La Légion du Christ et le choix des ténèbres

Dimanche 6 juillet 2014 — Dernier ajout lundi 2 mars 2015

Au mois de janvier 2014, nous avions adressé une lettre aux prêtres qui participaient au Chapitre Général de la Légion du Christ. Les questions que nous leur posions étaient d’une telle gravité, que nous considérions la réponse de la Légion comme le gage du sérieux des réformes annoncées. Hélas, nous n’avons jamais reçu de réponse… Ci dessous, nous reproduisons ce questionnaire, auquel nous avons ajouté quelques commentaires (voir les cadres).

Le père Sylvester Heereman, vicaire général et directeur général par intérim de la Légion du Christ, a fait circuler récemment une lettre aux anciens membres de cette Congrégation. Un groupe d’anciens légionnaires et anciens membres du mouvement Regnum Christi lui répond.

Cher Père Sylvester,

Nous venons de prendre connaissance de la lettre que vous avez adressée aux anciens légionnaires du Christ, pour nous exprimer vos voeux et nous inviter à apporter éventuellement nos opinions personnelles sur le processus de réformes de la Congrégation.

Nous saluons ce geste inédit, car sauf erreur de notre part, c’est la première fois depuis sa fondation, il y a 73 ans, que la Légion du Christ s’adresse aux anciens membres de la Congrégation.

Nous regrettons cependant que vous ayez attendu deux semaines avant le début du Chapitre Général, au moment des fêtes de fin d’années, pour vous intéresser à nos réflexions sur un sujet si grave… alors que nous avons été soigneusement écartés du processus de réforme pendant les trois dernières années.

Mais puisque vous nous donnez l’opportunité de participer à cet « examen de conscience », nous avons décidé de répondre à votre appel : vous trouverez en pièce-jointe une série de questions et de sujets de préoccupation sur lesquels nous désirons simplement vous interpeller.

Sachez que nous attendrons avec le plus grand intérêt les réponses des pères capitulaires.

Au chapitre de la Légion du Christ

Un groupe d’anciens légionnaires du Christ et anciens membres du Regnum Christi adresse une série de questions au chapitre de la Congrégation dont les travaux s’ouvrent le 8 janvier 2013

Rapport de la Légion avec ses anciens membres

Une première question porte sur les statistiques : quel est le nombre d’anciens légionnaires ? d’anciennes Consacrées ? d’anciens membres du Regnum Christi ?

Certains anciens Légionnaires ont produit des statistiques à partir de leurs propres réseaux, et parlent de taux de persévérance désastreux. Selon les lieux et les époques, sur l’ensemble des jeunes qui entrent dans les petits séminaires de la congrégation, seuls 0 à 5% arriveraient à l’ordination sacerdotale… Quand on sait qu’une grande partie de ceux qui quittent la Légion avouent (rarement immédiatement) avoir été très abîmés par leur expérience, il y a de quoi s’inquiéter.

Alors quels sont les chiffres officiels ? A-t-on seulement pris le soin d’établir ces statistiques ? La Légion du Christ utilisait il y a encore peu de temps des techniques empruntées au monde de l’entreprise, afin d’établir des objectifs pour chaque recruteur vocationnel. Se donne-t-elle autant de mal pour calculer le nombre de départs annuels ? Si la Légion aime autant l’Église qu’elle le prétend, ne devrait-elle pas aider les responsables de cette dernière, ainsi que le peuple chrétien, à poser un regard plus juste sur elle-même : notamment en présentant des résultats « à long terme », prouvant que ses fruits sont vraiment bons ? La Légion du Christ aurait-elle quelque chose à cacher ? Comment prétendre que la Légion apporte des vocations à l’Église si, au-delà des apparences, les vraies statistiques venaient à prouver le contraire ?

Bien sûr, si la Légion décidait de rendre publiques ces statistiques, nous aurions besoin de quelques garanties : il faudrait, par exemple, que l’association ReGAIN ait accès aux listes, afin de pouvoir vérifier que ces statistiques sont exactes. Sinon, tout cela n’aurait bien sûr aucune valeur.

Ce que nous vous demandons, c’est d’établir des tableaux comportant les entrées suivantes :

1) Légionnaires entrés dans les écoles apostoliques de la Légion :

Année Nombre d’entrées De ce groupe, combien sont entrés au noviciat ? Combien sont arrivés jusqu’à l’ordination sacerdotale ? Combien sont encore dans la Légion du Christ ? Combien ont quitté le sacerdoce ? Combien ont rejoint une autre communauté ou un diocèse ?
1941
1942

2) Légionnaires entrés directement au noviciat :

Année Nombre d’entrées Combien sont arrivés jusqu’à l’ordination sacerdotale ? Combien sont encore dans la Légion du Christ ? Combien ont quitté le sacerdoce ? Combien ont rejoint une autre communauté ou un diocèse ?
1941
1942

3) Membres consacré(e)s du 3e degré :

Année Nombre d’entrées De ce groupe, combien sont encore consacré(e)s dans le mouvement ? Combien ont rejoint une autre communauté ?

A ces statistiques s’ajoute une donnée douloureuse, mais importante : la question des Légionnaires, consacré(e)s, anciens Légionnaires et ancien(ne)s Consacré(e)s qui se sont donné la mort, ou sont morts dans des conditions douteuses, ou se sont laissé dépérir suite à une dépression. Combien sont-ils ?

