En Avril 2013, contournant la loi du silence de cette communauté très fermée, Golias eut connaissance que le chapitre général des frères de St Jean, poussé par le Vatican, s’apprêtait à faire quelques révélations sur les mœurs de Marie-Dominique PHILIPPE, fondateur de la communauté, décédé en 2006. Il y avait urgence à le faire car le Vatican possédait des informations rendant impossible la procédure de béatification souhaitée par les adeptes de Marie-Dominique PHILIPPE.
Pour éviter le scandale, la communauté St Jean, avec l’accord des autorités de l’Eglise avait décidé de ne livrer qu’une petite part de la vérité, réservée aux seuls membres de la communauté et sous le sceau du secret.
Le frère Thomas JOACHIM, prieur général de la communauté St Jean, prit donc sa plume pour écrire un texte, modèle de langue de bois, intitulé « Un trésor dans un vase d’argile », panégyrique de plusieurs pages consacré au père Marie-Dominique PHILIPPE au milieu duquel seul un court paragraphe évoquait qu’il avait « porté des gestes contraires à la chasteté sur des femmes adultes qu’il accompagnait ». Sitôt ce texte diffusé « ad intra » (en interne), Golias publia l’information dans le numéro 287 de Golias Hebdo du 09 Mai 2013. La communauté St Jean se trouva donc contrainte de communiquer sur cet embarrassant sujet. L’information fut reprise par « La Vie » le 13 Mai. Le 15 Mai « La Croix » publia une interview du frère Thomas JOACHIM. Dans « La Croix » du 15 Mai, Mgr RIVIERE, responsable canonique de la communauté St Jean en tant qu’évêque d’Autun, affirma avec aplomb que « cacher des faits graves est une faute » alors qu’il était parfaitement et depuis longtemps au courant des faits et du fait que cela devait rester secret. « Le Monde » publia également l’information le 18 Mai.
Depuis 2013, d’autres informations nous sont parvenues éclairant d’un jour plus précis les agissements du père Marie-Dominique PHILIPPE.
Marie-Dominique PHILIPPE
Quand la communauté St Jean et l’évêque d’Autun affirment que le père Marie-Dominique PHILIPPE s’en est pris à des femmes adultes, c’est exact mais ils mentent par omission.
Marie-Dominique PHILIPPE a certes abusé sexuellement de femmes adultes, mais parmi elles se trouvaient des religieuses, ce qui est une circonstance aggravante lourde étant donné la toute puissance que lui conférait sa position de fondateur. Dans la communauté, circulent les noms de plusieurs sœurs. Nous connaissons leurs noms, en particulier celui d’une sœur autrichienne qui depuis a quitté la communauté et s’est mariée. Nous savons que son témoignage est remonté au Vatican mais pour préserver sa famille, elle n’a jamais souhaité porter l’affaire en justice.
Marie-Dominique PHILIPPE a abusé également de jeunes frères. On peut consulter sur le site internet de l’AVREF le témoignage d’un jeune religieux victime du père Marie-Dominique PHILIPPE vers la fin des années 90 et qui lui aussi a depuis quitté la communauté. Ce dernier explique : « Le premier incident s’est produit à la veille de la Fête de l’Ascension, vers 22h ; je ne suis pas sûr si c’était en… ou en…. En tant que directeur spirituel, le P. Philippe était assis près de moi, de sorte que nos genoux se touchaient, comme c’était souvent le cas. À cette occasion, il a commencé à caresser ma main pendant plusieurs minutes. Sur le moment, j’ai trouvé cela déconcertant, puisque c’était clairement un comportement approprié à une relation romantique plutôt qu’à la direction spirituelle. Je dis cela en raison de la nature sensuelle du contact (promenant son doigt sur la paume de ma main quelques minutes, alors que je continuais à parler de questions de théologie ou de vie spirituelle). Je ne me rappelle pas la date du deuxième incident ; peut-être une année plus tard environ. Il était autour de 22h ou 23h du soir. Je faisais ma confession au Père Philippe ; il tenait ma main dans la sienne entre ses genoux, la caressant de temps en temps. Il a progressivement attiré ma main plus près entre ses jambes jusqu’à toucher ses organes génitaux. Embarrassé et plutôt dégoûté, j’ai retiré ma main. Il m’a alors donné l’absolution comme si de rien n’était ». Il ajoute