« Monseigneur anti-pédophilie », Stanislas Lalanne, passe la main

Lundi 6 juin 2016 — Dernier ajout dimanche 18 septembre 2016

Sous le feu des projecteurs et des critiques ces dernières semaines, Mgr Stanislas Lalanne passe la main à la tête de la cellule dédiée à la lutte contre la pédophilie dans une Eglise catholique secouée par les affaires d’abus sexuels.

Parmi les mesures annoncées le 12 avril par la Conférence des évêques de France (CEF) figure la transformation de cette « cellule de veille » en une « cellule permanente de lutte contre la pédophilie » (CPLP).

Mgr Lalanne ne sera pas de cette nouvelle aventure, pas plus que les trois autres évêques et les deux experts laïcs membres du groupe depuis fin 2013. « Cette équipe s’arrête, une nouvelle va se mettre en place, avec une responsabilité plus large », confie à l’AFP l’évêque de Pontoise. « Nous avons beaucoup travaillé », plaide-t-il.

Du côté de la CEF, on souligne que cette transmission de témoin à une « nouvelle génération » ne constitue aucunement un désaveu à l’égard de Mgr Lalanne, mais correspond à « un souhait de sa part ».

Il n’en demeure pas moins que cette réorganisation intervient après la polémique née de l’hésitation de l’évêque à qualifier la pédophilie de « péché » dans une interview, début avril.

Ces considérations de théologie morale, inaudibles vu l’hypersensibilité du sujet, avaient surpris de la part d’un prélat qui a incarné la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise de France depuis une quinzaine d’années. Comme porte-parole de l’épiscopat d’abord, puis en tant que membre d’un premier comité consultatif en matière d’abus sexuels sur mineurs. Le guide « Lutter contre la pédophilie », publié en 2002, réédité en 2010 et souvent cité en exemple, lui doit beaucoup.

Aujourd’hui, alors que des victimes potentielles prennent la parole tous azimuts, Mgr Lalanne n’est pas épargné par la mise en cause de sa gestion de certains dossiers.

  • ’Récidive’ -

France 3 a affirmé qu’il lui avait fallu près d’un an et demi pour informer le parquet d’accusations visant un diacre permanent du Val-d’Oise, auquel une femme reproche des attouchements alors qu’elle avait 11 ou 12 ans, au milieu des années 1980. Mgr Lalanne se défend de tout attentisme : ayant reçu en décembre 2014 la jeune femme, sous curatelle, il avait pris des « mesures conservatoires » à l’encontre de ce diacre sans mission pastorale et qui nie les faits, et pensait alors qu’une plainte serait déposée.

En apprenant récemment qu’il n’en était rien, l’évêque a demandé « expressément » au diacre de « se rendre à la gendarmerie pour s’expliquer » et a écrit au procureur de la République, indique l’évêché de Pontoise.

D’autres interrogations concernent le diocèse de Coutances et Avranches, dont Mgr Lalanne a été l’évêque entre 2007 et 2013 : un prêtre, le père Richard Lucas, y a été condamné en 2003 à du sursis pour agressions sexuelles sur mineurs, puis une nouvelle fois en 2013, cette fois à quatre mois de prison ferme, pour des faits de 2012. Entre-temps, après une mise à l’épreuve assortie d’une obligation de soins, le prêtre avait été renommé curé en 2007, 2010 et 2011.

« J’ai tout fait pour qu’il ne soit jamais en contact avec des mineurs dans le cadre de son ministère, même si la justice ne m’y obligeait pas », assure Mgr Lalanne. Ce qui n’a pas empêché la récidive. « Les faits reprochés en 2013 ont été commis dans le cadre de relations privées, pas dans l’exercice de son ministère », fait valoir l’évêque.

« Aujourd’hui, on prendrait des mesures encore plus drastiques, c’est sûr », reconnaît Mgr Lalanne. Le père Lucas est d’ailleurs sous haute surveillance dans sa nouvelle affectation, l’aumônerie d’un hôpital gériatrique du Val-de-Marne. Interdit « à vie » de ministère auprès d’enfants ou de jeunes, il a récemment été rappelé à l’ordre, pour avoir confessé un jeune adulte, par l’évêque de Créteil, Mgr Michel Santier, qui en a même informé le parquet, selon son diocèse.

Mgr Lalanne, lui, semble presque soulagé de ne pas faire partie de la nouvelle cellule anti-pédophilie, dont la composition sera dévoilée avant la mi-juin. Par la voix de son secrétaire Bertrand Virieux, l’association de victimes La Parole libérée dit ne pas en attendre autre chose que de la « poudre aux yeux », quand la CEF promet « une nouvelle étape ».

Source : AFP

Revenir en haut