Au-delà de cette question, comment la Légion s’occupe-t-elle de ses anciens membres ? Il y a des Légionnaires qui ont passé dix, vingt ou trente ans dans la Congrégation, et qui en sont sortis complètement démunis : ni couverture sociale, ni cotisation pour la retraite, etc. dans des situations de précarité extrêmement graves, sans diplôme valable pour travailler dans une institution laïque et parfois avec des blessures psychologiques et spirituelles rendant leur réinsertion dans le monde très difficile. Compte tenu du fait que la Légion affirme être une grande famille, ne doit-elle pas avoir un souci particulier pour ses propres frères que les circonstances de la vie ont conduits à prendre une autre voie ? Que fait la Légion pour eux ? Et nous ne parlons pas seulement de ceux qui quittent aujourd’hui, mais de tous ceux qui ont quitté la Légion au cours des 70 dernières années ? Que fait-on de ces anciens compagnons de route, parfois en grande souffrance ?

Pourquoi la Légion ne prend-elle pas les devants, comme on est en droit de l’attendre de la part d’une Congrégation religieuse qui professe l’Évangile du Christ ? La Légion considère-t-elle qu’elle n’a rien à leur devoir… alors qu’elle leur a pris les années les plus importantes de leur vie ?

Quelques jours après la fin du Chapitre Général, la Légion du Christ a publié sur son site officiel un rapport présentant les statistiques officielles de la congrégation sur les vingt dernières années, exprimées à travers des tableaux et des graphiques.

Hélas, ces statistiques ne comportent en fait aucune donnée sur la seule information qui nous intéresse vraiment : à savoir le nombre d’anciens membres de la Légion du Christ et du Regnum Christi. Il est en fait assez probable que cet étalage de statistiques ne servent en fait qu’à dissimuler celles que nous demandions, et qui sont loin d’être glorieuses.

En ce qui concerne les anciens légionnaires du Christ en souffrance… il est inutile d’espérer que la Légion s’intéresse à leur sort. D’ailleurs la congrégation a fait récemment savoir qu’elle croulait sous les dettes. Il n’est pas inutile de rappeler que le père Maciel a toujours refusé d’aider financièrement les anciens légionnaires – sauf quand il avait besoin d’acheter leur silence – qui se retrouvaient dans la misère en se justifiant par ce même argument : « La Légion a beaucoup de dettes. On aurait aimé vous aider, mais on ne peut pas. Désolé ! »*

* Voir notamment la lettre du père Maciel adressée à Paul Lennon et publiée dans le dernier chapitre du livre « Our Father who art in bed ». Après s’être dépensé sans compter pendant 23 ans pour la Légion, le père Paul Lennon a finalement quitté la congrégation. Sans ressource, il s’est adressé au père Maciel pour lui demander un soutien financier, le temps de reconstruire sa vie. Mais le père Maciel a refusé, le laissant dans la misère : « Croyez-moi : je vous aiderais très volontiers si notre situation financière ne traversait pas de sérieuses difficultés dues à la crise financière mexicaine. » (sic)

Rapport de la Légion du Christ avec le Père Maciel et avec son histoire

Certains Légionnaires continuent de prétendre que les accusations sur le Père Maciel sont fausses, ou exagérées ; l’un d’entre eux, interrogé récemment par un journaliste en caméra cachée, a affirmé que « l’histoire lui rendra justice ».

Quelle est la position de la Légion aujourd’hui sur son fondateur ? Comment peut-elle laisser ses membres dans l’ignorance… et, partant, continuer à croire qu’une partie des accusations sont fausses ? A-t-elle fait vraiment toute la vérité sur son histoire personnelle ? Ou bien préfère-t-elle arguer « qu’il ne nous appartient pas de juger le fondateur », afin d’esquiver un sujet douloureux… qui l’obligerait à se remettre elle-même sérieusement en cause ? La Légion du Christ, Congrégation tellement influente aujourd’hui dans l’Église, vivrait-elle dans le mensonge ?

La Légion continue-t-elle à fêter le jour de « sa fondation » le 3 janvier ? Alors qu’on a de sérieuses raisons de penser que cette date a été choisie a posteriori par le Père Maciel pour coïncider avec une date symbolique : à savoir un premier vendredi du mois, consacrée à la dévotion du Sacré-Cœur. Une congrégation dont même la date officielle de la fondation est un mensonge peut-elle construire quoi que ce soit de sérieux pour son avenir ?

La Légion continue-t-elle à enseigner à ses novices la légende dorée de l’inspiration divine de la fondation… alors qu’on sait parfaitement que tout est faux ? La Légion continue-t-elle de raconter l’histoire merveilleuse de la grande amitié du Père Maciel avec le bienheureux José Luis Sanchez del Rio… alors que ces deux garçons ne s’étaient probablement jamais rencontrés ? La Légion enseigne-t-elle ce qui est vraiment arrivé à Mgr Rafael Guizar y Valencia, mort quelques heures après avoir découvert que son neveu, Marcial Maciel, abusait sexuellement de jeunes enfants dans son séminaire ? La Légion enseigne-t-elle comment le Père Maciel a fait fortune, en mettant la main sur l’héritage de quelques vieilles personnes vulnérables et faciles à manipuler ? La Légion a-t-elle seulement fait le compte du nombre d’enfants qui ont été abusés sexuellement par le Père Maciel ?

La Légion peut-elle aller de l’avant, en laissant derrière elle les notes impayées de son fondateur ? Du reste, si les supérieurs refusent de reconnaître la vérité sur le fondateur, c’est leur droit, mais quel droit ont-ils de priver les plus jeunes séminaristes de connaître la vérité, car, bien sûr, ils privent ainsi ces jeunes de la possibilité de faire un choix éclairé et d’effectuer un véritable discernement. De quel droit la Légion du Christ peut-elle mentir à ses propres enfants ? Pense-t-elle que les bonnes âmes qui viennent grossir ses rangs lui « appartiennent » et doivent se donner aveuglément à elle ?