plus loin : « Je pense que ces deux cas reflètent une initiation à ces comportements ouvertement sexuels dont le P. Philippe a été accusé. Le deuxième cas est sexuellement abusif par nature, et je le considère comme un abus d’autorité flagrant de la part du P. Philippe, en tant qu’homme plus âgé, professeur, prêtre et le fondateur d’un ordre religieux. »« Je ne discute pas le fait que le P. Philippe était un homme brillant, qui a fait beaucoup de bien pour l’Église ; mais j’ai l’espoir que les actions du P. Philippe soient rendues publiques, de façon identique à ce qui a été fait quant au P. Maciel. Une des meilleures façons de commencer à diminuer la prédation sexuelle dans l’Église est de reconnaître qu’elle a existé. Nous sommes tous pécheurs, mais quand un prêtre tire avantage de son pouvoir sur ses subalternes, de telles actions devraient être dénoncées. Si un frère de rang inférieur dans la Congrégation avait fait de telles choses, je me serais immédiatement plaint ; mais je ne l’ai pas fait parce que le P. Philippe était lui-même l’autorité la plus haute à laquelle j’aurais pu me plaindre. »
Marie-Dominique PHILIPPE n’a donc pas seulement « porté des gestes contraires à la chasteté envers des femmes adultes ». Il a utilisé son autorité pour abuser sexuellement de religieuses et de religieux y compris à des moments où il administrait des sacrements. A-t-il pour autant commis des actes pédophiles ? Aucune information en ce sens ne nous est parvenue.
Ce qui est certain également c’est que suivant son exemple, d’autres frères ont abusé de leur autorité dans les mêmes conditions, y compris plusieurs frères exerçant la fonction de « maître des novices » en France et à l’étranger. Les avaient-ils « initiés » personnellement ? Ce qui est certain, c’est que Marie-Dominique PHILIPPE était au courant, qu’il a protégé ces responsables en imposant le silence, qu’aucune sanction n’a été prise à leur égard et que les victimes ont été abandonnées à elles-mêmes. Le frère Jean-Pierre-Marie, prieur général des frères de St Jean de 2001 à 2010 a agi de même en couvrant les auteurs d’abus et en renvoyant les victimes. Plus récemment, le frère Thomas JOACHIM a eu la même attitude dans une affaire mettant en cause des frères brésiliens.
Golias consacrera un prochain article sur ces abus sexuels à l’intérieur même de la communauté.
L’Eglise catholique, quant à elle, sera-t-elle capable de dire un jour la vérité, toute la vérité sur des pratiques aussi immorales ?
Pas la communauté St Jean en tout cas qui vient de publier un livre à la gloire de son fondateur : « Marie-Dominique PHILIPPE – Au cœur de l’Eglise du XX° siècle » Pas un mot bien sur dans ce livre sur les mœurs de son fondateur. La recherche de la vérité, leitmotiv de la communauté St Jean, n’est qu’un slogan vide de sens.
La nomination d’un commissaire pontifical
Le Vatican avait annoncé en 2014 la nomination d’un commissaire pontifical pour chacune des trois communautés constitutives de la « Famille St Jean » : frères, sœurs apostoliques et sœurs contemplatives.
Cette nomination se fait attendre. Après les difficultés rencontrées par Mgr Bonfils puis Mgr Brincard, les volontaires dans l’épiscopat français pour s’atteler à une mission aussi délicate ne se bousculent pas.
Quand le Vatican avait nommé Mgr Brincard « émissaire pontifical » pour les sœurs contemplatives de St Jean, ce dernier avait reçu comme feuille de route « d’aider les sœurs contemplatives à opérer un discernement attentif de leur charisme et de l’harmoniser avec les principes fondamentaux de la consécration religieuse proposés par la doctrine de l’Eglise ». Vaste programme qui a abouti à la décision d’exclure définitivement de la vie religieuse la fondatrice de cette communauté et trois de ses plus proches responsables. Sur les 380 religieuses que comptait cette communauté avant 2009, il n’en reste plus qu’une centaine dont une partie en dispense de vie commune ; les autres religieuses ont fait scission et se sont regroupées au sein de la communauté « Stella Matutina », laquelle continue d’être dirigée clandestinement par les quatre sœurs pourtant exclues de la vie religieuse.
