Monseigneur Barbarin face au tribunal des hommes

Lundi 21 janvier 2019

En faisant proclamer par l’un de ses défenseurs que « la douleur ne crée pas le droit », Mgr Barbarin a peut-être gagné comme citoyen, comme fonctionnaire de Dieu. Mais comme chrétien ?

Paris Match | Publié le 20/01/2019 à 08h05

Par Jean-Marie Rouart, de l’Académie française

Accusé de non-dénonciation d’agressions sexuelles, le cardinal de Lyon a provoqué l’indignation en voulant étouffer le scandale.

Tel qu’il est apparu dans le prétoire, fixant ses accusateurs avec le regard noir d’un prélat injustement traqué, le visage figé, la bouche marquée par un pli amer, sur la défensive, muré dans la certitude d’avoir raison, Mgr Barbarin a réagi plus en politique, en dignitaire d’une institution, qu’en homme sensible à la souffrance. Il avait beau être dépouillé de sa mitre épiscopale, de sa crosse, de son dais et de tous les attributs honorifiques de sa dignité sacerdotale, on le sentait surtout humilié dans sa fierté d’archevêque de Lyon, de primat des Gaules, de presque pape puisqu’il avait été favori à l’un des derniers conclaves ; oui, humilié d’avoir à se justifier devant un tribunal, lui qui, à son niveau, ne s’explique plus qu’avec le Saint-Père et avec Dieu.

Il semble bien, et c’est son côté pathétique, qu’en dépit d’une grande intelligence, de sa carrière brillante, il n’ait pas vraiment compris l’enjeu du débat judiciaire. Il n’a pas non plus paru troublé par ce qu’il signifiait en profondeur. Il manque peut-être à cet homme de foi ce qui fait défaut souvent aux hommes de pouvoir, absence plus surprenante chez un prêtre : un cœur, un cœur compatissant capable de s’émouvoir face aux souffrances insoutenables dont les pauvres victimes se sont délivrées devant lui durant les audiences. Et les accusations qui découlaient de leurs témoignages n’émanaient pas de laïcards forcenés, d’athées farouches, d’anticléricaux cherchant un prétexte pour s’en prendre à l’Eglise, mais de vrais, d’authentiques chrétiens, d’autant plus blessés que c’est en tant que tels qu’ils ont subi une forme de martyre de la part du « bon pasteur », en l’occurrence l’abject père Preynat, qui avait la mission de les protéger.

« Le cri du cœur de Mgr Barbarin : « Dieu soit loué, ils sont prescrits. » »

Ni la presse ni l’opinion n’auraient suivi avec autant d’attention la mise en cause de Mgr Barbarin par la justice s’il n’apparaissait pas seulement comme un bouc émissaire mais surtout comme un symbole. Certes il n’est pas ordinaire, c’est même une première, de voir un des plus hauts dignitaires de l’Eglise traduit devant un tribunal et d’avoir à répondre d’une attitude passive dont il n’a pas semblé mesurer qu’elle puisse être choquante. La défense de Mgr Barbarin a tenu en une seule justification : rien de répréhensible ne peut lui être reproché au regard de la loi. Et c’est dans cette tranquille certitude que réside tout l’abîme qui le sépare de la communauté non seulement chrétienne mais humaine.

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Vos réactions

  • volubilis 16 mai 2020 18:25

    En pensant à Demarle victime des béatitudes à propos des béates attitudes Saturday, May 16, 2020 6:20 PM Subject : Un de ses ministres dit un jour à Louis XV : Sire vous avez assassiné 99 personnes

    Louis XV gracia un jour un assassin à la demande des siens . Une fois libéré ce dernier assassina encore 99 fois avant que la police du roi ne lui remette la main au collet ; Louis XV choqué d’exclama : Cet home a assassiné 100 fois ; Non Sire répondit le ministre il n’a assassiné qu’une fois . Votre Majesté tua les 99 autres en le remettant en liberté . Le roi ne moufta pas . Alf ah barbare hein ? 1 ? Hun ? Hum ! Hume ?

    https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=895559 Le Christ a refusé d’être jugepar Paterculus 2020-05-15 23:20:13 Imprimer Imprimer

    Le Christ a refusé d’être juge, c’est pourquoi le fait qu’Il n’ait condamné personne ne signifie rien. https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=895559 Rappelez-vous l’épisode où quelqu’un lui demande : « Dis à mon frère de me partager notre héritage ». Jésus lui répondit : « Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? »

    Qu’Il ait refusé de condamner la femme adultère est à mettre en lien avec ce refus d’exercer la fonction de juge dans la société de son temps. En fait Il refuse de se prononcer. Qu’Il n’ait pas prononcé de condamnation à mort dans le cas de la femme adultère ne signifie pas qu’Il ait pensé que la condamnation à mort ait été mauvaise dans tous les cas. Votre lecture de l’Évangile a quelque chose d’indécent.

    On a du mal à suivre votre pensée quand vous énoncez : « Et ce n’est pas parce St Louis tout saint qu’il soit a utiliser pour régner la peine de mort qu’elle l’a rende légitime. » Je suppose que vous voulez dire que le fait que Saint Louis ait eu recours à la peine de mort ne suffit pas à légitimer celle-ci. Au passage, ce n’est pas pour régner que Saint Louis a eu recours à la peine de mort, mais pour rendre la justice. Mais personne ne dit que c’est l’action de Saint Louis en elle-même qui fait apparaître la peine de mort comme juste : ce qui fait apparaître la peine de mort comme juste à ce propos, c’est que l’Eglise a canonisé Saint Louis, qui pratiquait la peine de mort. Si vraiment celle-ci était injustifiable, Louis IX aurait été un assassin, et le Saint Esprit n’aurait pas permis qu’il soit canonisé.

    Votre affirmation est amusante : « Alors que la société civile a mis heureusement un terme à la peine de mort j’ai dû mal à concevoir qu’un catholique ne remette pas en cause cette position. » Ainsi vous voudriez que les catholiques ne se règlent plus sur la Révélation, mais sur les conceptions à la mode dans la société civile. En tout temps c’est indéfendable. Mais plus encore de nos jours où les conceptions à la mode justifient l’avortement, l’euthanasie, et toutes sortes de déviations que je ne peux pas nommer pour éviter d’être déféré devant les tribunaux - car les conceptions de la société civile qui vous inspire, c’est qu’il faut interdire aux catholiques d’affirmer certaines de leurs convictions de foi.

    Il y a quand même un point sur lequel je suis heureux que nous soyons d’accord, c’est quand vous écrivez : « la position du Pape François sur le sujet me semble une révolution ». C’est très lucide, et justement cela condamne cette position du Pape François sur la base même du point départ de ce fil, qui est précisément une condamnation des changements de la doctrine qui ne resteraient pas « dans la même direction ». Votre affirmation est d’autant plus méritoire qu’elle peut vous valoir l’ire de Ion, qui soutient que la position du Souverain Pontife est dans la continuité de l’enseignement de ses prédécesseurs. Bravo !

    Pape François : La doctrine n’est pas une chose statique par Chicoutimi (2020-05-12 06:42:47) Prions pour… par Abbé Néri (2020-05-12 08:00:46) C’est traditionnel par Paterculus (2020-05-12 08:01:13)

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