Comment expliquer que certains sites internet continuent à raconter l’histoire de la Légion inventée par le Père Maciel, dont nous savons qu’elle est truffée de mensonges ? Pourquoi la Légion ne prend-elle pas les devants pour corriger les erreurs du passé ?

Pendant des années, la source principale de la spiritualité de la Légion du Christ était les lettres du fondateur. Quelle est aujourd’hui la source de sa spiritualité ? Comment la Légion assume-t-elle le fait qu’une partie importante de ces lettres n’aient pas été écrites par le Père Maciel, mais par des prêtres travaillant pour son compte, et se faisant passer pour lui ? A cause de ces fausses lettres, des centaines de jeunes, se sentant honorés d’avoir une correspondance exceptionnelle avec « un saint vivant », se sont sentis obligés de s’accrocher à une vocation qu’ils n’avaient pas. Or, ce genre de procédé a un nom : escroquerie. Des vies entières ont été affectées, voire ruinées à cause de cela. Que fait la Légion avec cette partie peu glorieuse de son histoire ? A-t-elle l’intention de demander pardon à tous ceux qui se sont fait tromper par les fausses lettres du fondateur de la Légion du Christ ? Garde-t-elle toutes ces lettres sous le coude, dans l’espoir, d’ici quelques années, de les transmettre aux prochaines générations en bricolant quelques pieuses justifications ? Quant aux prêtres qui ont collaboré à cette grave imposture, ont-ils reconnu leur faute ? La Légion du Christ condamne-t-elle aujourd’hui ce genre de pratiques ?

A la lecture des premières interviews données par le nouveau directeur général de la Légion, le père Robles Gil, il n’est pas difficile de percevoir que celui-ci reste encore très nostalgique du fondateur : « Ce que nous connaissions (du père Maciel), c’était un homme qui nous apprenait à aimer le Pape, l’Eglise, à vivre en se donnant aux autres, à chercher la sainteté dans l’identification avec le Christ » a-t-il affirmé récemment au journal espagnol l’ABC.

Qu’en est-il du travail de vérité sur l’histoire du fondateur ?

Les pères capitulaires ont reconnu les principaux délits, mais sans aller trop loin dans les détails. En statuant « de manière définitive », ils ont décidé que le débat historique était clos. Rien de neuf, en fait, puisque le Cardinal Velasio de Paolis avait déjà sommé les légionnaires de stopper toute investigation sur le père Maciel, au motif qu’ « il ne nous appartient pas de le juger ».

Tout semble indiquer que les légionnaires sont sur le point d’établir une version de leur histoire de la congrégation… qui corresponde à ce qui les arrange :*

  • Une histoire light, c’est-à-dire dans laquelle tous les éléments trop gênants seront élagués. (Ces éléments seront supprimés sous différents prétextes : « Ces faits ne sont pas assez documentés » ; « ils sont sujets à controverses » ; « il y a sans doute eu des exagérations », « après tout, à quoi bon remuer la merde ? », « où est la vérité ? Où est le mensonge ? On ne saura jamais, alors dans le doute, oublions tout ça », etc…)
  • Une histoire qui circonscrit tout le mal au seul fondateur (Le veau d’or devient le bouc émissaire…).
  • Une histoire qui ré-attribue les succès de la Légion à d’autres légionnaires, afin de donner une nouvelle légitimité à tous les apostolats de la Légion…

Nous demandions aux pères capitulaires (voir plus haut) si la Légion continuait à célébrer le jour de sa fondation le 3 janvier, sachant que l’on a de sérieuses raisons de penser que cette date ne correspond en fait à rien… Les pères capitulaires n’ont pas apporté de réponses à cette question, mais ils ont répondu malgré eux, puisque le 3 janvier 2014, quelques jours avant le début des travaux, il ont célébré ensemble de façon très officielle la fondation de la Légion. (sic)

En ce qui concerne les lettres du fondateur, le retour en arrière a déjà commencé. Voici ce que déclarait récemment le père Robles Gil, selon une information obtenue par des anciens légionnaires mexicains :

« La spiritualité se trouve dans le cœur de chacun de nous. Pas plus fragile que quand elle est écrite sur du papier. Vous vous souvenez de ce que nous disait le père Arumi : “et si, pour quelques raisons que se soient, on brûlait toutes les Constitutions et toute la spiritualité…”. Chacun de nous, s’il le veut, peut utiliser les sources traditionnelles de la spiritualité pour sa vie spirituelle, parce que la doctrine est solide et bonne. Cependant, l’utiliser à l’extérieur provoque une confusion pour les personnes qui l’écoutent » (Eduardo Robles Gil, le 9 mars 2014, dans la salle de conférence du Cumbres, à Mexico)

Le père Robles Gil semble avoir résolument décidé d’adopter un double discours et d’encourager l’hypocrisie. Nulle doute que cela aidera les futurs légionnaires à devenir des défenseurs de la justice et de la vérité, comme l’Église l’attend de ses prêtres !

Enfin, concernant les réseaux de complicité du père Maciel, c’est un monumental coup d’éponge. Voici ce que répondait le père Robles Gil, le 1er mars 2014, dans une interview pour le journal El Pais :

Aujourd’hui, il n’y a plus de complices dans la congrégation ?