Le chantier du futur commissaire pontifical reste considérable. L’action de Mgr Brincard a eu le mérite de clarifier la situation de la communauté des sœurs contemplatives de St Jean par le départ de la frange la plus sectaire des sœurs. Mais le problème de fond de la « Famille St Jean » se situe au plan de la doctrine et cela aussi bien chez les frères que chez les deux branches féminines. En 2013, Golias avait publié des extraits d’un rapport confidentiel écrit par le frère Thomas JOACHIM en préambule au chapitre général des frères de St Jean : « Ces derniers temps, la Famille St Jean s’est rendue célèbre à Rome pour le désordre qu’elle a occasionné jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie de l’Eglise. Mgr Henri Brincard a été nommé Assistant religieux des frères et des sœurs apostoliques, en plus de sa charge de Délégué pontifical pour nos sœurs contemplatives, afin de donner à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi un rapport sur certains aspects de la doctrine du père Philippe. Des plaintes concernant les mœurs remontant à Rome ont, en effet, inquiété les autorités de l’Eglise au point de se demander si l’éthique du père Philippe était tout à fait orthodoxe. Suite aux multiples lettres envoyées par nos sœurs contemplatives et par certains frères, l’enquête s’est déplacée également dans le domaine de l’ecclésiologie, de la philosophie, et de la vie religieuse (quid de « Eglise de Jean et Eglise de Pierre » ? Quid de « Institution et charisme » ? Quid de la place de la philosophie ? Quid de notre théologie de l’obéissance ?). Pour coopérer avec Rome sur cette question, Mgr Henri Brincard a mis sur pied une commission qui a travaillé jusqu’à Janvier dernier. Le travail de la commission devrait aboutir à un rapport rédigé par Mgr Henri Brincard, et envoyé ensuite par lui à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. »
Enquête canonique sur le père Thomas PHILIPPE
Frère aîné de Marie-Dominique PHILIPPE, dominicain comme lui, Thomas PHILIPPE est né en 1905. Thomas PHILIPPE est connu pour avoir crée en 1946 la communauté de « l’eau vive » à laquelle viendra se joindre Jean Vanier. Plus tard, en 1964, Jean Vanier fonde « l’Arche » à Trosly et Thomas PHILIPPE devient le prêtre de l’Arche devenant aux yeux de beaucoup le « cofondateur » de l’Arche. Sur la fin de sa vie, Thomas PHILIPPE a été recueilli par son frère dans la communauté St Jean où il est décédé en 1993. Des rumeurs ont circulé dès cette époque au sein de la communauté St Jean sur des faits d’abus sexuels dont s’était rendu coupable le propre frère du fondateur dans les premiers temps de la fondation de l’Arche.
Golias a appris que suite à plusieurs plaintes de victimes, le Vatican avait ouvert une enquête canonique sur le père Thomas PHILIPPE.
Fait troublant, selon une information en provenance de Rome, il existe des analogies dans les prétextes employés par les frères Marie-Dominique et Thomas PHILIPPE pour abuser de leurs victimes, prétextes tirés de la doctrine d’ « amour d’amitié ». La doctrine d’amour d’amitié élaborée par le père Marie-Dominique PHILIPPE à partir d’une analyse personnelle de textes d’Aristote et St Thomas d’Aquin est donc bien à l’origine de faits d’abus sexuels et pas seulement au sein de la communauté St Jean. Au Vatican, que ce soit au niveau de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi comme de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée, l’inquiétude et l’embarras sont grands.
L’abandon imposé par le Vatican de la doctrine d’amour d’amitié par la communauté St Jean est la condition indispensable pour lutter à l’avenir contre le trop grand nombre d’abus sexuels. Souhaitons que telle sera la mission confiée au futur commissaire pontifical.