La lente prise de conscience de Mgr Séguy

Jeudi 2 janvier 2014 — Dernier ajout mercredi 2 avril 2014

Ce n’est que récemment que Mgr Séguy, évêque d’Autun, chargé par l’Église d’exercer sa vigilance sur cette communauté de droit diocésain, a reconnu l’existence de dysfonctionnements dans la communauté Saint-Jean.

Il y a peu de temps encore, cet évêque n’admettait pas les interrogations et à plus forte raison les plaintes qui lui étaient adressées concernant cette communauté lorsqu’elles émanaient de laïcs.

En 1997, il répondit à un père de famille qui lui écrivait à propos de sa fille, sœur apostolique de Saint-Jean : « J’ai bien reçu vos multiples courriers concernant ce que vous estimez être l’indifférence de votre fille par rapport à sa famille. Je ne vais tout de même pas passer mon temps à répondre à votre matraquage épistolaire concernant une affaire qui ne me regarde que très indirectement » Or, cette communauté religieuse relevait de son autorité ! De surcroît, à la suite du concile Vatican II, les congrégations religieuses avaient été incitées à revoir leur constitution ou leur directoire afin d’y insérer des dispositions relatives aux relations entre les religieux et religieuses et leur famille.

En mars 2001, Mgr Séguy écrivait à un autre père de famille ayant sa fille, cette fois, chez les sœurs mariales d’Israël et de Saint-Jean : « Vous avez le toupet de me harceler à propos des dérives de la congrégation Saint-Jean, en produisant les amalgames coutumiers aux journalistes qui racontent un peu n’importe quoi et dont vous louez la perspicacité. De ces amalgames honteux, il vous faudra rendre compte au moment de la justice et de la vérité. »

Tous ces parents étaient pour lui des laïcs qui ne comprenaient rien à la vie religieuse et avaient du mal à admettre les séparations nécessaires.

À ce propos, on peut constater avec stupéfaction, mais en même temps avec inquiétude :

  1. qu’un évêque chargé canoniquement d’exercer sa vigilance sur une communauté religieuse reconnue par l’Église a pu tenir simultanément deux discours parfaitement opposés, selon qu’il s’adressait à des laïcs parents de membres d’une communauté religieuse ou à des religieux responsables de la communauté en cause ;
  2. que l’Église catholique n’accepte de parler des dysfonctionnements survenus dans l’une de ses communautés religieuses et d’admettre la participation au débat de la mère d’une victime que lorsque les affaires depuis longtemps sur la place publique ne peuvent plus être niées ou minimisées.

Ce comportement rappelle, hélas, l’attitude des responsables de l’Église au moment où les affaires de pédophilie survenues dans certains diocèses de France ont commencé à être connues de la presse et à faire l’objet de poursuites judiciaires.

L’avertissement de Mgr Séguy [1] (extraits)

« J’observe, depuis quelque temps — et plusieurs d’entre vous me le confirment ainsi que des évêques — des signes d’essoufflement : désarrois, fatigues physiques ou morales, épuisements, conduites non conformes à la vie chrétienne ou religieuses, demandes de dispenses de vie commune, d’exclaustrations, de sorties, de retours à l’état laïc, voire de nullités de professions ou d’ordination pour contrainte morale… »

Et Raymond Séguy poursuit son analyse en forme de reproches :

« Le religieux ne fait pas à sa congrégation le même type de remise inconditionnelle de lui-même qu’il fait à Dieu […]. Des discours ou attitudes d’obéissance aveugle et absolue à l’autorité comme si c’était au Seigneur lui-même ("le Seigneur lui-même le demande", "c’est le père qui le dit et qui le demande", etc.), peuvent être extrêmement dangereux de nos jours pour l’authentique sens de l’obéissance religieuse. »

« Peut-on considérer que les membres de l’institut se confessent "spontanément" à leurs supérieurs quand l’usage de l’institut incite fortement à se confesser en son sein et quand, par ailleurs, un petit couvent n’a pas d’autre prêtre que son supérieur… ? »