R. Une chose est de cacher, autre chose est d’être complice : Tu es mon ami et je sais que tu as fait quelque chose de mal, alors je ne te dénonce pas. Ce n’est pas pareil que de faire tout mon possible pour te protéger. En ce qui me concerne, je crois fermement que ni le père Alvaro, ni le père Luis Garza, ni le père Evaristo Sada n’ont su quoi que ce soit jusqu’en 2006. Il est possible qu’un secrétaire particulier ait su quelque chose… Mais je ne pense pas qu’il y ait eu des personnes au courant de toute la vérité. Peut-être que quelqu’un a su qu’il avait une fille, mais il ne l’a pas dit. Ou peut-être que certains savaient qu’il prenait beaucoup d’analgésiques (…) mais ils n’ont rien dit. Le rapport des Visiteurs, de 2010, dit que « ceux qui étaient au courant de quelque chose ont pensé qu’ils ne devaient pas le dire à cause de tout bien qui était en train d’être fait à côté. » De fait, aujourd’hui, nous savons que ce n’était pas le plus correct… mais nous savons aussi que le simple fait de savoir ces choses a pu être source de beaucoup de souffrances. Cela a fait du mal aux légionnaires, et cela a provoqué un scandale au point que vous m’avez demandé si le mal que nous faisons n’est pas pire que le bien que nous faisons…

Inutile donc de faire des enquêtes pour déterminer le degré de responsabilité des membres de l’entourage du père Maciel (même pas ceux qui ont organisé les attaques infâmes contre les victimes, utilisant tous les moyens : chantage, menaces, fausses accusations, etc.) : le père Robles Gil, qui a la science infuse, sait que tous les anciens collaborateurs du père Maciel sont innocents !

* Extrait d’un article de l’agence de presse Notimex, publié le 4 mars 2014 : (Le père Robles Gil) a affirmé qu’une histoire authentique de la Légion du Christ allait bientôt être écrite, parce que jusqu’à présent les livres existant rapportent des faits et des dates vraies, mais qui attribuent de nombreuses œuvres de la congrégation au fondateur quand en réalité les résultats positifs ont été obtenus par d’autres personnes. A cause de cela, les légionnaires sont en train d’établir « noir sur blanc » une chronologie pour qu’ensuite « quelqu’un d’autre » puisse reconstruire l’histoire. Il a également reconnu que de nombreux récits faits par le père Maciel étaient exagérés ou déformés, ce qui rend la reconstruction actuelle assez peu crédible. « Mais quelle partie a-t-il imaginé… ça, nous ne pouvons pas le savoir » a-t-il insisté.

Le « problème » des victimes du Père Maciel [1]

Le père Heereman a affirmé que « quelques personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la Congrégation, qui ont été victimes du Père Maciel, n’ont pas souhaité entrer en contact avec la Commission de recours. Naturellement, la Commission a respecté cette décision personnelle et n’a pas insisté. »

Nous voudrions affirmer une nouvelle fois notre consternation devant la méthode élaborée par la Congrégation pour traiter le « problème » des victimes. Devant les menaces et les accusations monstrueuses que des Légionnaires ont répandues sur les victimes du père Maciel, la moindre des choses aurait été d’aller à leur rencontre à genoux pour leur demander pardon, et d’anticiper l’acte de réparation avec générosité en s’appuyant sur les nombreux témoignages, dépositions et livres déjà écrits sur la question, comme on peut l’attendre de la part d’une congrégation religieuse se référant en permanence à l’Évangile du Christ.

Beaucoup de victimes n’ont simplement pas supporté l’idée de devoir passer encore une fois devant un tribunal composé en partie de Légionnaires. Cette méthodologie, fruit de calculs mesquins et anti-évangéliques, était manifestement pensée comme un moyen ultime de dissuasion. Et il a fonctionné : beaucoup ont préféré renoncer à une quelconque indemnisation plutôt que de devoir subir encore une ultime humiliation.

La relecture que fait le père Heereman, en rejetant subtilement la responsabilité sur les victimes, est donc erronée. Et, encore une fois, insultante. Les finances de la Légion auront peut-être été ainsi protégées, mais de bien indigne façon.

Le père Robles Gil a fait partie de la fameuse commission des recours. La Légion a immédiatement mis en avant que leur nouveau chef avait « entendu les victimes »… Mais à la lumière de ce qu’on sait sur la vraie finalité de cette commission (Faire le tri entre les victimes pour préserver les finances de la congrégation, tout en sauvant les apparences)… nous pensons au contraire que c’est un signe très inquiétant, qui révèle surtout une profonde perversion du sens moral.

L’intervention du père Andreas Schöggl, directeur territorial de la Légion du Christ pour une partie de l’Europe, sur le plateau de télévision de KTO va dans le même sens. Celui-ci affirme que : « la souffrance d’une victime est très grande. Ce n’est pas possible de la quitter avec des paroles. C’est Dieu, la grâce de Dieu, le temps… et le soin personnel quand on cherche à les rencontrer… ». Manière de déplacer le problème, encore une fois, sur les victimes qui doivent “apprendre à pardonner” (et surtout : arrêter de chercher la justice).

En fait, le père Andreas se trompe : la grâce de Dieu n’a rien à voir au problème. Gratia non tollet naturam… C’est la justice et la vérité qui peuvent soulager une victime. Or, pour l’heure, on en est encore bien loin. Sur les 20 victimes qui se sont présentées devant la commission, seules 7 ont eu le droit à une indemnisation… Et le montant de cette indemnisation était en soi injurieux (entre 10’000 et 20’000 euros). Des cacahouètes, pour des gens qui ont subi des abus sexuels et des tortures psychologiques d’une violence extrême pendant 10 ou 20 ans ; et qui ont du se battre pendant 20 autres années, subissant toutes sortes de menaces, d’intimidations et d’injures, pour faire advenir la vérité.

