Pédophilie dans l’Eglise américaine : des victimes encore bien seules

Lundi 23 mai 2016 — Dernier ajout dimanche 18 septembre 2016

La publication de nouveaux noms de prêtres pédophiles par un diocèse américain, trente ans après les premiers scandales, montre combien le silence de l’institution catholique pèse encore sur les victimes, qui se sentent bien seules à combattre leurs agresseurs.

L’archevêché de Baltimore, dans le Maryland (nord-est), a publié 14 nouveaux noms de prêtres ou membres du clergé catholique américain soupçonnés de pédophilie.

Il s’agit d’un geste rare, salué par les victimes qui dénoncent régulièrement le silence de l’institution sur ces scandales. Ces derniers ont éclaté dans les années 1980 avant que le quotidien américain Boston Globe n’en révèle en 2002 l’ampleur.

Selon le groupe de soutien aux victimes bishop-accountability.org, 31 diocèses américains sur 178 ont publié une liste similaire d’agresseurs présumés.

Celle de l’archevêché de Baltimore concerne au moins 94 paroisses. Elle ajoute 14 noms d’agresseurs présumés à 57 noms déjà rendus publics en 2002, à la suite des révélations du Boston Globe.

« C’est un progrès » alors que « la plupart des évêques refusent encore de prendre des mesures minimales comme avertir les parents, la police, les procureurs, les paroissiens et l’opinion », s’est félicité la responsable du réseau d’aide aux victimes Snap (Survivors network of those abused by priests), Barbara Dorris.

Elle regrette cependant que la publication de ces noms ait pris « autant de temps » et juge la liste incomplète. Il y manque notamment 26 noms de prêtres morts avant que des allégations soient portées contre eux, et que l’archevêché refuse de publier.

- Abus dissimulés -

Mme Dorris craint aussi que cette démarche empêche une réforme de la prescription. Les victimes, qui souvent ne peuvent pas poursuivre leurs agresseurs au pénal car les faits sont trop anciens et frappés par la prescription, réclament de revoir ce délai.

« Nous soupçonnons l’archevêque William Lori d’utiliser cette liste pour essayer de faire pression sur les élus qui veulent réformer la prescription, une règle archaïque et favorable aux prédateurs, en disant +il n’y a plus besoin d’exposer les pédophiles devant les tribunaux parce que nous en donnons la liste nous-mêmes+ », explique Mme Dorris.

« C’est vrai que l’Eglise a procédé à des changements mais les changements cruciaux seront vraiment dans les lois » sur la prescription, qui sont « très restrictives », affirme à l’AFP Terry McKiernan, président de bishop-accountability.org.

Selon le directeur du Snap David Clohessy, 6.400 prêtres sont accusés d’abus mais au civil, il n’y a eu qu’une quarantaine de procès et « très peu » au pénal.

Pour l’archevêché, la publication de ces noms vise à « encourager une éventuelle victime (…) à se manifester », a expliqué son porte-parole, Sean Caine, au Washington Post.

Il s’agit aussi de dire aux victimes qu’elles ne sont plus seules. Les victimes « pensent être les seules. Et qu’on ne va pas les croire », selon lui.

Mais les victimes se sentent isolées surtout à cause du comportement de leur Eglise, estiment leurs défenseurs. Elles veulent bien sûr que les agresseurs soient condamnés mais elles sont particulièrement indignées que des responsables de leur propre Eglise aient couvert des prêtres fautifs.

Début mars, un grand jury a rapporté que deux évêques avaient aidé à dissimuler les abus sexuels perpétrés par 50 prêtres et responsables religieux contre des centaines d’enfants durant quatre décennies en Pennsylvanie (est).

Le pape n’avait pas non plus fait taire les critiques quand il était venu aux Etats-Unis en septembre. Il avait réitéré sa condamnation de la pédophilie et de ceux qui l’ont couverte, après avoir limogé en juin deux évêques américains qui avaient fermé les yeux.

Reste à savoir pourquoi l’archevêché de Baltimore publie cette liste en 2016. « Je me demande si l’archevêque n’a pas été poussé à publier cette liste à cause du film +Spotlight+ », se demande M. McKiernan.

L’enquête de 2002 de « Spotlight », l’équipe d’investigation du journal Boston Globe, a inspiré un film éponyme sacré cette année aux Oscars.

Et elle vient de révéler ce week-end des abus sexuels qui ont eu lieu, durant des décennies, dans des dizaines d’écoles privées du nord-est des Etats-Unis.

Voir en ligne : http://www.lexpress.fr/actualites/1…

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