En réponse au message :
Céline Hoyeau face à la « trahison des pères » des nouvelles communautés
Je ne reviens pas sur le fait que des cours pénales jugent ces criminels, la question ne se pose même pas. Que le droit canonique fasse la place aux victimes dans ses procédures est d’une nécessité absolue aussi et je suis convaincue que l’Histoire y obligera. Pourt le reste, Françoise, ce sont de très grandes questions. Pour moi, si , la foi se transmet dans ses contenus, pas dans son expérience vitale et décisive, qui est affaire de l’intime et du singulier, et de la grâce de Dieu. Mais une expérience sans contenus peut-elle être celle d’une foi en connaissance de celui auquel elle croit ?
Ce « celui », Jésus, bien sûr, qu’on le veuille ou non, a été transmis. On croit ce que disent de Lui les apôtres dans les Evangiles. On croit en sa Résurrection par la parole de ses apôtres. On prend connaissance de Jésus aussi par ceux qui ont écrit sur lui, leur expérience ( les « saints »).
La perception, la réception que l’on a de la personne de Jésus n’est certes pas la même qu’au début du christianisme, mais dans la définition essentielle, c’est-à-dire dogmatique ( le mot est lâché) cela demeure même, et c’est le Credo. Adhérer au Credo, qui est l’ensemble complet de la foi catholique, provient d’un processus de connaissances, de débats théologiques inscrits dans l’Histoire ( je mets exprès un grand H). Ce que désigne la parole des victimes s’inscrit dans cette Histoire avec un grand H, mais elle désigne une gravité très particulière car il y a crime et crime aussi contre l’âme. On ne fait pas plus grave.
Cette parole renvoie aux contenus de la foi et pas à sa seule expérience intime, sinon il n’ y aurait pas crise majeure. Elle renvoie à une faute gravissime contre la transmission de la foi, à une défiguration complète du visage même de Jésus. Le « désert catholique » serait un désert de connaissances des contenus de la foi et compliquerait cruellement son expérience intime. L’Eglise ce n’est pas seulement un clergé, une Rome fautive, un Vatican en-dessous de tout, ou de catholiques qui préfèrent ne rien voir, c’est aussi un ensemble de pensées, de mystiques, de textes au fond. Une histoire d’humanités diverses. C’est la grandeur, et le risque inoui ,du christianisme de s’appuyer et de se vivre dans la liberté donnée par la connaissance autant que par l’expérience.
C’est de la responsabilité de l’institution aussi que de faire connaître et faire accéder à ces œuvres de l’esprit et de la foi. Or, dans ces communautés sectaires que les hiérarchies ont, oui, laissé prospérer dramatiquement, l’organisation de l’ignorance est majeure. C’est à dire l’organisation d’une foi fausse, idolâtre, aberrante dans ses contenus, car placée hors transmission, et du coup hors liberté. Car transmettre, c’est recevoir, c’est à dire écouter, penser, cheminer lentement, péniblement jour après jour. Jésus parle, chemine ; on l’écoute, on le suit, d’un coup pour les uns, avec plus d’hésitation pour d’autres. On reçoit : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Cette capacité de transmission, avec les sacrements, pour moi c’est cela, essentiellement, l’Eglise. Et je pense que sans cette Eglise, la foi comme expérience n’est pas possible.