La Légion du Christ face aux abus sexuels

Outre les abus sexuels perpétrés par le Père Maciel, il y a d’autres cas d’abus sexuels dans la Légion. Dans le même courrier déjà cité, le Père Heereman fait le point sur la situation des abus perpétrés dans la Légion du Christ. Des analyses effectuées par d’anciens Légionnaires et anciennes Consacrées, sur de nombreux sites internet, ont montré que les chiffres avancés sont faux ou biaisés. Nous savons du reste que la Légion, dans toutes ces affaires, n’agit que sous la pression des médias et sous la peur du scandale. Rarement, hélas, par un désir spontané et sincère de lutter contre les abus sexuels.

Notre analyse n’est donc pas la même, et nous dénonçons la pratique de la Légion du Christ, faisant d’un côté de beaux discours, mais, de l’autre, cherchant systématiquement et de façon compulsive à protéger d’abord ses intérêts, quitte à étouffer les scandales et à faire obstruction à la Justice.

L’affaire des deux séries d’abus sexuels perpétrés en 2005 au petit séminaire de Méry-sur-Marne en est une excellente illustration, puisque la méthode adoptée par la congrégation a consisté à étouffer le scandale, à faire pression sur les familles pour les empêcher de porter plainte et à déplacer les religieux (l’un de ces religieux a d’ailleurs été directement envoyé pour travailler dans une autre école de la Congrégation, au Mexique !).

Certaines familles affirment notamment que le Père Hector Guerra, Directeur Territorial, aurait empêché le Père Bruce Wren, recteur de l’école apostolique, d’envoyer une lettre aux parents, trop compromettante ; et aurait essayé, par différents moyens, de les empêcher d’attaquer la Congrégation.

Quelques années plus tard, grâce au courage des victimes, un procès a eu lieu, malgré tout. La Légion est intervenue dans le procès et, à la stupeur générale des victimes qui n’avaient pas osé inclure la Congrégation dans la plainte, elle s’est portée partie civile. Le Père Thomas Brenti, représentant la Légion du Christ, a soutenu devant la cour de Justice que « jusqu’en 2007, la Congrégation ignorait que de tels agissements relevaient de la Justice ».

C’est grave… à tous les niveaux :

  • au niveau de la morale simplement humaine : le Code pénal existe précisément pour protéger les personnes contre les malfaisances,
  • au niveau ecclésial : comment une Congrégation religieuse peut-elle ignorer la publication par les Évêques de France, en 2003, de la brochure « Lutter contre la pédophilie », pourtant largement diffusée et analysée ?

Comment expliquer que le Père Hector Guerra, qui avait déjà étouffé d’autres abus quelques années auparavant à l’école apostolique d’Ontaneda, soit aujourd’hui responsable de la session de formation pour les cadres dirigeants de séminaires ?

D’autre part, comment expliquer l’attitude de la congrégation, qui, d’un côté, continue à trouver des excuses à son fondateur… mais de l’autre, s’acharne contre ses anciens membres coupables d’abus sexuels, en jouant à la victime devant les tribunaux ? Que signifie cette hypocrisie ?

Tout cela nous amène à poser une douloureuse question : la Légion du Christ, à trop vouloir proposer un modèle de formation angélique et une discipline religieuse aseptisée et dépersonnalisante, ne fragilise-t-elle pas ses membres dans leur dimension affective ? C’est sans doute une analyse difficile à entendre par une Congrégation persuadée d’avoir un système de formation au-delà de tout soupçon, mais elle est pourtant corroborée par de nombreux témoignages d’anciens membres de la Légion. « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange, fait la bête », dit Pascal. A quoi servent les milliers de normes destinées à empêcher des religieux de commettre des abus sexuels, si tout le mécanisme de la Légion génère naturellement des frustrations affectives et des déséquilibres psychologiques ?

Le 25 février 2014, le père Robles Gil a accordé une interview à la journaliste Irene Savio, pour le journal mexicain La Reforma. Le nouveau directeur général de la Légion en a profité pour critiquer vertement certaines associations :

Certaines associations de victimes et d’anciens légionnaires vous accusent de continuer à dissimuler…

Père Robles Gil : Il y a une chose que ces gens doivent apprendre : c’est la présomption d’innocence. Le fait que l’enquête soit réalisée dans le silence ne signifie pas qu’il y ait dissimulation. D’après les codes de conduite et les législations de pratiquement tous les pays, s’il y a une plainte pour abus sur un mineur, il faut prévenir les autorités civiles.

Il faut que le père Robles Gil apprenne à ne pas confondre la présomption d’innocence avec la prétention d’innocence. Il faudra notamment qu’il nous explique pourquoi la Légion n’agit que lorsqu’elle se sait menacée d’un scandale publique ? Il faudra qu’il nous explique pourquoi la Légion a tout fait pour empêcher des familles françaises de porter plainte contre la Légion lors des deux affaires de pédophilie à Méry-sur-Marne ? Faire obstruction à la justice d’un pays… cela appartient-il à ce qu’il nomme « la présomption d’innocence » ?

