Recueilli par Christophe de Galzain
Sœur Geneviève Medevielle est professeur honoraire de théologie morale à l’Institut Catholique de Paris.
La Croix : Êtes-vous surprise par les témoignages qui sortent sur des religieuses victimes d’abus en Afrique au sein même de l’Église ?
Sœur Geneviève Medevielle : À vrai dire non. Les moralistes et les accompagnatrices spirituelles connaissent malheureusement cette réalité qui aujourd’hui éclate au grand jour. Il serait grave de mettre l’accent uniquement sur ce qui se passe en Afrique, au Chili, en Inde, aux Philippines…
À ma propre échelle, je suis témoin de femmes plus âgées que moi, qui ont été abusées par des prêtres dans leur jeunesse ici même, dans notre vieille Europe. Des plus jeunes l’ont été plus récemment dans années 1980, en plein essor de nouvelles communautés, liées soit aux mouvements charismatiques, soit à des courants plus traditionnels.
Le déficit commun fut un manque de réflexion anthropologique, sociologique, psychanalytique. On n’a pas réfléchi quand, dans les communautés charismatiques, on a mis hommes et femmes ensemble, alors que la vie religieuse les séparait depuis 2000 ans. Quant aux communautés attachées à la tradition, pour elles un cours sur la chasteté à l’ancienne devait suffire à régler tous les problèmes !
Pourquoi cette réalité n’est mise à jour que maintenant ?
Sœur Geneviève Medevielle : Prenons le cas de l’Afrique. Si sœur Maura O’Donohue, médecin à la Caritas, a fait son enquête dans les années 1990, c’était pour aider les Églises à freiner la propagation du sida. Ce ne sont pas les religieuses elles-mêmes qui ont dénoncé les faits dont elles étaient victimes.
Cette année, au Chili, les Sœurs du Bon-Pasteur ont saisi l’occasion de la crise de la pédophilie pour faire des révélations. Et aux États-Unis, c’est à la suite du mouvement #MeToo que la conférence des supérieures majeures américaines a demandé aux sœurs de parler. C’est ce contexte de libération des femmes qui conduit aujourd’hui à révéler, à dénoncer des réalités qui existent depuis longtemps.