« Pouvez-vous, dans votre gouvernement éviter que des frères soient poussés jusqu’au bout de leurs forces humaines par des conditions de vie religieuse irréalistes ? »

Suivent un certain nombre de critiques sur la direction des couvents, sur l’immaturité de certains responsables de communautés nommés trop jeunes, sur des apostolats et des œuvres exercés « tous azimuts » (sic). « La tension qu’il y a dans votre institut entre vie apostolique et vie monastique nécessite dans vos prieurés ou fondations locales, une vigilance particulière à l’égard des frères. En effet, vous accueillez largement au noviciat des jeunes généreux qui portent aussi les fragilités de l’époque, vous les formez de manière quasi monastique dans de très grandes maisons pendant des années, vous les envoyez ensuite en première ligne missionnaire dans des apostolats difficiles et nouveaux pour eux, dans de petits prieurés, souvent éloignés les uns des autres, où les moyens d’une vie régulière conventuelle ne sont pas facilement réunis. »

« Dans votre institut qui, bien qu’apostolique, n’est pas spécifiquement missionnaire, est-il prudent d’envoyer par obéissance des sujets qui ne sont pas engagés par la profession perpétuelle, faire des stages dans les pays du tiers-monde, d’où ils peuvent revenir avec une santé ébranlée, alors qu’ils seront peut-être amenés à reprendre la vie laïque ? »

« Veillez au temps nécessaire et indispensable pour qu’une personnalité et une vocation puissent s’affermir. Dans quelques cas, n’allez-vous pas trop vite ? » [les mots mis en gras ici le sont dans le texte épiscopal].

« Veillez au respect et à la culture de la liberté des enfants de Dieu dans ces cheminements. Je me permets de mettre très sérieusement en garde contre toute forme de pression et de contrainte psychologique affective ou « spirituelle » qui pourrait vous être reprochée par la suite. Autre une vraie soumission dans la foi, autre une soumission psychologique derrière quelqu’un qui fascine. »

« Pratique des conseils évangéliques :

  • Vie fraternelle : quelle aide à ton frère ? Certains d’entre vous se sont plaints de n’avoir pas été aidés en des circonstances difficiles de leur vie. Posez-vous la question de savoir si vous ne devez pas vous occuper autant de ce que deviennent vos frères après tant d’années dans l’institut que d’en attirer de nouveaux ?
  • Obéissance : quelle préparation en vue d’exercice des responsabilités et du partage de celles-ci ? Quelle autorisation, quel contrôle pour les déplacements, les absences, les apostolats ? Votre prieuré est-il rassemblé, fervent, priant fraternel ? Est-ce une passoire ? Quelle stabilité ?… »
  • Pauvreté : vous disposez de beaucoup d’argent… Quelle utilisation en faites-vous ?… Quel discernement pour l’utilisation des facilités modernes : voitures, avions, téléphones portables, e-mail, Internet, ordinateurs, photocopieurs, télévision ?…
  • Chasteté : qu’est-ce qui est utile, bénéfique ou néfaste dans les relations d’un religieux avec les sœurs et les femmes ? Quel respect quelle discrétion vis-à-vis des prieurés de sœurs ou de « familles amies » ou des personnes qui font appel à votre ministère ? Quelle attitude face aux mondanités envahissantes ? Quelle détente ? Quelle place à l’ascèse ? Méfiez-vous de certaines théories mystico-gélatineuses (sic) sur l’ "amour d’amitié"… »

Source : Golias magazine n° 105 novembre/décembre 2005

[1en date du 28 juin 2000.

Vos réactions

  • 23 décembre 2015 09:54

    On sait tous que les laïcs sont des petits enfants à qui on s’adresse toujours sur un ton paternaliste et qui ne pourront jamais comprendre les choses de Dieu.

  • 17 décembre 2015 20:01

    comment se référer à golias alors qu’il est de notoriété publique que ce soi disant « journal » ne vise qu’a critiquer l’église en profitant de financement du quatar ou l’arabie saoudite

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