Le commentaire lapidaire du père Robles Gil est particulièrement répugnant quand on pense que c’est grâce au travail de ces mêmes associations que plusieurs prédateurs sexuels ont pu être mis hors d’état de nuire, et qu’ainsi, des dizaines, voire des centaines de vies ont sans doute été épargnées.

Un petit mot de reconnaissance à leur égard ne lui est pas venu à l’esprit. C’est dommage… et très choquant.

Voici un extrait de l’interview réalisée par Andrés Beltramo Alvarez, pour le journal Vatican Instider (lastampa.it) le 3 mars 2014 :

Quelle garantie offrez-vous pour qu’il n’y ait plus d’abus sexuels dans la congrégation ?

Père Robles Gil : Nous travaillons sur différents domaines. D’une part, dans la sélection des candidats au sacerdoce, avec un chemin de formation qui permette d’être sûrs que les personnes qui arriveront à être ordonnées soient des personnes dignes. Et puis, on demandera des comptes, et cela signifie que personne ne pourra échapper au contrôle. Nous devons signer des documents dans lesquels nous déclarons connaître les conséquences des abus. Il y a codes de conduite pour empêcher tout ce qu’il est possible d’empêcher. Mais il reste la liberté humaine, on ne peut pas empêcher les hommes de faire du mal. Nous affirmons catégoriquement que nous ne laisserons rien passer.

On reste perplexe devant cette réponse, car en fait les propositions du père Robles Gil ne sont pas nouvelles. Pourquoi seraient-elles efficaces aujourd’hui alors qu’elles ne l’ont pas été hier ? Comment concilier la « sélection des candidats » avec les techniques de recrutement de la Légion ? Le père Robles Gil croit-il sérieusement qu’on puisse détecter des déviances sexuelles chez un jeune garçon de 12 ans qui entre dans l’un des petits séminaires de la congrégation ?

Aux yeux du père Robles Gil, le système légionnaire n’a rien à se reprocher. Impossible pour lui d’imaginer qu’un univers coercitif, aseptisé, dépersonnalisé et asexualisé produit naturellement des frustrations sexuelles. Ce serait une remise en cause fondamentale de ce qui fait le cœur de la Légion… Tout ce qu’il peut proposer pour lutter contre les abus sexuels relève de la répression (contrôle, menaces, etc).

Déroulement de la visite apostolique

En France, lors de la visite apostolique, des anciens Légionnaires du Christ, ainsi que des familles et des anciennes Consacrées, ont voulu rencontrer le Visiteur Apostolique, Mgr Blazquez, mais n’ont jamais été reçus. Comment expliquer une telle chose ?

Chose étonnante : une ancienne Consacrée avait demandé au directeur territorial de l’époque, le Père Jacobo Muñoz, de la prévenir lorsque le visiteur serait en France. Ce dernier a accepté, et pourtant, quelques semaines plus tard, lorsque Mgr Blazquez est arrivé à Paris, le Père Jacobo a malencontreusement « oublié » d’honorer sa promesse ! Ce qui est vraiment étrange, car la Légion n’a pas oublié d’inviter d’autres familles pour rencontrer l’évêque chargé de l’enquête… des familles moins « dérangeantes », bien sûr, pour la Congrégation. Cela est-il normal ? Dans quel Évangile le Christ nous invite-t-il à mentir et à manipuler les autorités de l’Église ?

Allons jusqu’au fond du problème : nous savons que le père Maciel a toujours réussi à échapper à toute justice grâce au talent extraordinaire des Légionnaires à défendre aveuglément leur fondateur, quitte à mentir aux émissaires du Vatican. C’est en mentant au Vatican que la Légion du Christ a toujours réussi à protéger son fondateur de triste mémoire [2]. La Légion a-t-elle essayé de manipuler la visite apostolique ? Aurait-elle osé induire le Pape Benoît dans l’erreur pour se protéger ? Comment, sinon, expliquer le parti-pris des enquêteurs en faveur la Légion et leur peu d’attention à l’égard des anciens membres de la Congrégation ?

Aujourd’hui, les légionnaires affirment ouvertement que si leur congrégation n’a pas été dissoute purement et simplement, c’est grâce à l’intervention du pape Benoît XVI. Les légionnaires reprennent en fait ici une vieille technique de défense héritée de leur fondateur, qui consiste à « utiliser » la figure du Pape pour se protéger. Pendant des années, Jean-Paul II a ainsi servi de bouclier humain aux légionnaires : si vous critiquiez quoi que ce soit sur la Légion, « c’est que vous étiez contre Jean-Paul II ». Aujourd’hui, c’est au tour de Benoît XVI de servir de bouclier : « Si vous n’êtes pas d’accord avec le fait qu’on existe encore, allez vous plaindre auprès de Benoît XVI ».

Position de la Légion à l’égard de ceux qui la critiquent

De nombreux anciens Légionnaires affirment avoir subi des menaces et des attaques parfois assez violentes lorsqu’ils ont voulu dénoncer certaines dérives.

Ainsi, quand Xavier Léger, l’un des signataires de cette lettre, a voulu faire part de ses problèmes de conscience aux autorités de l’Église, en 2008, il a reçu très rapidement des messages menaçants de la part de la Légion et de membres du Regnum Christi. Un supérieur de la Congrégation a même essayé de l’intimider et de le dissuader de continuer dans la voie du sacerdoce. Quand il a commencé à parler publiquement, il a reçu des intimidations en tout genre (insultes, menaces, appels malveillants jusqu’au milieu de la nuit, inscription sur des sites de rencontre avec des profils de pervers, et à des dizaines de newsletters pornographiques). Comment expliquer de telles provocations ? A-t-on procédé à une enquête interne ? Pourquoi la Légion ne lui a-t-elle jamais présenté d’excuses officielles ?

