Les responsables plaident : « Ces personnes-là avaient déjà en elles les racines de leur maladie. » Cette réponse visant à une décharge des responsabilités est particulièrement révélatrice : Pourquoi trouverait-on parmi les personnes aspirant à la vie religieuse autant de gens fragiles sinon parce qu’on les y attire imprudemment ? Pourquoi n’y a-t-il pas plus de discernement lors de l’entrée au couvent ? Le désir de recruter, de « faire du chiffre » ne fait-il pas oublier toute prudence ? N’est-il pas tentant d’avoir des personnes généreuses mais un peu fragiles, donc facilement dépendantes, et malléables comme une tendre pâte (humaine) à modeler ? Pourquoi être si pressé pour faire « prendre l’habit », signe d’engagement qui peut marquer à jamais un être sensible, sinon pour mieux tenir, dominer, s’assurer d’un engagement définitif ? Peut-on aujourd’hui être moine à 18 ans ? Ne faut-il pas se demander comment il se fait qu’une congrégation comme celle des « Petits Gris » recrute, à elle seule, autant que l’ensemble des séminaires diocésains ? Un tel succès dans ce désert de vocations n’est-il pas interrogateur sur les méthodes, les manipulations, les procédés de séduction, le peu d’exigence sur les qualités nécessaires à un tel engagement ?
Pour éviter ces fausses-routes prises trop vite et dont on ne sort pas sans dommage, pourquoi ne pas créer des communautés d’accueil de « postulants » très ouvertes permettant en particulier aux plus jeunes de continuer leurs études « humaines », ou de poursuivre leur chemin professionnel, en vivant « normalement » dans le monde, avec par exemple des week-ends de rencontre et une découverte progressive de la vie religieuse et de leurs propres motivations ? Les responsables ont-ils peur de perdre trop de « clients » en route ?
Pourquoi les responsables religieux n’accompagnent-ils pas avec respect, amitié et grand souci de liberté individuelle, la sortie de la communauté et le retour à la vie laïque, ce qui déculpabiliserait, au moins en partie, les personnes « qui quittent » et leur ferait vivre plus sereinement ce retour au monde ? Ne peut-on pas exiger de ces congrégations religieuses qu’elles rendent au monde ces personnes au moins dans l’état où elles les ont recrutées ?