez qu’on n’écrit pas pour s’enrichir personnellement. Mais pour le lecteur, je comprends parfaitement le problème.

          Le livre est souvent le dernier recours pour être entendu, et encore est-ce le parcours du combattant pour trouver un éditeur. La presse et les éditions généralistes ne s’intéressent que très peu à ce style d’ouvrages. Les medias généralistes n’ont que faire des victimes de l’Eglise. Quant aux medias cathos, j’en sais quelque chose, ils trient le plus souvent sur le volet. Il leur faut un discours positif, tourné vers l’avenir et expliquant surtout le rôle qu’ont pu jouer la foi et l’Eglise dans la résilience - quand il y a résilience. Je ne sais comment cela s’est passé pour Anne-Charlotte, mais son livre est assez fort et dit pas mal de choses qu’elle n’a pas exprimées sur radio nd. Je trouve déjà bien qu’elle ait pu parler quelque part, en plus d’avoir écrit. Cela peut encourager les auditeurs à s’intéresser aux problèmes des communautés nouvelles. Mais j’arrête ici de m’exprimer à sa place.

          Je suis en tout cas la première à regretter, comme vous, qu’on continue à avoir si difficilement accès à la parole des victimes.

          Il y a une solution, mais seulement lorsqu’on a un entourage qui s’intéresse à ces questions assez confidentielles : faire passer les livres de main en main. Cela se fait évidemment beaucoup dans les couvents 😉.

          Concernant ce que vous disiez à propos des abus dits « spirituels », je ne peux que reprendre ce qu’écrit l’Ancienne Soeur. Ils sont très spécifiques, décrits, répondent maintenant à des critères particuliers et ont bien sûr à voir avec l’emprise et les dérives sectaires.

          Merci de vous intéresser à ces questions, c’est important pour les victimes qui, comme il a été dit par l’une d’elles dans le rapport Sauvé, sont très souvent « des muets s’adressant à des sourds ».

        • Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre 27 avril 2022 14:57, par Anne Mardon

          A Bea,

          J’ajoute à mon commentaire précédent que l’un des grands mérites de l’Envers du décor, et donc de Xavier Léger, est de donner la parole aux victimes, faire connaître leurs ouvrages, les videos qu’elles ont pu tourner et parfois partager des témoignages entiers qu’on ne lit nulle part ailleurs. Et ce, sans aucune « censure » ou édulcoration, et depuis de nombreuses années.

          • Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre 27 avril 2022 16:37, par Ancienne soeur

            Je me permets d’ajouter à ce que dit Anne Mardon, que si on n’a pas les moyens financiers d’acheter des livres, ce site « l’envers du décor « est très précieux pour donner la parole aux victimes, faire la recension d’ouvrages et de vidéos sur ce sujet et l’analyse de certains spécialistes ( prêtres, theologiens, psychothérapeutes etc…). De plus, internet ou l’on trouve des sites dédiés à ce problème dont l’AVREF et les auditions données à la CIASE, facilite maintenant la recherche.

        • Liturgies sous prozac, d’Anne-Charlotte de Maistre 27 avril 2022 19:06, par volubilis

          demandez à la bibliothèque municipale il y a un service de prêts interbibliothèques

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