Certains légionnaires (notamment le Père Xavier Carné) continuent à répandre des calomnies à son égard. Quelle position la Légion adopte-t-elle sur ces comportements ? Que fait la Congrégation de ce prêtre qui, par ailleurs, explique encore aujourd’hui que les accusations portées contre le Père Maciel sont fausses et calomnieuses ?

Que fait la Légion pour écouter la voix de ceux qui la contredisent, ou affirment même avoir été trompés, abusés ou escroqués par elle ? Se contente-t-elle de crier au complot… ou bien les écoute-t-elle pour se remettre en cause, et leur rendre justice ?

Autre affaire douloureuse : en 2007/2008, la Légion du Christ a attaqué en justice un de ses anciens membres, Paul Lennon, l’accusant d’avoir diffusé des documents internes à la Congrégation. La Légion s’était offert les services d’un gros cabinet d’avocats alors que l’ancien Légionnaire, qui avait passé presque 30 ans dans la Légion et peinait à survivre, a dû se battre avec ses maigres économies pour se défendre. Que dire d’un tel procès ? Si la Légion s’est véritablement amendée, a-t-elle reconnu avoir attaqué injustement l’association ReGAIN ? Pourquoi n’a-t-elle pas encore présenté des excuses officielles à Paul Lennon, qu’elle a essayé de détruire et de ruiner ? Quel était le sens de ce procès ? La Légion cherchait-elle à dissuader ceux qui voudraient dévoiler la vérité sur la double vie du Père Maciel ? Pourquoi n’a-t-elle pas reconnu avoir commis une terrible faute et ne l’a-t-elle pas indemnisé ? Pourquoi ne l’a-t-elle jamais remercié, lui qui travaille depuis tant d’années pour faire advenir la justice et la vérité sur les affaires criminelles qui ont empoisonné l’histoire de la Légion du Christ… et continue à lui offrir un silence des plus méprisant ?

Le fait que les pères capitulaires n’aient pas répondu à nos deux courriers est déjà en soi une réponse éloquente.

Nous savons que notre discours gêne terriblement, car nous remettons en cause tout un système bâti sur une idéologie prométhéenne : Avoir prise sur le salut a toujours été la tentation la plus subtile et la plus ravageuse de toute démarche religieuse. Incapable de se remettre sérieusement en cause, les supérieurs de la Légion n’ont pas essayé de venir à notre rencontre une seule fois pendant les trois années qu’a duré le processus de rénovation. En revanche, ils ont – comme nous l’expliquions plus haut – pris soin de nous empêcher d’intervenir dans l’enquête menée par le Vatican… Ce qui pose d’ailleurs un doute certain sur l’objectivité et la validité de cette enquête.

Et puis, deux semaines avant le début du Chapitre Général, le Vicaire Général de la Légion s’est adressé aux anciens légionnaires du Christ, affirmant que les membres de la congrégation continuaient à nous considérer « comme des frères dans le cœur de Jésus-Christ »… (sic)

Curieusement, aucun des membres de notre collectif n’a reçu cette lettre, et c’est finalement grâce aux liens d’amitié (réels, ceux-là) qui existent entre les anciens légionnaires que cette lettre nous est parvenue du Mexique.

Les ficelles étaient assez grosses : il fallait pouvoir donner l’impression qu’un dialogue avait été établi avec les anciens légionnaires, sans laisser le temps à ces derniers de répondre sérieusement. En nous envoyant cette lettre quelques jours avant le début du chapitre, et pendant les fêtes de fin d’année, le père Heeremann a montré une fois de plus à quelle genre de mesquineries il était prêt à s’abaisser.

Recrutement, discernement et rythme de vie à la Légion du Christ

La Légion continue-t-elle d’envoyer des « recruteurs vocationnels » avec du chiffre à faire ? Doivent-ils encore inscrire sur des tableaux leurs « objectifs vocationnels » ? Ont-ils des comptes à rendre à leurs Supérieurs ? La Légion continue-t-elle à faire des « réunions d’apostolat » au cours desquels chaque « recruteur vocationnel » doit annoncer ses « chiffres » devant les autres recruteurs ? Que dit la Légion sur de telles pratiques dont elle a usé pendant des années ? Justifie-t-elle une culture du résultat à n’importe quel prix ?

De nombreux anciens Légionnaires affirment avoir été manipulés lors de leur recrutement : mensonge, chantage affectif, demi-vérités. Ainsi, comme dans une secte, beaucoup de membres seraient entrés par le passé dans la Légion à cause de « publicité mensongère ». Que répond la Légion à une telle accusation ? Que propose-t-elle pour éviter les déconvenues ?

Parmi les anciens Légionnaires, certains disent que la Légion était tellement avide de « faire du chiffre » qu’on les a pressés à entrer trop vite, avant qu’ils aient obtenu leurs diplômes professionnels, indispensables pour une éventuelle ré-intégration dans le monde du travail. D’autres disent que la formation légionnaire ferme beaucoup de portes : notamment toutes les voies scientifiques, les écoles d’ingénieurs, les études de commerce… Certains accusent la formation légionnaire d’être inadaptée aux exigences du monde de l’entreprise. La Légion a-t-elle le droit de détruire les carrières professionnelles de celles et ceux qui comprennent que leur vocation n’est pas dans la Légion ou le Regnum Christi ?

