Par Mirelle Pinheiro et David Ágape
Article publié en portugais, sur le site metropoles.com, le 23 août 2019
Vêtus en costumes médiévaux, chaînes à la taille et bottes de chevalerie, les membres de cette communauté - hommes et femmes - se déplacent en exécutant des mouvements méticuleusement répétés, comme s’ils participaient à un défilé militaire. Ils construisent des basiliques et habitent dans des palais qui rappellent les châteaux européens. Leur vie quotidienne est scrupuleusement normée selon un manuel de coutumes, d’études et de prières. Ils s’astreignent également à maintenir une discipline de pensée rigoureuse. Ce sont les Hérauts de l’Évangile, une communauté qui compte un peu plus de trois mille membres, née au Brésil, dont la vie est basée sur les dogmes catholiques et sur un style de vie enraciné dans des principes ultra-conservateurs. Ce groupe accueille également de nombreux enfants et adolescents dans leurs internats.
En 2001, les Hérauts de l’Évangile se sont constitués en association privée de prêtres de droit pontifical. Cet ordre religieux dont les statuts ont été approuvés par le Vatican, est reconnu par l’Église catholique. En 2017, le mouvement a attiré l’attention du Saint-Siège et, depuis l’année dernière, du bureau du Procureur qui enquête sur ses activités.
Au cours des dernières semaines, Metropoles s’est rendu dans quatre villes brésiliennes où se trouvent des maisons des Hérauts de l’Evangile. Les journalistes ont visité des châteaux, interrogé d’anciens membres et des sympathisants. Ceux-ci ont également été reçus par le Procureur de São Paulo (MPSP) qui effectue une enquête et dont l’issue n’a pas encore été divulguée. Les témoignages sont choquants.
Il y a deux ans, des vidéos internes ont été diffusées dans les médias : on y voyait des responsables de cet ordre religieux en train de pratiquer des exorcismes sur de jeunes enfants.
Ces vidéos, qui montraient des prêtres en train de gifler des enfants et des adolescents au cours de rituels d’exorcisme, se sont répandus comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Mais lorsque le buzz médiatique a pris fin, tout est redevenu comme avant : les Hérauts sont retournés dans leur anonymat, endoctrinant les jeunes selon un mode de vie de plus en plus remis en question par les familles et qui, de plus, est devenue la cible des autorités.
Les vidéos de 2017 révèlent en réalité le cadre d’une réalité cachée et apportent des indices sérieux sur une possible violation du Statut des Enfants et des Adolescents (ECA en portugais), une loi qui protège les droits des mineurs.
Des témoignages indiquent que des enfants, dès l’âge de 7 ans, sont séparés de leur famille, avant d’être victimes de manipulation mentale, d’abus sexuels, de violences physiques et psychologiques, d’harcèlement et du contrôle de leur correspondance.
Les effets de cette liste de crimes présumés ont été rapportés dans des dizaines de témoignages auxquels les auteurs de ce reportage a eu accès. En général, les jeunes qui ont quitté les Hérauts se plaignent de traumatismes émotionnels, de grandes difficultés à vivre en société et à s’intégrer dans un nouveau milieu scolaire. Il y a en effet des différences énormes entre la formation pédagogique qui est dispensée dans les internats des Hérauts de l’Evangile, et la formation dispensée dans les écoles normales.