De nombreux témoignages d’anciens parlent d’une mise en scène destinée à créer autour de la décision de quitter la Congrégation un sentiment de honte, de culpabilité extrêmement violent : ceux qui quittent la Congrégation n’ont pas le droit de saluer leurs compagnons et doivent partir sans dire au revoir, un jour où la communauté est absente. Les Légionnaires n’ont pas le droit de parler entre eux de ceux qui ont quitté la Congrégation, et cela génère une atmosphère délétère. Est-ce que de telles ont encore cours dans la Congrégation ?

Du reste, de nombreux témoignages affirment que la spiritualité elle-même est extrêmement culpabilisante et vise clairement à influencer les décisions des religieux, spécialement les plus jeunes.

Le simple fait de recevoir la soutane quelques jours à peine après l’entrée au noviciat pose question : n’y a-t-il pas une volonté d’empêcher les jeunes de penser librement à une autre vocation ? Quelles réformes la Légion a-t-elle entreprise pour que les candidats à la Légion du Christ ne se sentent pas contraints dans leur discernement ?

Beaucoup d’anciens Légionnaires accusent la Légion du Christ d’avoir un rythme de vie effréné. Les Légionnaires ont-ils aujourd’hui la possibilité de penser hors du cadre légionnaire ? Ont-ils du temps pour eux ? Peuvent-ils faire des retraites dans des centres n’appartenant pas à la Congrégation ?

Les grands changements espérés laissent place à un sentiment de désillusion, voire de trahison. D’après les différents échos que nous recevons ici et là, la Légion continue bel et bien à entretenir la « culture du chiffre » héritée de son fondateur et à exercer une pression psychologique sur les religieux pour les dissuader de quitter la congrégation. Le père Gil, dans une interview pour le journal La Reforma a même qualifié les nombreux départs de légionnaires d’« abandon » et de « tragédie ».

Bref, on voit bien que les évolutions sont d’ordre « cosmétique ». Lors de son intervention sur KTO, le père Schöggl a affirmé qu’aujourd’hui il pouvait exprimer son opinion librement. Cette déclaration contraste avec d’autres commentaires qui affirment qu’au contraire, les mécanismes de marginalisation des opinions dissidentes sont encore à l’œuvre. L’affaire tonitruante de la sortie du père Déomar de Guides quelques semaines avant le début du Chapitre ou l’histoire effrayante de l’exclusion et des calomnies proférées par la Légion à l’égard du père Pablo Guajardo en sont des exemples éloquents.

Captation d’héritages

L’Évangile de saint Luc raconte l’histoire d’un collecteur d’impôts, Zachée, qui se repent de ses péchés grâce à une rencontre salutaire avec Jésus. Ce passage de l’Évangile nous enseigne qu’un vrai repentir s’accompagne d’actes de justice.

Nous savons tous qu’une partie de la fortune de la Légion du Christ a été accumulée de façon malhonnête, en soutirant les héritages de personnes riches, influençables et vulnérables. La Légion peut-elle affirmer s’être repentie de son triste passé si elle ne restitue pas les fortunes immenses qu’elle a su capter aux descendants ou aux héritiers légaux de ces personnes ? Nous pensons notamment à la fille de Flora Barragan, au Mexique, au fils de Mr Chu et à la famille de Mrs Mee, aux USA, entre autres.

Sans surprise, la Légion reste officiellement dans le déni, et affirme qu’elle n’a rien à se reprocher dans l’acquisition de ces héritages.

D’après un article de l’Associated Press, un juge fédéral de Rhode Island a donné son accord pour que l’affaire de M. Chu soit traitée, malgré tous les efforts de la Légion pour enterrer ce dossier. Le procès va donc bientôt avoir lieu.

Influence de la Légion dans les médias

La Légion du Christ possède l’agence de presse Zénit, fondée par un ancien Légionnaire, Jésus Colina, qui a quitté l’agence il y a deux ans, prétendant que les Supérieurs de la Légion lui avaient délibérément menti pendant des années. Quelle réponse à ces accusations ?

Des anciens Légionnaires affirment que le livre d’interviews Ma vie, c’est le Christ, a été entièrement écrit par les sous-fifres du Père Maciel : c’est-à-dire que ni le Père Maciel, ni Jésus Colina n’y auraient participé, ce qui est un comble. A-t-on répondu à cette accusation ? Pourquoi la Légion n’a-t-elle pas reconnu l’imposture ?

Revenons à Zénit : ce média sert-il l’Église ou bien la Légion ? Un tel instrument d’information, dans les mains d’une Congrégation religieuse, c’est une responsabilité considérable. Or, il apparaît que Zénit a été notamment un instrument précieux pour protéger le Père Maciel, puisque Zénit a toujours occulté, ou minimisé les informations négatives concernant le fondateur de la Légion.

Autre fait plus d’actualité : il y a quelques semaines, Mgr Pontier, archevêque de Marseille, et président de la Conférence des évêques de France, a adressé une lettre de soutien aux victimes de dérives sectaires dans l’Église. C’est une nouvelle importante, qui est un fait d’actualité ecclésiale. Mais Zénit n’en a bien sûr pas parlé… La Légion sert-elle donc l’Église ou bien ses intérêts personnels ? Accepte-elle de transmettre des informations, même quand ces informations sont douloureuses et la remettent en cause ?

Sur ce point, rien de nouveau. Hélas.

[1Cette malheureuse expression, employée par le cardinal Velasio de Paolis, lors d’une conférence le 27 février 2012, en dit long sur l’état d’esprit et l’ouverture de la Légion du Christ à l’égard des victimes du Père Maciel.

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